Évaluation de l’utilisation de la toxicogénomique dans l’évaluation des risques à Santé Canada Document d’étude sur les pratiques actuelles de Santé Canada concernant l’utilisation de la toxicogénomique dans l’évaluation des risques

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Organisation : Santé Canada

Publiée : 2019-01-08

Cat. : H129-92/2018F-PDF 

ISBN : 978-0-660-27381-5

Auteurs :

  • Carmen Cheung, Toxicologie (fongicides/herbicides), Division II des effets sur la santé, Direction de l'évaluation sanitaire, ARLA
  • Elaine Jones-McLeanNote de bas de page 1, Division des capacités en santé publique et de la gestion du savoir, Région de l'Atlantique, ASPC
  • Carole Yauk, Bureau de la science et de la recherche en santé environnementale, Direction des sciences de la santé environnementale et de la radioprotection, DGSESC
  • Tara Barton-Maclaren, Division de la méthodologie des risques, Méthode d'évaluation, Bureau d'évaluation du risque des substances existantes, Direction de la sécurité des milieux, DGSESC
  • Sherri Boucher, Division des vaccins bactériens et combinaisons de vaccins, Centre d'évaluation des produits biologiques, Direction des produits biologiques et des thérapies génétiques, DGPSA
  • Julie Bourdon-LacombeNote de bas de page 2, Division de l'évaluation des substances nouvelles de l'Agence canadienne de protection de l'environnement, Bureau de l'évaluation et du contrôle des substances nouvelles, Direction de la sécurité des milieux, DGSESC
  • Vinita Chauhan, Division des sciences de la santé des rayonnements ionisants, Bureau de la protection contre les rayonnements des produits cliniques et de consommation, Direction des sciences de la santé environnementale et de la radioprotection, DGSESC
  • Matthew Gagné, Division de la méthodologie des risques, Méthode d'évaluation, Bureau d'évaluation du risque des substances existantes, Direction de la sécurité des milieux, DGSESC
  • Zoe Gillespie, Section d'évaluation toxicologique des contaminants alimentaires, Bureau d'innocuité des produits chimiques, Direction des aliments, DGPSA
  • Sabina Halappanavar, Bureau de la science et de la recherche en santé environnementale, Direction des sciences de la santé environnementale et de la radioprotection, DGSESC
  • Michael Honeyman, Toxicologie (fongicides/herbicides), Division II des effets sur la santé, Direction de l'évaluation sanitaire, ARLA
  • Steven R. Jones, Auto-immunité/endocrinologie, Centre d'évaluation des produits radiopharmaceutiques et biothérapeutiques, Direction des produits biologiques et des thérapies génétiques, DGPSA
  • Sarah Labib, Section de l'évaluation chimique, Division scientifique de la qualité de l'eau, Bureau de la qualité de l'eau et de l'air, Direction de la sécurité des milieux, DGSESC
  • Jane MacAulay, Section de l'évaluation chimique, Division scientifique de la qualité de l'eau, Bureau de la qualité de l'eau et de l'air, Direction de la sécurité des milieux, DGSESC
  • Jocelyn Moore, Direction de la sécurité des produits de consommation, DGSESC
  • Martin Paquette, Toxicologie (antimicrobiens/insecticides), Division I des effets sur la santé, Direction de l'évaluation sanitaire, ARLA
  • Nicolas Petronella, Division des biostatistiques et de la surveillance, Bureau de la surveillance des aliments et de l'intégration de la science, Direction des aliments, DGPSA
  • Souleh Semalulu, Bureau des produits biologiques, biotechnologiques et de santé naturels commercialisés, Direction des produits de santé commercialisés, DGPSA
  • Donna Situ, Section de l'évaluation toxicologique préalable à la mise en marché, Bureau d'innocuité des produits chimiques, Direction des aliments, DGPSA
  • Andrew SlotNote de bas de page 3, Bureau des sciences et de la surveillance des drogues, Direction des substances contrôlées, DGSESC
  • Alisa Vespa, Division des médicaments métaboliques et musculosquelettiques, Bureau du métabolisme, de l'oncologie et des sciences de la reproduction, Direction des produits thérapeutiques, DGPSA
  • Cindy Woodland, Division de l'évaluation des substances visées par la Loi sur les aliments et drogues, Bureau de l'évaluation et du contrôle des substances nouvelles, Direction de la sécurité des milieux, DGPSA

Remarque : D'autres groupes au sein du ministère ont été consultés, mais n'ont pas été inclus dans le groupe de travail du sous-comité.

Table des matières

Liste des abréviations

AhR
Récepteur des hydrocarbures aromatiques
ARLA
Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire
ASPC
Agence de la santé publique du Canada
BPRPCC
Bureau de la protection contre les rayonnements des produits cliniques et de consommation
CYP
Cytochrome p450
DGPSA
Direction générale des produits de santé et des aliments
DGSESC
Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs
ECETOC
Centre d'écologie et de toxicologie de l'industrie chimique européenne
EPA
Environmental Protection Agency (des États-Unis)
GTT
Groupe de travail sur la toxicogénomique
HESI
Institut international des sciences de la vie – Institut des sciences de la santé et de l'environnement
ICH
Conseil international sur l'harmonisation des exigences techniques relatives à l'homologation des produits pharmaceutiques à usage humain
LCPE
Loi canadienne sur la protection de l'environnement
LIS
Liste intérieure des substances NIH National Institutes of Health
No CAS
Numéro de registre du Chemical Abstracts Service
OCDE
Organisation de coopération et de développement économiques
OMS
Organisation mondiale de la Santé
OTAN
Organisation du Traité de l'Atlantique Nord
PCR
Réaction en chaîne de la polymérase
PGPC
Plan de gestion des produits chimiques
SIMDUT
Système d'information sur les matières dangereuses

1. Résumé

La toxicogénomique est définie comme l'application de technologies génomiques en vue d'étudier l'influence des agents chimiques, environnementaux, pharmaceutiques et de rayonnement sur la structure et la fonction du génome. Les expériences toxicogénomiques permettent d'obtenir des renseignements sur la mesure dans laquelle les concentrations de molécules biologiques (p. ex. l'expression des gènes, des protéines et des métabolites) changent en fonction de l'exposition aux produits toxiques; ces derniers peuvent être utilisés pour connaître le danger potentiel, la relation dose-effet et le mode d'action d'un agent, ou pour l'élaboration d'un biomarqueur et l'évaluation de la pertinence pour l'humain. La toxicogénomique devrait pouvoir appuyer des mesures nationales et internationales afin de parvenir à des approches intégrées plus efficaces et fondées sur des mécanismes concernant l'évaluation des risques.

D'après les progrès réalisés dans ce domaine au cours des dix dernières années et compte tenu de l'utilisation grandissante des renseignements mécanistes dans l'évaluation des risques, le Groupe de travail sur l'évaluation des risques scientifiques a établi un groupe de travail transversal du sous- comité dans le but d'étudier l'application de la toxicogénomique, et d'établir un rapport à ce sujet, dans les bureaux scientifiques et réglementaires de Santé Canada.

Le présent document représente le point d'orgue des discussions et des nombreux courriels, réunions, documents, modèles et ébauches de travail réalisés. Ce processus consultatif qui s'est terminé en 2017 visait à étudier les applications et les besoins actuels en matière de toxicogénomique à Santé Canada, ainsi qu'à documenter les défis existants. Le projet est important pour fournir aux organismes de réglementation les renseignements nécessaires en vue de promouvoir des évaluations des risques uniformes et cohérentes qui tiennent compte de la toxicogénomique à Santé Canada.

Le document actuel propose :

  • un aperçu de la toxicogénomique et de sa pertinence à l'appui des évaluations des risques internes;
  • une description de l'utilisation ou des besoins actuels en matière de données toxicogénomiques à l'échelle des programmes ou des domaines réglementés;
  • une description des défis,  des limites et des facteurs à prendre en compte identifiés pour faire progresser l'application de la toxicogénomique dans l'évaluation des risques pour la santé humaine.

En conclusion, les secteurs de la réglementation et de l'évaluation des risques de Santé Canada représentés au sein du Groupe de travail sur la toxicogénomique du Groupe de travail sur l'évaluation des risques scientifiques entrevoient un rôle pour les données toxicogénomiques dans l'évaluation des risques. Jusqu'à présent, certains bureaux de Santé Canada ont intégré des données toxicogénomiques, principalement dans les approches fondées sur le poids de la preuve pour appuyer le mode d'action. Même s'il a été reconnu que, à l'heure actuelle, les données toxicogénomiques n'étaient pas bien établies sur le plan scientifique pour la prise de décisions, ces données pourraient contribuer à l'approche du poids de la preuve en fonction des besoins respectifs (p. ex. lacunes en matière de données) dans les domaines de la réglementation et de l'évaluation des risques du Ministère. Les mesures à venir au sein de Santé Canada visant à favoriser les réseaux afin d'accroître l'expertise et la capacité concernant l'interprétation des données toxicogénomiques pourraient constituer une initiative utile, tout comme le fait d'appuyer la recherche afin de faire évoluer les applications et d'élaborer des pratiques exemplaires.

2. Objet du rapport

La loi canadienne exige que les agents chimiques, environnementaux, pharmaceutiques et de rayonnement présents sur le marché canadien, dans les systèmes de soins de santé et dans l'environnement soient évalués pour déceler les risques potentiels pour les Canadiens. Ces risques sont généralement évalués, en partie, par des tests de toxicité classiques dirigés dans les cellules (in vitro) ou sur les animaux (in vivo). Les données générées par différents types de tests de toxicité classiques constituent l'une des pierres angulaires des évaluations des risques pour la santé humaine utilisées pour la prise de décisions. Toutefois, les tests de toxicité classiques peuvent être un processus long et coûteux, et ils fournissent généralement des renseignements sur des critères d'évaluation   précis. Dans le cas d'évaluations préalables rapides, il n'est pas toujours possible d'effectuer beaucoup de ces tests de toxicité classiques. Ainsi, il est nécessaire d'envisager de nouveaux outils ou de nouvelles approches d'essai qui évoluent rapidement afin d'aider à accroître l'efficacité du processus   de prise de décisions dans les évaluations des risques pour la santé humaine.

Au cours de la dernière décennie, des changements importants proposés aux paradigmes des essais toxicologiques à l'échelle mondiale pour relever ces défis ont été observés (p. ex. Conseil national de recherches du Canada, 2007). Le changement de paradigme concernant les essais toxicologiques propose une réduction importante des tests de toxicité classiques sur les animaux et la mise en œuvre d'approches intégrées dans l'évaluation des risques pour la santé humaine, ce qui comprend l'intégration de méthodes à haut rendement et axées sur des mécanismes. Ces approches visent à déterminer les marqueurs moléculaires précoces des effets toxicologiques et à réduire la dépendance  sur l'observation d'effets apicauxNote de bas de page 4 évidents qui forment la base des tests de toxicité classiques sur les animaux et in vitro. Ce changement de paradigme concorde également avec les principes internationaux dont l'objectif est de réduire, de raffiner  et de remplacer les essais sur les animaux (c.-à-d. le principe  des Trois R). Étant donné que les évaluations des études scientifiques de Santé Canada suivent souvent les directives d'essai internationales (p. ex. directives d'essai de l'Organisation de coopération et de développement économiques [OCDE], du Conseil international pour l'harmonisation des exigences techniques relatives aux produits pharmaceutiques à usage humain [ICH], et de l'Environmental Protection Agency [EPA] des États-Unis) et qu'un changement de paradigme dans les essais toxicologiques peut conduire à des modifications   dans les directives d'essai internationales, cela aura des répercussions pour les données prises en compte dans les évaluations des risques effectuées à Santé Canada. Il est important pour Santé Canada de continuer à participer activement à la prise en compte, à l'adoption et à l'application de nouvelles approches et méthodes au fur et à mesure que les organismes internationaux se tournent vers l'inclusion des données issues des nouveaux paradigmes d'essai de toxicité dans l'évaluation des risques.

On prévoit une plus grande disponibilité et présentation de données toxicogénomiques en raison du changement de paradigme concernant les essais toxicologiques. En conséquence, le Bureau de la science et de la recherche en santé environnementale de la Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs (DGSESC) a présenté un aperçu de « l'application de la toxicogénomique dans l'évaluation des risques pour la santé humaine à Santé Canada » au comité du Groupe de travail sur l'évaluation des risques scientifiques du Ministère en mai 2015. Depuis la présentation et la période de questions qui a suivi, il a été jugé que la toxicogénomique était un domaine scientifique important et en évolution. Le Groupe de travail sur l'évaluation des risques scientifique a donc soutenu l'établissement d'un groupe de travail transversal du sous-comité pour étudier l'application de la toxicogénomique, et d'établir un rapport à ce sujet, dans les bureaux de réglementation et d'évaluation des risques de Santé Canada.

Compte tenu de la portée générale des divers types d'activités réglementaires et d'évaluations des risques dirigées au sein de Santé Canada en novembre 2015, des participants provenant des secteurs d'évaluation des risques respectifs de Santé Canada ont été recrutés pour former un groupe de travail du sous-comité appelé le Groupe de travail sur la toxicogénomique (GTT), et y participer. Les membres du GTT représentaient les bureaux effectuant des évaluations des risques des médicaments, des produits chimiques, des produits de consommation et du rayonnement. Pour obtenir plus de renseignements sur les domaines d'évaluation des risques de Santé Canada, consultez le lien www.canada.ca/content/dam/hc-sc/migration/hc-sc/sr-sr/alt_formats/pdf/pubs/about-apropos/ 2010-scientif-ris-fra.pdf. Le GTT s'est réuni régulièrement entre décembre 2015 et décembre 2017 pour préparer conjointement le document explicatif.

Ce rapport présente les commentaires reçus de chaque bureau ou domaine concernant l'utilisation actuelle et les possibilités d'intégrer les données toxicogénomiques aux évaluations des risques pour la santé humaine et l'environnement, ainsi que sur les défis relatifs à sa mise en œuvre. À l'heure actuelle, l'application des renseignements liés à la toxicogénomique dans les domaines d'évaluation des risques de Santé Canada dépend des besoins propres à un domaine dont il faut tenir compte au cas par cas.

3. Renseignements généraux sur la toxicogénomique

D'après la définition de la toxicogénomique fournie par les National Institutes of Health (NIH)Note de bas de page 5, le GTT   a défini la toxicogénomique comme l'application des technologies dites « omiques » (p. ex. analyse de la séquence génomique, profilage de l'expression génique, protéomique, métabolomique) pour étudier les effets des agents chimiques, environnementaux, pharmaceutiques et de rayonnement sur la santé humaine. La force prédominante de la toxicogénomique est la capacité d'étudier la réaction du génome entier au sein d'une cellule ou d'un tissu à un traitement dans le cadre d'une expérience unique, ce qui permet d'avoir un aperçu de la réaction cellulaire. Les technologies toxicogénomiques sont utilisées en association avec des outils mathématiques et informatiques avancés (que l'on appelle bio-informatique) pour l'analyse et l'interprétation des données.

Il existe de nombreuses technologies englobant la toxicogénomique qui peuvent être utiles pour l'évaluation des risques pour la santé humaine (p. ex. la protéomique, qui mesure les concentrations de protéines, et la métabolomique, qui mesure les concentrations de métabolites). Une grande partie du travail a été axée sur l'application de la transcriptomique (c.-à-d. le profilage de l'expression génique) dans l'évaluation des risques pour la santé humaine, principalement en raison de la disponibilité des technologies abouties et des applications logicielles qui peuvent mesurer avec fiabilité les changements transcriptionnels (voir l'encadré Pourquoi le profilage transcriptionnel?). Ainsi, davantage de progrès internationaux ont été réalisés dans ce domaine et plusieurs exemples mentionnés cidessous dans la section 6 renvoient en particulier à l'utilisation du profilage transcriptionnel dans l'évaluation des risques.

Pourquoi le profilage transcriptionnel?

Des modifications dans la transcription, qui sont généralement liées à des changements dans des protéines précises qui exécutent des tâches importantes en lien avec le maintien de l'homéostasie, constituent une ligne de défense dans les cellules ou les tissus après une exposition à un agent. Une analyse des changements transcriptionnels dans une cellule ou un tissu permet d'avoir un aperçu de la réaction du système à un facteur de stress (p. ex. produit chimique toxique). Après avoir identifié les gènes touchés par l'exposition, les relations fonctionnelles entre les gènes modifiés et les doses auxquelles se produisent les changements dans l'expression sont ensuite utilisées pour comprendre si les systèmes sont perturbés dans la cellule ou le tissu et pour déterminer si des effets néfastes peuvent se produire par la suite.

Le profilage transcriptionnel permet donc une analyse des effets toxicologiques plus tôt que la plupart des tests classiques qui s'appuient sur l'observation des résultats évidents en matière de santé. En outre, le suivi des changements transcriptionnels avec le temps à la suite d'une exposition à un agent peut révéler les changements moléculaires sous-jacents associés à la résolution subséquente des effets sur  les tissus, ou le développement d'une pathologie, pouvant survenir après l'exposition.

Le profilage transcriptionnel mesure plus particulièrement les changements de l'ARN (c.-à-d. ARN codant et ARN non codant) qui se produisent dans les cellules ou les tissus après une exposition à un agent, comme un produit chimique, un pesticide, un médicament, un produit biologique ou un rayonnement.

La prise en compte des données toxicogénomiques appuierait les mesures nationales et internationales visant à élaborer des approches plus intégrées et efficaces fondées sur des mécanismes concernant l'évaluation des risques. D'une manière générale, les approches toxicogénomiques peuvent jouer un  rôle important dans le changement du paradigme afin de parvenir à une réduction, à une amélioration    et même à une élimination, lorsque cela est possible (ou une utilisation plus judicieuse), de divers tests de toxicité classiques qui sont coûteux, longs et qui requièrent un grand nombre d'animaux.

Dans l'ensemble, la toxicogénomique permet une analyse des effets toxicologiques moléculaires plus tôt que la plupart des tests de toxicité classiques qui s'appuient sur les observations des processus de maladie qui entraînent une modification ou des effets apicaux. Le suivi des changements toxicogénomiques avec le temps à la suite d'une exposition à un agent peut donner un aperçu des changements moléculaires sous-jacents associés aux effets au niveau des tissus ou au développement d'une pathologie à la suite d'une exposition. Bien que des recherches supplémentaires soient nécessaires pour définir précisément les changements toxicogénomiques qui conduisent à des effets néfastes, beaucoup de progrès ont été réalisés dans ce domaine de la science au cours de la dernière décennie.

Utilisation dans l'évaluation des risques

À l'heure actuelle, la toxicogénomique vient compléter les approches toxicologiques classiques. Certains des avantages et des applications comprennent ce qui suit :

  1. fournir un aperçu des changements moléculaires pouvant être associés aux effets néfastes, qui peut aider à déterminer le point de départ et permettre une évaluation de la pertinence probable pour l'humain;
  2. établir des groupes chimiques basés sur des profils d'expression génétique semblables (c.-à-d. lecture croisée);
  3. fournir des méthodes permettant d'étudier les paramètres de toxicité pour lesquels il n'existe aucun test de toxicité classique;
  4. élargir la portée des perturbations biologiques couverte dans un test de toxicité en fournissant des renseignements sur le génome;
  5. appuyer les approches fondées sur le poids de la preuve, en particulier en établissant des liens entre l'exposition, le mécanisme/mode d'action et les effets néfastes (principalement pour les produits chimiques pour lesquels on dispose de peu de données), et dans des évaluations préalables à trois volets;
  6. calculer des doses de départ pour les paramètres génomiques par l'intermédiaire d'une modélisation de la dose de référence; cette démarche représente une utilisation prévue à court et moyen terme pour les examens préalables et les évaluations de produits chimiques dont les données de toxicité sont limitées, tel que l'illustrent diverses études de cas examinées à l'interne et à l'échelle internationale.

À long terme, la toxicogénomique devrait permettre :

  1. de déterminer les principaux phénomènes moléculaires précoces avant la manifestation des effets néfastes sur la santé;
  2. de faciliter la diminution des études sur des animaux, ou d'améliorer les types d'études, qui sont nécessaires pour réaliser les tests de toxicité à l'appui des évaluations des risques.

L'application de la toxicogénomique dans les pratiques d'évaluation des risques dépendra de l'évaluation des risques en question et de son contexte, ainsi que des exigences à court et à long terme en matière de données dans les différents secteurs d'évaluation des risques de Santé Canada.

4. Contexte international

Le profilage transcriptionnel constitue une science aboutie qui est utilisée depuis la fin des années 1990. Plusieurs organismes de réglementation internationaux ont établi des politiques, des documents d'orientation et des rapports portant sur l'utilisation de la toxicogénomique et   du profilage transcriptionnel dans l'évaluation des risques pour la santé humaine et les pratiques techniques exemplaires. Par exemple, l'EPA des États-Unis a publié le document « Interim policy on Genomics » (2002), un livre blanc intitulé « Genomic implications for EPA regulatory and risk assessment applications » (2004), un rapport intitulé « Potential Implications of Genomics for Regulatory and Risk Assessment Applications at EPA » (2004), ainsi que le document « A framework for the use of genomics data at the EPA » (2006). La Food and Drug Administration a publié son document « Guidance for Industry: Pharmacogenomic Data Submissions » en 2003 et élaboré un programme de présentations volontaires de données d'étude, qui concerne la présentation de données génomiques.

Les comités internationaux se sont également décidés à harmoniser les approches relatives à la génomique et à faire progresser les applications. Par exemple, le comité sur l'application de la génomique à l'évaluation des risques axée sur des mécanismes a été établi par l'Institut des sciences de la santé et de l'environnement de l'Institut international des sciences de la vie (HESI). L'OCDE a établi le comité consultatif élargi sur l'examen préalable moléculaire et la toxicogénomique (Extended Advisory Group on Molecular Screening and Toxicogenomics) pour parvenir à une harmonisation internationale des approches dans ce domaine à l'aide du concept des parcours de résultats néfastes. Bien qu'aucun document d'orientation officiel n'ait été produit à ce jour, des projets sont actuellement réalisés par divers instituts (p. ex. l'OCDE et le Centre d'écologie et de toxicologie de l'industrie chimique européenne [ECETOC]) en vue d'établir des cadres pour la production de rapports et l'utilisation des données omiques dans l'évaluation des risques.

Des efforts importants à l'échelle internationale ont été déployés pour appuyer le changement de paradigme afin de créer des approches davantage fondées sur des mécanismes dans l'évaluation des risques pour la santé humaine et pour réduire les essais sur les animaux. Par exemple, l'EPA a    investi d'importantes ressources pour mettre sur pied des essais mécanistiques à haut débit dans les cellules humaines de culture pour l'évaluation des risques chimiques. En juin 2016, les États-Unis ont adopté une révision de la Toxic Substances Control Act (1976) qui, entre autres choses, exige que les administrateurs de l'EPA des États-Unis se penchent sur la question de la nécessité des essais sur les animaux et qu'ils utilisent d'autres méthodes, le cas échéant (p. ex. la Frank R. Lautenberg Chemical Safety for the 21st Century Act). Les articles de la loi visent tout particulièrement à encourager et à faciliter les essais pour remplacer les animaux, ainsi qu'à favoriser [traduction] « l'élaboration et l'intégration en temps opportun de nouvelles méthodes et stratégies d'essai valides sur le plan scientifique qui ne sont pas fondées sur des animaux vertébrés ». En Europe, de nouvelles lois exigeant la diminution de l'utilisation des animaux ont conduit à un investissement important  de ressources dans l'établissement de stratégies d'essais de remplacement. Ainsi, les progrès méthodologiques et l'intérêt international accru mènent à l'utilisation de formes non classiques d'essai de toxicité dans l'évaluation des risques pour la santé humaine. Des mesures d'harmonisation internationales sont également en cours pour appuyer l'élaboration et la mise en œuvre de stratégies d'essai intégrées fondées sur des méthodes d'essai de remplacement (p. ex. projets de l'OCDE dans le domaine des « approches intégrées d'essai et d'évaluation » et des « parcours de résultats néfastes »Note de bas de page 6).

5. Considérations liées au sexe et au genre

L'analyse comparative fondée sur le sexe et le genre constitue un processus analytique permettant d'évaluer dans quelle mesure les initiatives du gouvernement du Canada peuvent influer sur les différences fondées sur le sexe (biologiques) et le genre (socio-culturelles) entre les hommes, les femmes, les garçons, les filles et les personnes de diverses identités de genreNote de bas de page 7.

La question du sexe et du genre fait partie intégrante des processus d'évaluation des risques associés aux agents chimiques, environnementaux, pharmaceutiques et de rayonnement de Santé Canada. Les évaluations des risques tiennent également compte des facteurs de diversité dans les sous-  groupes vulnérables, notamment les femmes enceintes et les femmes qui ne sont pas enceintes, les mères qui allaitent, les nourrissons, les enfants et les personnes âgées. Des données toxicologiques et d'exposition disponibles en lien avec le sexe (hommes et femmes) ou le genre (rôles, normes, identités) sont examinées et prises en compte par Santé Canada. Les différences entre les genres peuvent entraîner des différences dans les activités quotidiennes telles que l'emploi, le temps passé à la maison, la communauté ou le lieu de travail, ou des différences dans le régime alimentaire qui conduisent à des expositions différentes aux agents chimiques, environnementaux, pharmaceutiques et de rayonnement (Gochfeld, 2007); cette information est prise en compte dans le contexte de l'évaluation des risques. D'une manière générale, les données toxicogénomiques peuvent fournir des renseignements à l'appui permettant d'éclairer les mécanismes qui sous-tendent les réactions liées au sexe et à l'étape de vie. Santé Canada continuera d'explorer les occasions d'améliorer l'évaluation des risques à l'aide de l'analyse comparative fondée sur le sexe et le genre.

6. Aperçu des demandes propres à un domaine au sein de Santé Canada

Au sein de Santé Canada, la présentation ou l'utilisation des données toxicogénomiques varie. À l'heure actuelle, il n'existe pas de lignes directrices ni de documents d'orientation officiels au sein du Ministère pour l'utilisation de la toxicogénomique dans l'évaluation des produits chimiques, des expositions environnementales ou des rayonnements. Dans le cas des médicaments pharmaceutiques et biologiques, le document d'orientation de Santé Canada intitulé Présentation de l'information pharmacogénomiqueNote de bas de page 8 défi la pharmacogénomique comme « l'étude des variations des caractéristiques de l'ADN et de l'ARN dans la réponse à un médicament » et indique clairement que, lorsqu'elles sont disponibles, les données pharmacogénomiques qui sont liées aux effets toxicologiques d'un médicament ou qui fournissent des preuves à l'appui de l'innocuité, des contre-indications ou des effets indésirables d'un médicament doivent être fournies dans les présentations réglementaires pour les essais cliniques chez l'humain et pour l'autorisation de mise en marché en vertu des dispositions du Règlement sur les aliments et drogues. De façon générale, ces lignes directrices encouragent l'application de la pharmacogénomique au processus de développement des médicaments, mais elles ne fournissent pas de lignes directrices officielles sur l'utilisation spécifique de la toxicogénomique dans l'évaluation de l'innocuité des médicaments pharmaceutiques et biologiques.

Les sous-sections suivantes décrivent le contexte d'utilisation et d'application des données toxicogénomiques, en mettant l'accent sur le profilage transcriptomique, dans les domaines représentés. Les sous-sections du présent document qui se rapportent à chaque domaine d'évaluation des risques comprennent un aperçu des lois et des règlements qui régissent les fonctions et les activités respectives, le cas échéant, ainsi que les utilisations actuelles et potentielles de la toxicogénomique.

6.1 Substances existantes

Introduction

Le Plan de gestion des produits chimiques (PGPC) est une initiative établie par le gouvernement du Canada en 2006 pour réduire le risque que présentent les produits chimiques pour les Canadiens et l'environnement. Aux termes des dispositions du PGPC, le Bureau d'évaluation du risque des substances existantes de la Direction de la sécurité des milieux, Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs de Santé Canada, effectue des évaluations des risques des substances présentes sur le marché canadien identifiées comme prioritaires à partir de la Liste intérieure des substances (LIS). La Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999) (LCPE [1999]) constitue le cadre législatif en vertu duquel le risque potentiel posé par une substance ou un groupe de substances pour l'ensemble de la population canadienne est évalué; l'article 76.1 de la Loi prescrit expressément l'application d'une approche fondée sur le poids de la preuve et le principe de précaution lors de la réalisation et de l'interprétation des résultats des évaluations des risques des substances existantesNote de bas de page 9.

Les évaluations des risques pour les substances considérées comme des « substances existantes » sont d'une complexité variable. Par ailleurs, la nature et la portée de l'évaluation peuvent varier selon l'article de la LCPE (1999) en vertu duquel l'évaluation est obligatoire et selon la quantité et la qualité de l'information disponible. Les renseignements sont recueillis à partir de diverses sources, notamment des publications évaluées par des pairs, des bases de données publiques ou internes, des données déduites à partir d'analogues structuraux ou des relations quantitatives structure-activité, des données de biosurveillance et des équivalents de biosurveillance, ainsi que des données qui peuvent être soumises par les fabricants et les importateurs. Le processus d'évaluation tient compte de toutes les preuves scientifiques disponibles, de la pertinence et des limites des études, des paramètres toxicologiques critiques et des voies et des sources d'exposition, ainsi que les évaluations et les conclusions des autres autorités.

Le Bureau d'évaluation du risque des substances existantes ne reçoit pas les données toxicologiques ou les ensembles de données nécessaires, mais il peut demander à un intervenant de fournir des renseignements existants non publiés. Le Bureau d'évaluation du risque des substances existantes n'a pas d'exigences minimales en matière d'ensembles de données pour les évaluations préalables.

Situation actuelle de la toxicogénomique

À l'heure actuelle, les données toxicogénomiques pour les substances prioritaires évaluées dans  le cadre du PGPC sont rarement disponibles dans la documentation publique et les données toxicologiques ne sont pas soumises par l'industrie en vue de l'évaluation des dangers et de l'évaluation des risques. Lorsque des études toxicogénomiques étaient disponibles pour les substances d'intérêt (c.-à-d. groupe des phtalates, phase 2 du PGPC), ces données ont été prises en compte dans l'évaluation du poids de la preuve général et ont été intégrées à l'analyse de la relation structure-activité pour appuyer l'analyse du mode d'action, le regroupement des justifications et la lecture croisée, en vue de combler les lacunes en matière de données. L'application de la toxicogénomique dans le but de relever les défis réglementaires est prometteuse à mesure que le paradigme de l'évaluation des risques continue d'évoluer vers la vision de la toxicologie au XXIe siècle. Bien que ces données n'aient pas encore été pleinement exploitées dans le cadre du paradigme de l'évaluation des risques conformément au PGPC, il est concevable d'élargir l'utilité des approches toxicogénomiques, dans le cadre, par exemple, d'approches intégrées d'essai et d'évaluation et comme base de sélection du point de départ pour appuyer la prise de décisions réglementaires concernant les substances existantes. Des études de cas visant à valider le concept et à démontrer l'utilité de ces données d'une manière adaptée pour les besoins des activités d'examen préalable et d'évaluation dans le cadre du PGPC sont en cours.

Possibilités de la toxicogénomique

Dans le cadre de la troisième phase du PGPC et au-delà, l'un des défis à relever est l'exigence d'évaluer les substances dont les données empiriques sont limitées ou inexistantes. La toxicogénomique pourrait servir à générer des renseignements sur les produits chimiques pauvres en données d'une manière plus efficace que les approches conventionnelles (en utilisant moins d'animaux ou en utilisant des lignées cellulaires in vitro et des méthodes d'extrapolation in vitro à in vivo, et à moindre coût). À l'heure  actuelle, les évaluations des risques chimiques reposent en grande partie sur les données disponibles générées par les essais toxicologiques classiques sur les animaux. Bien que ces essais soient très informatifs, ils exigent beaucoup de ressources (ces essais sont coûteux et utilisent énormément d'animaux de laboratoire) et ont un faible rendement (le temps consacré à la production de données par produit chimique peut être supérieur à cinq ans). Les budgets et les délais limités, les pressions croissantes pour raffiner et réduire le recours à l'expérimentation animale lorsque cela est pertinent, le désir de tenir compte de la pertinence pour l'humain et le nombre toujours croissant de produits chimiques qui nécessitent des essais et des évaluations indiquent clairement que d'autres stratégies d'essais sont nécessaires. Par conséquent, la toxicogénomique pourrait répondre au besoin pressant de combler les lacunes relatives aux données en l'absence de données conventionnelles.

Dans le contexte des activités d'examen préalable et d'évaluation des risques en vertu de la LCPE (1999), les applications pratiques de la toxicogénomique actuellement à l'étude comprennent l'utilité des données pour la détermination des dangers, l'analyse du mode d'action, l'évaluation de la puissance, ainsi que les preuves à l'appui des justifications croisées. En outre, pour le détection et l'évaluation des substances pour lesquelles les données sont insuffisantes, l'élaboration et la validation d'approches pour la sélection de points de départ pour l'évaluation quantitative des risques fondée sur la modélisation dose-effet des modifications de l'expression génique dans les voies annotées à l'aide  du logiciel Benchmark Dose Software (BMD) sont également une application importante. Beaucoup de travail a été fait à cet égard pour démontrer que les valeurs du BMD obtenues à partir des données transcriptionnelles et apicales sont comparables (p. ex. Thomas et coll., 2013; Jackson et coll., 2014; Moffat et coll., 2015; Webster et coll., 2015; Labib et coll., 2016; Farmahin et coll., 2017). Il est donc possible d'étudier les données transcriptionnelles sur la relation dose-effet pour déterminer la dose de référence d'un produit chimique, qui peut être proposée comme niveau d'effet critique provisoire pour l'évaluation quantitative des risques.

Exemple de cas d'application de la toxicogénomique à des substances existantes

En 2015, Santé Canada a utilisé une approche de regroupement et de lecture croisée des substances afin de combler les lacunes en matière de données sur les effets apicaux de certaines substances à base de phtalate évaluées dans le cadre du PGPC. Trois sous-groupes de phtalates ont été formés d'après l'examen de leurs réactions différentielles dans des essais liés à des événements clés du mode d'action pour l'insuffisance androgénique qui entraîne des effets sur le développement des organes reproducteurs chez les rats mâles. Il s'agissait notamment d'examiner les changements dans l'expression des gènes liés  à la voie stéroïdogène, la diminution de la production de testostérone et les changements dans la distance anogénitale à la naissance (un marqueur in vivo de l'insuffisance androgénique au cours du développement in utero). L'analyse a également permis de sélectionner certains phtalates en vue d'une évaluation des risques cumulatifs (Santé Canada, 2015a).

6.2 Nouvelles substances

Introduction

Le Programme des substances nouvelles, qui relève du Règlement sur les renseignements concernant les substances nouvelles (produits chimiques et polymères) et du Règlement sur les renseignements concernant les substances nouvelles (organismes) de la LCPE est responsable de l'évaluation préalable à l'importation et à la fabrication des substances qui sont nouvelles au Canada (c.-à-d. qui ne figurent pas sur la LIS), pour déterminer les risques pour l'environnement et la santé humaine, au sens des alinéas 64a), b) et c) de la LCPE.

Les nouvelles substances comprennent les produits chimiques, les polymères et les nanomatériaux (voir la section sur les nanomatériaux ci-dessous), les organismes vivants (p. ex. les microorganismes et les organismes supérieurs naturellement présents et génétiquement modifiés), ainsi que les nouvelles substances utilisées dans les produits réglementés en vertu de la Loi sur les aliments et drogues (p. ex. les cosmétiques, les médicaments pour usage humain et vétérinaire, les additifs alimentaires, les nouveaux aliments, les produits biologiques, les produits de santé naturels et les instruments médicaux). Les notifications concernant les organismes vivants sont déclenchées par les activités d'importation ou de fabrication et le volume de renseignements est basé sur le rejet de l'organisme. Les données requises pour un produit chimique, un polymère ou un nanomatériau sont basées sur le volume de la substance à fabriquer ou à importer. Plus le volume est important, plus il faut fournir de renseignements dans la trousse de déclaration. Selon le Règlement sur les renseignements concernant les substances nouvelles, les pratiques de laboratoire en vertu desquelles les données sont produites doivent être conformes aux principes des bonnes pratiques de laboratoire. À la suite de l'évaluation finale dans un cadre d'essai à plusieurs niveaux, si l'on a conclu qu'une substance ne pose pas de risque inacceptable pour la santé humaine ou l'environnement, elle peut devenir admissible à l'inscription sur la LIS. Si les substances présentent un risque inacceptable, elles peuvent être gérées de diverses façons, notamment en imposant des conditions d'utilisation, en interdisant certaines utilisations ou en demandant plus de renseignements.

Situation actuelle de la toxicogénomique

D'autres stratégies d'essais, notamment la toxicogénomique et l'élaboration de parcours de résultats néfastes, ainsi que la réduction des essais sur les animaux, ont été déterminées comme des éléments importants de l'avenir de l'évaluation préalable à l'importation ou à la fabrication de nouvelles substances au Canada. Toutefois, si aucune donnée toxicogénomique n'a été produite pour une nouvelle substance, le Règlement sur les renseignements concernant les substances nouvelles n'oblige pas à produire des données toxicogénomiques. Quoi qu'il en soit, le Bureau de l'évaluation  et du contrôle des substances nouvelles peut proposer aux déclarants de produire des données toxicogénomiques ou de soumettre des données toxicogénomiques existantes. De plus, dans le cas d'un risque déterminé pour une nouvelle substance et de l'imposition d'une demande ministérielle de renseignements supplémentaires, des données toxicogénomiques pourraient être demandées si l'on juge qu'il s'agit du recours optimal pour l'identification des dangers, tout comme l'utilisation judicieuse de modèles animaux appropriés pour ce qui est de la pertinence d'une substance pour l'humain, ou l'association à une approche fondée sur le poids de la preuve. Ainsi, en l'absence d'une modification à la LCPE pour inclure les données toxicogénomiques comme exigence obligatoire, il est possible d'utiliser les données toxicogénomiques dans les évaluations des risques du Bureau de l'évaluation et du contrôle des substances nouvelles.

Possibilités de la toxicogénomique

Outre les exigences en matière de données prescrites, d'autres renseignements disponibles sont pris en compte lors de l'évaluation des substances et une approche fondée sur le poids de la preuve peut être utilisée pour évaluer les risques. En vertu du Règlement sur les renseignements concernant les substances nouvelles, les exigences doivent inclure « un résumé de tous les autres renseignements et données d'essai dont dispose la personne qui fabrique ou importe la substance chimique ou auxquels elle devrait avoir accès et qui permettent d'identifier les dangers que présente la substance chimique pour l'environnement et la santé humaine ». Cela pourrait être interprété pour inclure des données toxicogénomiques. Par conséquent, les données toxicogénomiques pourraient devenir un élément plus courant dans les données soumises dans le cadre du Règlement sur les renseignements concernant les substances nouvelles. L'inclusion de données toxicogénomiques permettrait des évaluations plus robustes, comme dans l'utilisation de données sur l'expression génique pour la sélection de modèles animaux appropriés pour déterminer la toxicité chez l'humain, et dans l'utilisation de points de départ de la transcription. De plus, elle peut fournir aux évaluateurs l'information nécessaire pour demander des tests supplémentaires. En outre, des données de qualité sur l'expression génique permettraient de mieux comprendre le mode d'action chimique, ce qui  pourrait par la suite renforcer les conclusions de l'évaluation des risques et éventuellement être utilisé pour la lecture croisée de substances ayant des propriétés chimiques similaires.

6.3 Nanomatériaux

Introduction

La Section de la nanotechnologie du Bureau de l'évaluation et du contrôle des substances nouvelles de la Direction de la sécurité des milieux, sous le mandat de la Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs de Santé Canada, effectue des évaluations des risques des nanomatériaux nouveaux et existants.

Les nanomatériaux sont des matériaux fabriqués avec au moins une dimension variant entre 1 et 100 nm. En raison de leur petite taille, ils présentent des caractéristiques uniques par rapport aux éléments de plus grande taille (p. ex. micro). Ces propriétés uniques peuvent avoir une incidence sur leurs interactions avec les matrices biologiques, leur répartition dans l'organisme et leur toxicité. En tant que produits chimiques industriels, les nanomatériaux répondent à la définition des substances en vertu de la LCPE, mais ils peuvent également être réglementés en vertu de différentes lois, selon leur application.

Comme les substances existantes sont inscrites sur la LIS en fonction de leur nom chimique et de leur numéro de registre du Chemical Abstracts Services (no CAS), et que le no CAS ne peut faire la distinction entre les microformes nanométriques et les formes microscopiques en vrac d'une substance, les formes nanométriques de substances chimiques déjà inscrites sur la LIS sont considérées comme « existantes » (c.-à-d. dans le commerce). Les nanomatériaux existants n'ont pas fait l'objet d'une évaluation de leur risque pour la santé humaine ou l'environnement, et des mesures sont en cours pour classer ces nanomatériaux par ordre de priorité et les évaluer.

Les nanomatériaux qui ne sont pas commercialisés (c.-à-d. qui ne sont pas inscrits sur la LIS) sont considérés comme « nouveaux » et sont évalués dans le cadre du Règlement sur les renseignements concernant les substances nouvelles par le Programme des substances nouvelles (voir la section 6.3). Il peut s'agir de nanomatériaux existants dont les propriétés sont modifiées de manière significative, ce qui change leur fonction. Il peut s'agir de nanomatériaux dont la surface est modifiée par des groupes chimiques fonctionnels. Les exigences en matière de données pour les nanomatériaux sont actuellement conformes à celles des produits chimiques, bien que des mesures soient en cours pour mettre à jour les lignes directrices sur les substances nouvelles afin d'inclure des considérations supplémentaires pour les nanomatériaux.

Situation actuelle de la toxicogénomique

Des ensembles de données toxicogénomiques de haute qualité provenant d'études in vivo et in vitro sont actuellement disponibles pour certains nanomatériaux prioritaires et des études de cas ont été menées pour démontrer leur application potentielle (voir l'encadré ci-dessous). On s'attend à ce que cette information soit pleinement prise en compte dans l'évaluation des nanomatériaux « existants » (c.-à-d. ceux de la LIS). Les parcours de résultats néfastes ont également été jugés importants pour l'avenir de l'évaluation des risques liés aux nanomatériaux et des travaux de collaboration avec l'OCDE sont en cours pour explorer leur utilité. Des études de cas portant sur le lien entre les propriétés nanospécifiques et la toxicité sont en cours pour la silice nanoamorphe et d'autres nanomatériaux.

Possibilités de la toxicogénomique

Étant donné l'ampleur de la production et des utilisations des nanomatériaux, et le fait qu'ils peuvent avoir des milliers de variantes (c.-à-d. modification de surface, charge superficielle, forme) avec des profils de toxicité distincts, des stratégies plus efficaces sont nécessaires. D'autres stratégies de  test et parcours de résultats néfastes ont été déterminés comme des approches prometteuses pour soutenir l'évaluation de la sécurité des nanomatériaux. La toxicogénomique permet également le regroupement de nanomatériaux susceptibles d'avoir un mode d'action semblable, et peut fournir des renseignements à l'appui de la lecture croisée.

Exemple de cas d'application de la toxicogénomique aux nanomatériaux

Au cours des dix dernières années, Santé Canada a évalué l'applicabilité et la fiabilité d'une approche transcriptomique en vue d'appuyer les besoins en données des nanomatériaux qui, d'après ce que l'on sait, provoquent des problèmes pulmonaires. Plus de 50 nanomatériaux individuels appartenant à deux classes spécifiques ont été testés dans un modèle murin : 1) définir le mécanisme par lequel les nanomatériaux inhalés provoquent une toxicité pulmonaire; 2) valider la pertinence des données in vitro pour prévoir les réactions in vivo après une exposition aux nanomatériaux; 3) établir des parcours de résultats néfastes et déterminer les principaux événements associés à la fibrose pulmonaire provoquée par les nanomatériaux; et 4) élaborer des concepts de type omique et des outils toxicologiques et statistiques optimisés pour soutenir les besoins d'évaluation des risques des nanomatériaux. On a observé que la transcriptomique pouvait distinguer de manière plus sensible les différences subtiles liées aux propriétés spécifiques des nanomatériaux qui n'étaient pas été révélées par les tests classiques. Les résultats de l'analyse approfondie ont été publiés dans plusieurs manuscrits et plus récemment dans les ouvrages de Labib et coll., 2016; Nikota et coll., 2016; Williams et Halappanavar, 2015; Halappanavar et coll., 2015.

6.4 Qualité de l'eau et de l'air

Introduction

Le Bureau de la qualité de l'eau et de l'air de la Direction de la sécurité des milieux, sous le mandat de la Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs de Santé Canada, dirige l'élaboration de lignes directrices et d'évaluations des risques pour la santé humaine visant à protéger les Canadiens contre les contaminants dans l'eau potable et les polluants de l'air intérieur et extérieur.

Les responsables du Programme de la qualité de l'eau, en collaboration avec les provinces et les territoires, élaborent des lignes directrices qui établissent les concentrations maximales acceptables des contaminants potentiels dans l'eau potable. Des évaluations des risques sont effectuées afin de déterminer les valeurs basées sur la santé pour les contaminants décelés dans l'eau potable qui peuvent poser un problème de santé. Ces évaluations forment la base des Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada. Les lignes directrices servent de points de repère pour les autorités canadiennes en matière d'eau potable, et l'approvisionnement en eau potable est une responsabilité partagée entre les gouvernements fédéral, provinciaux, territoriaux et municipaux. Le Bureau peut également élaborer des valeurs préliminaires sur demande, afin d'aider les administrations canadiennes à répondre à un besoin ou à une situation particulière. Étant donné que des valeurs numériques pour les concentrations de contaminants dans l'eau potable sont établies (c.-à-d. concentrations maximales acceptables), il est nécessaire de quantifier avec précision le risque en plus d'indiquer si un contaminant peut être toxique ou non.

Le rôle de la Division de l'évaluation des effets de l'air sur la santé est de caractériser les risques de   la pollution atmosphérique extérieure pour la santé humaine et d'évaluer les initiatives visant à réduire les effets de la pollution atmosphérique sur la santé de la population canadienne. Des évaluations exhaustives des risques pour la santé humaine sont effectuées sur des polluants atmosphériques individuels (p. ex. matière particulaire, dioxyde d'azote, ozone troposphérique et dioxyde de soufre) et des mélanges de polluants atmosphériques provenant de sources importantes (p. ex. gaz d'échappement des moteurs diesel et à essence). Les effets sur la santé sont évalués à l'aide de renseignements tirés de la documentation scientifique et principalement d'études épidémiologiques. Les études toxicologiques servent principalement à étayer les résultats épidémiologiques et à fournir des renseignements mécanistes. Les effets sur la santé de la population associés à la pollution atmosphérique sont caractérisés à l'aide d'une approche fondée sur le poids de la preuve et de critères  de causalité, d'après les critères de Bradford-Hill. De plus, les impacts potentiels sur la santé des changements dans la pollution atmosphérique, y compris la mortalité et la morbidité prématurées, sont estimés ainsi que leur valeur socio-économique à l'aide de l'Outil pour évaluer les avantages d'une meilleure qualité de l'air. Les évaluations des risques pour la santé humaine et les analyses des répercussions sur la santé des changements dans la pollution atmosphérique fournissent les preuves scientifiques et appuient les initiatives réglementaires et non réglementaires, comme les normes canadiennes de qualité de l'air ambiant et les exigences de base relatives aux émissions industrielles conformément au cadre du système de gestion de la qualité de l'air.

Les évaluations des risques effectuées par la Division des sciences de la qualité de l'air aboutissent à l'élaboration de Lignes directrices sur la qualité de l'air intérieur résidentiel et de documents d'orientation. Ces Lignes directrices constituent l'évaluation par Santé Canada des risques pour la santé posés par un polluant de l'air intérieur en fonction d'un examen des meilleures données scientifiques disponibles. Elles énoncent les effets connus pour la santé, décrivent les sources intérieures et les niveaux et proposent un niveau d'exposition recommandé au-dessous duquel aucun effet pour la santé ne devrait apparaître. Lorsque les données scientifiques disponibles ne permettent pas de calculer une limite d'exposition numérique, on établit un document d'orientation sur la qualité de l'air intérieur résidentiel, qui porte sur les mesures de réduction de l'exposition. Les lignes directrices et les documents d'orientation ne sont que des recommandations et ne constituent pas une norme exécutoire en vertu d'un règlement. Ils se veulent une base scientifique sur laquelle reposent les activités de réduction des risques liés aux polluants de l'air intérieur. Cela pourrait inclure l'élaboration de règlements ou de normes ou la production de documents de communication destinés au grand public.

Les programmes sur l'eau et l'air exigent des données toxicologiques de haute qualité qui sont publiées dans la documentation évaluée par des pairs ou dans des rapports accessibles au public; le Bureau ne reçoit pas de présentations de données toxicologiques.

Situation actuelle de la toxicogénomique

L'utilisation des données toxicogénomiques se limite actuellement à éclairer et à appuyer l'analyse du mode d'action en contribuant au poids de la preuve. Des données toxicogénomiques ont été utilisées à ce titre dans certains documents techniques des lignes directrices (Santé Canada, 2015b, 2016). Toutefois, des données toxicogénomiques de haute qualité sont rarement disponibles pour les substances examinées. Les paramètres toxicogénomiques ne sont actuellement pas utilisés pour les besoins des évaluations quantitatives des risques ou de la sélection des paramètres toxiques, car il subsiste des incertitudes liées à leur capacité de prévision.

Possibilités de la toxicogénomique

Bien qu'il existe des limites empêchant l'utilisation de données toxicogénomiques comme base d'une évaluation quantitative des risques, le Bureau de la qualité de l'eau et de l'air continuera à utiliser des données publiées et examinées par des pairs pour éclairer l'analyse du mode d'action et aider à évaluer la pertinence pour l'humain d'un paramètre choisi dans ses évaluations des risques. Les résultats toxicogénomiques peuvent contribuer au poids de la preuve à l'appui d'un mode d'action proposé pour un critère d'évaluation clé. Les données toxicogénomiques peuvent également servir à justifier le regroupement des produits chimiques aux fins d'évaluation des risques et fournir l'information nécessaire à la lecture croisée. L'analyse du poids de la preuve peut éclairer les évaluations des risques ou d'autres documents qui appuient les exigences du programme. Dans l'avenir, la toxicogénomique pourrait également être prise en compte dans l'élaboration d'un processus d'établissement des priorités pour les contaminants de l'air intérieur. Le Bureau de la qualité de l'eau et de l'air suivra l'évolution de la science de l'évaluation des risques et incorporera de plus en plus de données toxicogénomiques lorsque cela est approprié et scientifiquement justifié.

6.5 Substances contrôlées

Introduction

La Direction des substances contrôlées, sous le mandat de la Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs, et en collaboration avec la Direction générale des produits de santé et des aliments, travaille à améliorer et à protéger la santé des Canadiens en prévenant ou en minimisant les effets négatifs associés aux substances contrôlées et autres substances psychoactives, tout en assurant l'accès aux substances contrôlées et aux précurseurs à des fins légitimes.

À l'heure actuelle, les substances contrôlées en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substance et de ses règlements sont explicitement énoncées comme telles, ou implicites (p. ex. sous forme de liste de catégories). S'il est déterminé que des composés présentant un risque d'abus et un risque pour la santé et la sécurité des personnes et du public ne font pas partie d'une inscription à l'annexe, une évaluation aux fins d'inscription est effectuée. S'il existe suffisamment de preuves indiquant que le composé présente un risque d'abus, on envisage de le soumettre à un contrôle réglementaire en modifiant une annexe de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.

Situation actuelle de la toxicogénomique

La documentation publiée est une composante essentielle des évaluations de l'annexe effectuées à la Direction des substances contrôlées. Tout comme l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), la Direction des substances contrôlées utilise une approche multifactorielle pour évaluer le poids de la preuve concernant l'étendue du potentiel d'abus (selon la pharmacologie), l'abus réel (selon les rapports d'abus) et les risques que posent les substances. Puisque, bien souvent, les données cliniques ne sont pas disponibles pour les substances illicites, les données sur les animaux et les autres données non cliniques représentent des facteurs importants dont il faut tenir compte au cours de l'examen.

Souvent, les données sur les humains ne sont pas accessibles; par ailleurs, elles sont vaguement décrites dans les rapports de cas ou sont anecdotiques. Une grande partie de l'évaluation est fondée sur des renseignements chimiques et pharmacologiques, lorsqu'ils sont disponibles, qui sont étayés principalement par des études in vivo sur des animaux et des modèles de risque d'abus établis. Étant donné qu'une partie importante des évaluations aux fins d'inscription est fondée sur des études in vivo sur les animaux, que l'on trouve principalement dans la documentation publiée, les données toxicogénomiques disponibles pourraient être d'une grande valeur, notamment lorsque les marqueurs validés liés à l'abus, à la tolérance, à la dépendance et au sevrage sont connus. À ce jour, aucune étude de ce genre n'a été incluse dans les évaluations aux fins d'inscription et l'utilisation de la toxicogénomique n'est pas incluse dans les lignes directrices actuelles de Santé Canada à l'intention de l'industrie sur l'Évaluation clinique du risque d'abus associé aux médicaments qui agissent sur le système nerveux central.

Possibilités de la toxicogénomique

Bien que les médicaments pharmaceutiques soient évalués dans le cadre d'une série complète d'études non cliniques et cliniques visant à caractériser le profi d'innocuité d'un produit pharmaceutique en vue d'une autorisation de mise en marché, il n'en va pas nécessairement de même pour les autres composés. Les études de risque d'abus ou de responsabilité sont souvent menées pour les produits pharmaceutiques lorsque le système nerveux central est soupçonné dans le cadre du mécanisme d'action ou lorsqu'une nouvelle entité moléculaire possède une structure similaire à celle d'une substance psychoactive connue. Bien que ces études puissent inclure à la fois des essais sur des animaux et sur des humains, elles peuvent ne pas fournir une image complète de la façon dont l'innocuité d'un médicament peut être perçue ou la manière dont la drogue serait utilisée par les toxicomanes. Par exemple, les produits pharmaceutiques sont souvent perçus comme étant moins nocifs que les drogues illicites. Les preuves à l'appui du potentiel d'abus de drogues illicites sont généralement moins solides et reposent davantage sur la recherche universitaire et la documentation publiée. Étant donné que les études sur les animaux sont coûteuses et qu'elles ont des implications d'ordre éthique, la réalisation de grandes études sur l'abus de drogues peut être prohibitive pour certains chercheurs. L'application de la toxicogénomique à cet égard pourrait alléger certains de ces fardeaux. Malheureusement, il existe peu de renseignements publics à ce jour concernant l'utilisation de la toxicogénomique dans la recherche sur les abus et la toxicomanie. De plus, les mécanismes qui sous-tendent la toxicomanie et la dépendance sont complexes. Il existe toutefois des exemples de drogues extrêmement toxicomanogènes, dont les caractéristiques sont semblables et se chevauchent en ce qui concerne leur capacité à provoquer des envies, le sevrage, la dépendance physique et psychologique, la toxicomanie et d'autres caractéristiques du risque d'abus. Par conséquent, il est possible d'explorer l'utilisation de ces drogues pour créer un panel validé de marqueurs indicatifs du risque d'abus. Bien que les études toxicogénomiques de ce type puissent ne pas être suffisantes pour inclure une substance particulière dans une annexe de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, elles peuvent guider la planification de la gestion des risques pour les nouveaux produits pharmaceutiques et jouer un rôle important dans l'approche du poids de la preuve utilisée pour l'inscription de nouvelles substances psychoactives.

6.6 Rayonnement

Introduction

La Loi sur le ministère de la Santé et la Loi de mise en œuvre du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires, la Loi sur la gestion des urgences et la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires et le Programme de réglementation de la qualité de l'air autorisent le Bureau de la radioprotection à surveiller les rayonnements environnementaux et l'exposition du public et professionnelle aux rayonnements de sources naturelles et anthropiques, ainsi qu'à conseiller et faire rapport à ce sujet. Le Bureau de la radioprotection dirige également le Plan fédéral en cas d'urgence nucléaire. La Commission canadienne de sûreté nucléaire et le Comité scientifique des Nations Unies pour l'étude des effets des rayonnements ionisants (UNSCEAR) ont adopté les lignes directrices et les recommandations du Bureau de la radioprotection en matière d'exposition aux rayonnements ionisants dans l'environnement. Ces limites d'exposition humaine ont été établies à partir d'une  vaste base de données sur les effets du cancer et des autres maladies chez les survivants de la bombe atomique et sont fondées sur un modèle linéaire sans seuil pour estimer ou gérer les risques. Toutefois, des incertitudes scientifiques subsistent quant à l'importance biologique de l'exposition répétée à faible dose aux rayonnements ionisants ou à la qualité du rayonnement, à des niveaux inférieurs aux recommandations canadiennes actuelles.

Le Bureau de la protection contre les rayonnements des produits cliniques et de consommation (BPRPCC) applique la Loi sur les dispositifs émettant des radiations et ses règlements, qui régissent la sécurité des dispositifs électroniques émettant des radiations importés et vendus au Canada. Cela inclut les dispositifs qui émettent des rayonnements ionisants (p. ex. rayons X), non ionisants (p. ex. radiofréquence, optique, ultraviolet) et acoustiques (p. ex. infrasons, sons, ultrasons). Le BPRPCC entreprend des activités de surveillance pour déterminer les dangers potentiels, effectue des évaluations des dispositifs et de l'exposition, et procède à des recherches sur les effets biologiques et sur la santé de l'exposition aux rayonnements pour appuyer la détermination des dangers et l'évaluation des risques. Les activités de gestion des risques du BPRPCC comprennent la mise en application de la conformité réglementaire, l'élaboration de lignes directrices en matière de radioprotection, de normes et de codes de sécurité, et la communication de renseignements et d'avis d'experts sur les risques radiologiques au public, à d'autres ministères fédéraux et aux gouvernements provinciaux et territoriaux. En appui du Plan fédéral en cas d'urgence nucléaire, le BPRPCC fournit  des estimations basées sur des données biologiques des doses de rayonnements ionisants absorbées  au cours d'expositions humaines accidentelles.

Au cours des dernières années, le BPRPCC a été confronté à la prolifération rapide d'une vaste gamme d'appareils émettant des rayonnements non ionisants sur le marché canadien, souvent avec des scénarios d'exposition aux rayonnements nouveaux ou imprévus. Le BPRPCC se voit souvent demander des conseils en matière de santé et de sécurité concernant ces produits auprès d'un large éventail d'intervenants nationaux et internationaux. Pour gérer les risques, le Bureau a élaboré des limites d'exposition humaine recommandées à l'échelle nationale ou a adopté des lignes directrices internationales en matière de sécurité pour la protection des Canadiens contre l'exposition aux rayonnements. L'élaboration de ces limites d'exposition et les conseils du BPRPCC transmis aux intervenants sont fondés sur des évaluations du poids de la preuve de la documentation scientifique provenant d'études sur les animaux, in vitro, sur la population humaine et sur des volontaires humains. Les données transcriptomiques ont été prises en compte dans ces évaluations du poids de la preuve.

Situation actuelle de la toxicogénomique

Les études toxicogénomiques ont été incluses dans les évaluations du poids de la preuve effectuées par le BPRPCC en ce qui concerne les dangers potentiels pour la santé liés à diverses formes ou sources de rayonnement. Plusieurs initiatives de recherche dans le domaine des rayonnements ont également inclus les analyses transcriptomiques et protéomiques afin d'appuyer l'évaluation des voies biochimiques ou des mécanismes d'action potentiels en réponse aux rayonnements ionisants et non ionisants pour les expositions externes (p. ex. les dispositifs émettant des rayonnements) et internes (p. ex. le radon). Des données transcriptomiques supplémentaires sont envisagées pour offrir plus de renseignements sur les voies biochimiques et les tissus potentiellement réactifs, y compris les réponses biologiques subtiles qui peuvent ou non être associées à des effets néfastes pour la santé; ces réponses peuvent être déterminées à des doses inférieures aux seuils actuels auxquels surviennent des lésions pathologiques aiguës.

Possibilités de la toxicogénomique

La toxicogénomique peut fournir un moyen de générer de nouveaux renseignements pour aider à affiner l'évaluation et la gestion des risques pour les expositions à de très faibles doses avec une applicabilité supplémentaire pour soutenir a) les effets non ciblés et ciblés; b) la susceptibilité individuelle; c) la biodosimétrie; et d) l'identification de nouvelles voies mécanistes associées aux effets sous-pathologiques ou aux blessures à l'appui de la détermination de biomarqueurs. À long terme, on prévoit que les données toxicogénomiques permettront de mieux comprendre les modes d'interaction entre les diverses formes de rayonnement et les tissus humains, ce qui permettra d'acquérir de nouvelles connaissances qui faciliteront une évaluation plus précise des dangers ou des risques.

Exemple de cas d'application de la toxicogénomique au rayonnement

Au cours des 12 dernières années, Santé Canada a dirigé l'élaboration d'un réseau de biodosimétrie pour l'évaluation des doses de rayonnement à la suite d'expositions aux rayonnements (accidentelles, malveillantes, professionnelles) fondées sur des techniques cytogénétiques bien normalisées. Cependant, ces essais présentent des limites, car ils exigent beaucoup de travail et de temps. L'utilisation de marqueurs génétiques pour les outils de biodosimétrie s'est révélée une solution de rechange intéressante qui permettrait de contourner certaines des limites des essais cytogénétiques classiques. Dans le but d'examiner la fiabilité de l'expression génique à l'appui de la biodosimétrie, un exercice de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) a été organisé par le Groupe de travail de recherche de l'OTAN. Les résultats de cet exercice sont présentés dans une revue systématique récente (Badie et coll., 2013). Huit laboratoires en Europe et aux États-Unis qui utilisent couramment les tests d'expression génique comme outil de diagnostic y ont participé. Chaque laboratoire a reçu du sang irradié ex vivo prélevé sur une personne en bonne santé. Les résultats ont montré une forte intercomparabilité des estimations de doses malgré l'utilisation de protocoles différents d'un site à l'autre. La précision et la sensibilité étaient comparables aux essais cytogénétiques établis avec l'avantage supplémentaire de fournir des estimations rapides des doses de rayonnement (dans les sept à huit heures suivant la réception de l'échantillon). Malgré des possibilités prometteuses pour les essais d'expression génique en biodosimétrie, les auteurs recommandent de poursuivre les travaux en utilisant des études in vivo et en renforçant la reproductibilité, la normalisation et l'assurance de la qualité (Badie et coll., 2013).

6.7 Aliments

Introduction

Au sein de Santé Canada, en vertu du mandat de la Direction générale des produits de santé et des aliments, le Bureau d'innocuité des produits chimiques de la Direction des aliments est responsable des politiques, de l'établissement de normes, de l'évaluation des risques, de la recherche et des activités d'évaluation concernant les produits chimiques présents dans les aliments en vertu de la Loi sur les aliments et drogues et de son règlement d'application. Le programme d'évaluation préalable à la mise en marché évalue les demandes concernant les additifs alimentaires, les matériaux d'emballage des aliments, les aliments génétiquement modifiés, les aliments enrichis, entre autres,  qui exigent la présentation de données toxicologiques pour établir l'innocuité du produit chimique dans les conditions d'utilisation ou de l'aliment avant l'approbation. Après la mise en marché, les responsables du programme d'évaluation effectuent des évaluations des risques pour la santé des contaminants chimiques et des toxines naturelles présents dans les aliments à l'aide des données toxicologiques disponibles publiées dans la documentation évaluée par les pairs. Les programmes qui précèdent ou suivent la mise en marché exigent que des données toxicologiques soient établies selon des normes élevées (p. ex. lignes directrices de l'OCDE pour les essais de produits chimiques; bonnes pratiques de laboratoire) pour caractériser les dangers potentiels associés aux produits chimiques dans les aliments afin de déterminer si l'exposition alimentaire à ces produits chimiques entraînerait un risque potentiel pour la sécurité et d'établir des valeurs d'orientation fondées sur la santé, au besoin.

Situation actuelle de la toxicogénomique

Pour le moment, les données toxicogénomiques ne figurent pas dans les lignes directrices destinées aux promoteurs en ce qui concerne les types de données toxicologiques pouvant être présentées pour établir l'innocuité des produits chimiques ajoutés aux aliments; ce type de données n'est donc généralement pas présenté. Bien que, d'une manière générale, les données toxicogénomiques ne soient pas facilement accessibles aux fins d'examen de la caractérisation des dangers par le programme d'évaluation suivant la mise en marché, lorsqu'elles sont disponibles, elles ont été  prises en considération pour éclairer et appuyer l'analyse du mode d'action.

Grâce à des initiatives de recherche au sein du Bureau d'innocuité des produits chimiques, on a commencé à élaborer et à intégrer des outils toxicogénomiques (p. ex. épreuves ciblées de réaction en chaîne de la polymérase [PCR], puces à ADN [ou microréseaux] et puces à microARN) dans les études classiques de toxicologie in vivo qui sont utilisées pour la toxicologie réglementaire. Ces travaux permettront de mieux comprendre les mécanismes toxicologiques, de contribuer à la validation des méthodes toxicogénomiques en comparant les résultats avec les paramètres apicaux des études in  vivo définitives sur les animaux et, éventuellement, de déterminer et de caractériser les biomarqueurs des effets sur la santé associés à l'exposition aux produits chimiques.

Exemple de cas d'application de la toxicogénomique aux aliments

Le Bureau d'innocuité des produits chimiques a examiné les données toxicogénomiques afin d'orienter le mode d'action dans l'évaluation des risques du furane pour la santé humaine. Le furane est un composé aromatique hétérocyclique volatil qui est utilisé comme intermédiaire dans divers procédés industriels; il est également présent dans l'environnement en tant que produit de combustion. Le furane a été détecté dans une grande variété d'aliments couramment consommés, notamment dans des boîtes ou des bocaux, où il peut être formé en très faibles quantités (µg/kg ou ppb) à partir de constituants naturels des aliments pendant le traitement thermique. Sa présence dans les aliments est potentiellement préoccupante en raison des indications de toxicité hépatique, y compris la cancérogénicité, chez la souris et le rat.

Jusqu'à récemment, on ne disposait que de données apicales et toxicogénomiques étayant clairement un seuil de cancérogénicité chez les souris; cependant, les données disponibles sur les espèces de rats les plus sensibles ne permettaient pas d'écarter un mode d'action génotoxique. Par prudence, il a été considéré que le furane pouvait agir par l'intermédiaire d'un mode d'action génotoxique susceptible de provoquer le cancer d'une manière telle qu'il n'existe pas de seuil d'effet en théorie; en conséquence, tout niveau d'exposition humaine pourrait être associé à un certain degré de risque. Depuis la publication des évaluations antérieures des risques liés au furane, des travaux importants ont été publiés afin d'étendre la relation dose-effet des cholangiocarcinomes chez les rats F344 et d'élucider davantage le mode d'action cancérogène du furane.

Des preuves apicales relatives à un seuil de cancérogénicité hépatique sont maintenant clairement disponibles chez les souris (Moser et coll., 2009) et les rats (Von Tungeln et coll., 2016). Les données de puces à ADN pour examiner les profils transcriptionnels globaux d'ARNm et d'ARNm hépatiques chez les souris et les rats exposés au furane (Jackson et coll., 2014; Dong et coll., 2016) démontre  que la toxicité hépatique induite par le furane est associée à des changements non génotoxiques dans l'expression génique associés au stress oxydatif, à l'inflammation, à l'apoptose et à la prolifération cellulaire. Même si le profil d'expression génique induit par le furane chez le rat était semblable à celui d'autres agents hépatocancérogènes non génotoxiques, à des doses élevées (p. ex. > 2 mg/kg p.c./jour), le furane a entraîné des changements toxicogénomiques associés à des dommages à l'ADN (p. ex. P53, Ccng1, Fas, Cdkn1a; Dong et coll., 2016).

Le poids de la preuve général désormais disponible laisse entendre que le mode d'action cancérogène du furane implique des changements réversibles et non génotoxiques dans l'expression génique à de faibles doses et peut-être des changements génétiques irréversibles à des doses plus élevées. Aux doses plus faibles, qui sont plus pertinentes pour l'exposition de la population générale, le mode d'action semble impliquer principalement le métabolisme du furane par rapport aux intermédiaires réactifs, la cytotoxicité répétée et soutenue et l'inflammation entraînant un stress oxydatif, une régénération cellulaire accrue, une instabilité génomique et une prolifération potentiellement incontrôlée – un mode d'action considéré comme raisonnablement plausible chez l'humain. Par conséquent, on croit qu'il existe un seuil biologique et qu'un niveau d'exposition humaine sans risque significatif peut être établi.

Possibilités de la toxicogénomique

Des données toxicogénomiques pourraient être considérées par des évaluations qui précèdent ou suivent la mise en marché comme des renseignements supplémentaires dans le poids de la preuve général (p. ex. mode d'action ou élucidation de la pertinence pour l'humain) qui sont pris en considération dans une évaluation des risques. De plus, la toxicogénomique pourrait être utilisée pour mettre au point des méthodes de détection par la détermination de biomarqueurs de toxicité qui aideraient à classer par ordre de priorité les produits chimiques pauvres en données aux fins d'autres essais toxicologiques.

6.8 Médicaments et produits biologiques

Introduction

Tous les médicaments pharmaceutiques et biologiques réglementés en vertu de la Loi sur les aliments et drogues et de son règlement d'application doivent être évalués par l'industrie dans le cadre d'une série complète d'études toxicologiques visant à caractériser le profil d'innocuité d'un médicament à l'appui du lancement d'essais cliniques chez l'humain, de l'autorisation de mise en marché du médicament et du maintien de son profil d'innocuité après son approbation. À Santé Canada, l'évaluation de ces études toxicologiques relève du mandat de la Direction générale des produits de santé et des aliments (DGPSA). Plus précisément, l'examen des études toxicologiques à l'appui des essais cliniques chez l'humain et de l'autorisation de mise en marché relève de la Direction des produits thérapeutiques pour les médicaments pharmaceutiques et de la Direction des produits biologiques et des thérapies génétiques pour les médicaments biologiques.

Les exigences relatives aux études toxicologiques sont détaillées dans un ensemble complet de lignes directrices de sécurité élaborées par le Conseil international sur l'harmonisation des exigences techniques relatives à l'homologation des produits pharmaceutiques à usage humain (ICH). Ces lignes directrices couvrent divers aspects des exigences relatives aux essais toxicologiques comme la durée et la réalisation d'études de toxicité à doses répétées, la cancérogénicité, la génotoxicité, la toxicologie reproductive et les considérations spéciales liées au profil de toxicité des produits pharmaceutiques issus de la biotechnologie. Les études toxicologiques requises doivent être réalisées par l'industrie et les résultats doivent être fournis à la direction appropriée de la Direction générale des produits de santé et des aliments à l'appui des demandes d'essais cliniques, des autorisations de mise en marché et de la surveillance de l'innocuité après la mise en marché.

Situation actuelle de la toxicogénomique

La réglementation canadienne actuelle n'exige pas explicitement la présentation de données toxicogénomiques pour l'évaluation de l'innocuité non clinique des nouveaux médicaments. En l'absence de lignes directrices officielles d'un organisme reconnu à l'échelle internationale comme l'ICH concernant l'utilisation de la toxicogénomique dans le développement et l'évaluation des médicaments, Santé Canada n'accepterait pas les données toxicogénomiques à la place des exigences actuelles en matière d'études toxicologiques. Cela dit, on comprend de mieux en mieux comment les gènes et les variations génétiques contribuent aux réactions aux médicaments, y compris la toxicité, et les organismes de réglementation et les intervenants de l'industrie s'efforcent de plus en plus de déterminer les moyens les plus appropriés d'utiliser l'information toxicogénomique dans le contexte de l'évaluation des médicaments avant et après la mise en marché, et de la prise de décisions réglementaires. En fait, les données toxicogénomiques sont actuellement visées par le document d'orientation sur la présentation de l'information pharmacogénomique de Santé Canada qui mentionne clairement que des données provenant d'études génomiques qui se rapportent aux effets toxicologiques d'un médicament ou qui fournissent des preuves à l'appui de l'innocuité, des contre-indications ou des effets indésirables d'un médicament, doivent être fournies dans les présentations réglementaires pour les essais cliniques chez l'humain et pour l'autorisation de mise en marché en vertu des dispositions de la Loi sur les aliments et drogues et de son règlement. Par conséquent, bien que l'industrie ne fournisse pas de données toxicogénomiques à l'heure actuelle, il n'y a aucun obstacle à la fourniture de données toxicogénomiques, en plus des exigences actuelles en matière d'études toxicologiques, pour appuyer les demandes d'essais cliniques chez l'humain et d'autorisation de mise en marché de médicaments pharmaceutiques et biologiques.

Possibilités de la toxicogénomique

Les études toxicologiques sont une exigence explicite pour le lancement d'essais cliniques chez l'humain et l'autorisation de mise en marché de médicaments pharmaceutiques et biologiques au Canada et, à ce titre, aucune lacune ne serait comblée par des données toxicogénomiques. Toutefois, l'industrie et les organismes de réglementation nationaux déploient des efforts concertés pour réduire et perfectionner les essais non cliniques de médicaments, en particulier les essais sur les animaux. On espère que la toxicogénomique finira par servir de composante des paradigmes normalisés d'évaluation des médicaments de remplacement. Il est également estimé que la toxicogénomique peut mener à des renseignements plus discriminants, prédictifs et sensibles que ceux qui sont actuellement utilisés pour évaluer l'exposition toxique ou prédire les effets sur la santé humaine. Ainsi, les données toxicogénomiques favoriseraient la compréhension des mécanismes d'action et aideraient à obtenir  une explication plus précise des effets biologiques liés à la classe.

L'industrie pharmaceutique et les organismes de réglementation sont impatients de faire progresser cette technologie dans le domaine de la mise au point et de la réglementation des médicaments. On espère que la toxicogénomique pourra faciliter la détermination de la toxicité des médicaments et caractériser le mécanisme d'action des toxicités observées afin d'évaluer la pertinence pour l'homme ou de contribuer au poids de la preuve à l'appui du lancement d'essais cliniques chez l'humain et de l'autorisation de mise en marché de médicaments pharmaceutiques et biologiques.

6.9 Pesticides

Introduction

L'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) est responsable de l'évaluation des risques pour la santé humaine associés aux résidus de pesticides dans les aliments ainsi qu'à l'exposition professionnelle et résidentielle aux produits antiparasitaires. De plus, une évaluation des risques pour l'environnement et une confirmation que le produit a de la valeur lorsqu'il est utilisé conformément au mode d'emploi figurant sur l'étiquette est entreprise. Ces activités sont menées en vertu de la Loi sur les produits antiparasitaires, de la Loi sur les aliments et drogues et de leurs règlements respectifs. Du point de vue des risques pour la santé, l'ARLA a besoin de données
exhaustives sur les risques alimentaires, professionnels et résidentiels. Ces données sont nécessaires pour évaluer les nouvelles matières actives des pesticides, pour la réévaluation et les examens spéciaux des pesticides actuellement homologués et pour l'établissement des limites maximales de résidus dans ou sur les aliments traités avec un pesticide particulier.

Un certain nombre d'études en laboratoire sur les animaux sont généralement requises pour la détermination et la caractérisation des risques potentiels pour la santé humaine. Les évaluations toxicologiques de ces études parrainées par l'industrie comprennent l'examen des effets possibles sur la reproduction, le développement et divers systèmes organiques tels que les systèmes endocrinien, nerveux et immunitaire, ainsi que des études visant à déterminer le potentiel de causer le cancer. Ces données sont produites conformément aux lignes directrices d'essai internationalement reconnues publiées par l'OCDE ou l'EPA des États-Unis lorsqu'elles sont disponibles, ce qui inclut les dispositions relatives au bien-être des animaux. L'ARLA a des exigences en matière de données normalisées qui sont déterminées par les catégories d'utilisation des pesticides (p. ex. cultures alimentaires terrestres, cultures non alimentaires en serre, aquaculture et sites d'alimentation aquatique). L'ARLA (ou, de façon volontaire, le demandeur ou le titulaire d'homologation) peut les élargir sur une base individuelle afin de mieux caractériser les effets potentiels sur la santé.

Le processus d'examen de l'ARLA comprend une évaluation des effets qui peuvent résulter de   diverses durées (aiguës, à court et à long terme) et voies d'exposition (orale, cutanée, par inhalation) chez plusieurs espèces de laboratoire, notamment la souris, le rat, le lapin et le chien. La documentation évaluée par les pairs, les bases de données publiques ou internes, les données croisées provenant d'analogues structuraux ou de relations quantitatives structure activité et les évaluations provenant d'autres instances de réglementation des pesticides sont également prises en compte dans   l'évaluation de l'ARLA.

Situation actuelle de la toxicogénomique

Dans le cadre de son engagement à l'égard des 3R (réduire, raffiner, remplacer, dans la mesure du possible, le besoin d'études sur les animaux), l'ARLA appuie l'élaboration de stratégies d'essais de remplacement, y compris l'élaboration de parcours de résultats néfastes et la toxicogénomique, pour l'évaluation des risques pour la santé humaine et, en fin de compte, pour réduire les essais sur les animaux. À l'heure actuelle, l'ARLA n'exige pas de données toxicogénomiques pour l'homologation ou la modification de l'homologation d'un produit antiparasitaire. L'ARLA examine les données toxicogénomiques lorsqu'elles sont soumises par l'industrie (demandeurs ou titulaires d'homologation) ou acquises à partir de documents scientifiques accessibles au public, et intègre les conclusions au poids de la preuve général au cours de l'évaluation des risques. Jusqu'à présent, les données toxicogénomiques reçues et examinées par l'ARLA n'ont pas été exhaustives, compte tenu de l'environnement riche en données associé à la réglementation des pesticides. Dans la plupart des  cas, les données toxicogénomiques reçues ont été fournies volontairement par les demandeurs ou les déclarants pour appuyer l'analyse du mode d'action et l'approche de l'évaluation des risques pour la santé humaine (p. ex. l'approche du seuil pour l'évaluation des risques de cancer). Par conséquent, ces données n'ont pas été utilisées directement dans le choix des paramètres toxicologiques pour l'évaluation des risques.

Possibilités de la toxicogénomique

Comme indiqué ci-dessus, l'homologation des pesticides comporte un environnement riche en données; cependant, certains domaines pourraient bénéficier de la toxicogénomique. Par exemple,  les applications potentielles de la toxicogénomique dans des domaines disposant de moins de données pourraient inclure une utilisation dans l'établissement des priorités et l'évaluation des produits  de formulation et des métabolites des pesticides. Il est possible que les données toxicogénomiques permettent de déterminer les biomarqueurs d'effets dans les essais de toxicité qui peuvent se produire en dessous des niveaux montrant une toxicité manifeste. Cela peut avoir un impact sur le point de départ en fonction duquel le pesticide est réglementé. Les données toxicogénomiques pourraient également jouer un rôle important pour déterminer si des modes d'action communs sont partagés par plus d'un pesticide. L'élaboration d'essais génomiques peut également influer sur la compréhension de la variabilité intraspécifique, améliorer les extrapolations (p. ex. dose élevée à faible, d'une voie d'exposition à l'autre, interspécifique) et fournir de l'information pour guider l'évaluation des stades sensibles de la vie (p. ex. exposition des enfants). De tels renseignements pourraient avoir un impact sur l'évaluation globale des risques d'un pesticide en réduisant l'incertitude dans ces domaines.

Exemples de cas d'application de la toxicogénomique aux pesticides

L'halauxifène-méthyl et le myclobutanil sont deux exemples où des données toxicogénomiques ont été soumises par le demandeur et évaluées par l'ARLA.

La base de données toxicologiques sur l'halauxifène-méthyl comporte un certain nombre d'études toxicogénomiques (transcription inverse de la réaction en chaîne de la polymérase quantitative) pour appuyer l'établissement du mode d'action et évaluer la pertinence pour l'humain . Plusieurs études liées au mode d'action ont été soumises pour étudier un mode d'action médié par un récepteur des hydrocarbures aromatiques (AhR) pour déterminer les effets hépatiques liés au traitement chez le rat, y compris l'augmentation du poids des organes et du cholestérol, et les altérations cellulaires. Les principaux événements proposés chez les animaux comprenaient : l'exposition du foie à l'halauxifène méthyl, l'activation de l'AhR par induction du Cyp1a1 et la prolifération hépatocellulaire. De plus, l'efficacité de l'hydrolyse de l'halauxifène-méthyl en halauxifène acide était inconnue. Pour évaluer la pertinence pour l'homme, des données ont été évaluées, notamment i) des études comparatives in vitro sur l'expression génique des gènes Cyp1a1 et Cyp1a2 en utilisant des rongeurs et des hépatocytes humains, ii) des données in vitro sur l'hydrolyse hépatique humaine et iii) une analyse des modèles pharmacocinétiques à fondements physiologiques. Dans l'ensemble, le mode d'action animal a été accepté par l'ARLA et les données confirment une plus grande sensibilité des rats au mode d'action médié par l'AhR par rapport aux humains. (Santé Canada, 2014)

La base de données toxicologiques sur le myclobutanil comprenait des données toxicogénomiques publiées produites à l'aide de microréseaux d'ADN et d'une transcription inverse de la réaction en chaîne de la polymérase quantitative. L'activité pesticide du myclobutanil, un fongicide triazole, est basée sur l'inhibition du gène du cytochrome P450 (CYP) 51, qui est nécessaire à la production de membranes et de parois cellulaires fongiques. Chez les animaux, le CYP51 est essentiel à la synthèse du cholestérol et à la biosynthèse des stéroïdes. Deux études portant sur l'expression génique des triazoles, y compris le myclobutanil, dans le foie (souris, rat) et les testicules (rat) ont été prises en compte dans le poids de la preuve. Les deux études ont permis d'identifier plusieurs gènes CYP et enzymes métabolisants xénobiotiques. Certains de ces gènes étaient communs à tous les triazoles, tandis que d'autres étaient propres à certains produits chimiques. Les données toxicogénomiques ont été utilisées pour établir des profils d'expression génique afin de déterminer le mode d'action potentiel pour cette classe de pesticides. (Santé Canada, 2010).

6.10 Produits de consommation et produits cosmétiques

Introduction

Les produits de consommation sont réglementés par la Loi canadienne sur la sécurité des produits   de consommation. Cette loi contient des interdictions générales sur la fabrication, l'importation, la promotion ou la vente de tout produit de consommation qui présente un risque pour la sécurité ou la santé publique. Dans le cadre d'un régime de réglementation après la mise en marché, la Direction de la sécurité des produits de consommation n'approuve pas les produits avant leur vente, mais détermine les risques potentiels pour la santé et la sécurité humaine posés par les produits de consommation, et prend des mesures en conséquence. La déclaration des incidents et l'évaluation des risques pour  la santé humaine font partie des mécanismes utilisés pour déterminer les risques. La Loi canadienne sur la sécurité des produits de consommation oblige les fabricants, les importateurs ou les vendeurs à signaler à Santé Canada un incident où un produit pose ou pourrait poser un danger pour la santé et la sécurité humaines. Les incidents mettant en cause des produits de consommation peuvent également être signalés par des membres du public. Lorsque des incidents sont signalés, les évaluateurs de la Direction de la sécurité des produits de consommation utilisent des données publiques et exclusives (lorsqu'elles sont disponibles) pour évaluer les dangers et l'exposition propres aux produits chimiques qui peuvent résulter de l'utilisation du produit. Les évaluations des risques peuvent aussi être  effectuées de façon proactive, en fonction des nouvelles données scientifiques disponibles, des rapports des médias, des demandes des intervenants ou en réponse à des évaluations des risques effectuées par d'autres instances.

Les cosmétiques sont réglementés aux termes de la Loi sur les aliments et drogues et du Règlement sur les cosmétiques. Tout comme la Loi canadienne sur la sécurité des produits de consommation,  le Règlement sur les cosmétiques interdit la vente de tout cosmétique susceptible de nuire à la santé de l'utilisateur. Toutefois, bien que l'industrie et les consommateurs puissent signaler à Santé Canada les incidents de blessures ou les blessures potentielles causées par les cosmétiques, il n'existe aucune exigence réglementaire à cet égard. Par conséquent, les évaluations des risques en réponse aux incidents signalés sont peu fréquentes. Le risque d'effets néfastes pour la santé découlant de l'utilisation de produits cosmétiques est également géré par la Liste critique des ingrédients des cosmétiques dont l'utilisation est restreinte ou interdite (plus communément appelée Liste critique des ingrédients de cosmétiques, ou Liste critique), outil administratif que Santé Canada utilise pour faire savoir aux fabricants et à d'autres parties intéressées que certaines substances peuvent contrevenir aux dispositions d'interdiction générale stipulées à l'article 16 de la Loi sur les aliments et drogues ou  à une ou plusieurs des dispositions du Règlement sur les cosmétiques. Aux termes de l'article 16 de la Loi sur les aliments et drogues, « il est interdit de vendre un cosmétique qui contient une substance – ou en est recouvert – susceptible de nuire à la santé de l'individu qui en fait usage ». Le fondement scientifique de l'inscription d'ingrédients sur la Liste critique fait l'objet d'un examen continu afin de s'assurer de l'exactitude de l'information et de la pertinence des restrictions. L'utilisation d'un petit nombre d'ingrédients cosmétiques figurant sur la Liste critique (p. ex. les acides alpha-hydroxylés dans les produits pour la peau et les peroxydes dans les produits de blanchiment des dents) est restreinte, à condition que l'industrie présente des preuves adéquates de l'innocuité.

Situation actuelle de la toxicogénomique

Jusqu'à présent, les données toxicogénomiques n'ont pas été utilisées dans les évaluations des risques de la Direction de la sécurité des produits de consommation pour les produits de consommation ou les substances utilisées dans les produits de consommation. Cependant, cette Direction s'appuie parfois sur les conclusions des évaluations des risques effectuées dans d'autres territoires de compétence pour prendre des décisions concernant la sécurité des produits de consommation. Si des données toxicogénomiques ont été utilisées dans l'une de ces évaluations, il est possible que ces données puissent influencer les décisions de la Direction de la sécurité des produits de consommation, si ce  n'est indirectement. Jusqu'à présent, les données toxicogénomiques n'ont pas non plus été utilisées dans le cadre du projet d'examen des ingrédients de la Liste critique en cours, à moins qu'elles n'aient été utilisées indirectement par leur inclusion dans une évaluation des risques d'une autre instance.

Dans chacun de ces cas, la non-utilisation des données toxicogénomiques était due principalement à leur manque de disponibilité plutôt qu'à une décision délibérée de les exclure. Les données sur l'innocuité (p. ex. données sur le pH et études sur l'irritation de la peau) présentées à l'appui de l'utilisation de certains ingrédients cosmétiques figurant sur la Liste critique constituent une exception à cette règle. Les exigences techniques relatives à ces données visent à tenir compte des risques particuliers associés à chaque ingrédient et ne comprennent pas de données toxicogénomiques.

Possibilités de la toxicogénomique

À mesure que des données toxicogénomiques deviendront disponibles pour un plus grand nombre de substances utilisées dans les produits de consommation et les cosmétiques, elles pourraient être intégrées aux évaluations des risques et aux examens des ingrédients. Il est peu probable que les données toxicogénomiques soient appropriées pour répondre aux exigences relatives aux données sur l'innocuité précisées dans la Liste critique pour certains ingrédients cosmétiques. Les données toxicogénomiques peuvent être utiles pour identifier les risques émergents associés aux nouveaux ingrédients ou à ceux dont la base de données toxicologiques est médiocre. De telles données pourraient également jouer un rôle dans un processus d'examen préalable à plusieurs niveaux, dans le cadre duquel les substances sont examinées avant l'évaluation en fonction de leurs propriétés structurelles et chimiques. On s'attend à ce que cette fonction potentielle devienne plus utile au fur et à mesure que d'autres voies toxicogénomiques sont identifiées et validées. La contribution la plus importante des données toxicogénomiques aux évaluations des risques des produits de consommation et des cosmétiques serait peut-être de permettre une évaluation des risques combinés ou cumulés de plusieurs ingrédients dans un seul produit ou mélange, d'après plusieurs modes d'action. Cela pourrait ne pas être possible avant plusieurs années, car les modes d'action d'un grand nombre de produits chimiques doivent être élucidés et validés avant que les données puissent être utiles pour l'évaluation des produits à ingrédients multiples.

L'interdiction totale de réaliser des tests sur les animaux pour les cosmétiques est entrée en vigueur dans l'Union européenne en 2013, ce qui a exercé une pression considérable sur l'industrie cosmétique pour qu'elle élabore des méthodes in vitro pour remplacer les essais toxicologiques classiques. Étant donné que les différents niveaux d'organisation structurelle (cellules, tissus, organes, systèmes et organismes) ne réagissent pas de la même façon à l'exposition aux produits chimiques, de nombreuses lacunes subsistent en ce qui concerne la capacité des essais in vitro à correspondre à la fonctionnalité et à la sensibilité des essais sur les animaux. Les techniques toxicogénomiques pourraient fournir un soutien supplémentaire à la série de techniques in vitro disponibles, ce qui rendrait la base de données complète de données sur la sécurité non animale plus robuste.

6.11 Produits chimiques utilisés au travail

Introduction

Les produits chimiques et les produits en milieu de travail sont régis par le Règlement sur les produits dangereux. Ce Règlement, qui est entré en vigueur en 2015, est fondé sur la 5e édition du Système général harmonisé de classification et d'étiquetage des produits chimiques, connu au Canada sous le nom de Système d'information sur les matières dangereuses utilisées au travail (SIMDUT) 2015. Il n'y   a pas d'exigence en vertu du Règlement sur les produits dangereux pour tester les produits chimiques ou les produits en milieu de travail. Le Bureau des matières dangereuses utilisées au travail de la Direction de la sécurité des produits de consommation reçoit, à l'occasion, des données toxicologiques des demandeurs à l'appui d'une demande de renseignements commerciaux confidentiels en vertu de la Loi sur le contrôle des renseignements relatifs aux matières dangereuses. Le plus souvent, les classifications des dangers des produits chimiques en milieu de travail sont fondées sur des renseignements accessibles au public et sur des données tirées de recherches documentaires. Le SIMDUT adopte une approche fondée sur les dangers pour les classifications; le Bureau des matières dangereuses utilisées au travail n'effectue pas d'évaluations des risques.

Situation actuelle de la toxicogénomique

À l'heure actuelle, les données toxicogénomiques ne sont pas utilisées dans les classifications des dangers effectuées par le Bureau des matières dangereuses utilisées au travail et n'ont pas été reçues dans les soumissions des demandeurs.

Possibilités de la toxicogénomique

Les utilisations potentielles des données toxicogénomiques sont très limitées. Le Règlement sur les produits dangereux ne comporte pas de dispositions permettant une classification fondée sur des données toxicogénomiques. Si une version future du Système général harmonisé de classification et d'étiquetage des produits chimiques devait adopter des méthodes toxicogénomiques, le Règlement sur les produits dangereux pourrait être révisé. Une utilisation future pourrait être possible, car le Règlement sur les produits dangereux (et le Système général harmonisé de classification et d'étiquetage des produits chimiques) stipule que le mode d'action, en particulier en ce qui concerne sa pertinence pour l'homme, doit être pris en compte lors de la classification des produits chimiques. Si, sur la base de principes scientifiques établis, le mode d'action d'un danger particulier n'est pas pertinent pour l'homme, la substance ou le mélange ne devrait pas être classé. Avant que les données toxicogénomiques puissent être utilisées pour démontrer le mode d'action, il faudrait des méthodes validées (c.-à-d. des principes scientifiques établis), ainsi que des directives sur la façon d'appliquer  et d'interpréter les données. Il est peu probable que cela se produise dans un avenir proche.

7. Sommaire

En résumé, les secteurs de la réglementation et de l'évaluation des risques de Santé Canada représentés au sein du GTT percevaient un rôle pour les données toxicogénomiques dans l'évaluation des risques (tableau 1). Même s'il a été reconnu que, à l'heure actuelle, les données toxicogénomiques sont de natures exploratoires ou de recherche et ne sont pas bien établies sur le plan scientifique pour la prise  de décisions, ces données pourraient contribuer à l'approche du poids de la preuve en fonction des besoins respectifs (p. ex. lacunes en matière de données). Dans l'ensemble, les secteurs représentés de Santé Canada reconnaissent qu'ils accepteront les soumissions de données toxicogénomiques ou en tiendront compte lorsqu'elles seront disponibles à l'appui de l'évaluation des risques.

Tableau 1 : Résumé des utilisations potentielles de la toxicogénomique dans différents bureaux de réglementation et d'évaluation des risques de Santé Canada
Programme Se reporter à la section Utilisations potentielles de la toxicogénomique dans l'évaluation des risques
Poids de la preuve Analyse du mode d'action Classement par ordre de priorité Groupement chimique
à l'appui de la lecture croisée
DGSESC
Substances existantes 6.1        
Nouvelles substances et nanomatériaux 6.2, 6.3        
Eau 6.4        
Air 6.4        
Substances  contrôlées 6.5        
Rayonnement 6.6        
Produits de consommation, produits cosmétiques et produits chimiques utilisés au travail 6.10, 6.11        
DGPSA
Aliments 6.7        
Produits biologiques et thérapies génétiques 6.8        
Produits de santé commercialisés 6.8        
Produits thérapeutiques 6.8        
ARLA
Pesticides 6.9        
  •   = Oui
  •   = Non

Bien qu'il y ait des avantages évidents à inclure des données toxicogénomiques dans l'évaluation des risques pour la santé humaine (voir l'introduction), divers défis ont été cernés et limitent l'utilisation de la toxicogénomique pour les applications d'évaluation des risques dans les bureaux de Santé Canada. Les principaux défis identifiés sont les suivants :

  1. absence de lignes directrices internationales harmonisées pour les protocoles expérimentaux en toxicogénomique, les normes de qualité, les références et les cadres analytiques, qui établissent les normes requises pour assurer l'uniformité mondiale des applications et des évaluations réglementaires;
  2. absence de stratégies ou de cadres internationaux acceptés pour l'application de la toxicogénomique à des besoins précis d'évaluation des risques;
  3. manque d'expertise et de formation en toxicogénomique au sein du Ministère dans certains domaines;
  4. capacité réglementaire sous-développée pour accepter et interpréter les données soumises;
  5. validation incomplète des perturbations des voies d'entrée qui sont à l'origine de maladies spécifiques ou qui sont liées à des modes d'action spécifiques (p. ex. établir un lien entre les changements dans la réponse des gènes ou voies d'entrée et les résultats de la maladie qui sont généralement évalués) ou validation incomplète selon laquelle les changements mesurés dans l'expression génique sont proportionnels à la gravité de l'effet indésirable;
  6. absence de biomarqueurs toxicogénomiques qui pourraient être utilisés pour prévoir les effets toxicologiques, y compris des exercices de validation rigoureux;
  7. le changement des paradigmes existants au sein de la communauté réglementaire peut prendre du temps et exige une volonté d'adopter une approche différente;
  8. manque de données toxicogénomiques de grande qualité, y compris des soumissions faites par l'industrie, qui permettraient d'acquérir de l'expérience.

8. Points à examiner pour Santé Canada

Actuellement, chacun des groupes définis à Santé Canada diffère en ce qui concerne l'utilisation des données toxicogénomiques dans l'évaluation des risques. Aucun des secteurs du programme n'exige la présentation de données toxicogénomiques, bien que des renseignements mécanistes soient fournis volontairement ou puissent être demandés au cas par cas à l'appui d'un mode d'action spécifique. La mesure dans laquelle chaque groupe peut intégrer des données toxicogénomiques dans son évaluation des risques diffère selon les exigences des processus réglementaires ou d'évaluation des risques respectifs (p. ex. les groupes qui reçoivent des soumissions par opposition à ceux qui se fient à des données publiées). Les groupes qui ont la souplesse nécessaire leur permettant d'intégrer des données toxicogénomiques à leurs évaluations des risques le font en utilisant une approche fondée sur le poids de la preuve, étant entendu que les données toxicogénomiques ne constituent pas à elles seules un paramètre bien établi pour déterminer un point de départ de l'évaluation des risques pour la santé humaine.

À l'heure actuelle, très peu de programmes d'évaluation des risques au sein de Santé Canada reçoivent des soumissions de données sur la toxicogénomique en raison des exigences relatives aux ensembles de données propres aux programmes ou ont accès à de telles données dans certains domaines d'évaluation des risques, comme les substances existantes. Cependant, tous les groupes d'évaluation des risques représentés ont indiqué que les données toxicogénomiques seraient prises en compte si elles étaient disponibles. La réception de telles données permettrait à Santé Canada d'appuyer la formation des évaluateurs et de renforcer la capacité interne de recevoir et d'évaluer les données toxicogénomiques dans les présentations futures. En effet, le manque de formation a été identifié comme un obstacle majeur à la mise en œuvre en général. À court et à moyen terme, les mesures initiales pourraient être axées sur le développement de la capacité et de l'expertise internes dans certains programmes qui reçoivent et évaluent actuellement des données toxicogénomiques. Le soutien du Groupe de travail sur la génomique de Santé Canada pourrait fournir des occasions d'accroître le transfert des connaissances dans ce domaine, mais une formation spécifique pourrait s'avérer nécessaire à l'avenir. Un soutien supplémentaire visant à assurer la poursuite de la recherche interne dans ce domaine et la participation aux activités internationales associées à l'élaboration de lignes directrices et aux applications de la toxicogénomique est nécessaire pour s'assurer que les pratiques réglementaires de Santé Canada demeurent conformes à la modernisation des essais toxicologiques à mesure qu'ils sont mis en œuvre à l'échelle mondiale. En particulier, il est important que Santé Canada continue d'assurer la liaison avec les activités et les développements des partenaires internationaux qui sont des chefs de file dans ce domaine, et d'en tirer profit.

Un dernier point à considérer est la préparation des évaluateurs pour l'utilisation et l'application appropriées des données toxicogénomiques en fonction du contexte, ainsi que le développement de l'infrastructure pour appuyer la réception de ces données. Pour faciliter cela, Santé Canada devrait continuer de demander de l'information et d'obtenir des renseignements auprès de partenaires de réglementation internationaux qui ont utilisé des données toxicogénomiques aux fins d'évaluation des risques en vue de déterminer et de comprendre les impacts et les résultats qui en découlent (c.-à-d. avantages, défis et solutions). Enfin, Santé Canada devrait envisager d'élaborer des cadres ou des lignes directrices propres au Bureau pour appuyer l'utilisation transparente et reproductible de la toxicogénomique à l'ensemble du Ministère. Cette élaboration devrait tenir compte des cadres ou des directives existants établis par les homologues réglementaires dans les domaines internationaux pertinents et de tout nouveau cadre (en cours d'élaboration à l'échelle internationale [p. ex. OCDE, ECETOC]) pour la déclaration et l'utilisation des données des disciplines omiques dans l'évaluation des risques à mesure que ce domaine continue d'évoluer.

9. Conclusion

Les évaluations des risques peuvent tirer profit d'approches fondées sur des mécanismes pour accroître l'efficacité (p. ex. réduire les coûts, le temps et le nombre d'animaux utilisés) et réduire les incertitudes dans l'évaluation des risques pour la santé humaine. Les données toxicogénomiques pourraient constituer un outil potentiel pour appuyer les évaluations des risques de Santé Canada, selon le domaine ou les besoins en données.

Certains bureaux de Santé Canada ont intégré des données toxicogénomiques dans une moindre mesure, principalement dans les approches du poids de la preuve pour appuyer le mode d'action. Les mesures à venir au sein de Santé Canada visant à favoriser les réseaux afin d'accroître l'expertise et la capacité concernant l'interprétation des données toxicogénomiques constitueraient une initiative utile.

10. Références

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Notes de bas de page

Note de bas de page 1

Précédemment au sein du Bureau de la science et de la recherche en santé environnementale, Direction des sciences de la santé environnementale et de la radioprotection, DGSESC.

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Note de bas de page 2

À présent au sein du Bureau de la qualité de l'eau et de l'air, DGSESC.

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Note de bas de page 3

À présent au sein du Bureau des produits pharmaceutiques et des instruments médicaux commercialisés, Direction des produits de santé commercialisés, DGPSA.

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Note de bas de page 4

Un résultat observable dans un organisme entier, tel qu'un signe clinique ou un état pathologique, qui indique un problème de santé pouvant résulter de l'exposition à un agent toxique (Krewski et coll., 2011).

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Note de bas de page 5

https://ntp.niehs.nih.gov/testing/types/toxicogenomics/index.html

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Note de bas de page 6

www.oecd.org/fr/securitechimique/risques/iata-integrated-approaches-to-testing-and-assessment.htm

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Note de bas de page 7

www.canada.ca/fr/sante-canada/organisation/transparence/rapports-gestion/plan-d-action-analyse-comparative-fondee- sur-sex-genre.html

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Note de bas de page 8

www.canada.ca/fr/sante-canada/services/medicaments-produits-sante/produits-biologiques-radiopharmaceutiques-therapies- genetiques/information-demandes-presentations/lignes-directrices/presentation-information-pharmacogenomique.html

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Note de bas de page 9

www.ec.gc.ca/lcpe-cepa/default.asp?lang=Fr&n=EE479482-1&wsdoc=08911AB8-D8D7-B548-3C28-9A134BD20ED1

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