Les interprètes de conférence : Des athlètes de la communication
Si la traduction est l'un des plus vieux métiers du monde, les interprètes de conférence en sont probablement les figures les plus visibles. On les voit dans les coulisses du pouvoir aux quatre coins du monde, y compris au Parlement du Canada, où l'on célèbre cette année 65 ans depuis l'introduction de l'interprétation simultanée, en janvier 1959.
Qu'est-ce que l'interprétation de conférence? C'est l'art de réexprimer dans une autre langue, de vive voix, ce que dit une personne. Comme l'indique leur nom, les interprètes de conférence travaillent surtout dans le cadre de grandes réunions. Au Bureau de la traduction de Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC), ils interprètent entre autres les débats des parlementaires, les audiences de la Cour suprême du Canada ou encore les visites de diplomates étrangers.
Métier fascinant, l'interprétation de conférence attire des personnes de tous les horizons qui ont en commun un incroyable talent pour les langues (principalement le français et l'anglais au Canada), en plus d'être naturellement curieuses, débrouillardes et ouvertes d'esprit. La gymnastique mentale requise pour écouter dans une langue et parler en même temps dans une autre est un véritable sport d'élite. Concentration, préparation et discipline, les interprètes de conférence sont des athlètes de la communication!
Katiana Pocklington et Hugues Beaudoin-Dumouchel sont 2 de ces athlètes au sein du Bureau de la traduction. Ce sont des parcours bien différents qui les ont amenés à être interprètes de conférence depuis 4 ans et 10 ans, respectivement.
L'appel de l'interprétation
Katiana doit sa vocation aux conseils d'un ami. « Il m'a fait remarquer que j'avais les compétences requises : je suis bilingue et j'ai une facilité à communiquer. Donc je me suis dit, pourquoi pas? C'est un métier qui s'apprend! », explique Katiana, qui a grandi en France et en Nouvelle-Zélande.
Quant à Hugues, c'est une interprète qui lui a lancé l'idée après l'avoir entendu lors d'une visite guidée. « J'étais guide sur la Colline parlementaire et elle m'a dit : vous êtes bilingue, je vous verrais très bien interprète! »
L'idée a germé chez Hugues. Après quelques années comme superviseur des guides parlementaires, il avait l'impression d'avoir fait le tour du jardin. Détenant déjà un diplôme en communication et théâtre de l'Université d'Ottawa, il y a suivi quelques cours de traduction avant de s'inscrire à la maîtrise en interprétation de conférence.
De son côté, Katiana a commencé sa maîtrise en interprétation de conférence à Paris. Mais après 1 an, elle a déménagé à Toronto (Ontario). « J'ai pu entrer directement en 2e année à Glendon [Université York] en interprétation, car j'avais déjà terminé ma première année », précise-t-elle.
La plupart des universités proposent une maîtrise en interprétation de conférence sur 2 ans, bien que le parcours soit de 1 an à l'Université d'Ottawa. L'Université York et l'Université d'Ottawa sont les 2 seuls établissements à offrir le programme au Canada.
L'importance du message
Katiana et Hughes s'entendent pour dire que leur aptitude pour la communication les aide quotidiennement à exercer leur métier. « Mon but, c'est de permettre à la personne qui m'écoute de comprendre ce qui se passe aussi bien que celle qui écoute le discours original », précise Hugues. Katiana renchérit : « Je me suis rendu compte que ce qui était le plus important, c'était vraiment le message. »
Il existe 2 principaux modes d'interprétation : l'interprétation consécutive, où l'interprète attend que la personne qui parle ait terminé avant de résumer ses propos dans l'autre langue; et l'interprétation simultanée, où l'interprétation se produit en même temps que la personne parle.
Bien que l'interprétation consécutive soit un peu plus aisée, car comme l'explique Hughes : « On a un peu plus de temps pour réfléchir », c'est généralement l'interprétation simultanée qui est pratiquée au Parlement. Le lâcher-prise est alors nécessaire : les interprètes doivent choisir rapidement la bonne expression, le mot juste et le niveau de langue adéquat, et surtout ne pas se remettre en question.
Katiana se compare à un canard : « Je suis calme en surface, mais les pattes ne cessent de bouger sous l'eau », plaisante-t-elle. « Si on s'arrête ne serait-ce que 2 secondes pour se dire “mais là, je pourrais utiliser ce mot plutôt qu'un autre”, on vient de manquer 3 idées du discours », souligne Katiana. Hugues renchérit : « L'un des défis est de passer à la phrase suivante. De plus, il faut s'assurer d'utiliser des référents compris de tous, une bonne ponctuation et le ton approprié. »
Les moments inoubliables
Malgré les exigences du métier, la passion des 2 interprètes est contagieuse. Hugues affirme avoir vécu ses plus belles expériences lors des 2 derniers débats des chefs. « Ça demande beaucoup de préparation. Chaque chef de parti a un interprète pour l'ensemble du débat », explique celui qui a interprété Justin Trudeau et Erin O'Toole. « On doit être prêt à réagir à tout moment, que ce soit lors du discours de présentation ou d'une question. Les gens qui nous écoutent doivent avoir l'impression d'entendre le débat. »
Katiana garde pour sa part un souvenir indélébile de sa première expérience d'interprétation simultanée, à titre d'étudiante bénévole au Forum social mondial tenu à Montréal (Québec). « Une militante racontait son quotidien et ses défis. C'était très émouvant. J'avais les larmes aux yeux. Elle était tellement animée, ce qui a facilité mon travail. » Elle a alors compris qu'interpréter demande de doser empathie et détachement. « Et c'est là que je me suis dit : c'est ce que je veux faire dans la vie. »
Le métier d'interprète de conférence peut sembler exigeant de prime abord, mais Katiana aime beaucoup son côté dynamique. « J'apprends des choses tous les jours. Les journées ne se ressemblent jamais, et les horaires non plus, d'ailleurs », insiste-t-elle en souriant.
Katiana et Hughes encouragent ceux et celles qui aiment communiquer à envisager une carrière d'interprète de conférence. « Si vous aimez l'humain, la communication, la politique, les voyages et les défis intellectuels, ce métier est peut-être pour vous! »
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