ARCHIVÉ - Thimérosal : nouvelle déclaration

 

Relevé des maladies transmissibles au Canada

Relevé des maladies transmissibles au Canada
Volume 33 • DCC-6
le 1er juillet 2007

Une déclaration d'un comité consultatif (DCC)

Comité consultatif national de l'immunisation (CCNI)†,††

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Préamble

Le Comité consultatif national de l'immunisation (CCNI) offre constamment à l'Agence de la santé publique du Canada des conseils à jour liés à l'immunisation dans le domaine de la médecine, des sciences et de la santé publique. L'Agence de santé publique du Canada reconnaît que les conseils et les recommandations figurant dans la présente déclaration reposent sur les connaissances scientifiques les plus récentes et diffuse le document à des fins d'information. Les personnes qui administrent les vaccins devraient également connaître le contenu des monographies de produit pertinentes. Les recommandations d'utilisation et les autres renseignements qui figurent dans le présent document peuvent différer du contenu des monographies de produit établies par les fabricants de vaccins au Canada. Les fabricants ont fait approuver les vaccins et démontré leur innocuité et leur efficacité uniquement lorsqu'ils sont utilisés conformément à la monographie de produit. Les membres du CCNI et les agents de liaison doivent se conformer à la politique de l'Agence de santé publique du Canada régissant les conflits d'intérêts, notamment déclarer chaque année les conflits d'intérêts possibles.

Introduction

En 2003, le Comité consultatif national de l'immunisation (CCNI) a publié des recommandations sur l'utilisation des vaccins homologués au Canada qui contiennent du thimérosal, un agent de conservation à base de mercure, afin que les praticiens aient l'information nécessaire pour faire de bonnes recommandations à leurs patients en matière de vaccination et que les fabricants de vaccins soient mieux orientés pour la mise au point future de vaccins destinés au marché canadien(1). La déclaration contenait également des recommandations sur la prise en charge des patients qui avaient besoin de vaccins contenant du thimérosal mais qui avaient déjà eu des réactions d'hypersensibilité à ce composant.

Après avoir obtenu des données supplémentaires au sujet de l'innocuité du thimérosal utilisé en tant qu'agent de conservation dans les vaccins, le CCNI avait publié une brève déclaration pour modifier ses recommandations en décembre 2005(2), en concomitance avec la campagne annuelle de vaccination antigrippale, et s'était engagé à présenter ultérieurement une déclaration entièrement revue. Le présent document remplace les déclarations de 2003 et de 2005; il renferme de nouvelles données, ainsi que les éléments d'information des déclarations de 2003 et de 2005 qui sont toujours actuels.

Renseignements généraux
Propriétés chimiques du thimérosal

Le thimérosal est un composé organomercuriel efficace comme agent de conservation. Il est utilisé dans certains vaccins et dans des produits pharmaceutiques et autres produits de consommation, comme les cosmétiques. Son emploi à titre d'agent antibactérien et antifongique pour ces produits remonte aux années 30. Il peut être utilisé dans la fabrication de vaccins pour inactiver les organismes, ou être ajouté à ces produits comme agent de conservation afin de prévenir leur contamination après la fabrication, en particulier dans le cas des flacons multidoses.

Le thimérosal se dissocie en éthylmercure (CH3CH2Hg+2) et en thiosalicylate. Il renferme 49,6 % de mercure en poids. La concentration de thimérosal que l'on trouve dans la préparation finale des vaccins est faible; elle se mesure en microgrammes (µg), soit un millionième de gramme. Lorsqu'un sujet reçoit un vaccin renfermant du thimérosal, la concentration résultante d'éthylmercure métabolisé est encore plus faible, car le produit est dilué dans l'organisme.

Effets du mercure sur la santé

En grande concentration ou lorsque l'exposition est prolongée, le mercure a des effets neurotoxiques connus, principalement dans sa forme organique, soit le méthylmercure. Il a également des effets néphrotoxiques dans sa forme inorganique, c'est-à-dire lorsqu'il est combiné à du chlore, du soufre ou de l'oxygène pour former des sels de mercure(3). Presque tous les travaux de recherche sur la toxicité du mercure ont porté sur le méthylmercure, car il s'agit d'un contaminant environnemental important, en particulier dans l'industrie des pâtes et papiers. Au Canada, la principale inquiétude est liée à l'exposition au méthylmercure provenant de l'ingestion de poisson renfermant de fortes concentrations de la neurotoxine, particulièrement dans les communautés du Nord vivant à proximité d'usines de pâtes et papiers. Dans ces communautés, le poisson est une source d'inquiétude, car si le poisson contaminé fait partie de l'alimentation de base, il peut entraîner la consommation de grandes quantités de mercure.

En revanche, on en sait très peu sur le métabolisme de l'éthylmercure chez l'humain : A-t-il des effets neurotoxiques aussi puissants? Sa concentration dans le sang peut-elle devenir élevée? Traverse-t-il la barrière hématoencéphalique? On croit que la plus grande partie de l'éthylmercure dérivé du thimérosal est rapidement excrétée dans les selles. Le risque peut être décrit, au pire, comme théorique. Bien que les valeurs observées dans le cadre d'une certaine étude(4) aient été peu élevées, elles indiquent que la demi-vie sérique de l'éthylmercure chez les nourrissons ayant reçu des vaccins contenant du thimérosal était plus courte que ce qu'avaient laissé penser les travaux sur le méthylmercure et qu'elle ne semblait pas faire augmenter les concentrations sanguines en mercure au-dessus des valeurs admissibles. Dans une étude(5) plus récente, on a utilisé de jeunes singes pour comparer, de façon limitée, le profil pharmacocinétique de l'éthylmercure après une exposition à des vaccins contenant du thimérosal et celui du méthylmercure après une administration par voie nasogastrique. Chaque groupe était constitué de 17 animaux; l'exposition commençait le jour de la naissance des animaux et était répétée aux jours 7, 14 et 21. L'absorption et la distribution initiale des deux composés du mercure étaient semblables. Cependant, l'élimination de l'éthylmercure était plus rapide que celle du méthylmercure (demi-vie de 8,6 jours contre 21,5 jours). Il n'y avait par ailleurs pas d'accumulation d'éthylmercure entre les doses, contrairement au méthylmercure, et l'on mesurait de moins grandes concentrations de mercure dans le cerveau après l'administration d'éthylmercure. Les conclusions les plus justes que l'on puisse tirer de ces études de pharmacocinétique sont que le méthylmercure et l'éthylmercure subissent des transformations très différentes dans l'organisme et que l'on ne peut simplement extrapoler à l'éthylmercure les limites de sécurité s'appliquant au méthylmercure.

Les effets néfastes pour la santé de l'exposition au mercure à fortes doses ont fait l'objet de solides études. En outre, on dispose de données sur des épisodes d'intoxication aiguë accidentelle par de très fortes doses de thimérosal et des médicaments mal préparés contenant du thimérosal. Toutefois, la quantité de thimérosal contenue dans les vaccins est faible, et aucune étude n'a permis de relever d'effets secondaires outre les réactions d'hypersensibilité décrites dans la section suivante.

Il est plus facile de retirer le thimérosal des vaccins offerts en flacons monodose afin de réduire l'exposition à des concentrations de mercure, même petites, que de réduire les expositions d'origine alimentaire ou environnementale. Le CCNI appuie toujours l'objectif à long terme voulant que l'on retire le thimérosal des vaccins lorsqu'il existe des moyens sûrs de préserver la stérilité des flacons multidoses, car il s'agit d'un moyen réalisable de réduire l'exposition environnementale totale au mercure.

Réactions d'hypersensibilité

L'exposition à de faibles doses de thimérosal a été associée à des réactions d'hypersensibilité(6). On utilisait auparavant du thimérosal dans diverses préparations oculaires et solutions pour lentilles cornéennes. Il a cependant été démontré que le thimérosal provoquait une réaction d'hypersensibilité retardée entraînant une conjonctivite et une dermite de la paupière. On utilise également le thimérosal comme agent de conservation dans des vaccins, des antitoxines, des médicaments administrés par voie parentérale et des préparations antigéniques utilisées dans le cadre de tests allergiques. La plupart des réactions immunologiques néfastes au thimérosal contenu dans les vaccins ne concernent que de petits nombres de patients. On a signalé aussi bien des réactions d'hypersensibilité retardée (contact allergique) que des réactions d'hypersensibilité immédiate (médiées par les IgE). Le premier mécanisme est le plus courant des deux.

L'hypersensibilité retardée au thimérosal est habituellement diagnostiquée au moyen de tests épicutanés. Jusqu'à 16 % à 18 % des patients qui subissent des tests épicutanés de routine réagissent au thimérosal. On ne sait cependant pas dans quelle mesure cette sensibilisation au thimérosal est significative en l'absence d'une réactivité clinique. Les tests épicutanés sont généralement de mauvais prédicteurs de la probabilité d'une réaction à un vaccin contenant du thimérosal. La plupart des sujets présentant une hypersensibilité retardée avérée au thimérosal tolèrent les vaccins renfermant du thimérosal, sans réaction indésirable. Cependant, certains sujets peuvent avoir une réaction locale importante, présenter une dermatite généralisée retardée pouvant s'avérer de longue durée, ou encore voir s'exacerber une affection cutanée existante, comme une dermatite atopique.

On a signalé des réactions d'hypersensibilité immédiate, notamment des réactions anaphylactiques et des troubles des complexes immuns, relativement à certains produits contenant du thimérosal, mais il n'a pas été clairement établi que le thimérosal était l'agent responsable. Il n'a pas été démontré que l'administration de vaccins contenant du thimérosal pouvait entraîner une réaction anaphylactique, alors cette éventualité demeure un risque théorique.

Si l'on soupçonne une hypersensibilité au thimérosal chez un sujet donné, il faut déterminer la nature de la réaction d'hypersensibilité avant d'administrer tout vaccin contenant du thimérosal. Dans les cas où il n'y a pas d'antécédents d'hypersensibilité démontrés, on peut procéder à la vaccination sans prendre de telles précautions. Dans les cas où il y a des antécédents clairs de réaction anaphylactique au thimérosal, on ne doit pas administrer de vaccins contenant du thimérosal. Bien que de telles situations n'aient jamais été signalées, des antécédents d'érythème polymorphe, de syndrome de Stevens-Johnson ou de nécrolyse épidermique toxique résultant d'une exposition au thimérosal constitueraient une contre-indication absolue à toute exposition au thimérosal. Dans les cas d'hypersensibilité retardée démontrée au thimérosal, on peut procéder à la vaccination, mais il faut informer le patient du risque de réactions cutanées locale ou diffuse de longue durée.

Emploi du thimérosal comme agent de conservation

Comme tous les autres produits injectables, les vaccins devraient être exempts de contaminants microbiens accidentels. Pendant la fabrication, il faut prendre toutes les précautions nécessaires pour s'assurer que les vaccins sont stériles. Il n'est pas nécessaire que les flacons monodose de vaccins renferment un agent de conservation si la stérilisation a été efficace. Cependant, l'introduction répétée d'une aiguille dans les flacons multidoses peut entraîner une contamination bactérienne ou fongique si l'on n'utilise pas la bonne technique. Avant que l'ajout d'agents de conservation aux flacons multidoses utilisés à des fins d'immunisation ne soit systématique, la contamination microbienne fongique pouvait entraîner diverses maladies et affections, allant de l'abcès local à la septicémie. En 1928, lors d'une campagne d'immunisation contre la diphtérie, la contamination d'un flacon multidoses par des staphylocoques a provoqué une septicémie mortelle chez 12 enfants immunisés sur 42(7). Ce sont de telles situations qui ont mené à l'utilisation d'agents de conservation en général, et de thimérosal en particulier, pour prévenir les infections microbiennes et accroître ainsi l'innocuité des vaccins.

Des millions de vaccins contenant des agents de conservation comme le thimérosal ont été administrés depuis les années 30 sans que l'on n'ait observé d'effets secondaires courants. Par ailleurs, dans les cas où aucun vaccin exempt de thimérosal n'est disponible, il est nettement préférable d'administrer un vaccin contenant du thimérosal que de laisser une personne sensible contracter une maladie que le vaccin aurait pu éviter.

Concentration de thimérosal dans les vaccins utilisés au Canada

Les vaccins homologués au Canada se situent dans l'une des trois catégories suivantes :

  • vaccins exempts de thimérosal : il s'agit de préparations monodose dont la fabrication s'est faite sans aucune utilisation de thimérosal;
  • vaccins contenant des traces de thimérosal (< 1,0 µg/dose) : lorsque la substance a été utilisée lors de la production mais n'a pas été ajoutée au produit final en tant qu'agent de conservation;
  • vaccins contenant du thimérosal en tant qu'agent de conservation : il s'agit habituellement de vaccins offerts dans des flacons multidoses, dans lesquels on a ajouté du thimérosal en différentes concentrations de manière à prévenir la contamination par des agents infectieux dangereux; dans ces vaccins, la concentration de mercure varie de 2 à 50 µg par dose de 0,5 ml.

Le tableau 1 présente les vaccins actuellement homologués au Canada en fonction de leur teneur en thimérosal. La plupart des vaccins qui y figurent et qui contiennent du thimérosal en tant qu'agent de conservation ne sont pas utilisés à grande échelle, soit parce qu'ils ont été remplacés par des vaccins plus récents, soit parce qu'ils sont destinés à un usage très spécialisé (p. ex. le vaccin DT adsorbé). Certains de ces vaccins, comme les vaccins antigrippaux, font partie des programmes d'immunisation provinciaux-territoriaux. On trouvera un tableau plus détaillé du contenu des vaccins dans le Guide canadien d'immunisation de 2006(8); les mises à jour, notamment toute modification de la teneur en agents de conservation des vaccins figurant dans le tableau 1 et toute modification de la liste des vaccins homologués au Canada après la publication du présent document, seront affichées sur le site Web du CCNI, à l'adresse suivante : www.ccni.gc.ca.

Tableau 1. Concentration de thimérosal dans les vaccins commercialisés au Canada, en date du 1er mai 2007*

Thimérosal utilisé en tant qu'agent de conservation (2 à 50 µg/dose)

Traces de thimérosal
(< 1 µg/dose)

Aucune quantité de thimérosal

  • Epaxal
  • Fluviral
  • JE-VAX
  • Menomune A/C/Y/W-135 (flacon multidoses)
  • Recombivax HB (flacon multidoses)
  • Anatoxine tétanique (adsorbée)
  • Vaxigrip (flacon multidoses)
  • Engerix B (multidoses)
  • Infanrix-hexa
  • Twinrix
  • Twinrix Junior
  • Actacel
  • Adacel
  • Avaxim
  • Avaxim = formulation pour enfants
  • BCG
  • Boostrix
  • DT Polio (adsorbé)
  • Dukoral
  • Engerix B (flacon monodose)
  • Eolarix
  • FSME-IMMUN
  • Gardasil
  • Havrix
  • Hiberix
  • Imovax Polio
  • Imovax Rabies
  • Vaccin inactivé contre la poliomyélite
  • Infanrix
  • Infanrix-Hib
  • Infanrix-IPV
  • Infanrix-IPV/Hib
  • Influvac
  • Pedvax (liquide)
  • Menactra
  • Meningitec
  • Menjugate
  • Menomune A/C
  • Menomune A/C/Y/W-135(flacon monodose)
  • RRO II
  • Mutacol
  • Neisvac-C
  • Pediacel
  • Pediarix
  • Pentacel
  • Pneumo 23
  • Pneumovax 23
  • Prevnar
  • Priorix
  • Quadracel
  • RabAvert
  • Recombivax HB (flacon monodose)
  • RotaTeq
  • dT (adsorbé)
  • dT-Polio (adsorbé)
  • Tripacel
  • Typherix
  • Typhim Vi
  • Vaqta
  • Varilrix
  • Varivax III
  • Vaxigrip (flacon monodose)
  • ViVaxim
  • Vivotif
  • Vivotif L
  • YF-VAX

* On trouvera un tableau détaillé et à jour sur le contenu des vaccins, y compris les agents de conservation comme le thimérosal, sur le site Internet suivant : www.ccni.gc.ca.


Avant 1999, plusieurs vaccins contenant du thimérosal en tant qu'agent de conservation faisaient partie des programmes d'immunisation systématique des nourrissons aux États-Unis (É.-U.). On calcule qu'un nourrisson de 6 mois immunisé aux États-Unis avant 1999 aurait reçu une dose cumulative d'éthylmercure pouvant atteindre 187,5 µg. Chez les nourrissons présentant un faible poids corporel (en particulier les prématurés), la quantité totale qui leur était administrée dans le cadre des programmes d'immunisation systématique approchait ou dépassait légèrement la norme de l'Environmental Protection Agency des États-Unis en matière d'exposition totale au mercure (tableau 2), mais non celle de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ou de la Food and Drug Administration des É.-U. Comme nous le verrons dans la section suivante, on a soulevé des préoccupations théoriques quant à la possibilité que les concentrations de mercure soient suffisamment importantes pour causer des lésions neurologiques. Devant ces préoccupations, l'American Academy of Pediatrics et le Public Health Service des É.-U. ont émis une déclaration conjointe en juillet 1999, laquelle recommandait que l'on procède le plus rapidement possible au retrait du thimérosal des vaccins(9).

Tableau 2. Normes concernant les doses journalières admissibles maximales* pour le méthylmercure** chez les nourrissons de moins de 7 mois

Date d'émission

Organisme/ministère

DJA de Hg (μg)/kg de poids corporel†

Dose cumulative recommandée de Hg (μg)

1997

EPA-USA

0,10

81

1999

ATSDR-USA

0,30

242

1999

FDA-USA

0,48

387

1998

Santé Canada¶
(Direction des aliments)

0,20

162

DJA : dose journalière admissible; EPA : Environmental Protection Agency, É.-U.; FDA : Food and Drug Agency, É.-U.; ATSDR : Agency for Toxic Substances and Disease Registry, É.-U.

*Fondé sur les estimations de la DJA : [TRADUCTION] « dose quotidienne d'une substance provenant de toutes sources pendant la vie entière d'une personne qui semble ne pas comporter de risques notables pour la santé, à la lumière de tous les faits connus »(10).

**Ces doses maximales admissibles sont fondées sur l'exposition au méthylmercure, un composé organomercuriel apparenté. Il n'existe aucune norme établie visant l'éthylmercure.

†En se fondant sur la moyenne du 5e percentile pour le poids corporel à chaque mois d'âge pour les filles : 3,84 kg.
‡Basé sur les normes des É.-U. et de l'OMS visant les DJA(11).
¶Basé sur les normes proposées au Canada visant les DJA.


Troubles neurodéveloppementaux et vaccins contenant du thimérosal

Les préoccupations théoriques concernant l'existence d'un lien entre l'exposition au thimérosal et l'apparition de troubles neurologiques comme l'autisme ont mené l'Immunization Safety Review Committee de l'Institute of Medicine (IOM) des É.-U. à examiner les données disponibles en 2001, puis de nouveau en 2004 après la parution de nouvelles données. Dans un rapport publié en octobre 2001(12), l'IOM a conclu que « les données en main ne permettent pas de confirmer ou d'infirmer l'existence d'un lien de cause à effet entre les expositions au thimérosal provenant des vaccins destinés aux enfants et l'apparition de troubles neurodéveloppementaux », et que « l'hypothèse selon laquelle l'exposition au thimérosal en raison du calendrier vaccinal recommandé pour les enfants [aux États-Unis] serait à l'origine de troubles neurodéveloppementaux n'est pas confirmée par les données cliniques ou expérimentales ». On indiquait que la plausibilité biologique, bien que possible, était au mieux indirecte. Toutefois, le rapport recommandait que, même en l'absence d'un risque confirmé, il serait plus prudent de chercher des solutions de rechange à l'utilisation du thimérosal dans les vaccins et de retirer les vaccins contenant du thimérosal du marché aux États-Unis.

En 2004, l'IOM s'est réuni de nouveau pour étudier de nouvelles données sur l'association proposée entre les vaccins contenant du thimérosal et l'autisme(13). Les données provenaient d'études épidémiologiques faisant appel à des cohortes et/ou à des méthodes écologiques menées dans divers pays (Danemark(14), Grande-Bretagne(15,16), Suède(17), É.-U.(18)), ainsi que d'études utilisant des données de surveillance passive tirées du Vaccine Adverse Events Reporting System des É.-U. Pour obtenir de plus amples renseignements, on peut consulter le rapport de l'IOM, lequel présente des tableaux récapitulatifs de toutes les études passées en revue ainsi qu'une analyse des principales observations et des forces et faiblesses de la méthodologie des diverses études. À la lumière de ces nouvelles données, l'IOM a pu conclure que « les données semblent indiquer qu'il n'y aurait pas de relation de cause à effet entre les vaccins contenant du thimérosal et l'autisme ». L'IOM a ajouté que puisque « les données de toutes les études épidémiologiques bien conçues indiquent qu'il n'y a pas de lien entre le thimérosal et l'autisme, le Comité recommande que les évaluations des risques-avantages associés à l'utilisation de vaccins et d'autres produits biologiques ou pharmaceutiques contenant du thimérosal, aux États-Unis ou ailleurs, ne mentionnent pas l'autisme comme risque possible ».

Depuis la parution du rapport de l'IOM en 2004, diverses publications ont souligné le fait qu'il n'y avait pas de lien entre le thimérosal et les troubles neurodéveloppementaux(15,16,19,20).

Des études détaillées consistant en diverses analyses du développement chez des enfants d'âge scolaire exposés à l'éthylmercure dans le cadre des programmes d'immunisation des É.-U. menés avant 1999 sont actuellement en cours; les résultats devraient être publiés en 2007. Un commentaire sur le lien théorique entre le thimérosal et l'autisme a été publié en 2003 par deux neurologues pédiatres(21). Ce rapport indique clairement que le profil neuroanatomopathologique ainsi que les signes cliniques et les symptômes associés à l'autisme sont différents à plusieurs égards de ceux qui sont associés aux effets toxiques du mercure.

On a récemment publié des données canadiennes du Québec appuyant l'absence de lien entre le thimérosal et les troubles envahissants du développement (TED)(19). On a recensé au total 180 enfants atteints de TED parmi 27 749 enfants fréquentant 55 écoles de la plus importante commission scolaire anglophone de la province entre 1987 et 1998. La prévalence globale est de 64,9 cas pour 10 000 enfants, ce qui est semblable au taux observé aux É.-U. et dans d'autres pays où l'on s'inquiète de plus en plus au sujet du nombre croissant de cas d'autisme. Dans l'étude, on a analysé le lien entre une possible exposition au thimérosal pendant l'enfance dans le cadre du programme d'immunisation systématique et la prévalence des TED en utilisant les élèves inscrits dans les écoles chaque année en guise de cohorte de naissance. De 1987 à 1998, l'exposition maximale possible à l'éthylmercure liée à l'administration des vaccins recommandés pendant les deux premières années de la vie a d'abord augmenté, puis chuté : 100 µg en 1987 (DCT, 2, 4, 6 et 18 mois); 125 µg de 1988 à 1991 (et vaccin Hib à 18 mois); 200 µg de 1992 à 1995 (et vaccin Hib à 2, 4, 6 et 18 mois); et 0 µg de 1996 à 1998 (remplacement des vaccins précédents par le vaccin DCaT-VPI-Hib). Pendant la même période, la prévalence des TED est passée de 45,7 cas (en 1987) à 107,8 cas (en 1998) pour 10 000 enfants. Il n'y avait aucune corrélation entre l'exposition à l'éthylmercure dans le cadre d'une immunisation et l'accroissement de la prévalence des TED : la première augmentation est survenue en 1991, et les augmentations suivantes sont survenues en 1997 et en 1998, malgré le fait que l'on ait retiré tout le thimérosal des vaccins administrés dans le cadre des programmes d'immunisation systématique. Chez la cohorte d'enfants exposés au thimérosal, la prévalence des TED pour 10 000 enfants (de 1987 à 1995) était de 59,5 cas (intervalle de confiance [IC] à 95 % 49,6-70,8); chez la cohorte non exposée au thimérosal (de 1996 à 1998), elle était de 82,7 (IC à 95 % 62,0-108,0). L'augmentation de la prévalence des TED chez la cohorte non exposée au thimérosal était statistiquement significative (rapport de cotes [RC] 1,39; IC à 95 % 1,01-1,92).

En réponse aux commentaires selon lesquels il n'y avait pas de données individuelles sur l'immunisation, les auteurs ont repris l'analyse en ciblant le sous-groupe de 158 enfants atteints de TED et nés au Québec (87,8 % du nombre total). Les résultats étaient sensiblement les mêmes, à savoir que la prévalence des TED était considérablement plus élevée chez la cohorte d'enfants non exposés au thimérosal (74,9 cas; IC à 95 % 55,3-99,1) que chez la cohorte d'enfants exposés au thimérosal (51,6 cas; IC à 95 % 42,6-62,1); le RC était de 1,46 (IC à 95 % 1,04-2,05). Les auteurs ont conclu que la prévalence des TED à Montréal était élevée, comme dans la plupart des autres pays, et qu'il n'y avait aucun lien entre les TED et l'exposition au thimérosal (c.-à-d. à l'éthylmercure). Bien que cela ne soit pas pertinent dans le présent cas, les auteurs ont également conclu qu'il n'y avait aucun lien entre l'administration de une ou de deux doses de vaccin RRO et les TED. Comme le suggèrent de nombreux autres scientifiques, les auteurs considèrent que la prévalence croissante des TED serait très probablement attribuable au fait que l'on utilise des critères de diagnostic élargis, au fait que l'on en sache davantage sur les TED et que l'on soit donc plus susceptible de poser un diagnostic de TED, et au fait que l'on offre plus de services dans les écoles pour répondre aux besoins des enfants atteints de TED.

En résumé, les données dont on dispose à ce jour réfutent clairement l'existence de tout lien entre le thimérosal et de possibles troubles neurodéveloppementaux.

Solutions de rechange à l'utilisation du thimérosal dans les vaccins

Les efforts déployés pour s'assurer que les vaccins sont complètement exempts de contaminants ne sont pas futiles. Les agents de conservation jouent un rôle important dans l'innocuité des vaccins, en particulier dans le cas des flacons multidoses. En général, les vaccins offerts en flacons monodose n'ont pas besoin d'un agent de conservation, à condition qu'ils soient fabriqués dans des conditions modernes répondant aux bonnes pratiques de fabrication. Toutefois, les flacons monodose sont beaucoup plus coûteux et moins commodes à utiliser dans des programmes d'immunisation à grande échelle, comme la campagne annuelle d'immunisation antigrippale.

Les chercheurs continuent partout à mettre au point des solutions de rechange au thimérosal comme agent de conservation. Il est important d'appuyer la recherche sur les agents de conservation qui pourraient être utilisés à la place du thimérosal dans les vaccins. Il importe également que ces solutions de rechange rehaussent la perception de l'innocuité des vaccins en étant aussi efficaces comme agents de conservation, sans toutefois nuire à l'efficacité ou à l'innocuité des vaccins. Il existe des agents de remplacement, comme le phénoxyéthanol, mais ils sont en général moins efficaces que le thimérosal.

Recommandations

Actuellement, au Canada, seules quelques formulations de vaccins contre l'influenza et contre l'hépatite B offertes en flacons multidoses contiennent du thimérosal et pourraient être administrées aux enfants dans le cadre du calendrier vaccinal recommandé. On dispose également depuis quelques années de vaccins contre l'influenza et contre l'hépatite B qui sont exempts de thimérosal. Après avoir passé en revue toutes les données disponibles, le CCNI réaffirme ses recommandations, à savoir :

  • qu'il n'y a aucune raison légitime sur le plan de l'innocuité pour éviter d'utiliser les produits qui contiennent du thimérosal chez les enfants ou les adultes, y compris les femmes enceintes;

  • que des antécédents de réaction anaphylactique attribuable au thimérosal constituent une contre-indication absolue à l'utilisation de vaccins contenant du thimérosal. Bien que l'on ait décrit au moins un événement semblable, on n'a pas établi de lien avec le thimérosal. En outre, des antécédents d'érythème polymorphe, de syndrome de Stevens-Johnson ou de nécrolyse épidermique toxique résultant d'une exposition au thimérosal constitueraient une contre-indication absolue à toute exposition au thimérosal. Aucune telle réaction attribuable au thimérosal n'a été signalée;

  • qu'en cas d'antécédents établis de réaction d'hypersensibilité retardée au thimérosal (ayant provoqué une importante réaction locale ou un eczéma) ou de résultats positifs à des tests épicutanés ciblant le thimérosal, on peut procéder à la vaccination, mais il faut informer les patients du risque de réactions cutanées locale ou diffuse de longue durée. Les patients devraient signaler toute réaction préoccupante suivant l'immunisation de façon que l'on puisse les traiter adéquatement;

  • que l'objectif à long terme voulant que l'on retire le thimérosal des vaccins lorsqu'il existe des moyens sûrs de préserver la stérilité des flacons multidoses est toujours valable, car il s'agit d'un moyen réalisable de réduire l'exposition environnementale totale au mercure.

Conclusion

La confiance du public à l'égard des vaccins et la participation aux campagnes de vaccination sont essentielles à l'efficacité des programmes d'immunisation. Même lorsque les risques sont purement théoriques, l'expérience démontre que le fait de ne pas tenir compte des préoccupations du public peut réduire de manière considérable la portée des campagnes d'immunisation, et ce, au détriment de la santé du public. La demande de retirer le thimérosal des vaccins vise ainsi à maintenir la confiance du public, même si cette substance ne représente qu'un risque théorique.

Le CCNI émet ses recommandations en se fondant sur les meilleures données scientifiques disponibles, et l'innocuité des vaccins joue un rôle central dans toutes les démarches du CCNI. Les préoccupations relatives au thimérosal, telles qu'exposées dans la déclaration de 2003, étaient purement théoriques. Le CCNI en a néanmoins tenu compte et a décidé de se pencher sur la question. Il est à noter, cependant, que les données actuelles réfutent l'existence de tout lien entre le thimérosal et l'autisme. Par conséquent, le CCNI conclut qu'il n'y a aucune raison pour laquelle les fournisseurs de vaccins ou les professionnels de la santé qui conseillent la population en matière d'immunisation devraient s'inquiéter de l'exposition au thimérosal.


Références

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Membres : Dre J. Langley (présidente), Dre S. Deeks (secrétaire générale), Dr K. Laupland, Dr S. Dobson, Dr B. Duval, Mme A. Hanrahan, Dre A. McGeer, Dre S. McNeil, Dre M.-N. Primeau, Dr B. Tan, Dre B. Warshawsky.

Agents de liaison : Mme S. Callery (CHICA), Dre P. Hudson (ACSP), Dre B. Bell (CDC), Dre D. Money (SOGC), Mme E. Holmes (CNCI), Dr B. Larke (CMHC), Dre P. Orr (AMMI Canada), Dre M. Salvadori (SCP), Dre S. Rechner (CMFC), Dr J. Salzman (CATMAT), Dr D. Scheifele (CAIRE).

Représentants d'office : Dr H. Rode (DPBTG), Dr M. Lem (DGSPNI), Lt. Col. J.W. Anderson (MDN), Dre B. Law (DIIR).

††La présente déclaration a été rédigée par les Dres Barbara Law et Marie-Noël Primeau, et approuvée par le Comité consultatif national de l'immunisation et l'Agence de santé publique du Canada.


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