Dossiers d'intérêt particulier - Rapport annuel 96-97
A. Dossiers d'intérêt particulier pour 1996-1997
Cette partie du rapport de vérification, intitulée « Études de cas
» dans les rapports antérieurs, présente les résultats des principales recherches et analyses qu'effectue le Comité au cours d'un exercice financier. Comme le nouveau titre l'indique, ces études s'ajoutent aux autres formes de recherches du CSARS et visent à les compléter et à les étayer.
La sélection des dossiers (au nombre de cinq, cette année) que le Comité scrute en profondeur tient à divers facteurs, dont l'évolution du contexte international de la menace, les changements technologiques, la nécessité d'assurer le suivi des recommandations du CSARS, les nouvelles orientations gouvernementales importantes qui, à son avis, pourraient influer sur les activités du Service, les changements structurels au sein du SCRS même ou un déplacement de l'accent de ses enquêtes ainsi que les questions qui tiennent à coeur aux membres du Comité.
Cette année, les dossiers qui revêtent un intérêt particulier pour le CSARS sont les enquêtes du Service sur des menaces naissantes, son Programme de liaison avec les organismes étrangers, les moyens de gestion dont il dispose à l'égard de ses sources, ses efforts pour enrayer l'espionnage économique et ses activités relatives au conflit qui déchire un certain pays d'origine.
Enquêtes sur des menaces naissantes
Depuis la fin de la guerre froide, de nombreux États et services de renseignement d'anciens pays ennemis subissent une profonde transition. Nous avons examiné comment le SCRS avait enquêté sur les nouvelles menaces que les services de renseignement de ces États faisaient peser sur la sécurité du Canada.
Le Service a amorcé ces enquêtes au début de la décennie. Il s'employait alors à demander de l'information aux services de renseignement étrangers et à interviewer les Canadiens au fait de ce qui se passait dans les pays en cause.
Après avoir surveillé la situation pendant plusieurs années, le SCRS a mis fin à la plupart des enquêtes autorisées qui visaient ces États, faute de preuve de leurs activités d'espionnage contre le Canada. Il a toutefois conservé une autorisation générale axée sur les nouvelles menaces éventuelles.
Nous avons conclu que ces enquêtes étaient pleinement justifiées en raison de l'évolution rapide du contexte politique de l'époque.
Vous trouverez plus loin nos conclusions sur certaines activités du SCRS en ce domaine. Dans la plupart des enquêtes que nous avons scrutées, le Service a agi avec prudence. Dans un cas, cependant, nous avons relevé des renseignements contradictoires quant à la gravité d'une menace, et les mesures prises par le SCRS nous ont semblé excessives.
Enquête notoire sur un service de renseignement étranger
Le SCRS a mené une enquête poussée sur un État dont les services de renseignement, croyait-il, continuaient de s'en prendre à des Canadiens d'origine étrangère, ici même et ailleurs. De plus, ces services recueillaient clandestinement au Canada des renseignements, dont certains de nature économique, et cherchaient à infléchir les politiques du gouvernement canadien.
Nous avons examiné les demandes d'autorisationNote de bas de page 2 relatives à cette enquête.
Ces demandes sont fondées sur l'hypothèse que les nouveaux services de renseignement :
- entreprenaient des missions de renseignement à l'étranger, entre autres au Canada;
- poursuivaient les pratiques de leurs prédécesseurs qui cherchaient à manipuler les groupes ethniques; et
- «
exerçaient des activités de collecte d'information et s'en prenaient même aux Canadiens au pays et à l'étranger
».
Nous avons en outre scruté la documentation décrivant comment les nouveaux services de renseignement reprenaient les pratiques de leurs prédécesseurs.
À notre avis, les preuves de ces activités sont douteuses. Ainsi, nous avons noté que le SCRS aurait mal interprété une activité qui, prise en contexte, nous semble plutôt anodine. Nous avons constaté que, dans les rapports fournis aux organismes gouvernementaux, il a donné à entendre que la majeure partie des prétendues activités de renseignement étaient inoffensives. Enfin, avons-nous noté, le service de renseignement d'un allié du Canada a décidé de suspendre ses enquêtes sur les services de renseignement étrangers en cause.
Nous avons relevé des preuves que ces services de renseignement tentaient de relancer au Canada des sources employées par le précédent régime. Le SCRS concentrait toutefois son action non pas tant sur les activités de renseignement exercées à ce moment-là par ces services que sur la préparation d'activités futures.
Autres enquêtes notoires sur des menaces naissantes
Nous avons relevé plusieurs problèmes dans les autres enquêtes que nous avons scrutées :
- un représentant du SCRS a insisté pour obtenir de l'information d'un diplomate étranger en poste au Canada, même si ce diplomate, soupçonné d'être à la solde d'un service de renseignement étranger, ne voulait clairement plus traiter avec le Service. Dans les circonstances, pareille insistance nous a semblé discutable.
- des agents du SCRS ont versé dans leurs banques de données de longs exposés, qu'on leur avait fournis spontanément, sur les politiques intérieures de certains États.
- des enquêteurs du Service ont soumis une cible à plusieurs interrogatoires qui, à notre avis, s'apparentaient à des confrontations et n'avaient pas de commune mesure avec la menace représentée par l'individu en cause.
- le Service a fourni des renseignements défavorables sur une personne à deux ministères fédéraux et à un service de renseignement allié. Nous avons noté qu'il avait qualifié la cible de «
collaborateur
» d'un service de renseignement étranger, ce qui aurait pu nuire à l'intéressé et qui ne correspondait pas aux documents que nous avons compulsés. De plus, l'enquête sur cette personne n'était pas dûment approuvée et l'on n'avait pas tenu compte de son statut d'immigrant, dérogeant par là à la politique. Le Service a par la suite corrigé cette erreur.
C'est en vertu du sous-alinéa 38a)(iii) de la Loi sur le SCRS Note de bas de page 3 que le CSARS a examiné les activités de liaison du Service avec les organismes étrangers. À cette fin, il a scruté le programme de liaison avec l'étranger en général et, en particulier, les échanges de renseignements de neuf bureaux étrangers du SCRS avec ces organismes. L'étude a porté sur les rapports et les mesures de contrôle en place; elle visait à déterminer si le Service restreint aux organismes étrangers la communication de certains types d'informations. Nous nous sommes aussi penchés sur les communications du SCRS avec des organismes étrangers, par l'entremise de ses agents de liaison-sécurité (ALS), et sur les relations de ceux-ci avec les fonctionnaires fédéraux.
Voici les objectifs de cet examen :
- voir où en sont divers problèmes relevés antérieurement à plusieurs reprises;
- nous assurer que le Service n'a pas exercé ses pouvoirs de façon abusive ou inutile;
- vérifier l'efficacité des systèmes permettant au SCRS de repérer les échanges de renseignements; et
- déterminer s'il y a des problèmes systémiques encore inconnus qui ont une incidence sur le programme de liaison du Service avec l'étranger.
Méthode suivie pour cet examen
Le Service maintient à l'étranger des bureaux d'agent de liaison-sécurité (ALS) qui ont pour fonctions d'assurer la liaison avec les services de police, de sécurité et de renseignement d'un grand nombre de pays. Les autorités de ces pays sont mises au courant de la présence des ALS et de leur rôle, ce qui est une condition préalable à la coopération avec leurs organismes.
Au cours des exercices 1995-1996 et 1996-1997, le CSARS a amorcé une étude dans plusieurs bureaux d'ALS, donnant ainsi suite à l'examen de documents effectué en 1994-1995Note de bas de page 4 dans l'un de ces bureaux. Cet examen visait à vérifier, uniquement à partir des documents de l'administration centrale du SCRS, les échanges de renseigne-ments de ce bureau avec d'autres organismes. Craignant que les nombreux problèmes relevés ne soient systémiques, nous avons entrepris une étude dans plusieurs bureaux d'ALS.
Le but premier de l'étude était d'examiner les documents conservés à l'administration centrale du SCRS à l'égard de neuf bureaux d'ALS. Dans trois de ces bureaux, nous avons vérifié si les documents prélevés à l'administration centrale correspondaient bien à l'information fournie par le Service aux organismes étrangers. Nous avons aussi scruté la correspondance de six autres bureaux conservée à l'administration centrale. À des fins de comparaison, nous avons vérifié les communications d'informations aux organismes étrangers pendant la même période.
Pour étayer cette information, nous avons interviewé des employés de l'administration centrale et de certains bureaux du SCRS et scruté l'information ouverte provenant d'autres sources (par exemple, des groupes de défense des droits de la personne). Nous avons aussi mené une étude spéciale sur les « échanges directs
» — information du SCRS fournie par télécommunications à des organismes étrangers — pour vérifier si des renseignements importants échappaient aux mesures de contrôle mises en place à l'égard des bureaux d'ALS.
Voici les questions que nous nous sommes posées en examinant les échanges de renseignements du SCRS avec des organismes étrangers :
- ces échanges sont-ils conformes aux prescriptions de la loi en ce qui touche la conservation, la communication ou la collecte d'information?
- respectent-ils les ententes conclues par le Canada avec les organismes concernés?
- le SCRS a-t-il fourni des renseignements exacts à ces organismes et a-t-il bien pesé le risque de nuire aux intéressés et l'importance de l'enquête?
- a-t-il suivi à la lettre les règles de contrôle, dont celles de l'enregistrement, à l'égard des renseignements fournis?
Historique du Programme de liaison du SCRS avec l'étranger
Depuis sa création, en juillet 1984, jusqu'en 1989, le SCRS était doté d'une Direction de la liaison avec l'étranger. L'année suivante, il l'a remplacée par un nouveau système de coordination des activités des ALS et de communication avec eux. Le CSARS s'est alors inquiété de la disparition de la Direction, regrettant qu'il n'y ait « plus d'intermédiaire... pour
».‹ dénoncer ›
la communication illicite de renseignements à des organismes étrangersNote de bas de page 5
Pour remplacer la Direction, le SCRS a constitué un nouveau groupe coiffé d'un coordonnateur et chargé de fournir aux ALS les services administratifs et le soutien requis. Ce coordonnateur et les ALS relevaient de deux membres différents de la direction du SCRS. Chaque conseiller, Liaison avec l'étranger, rattaché à sa propre direction opérationnelle, devait surveiller les échanges de correspondance et voir à ce que les ALS soient au courant des faits nouveaux.
Dans un rapport annuel antérieur, le Comité s'est dit préoccupé par le nombre de fermetures de bureaux d'ALS par le SCRS et il a exprimé l'avis que celui-ci « gagnerait... à soigner davantage le programme de liaison avec l'étranger, plutôt qu'à s'en désintéresser, comme semble le laisser présager la courbe de l'effectif en poste à l'étrangerNote de bas de page 6
».
Pendant un certain nombre d'années, il n'y a guère eu de changements dans les bureaux du Service à l'étranger, sauf que certains ont été fermés, mais la stratégie de liaison avec l'étranger a subi un remaniement en profondeur au milieu des années 90. C'est ce qui a amené la décision d'ouvrir certains bureaux d'agent de liaison-sécurité et d'en fermer d'autres ainsi que de modifier la structure de gestion de l'ensemble du programme de liaison avec l'étranger.
En 1994-1995, une étude sur la gestion interne a amené la modification des rapports et responsabilités hiérarchiques, tant du groupe que des ALS. Tout particulièrement, la gestion d'ensemble du programme a de nouveau été centralisée sous la direction d'un cadre supérieur. On nous informe qu'en 1997 l'histoire se répétera, dans une certaine mesure : le programme de liaison avec l'étranger redeviendra une direction. Le Comité fera rapport de cette initiative dans son prochain rapport annuel.
Résultats de l'examen : initiatives du SCRS en matière d'organisation
En 1995 s'est réuni pour la première fois un nouveau comité du SCRS, créé à la suite d'une étude interne des programmes du Service. L'objectif de ce comité, que présidait le chef du programme de liaison avec l'étranger, était de servir d'organe de coordination et d'échange d'information entre les directions de l'administration centrale et les bureaux du SCRS à l'étranger. Il devait en outre fournir des orientations stratégiques pour la gestion du programme de liaison avec l'étranger du Service. Cette initiative est positive, à notre avis.
Pour nous, la décision de rétablir la direction de la liaison avec l'étranger est bonne. En effet, les milieux du renseignement dépendant de plus en plus les uns des autres à l'échelle mondiale, les responsabilités du programme de liaison avec l'étranger s'alourdiront aussi et l'existence d'une direction devrait vraisemblablement en faciliter l'exercice.
À l'occasion d'examens antérieurs des bureaux d'ALS, nous nous sommes demandé si le Manuel de procédures du Service à leur intention était satisfaisant. En 1993, la Sous-section de la liaison avec l'étranger, à l'administration centrale du SCRS, a publié le Manuel des procédures pour la liaison avec l'étranger pour remplacer ce guide, devenu désuet. Ce manuel traite principalement de questions administratives et contient en outre la directive que les ALS doivent enregistrer sur une formule particulière toute la correspondance reçue et envoyée.
Nous avons noté qu'en raison de l'isolement relatif des ALS par rapport à l'administration centrale du SCRS, un document exposant les procédures de base est plus précieux pour eux que pour le personnel du SCRS en poste au Canada. Comme nous l'avons signalé, alors que le Service fournissait aux ALS un ensemble de directives assez complet concernant précisément leurs bureaux, dans les années 80, le « nouveau
» Manuel des procédures est déjà dépassé et ne contient que certaines procédures administratives courantes.
Pour cette raison, nous recommandons qu'on mette à jour le Manuel des procédures et qu'on y traite des importantes questions intéressant les bureaux d'ALS, dont il n'est fait mention nulle part ailleurs.
Le Service nous a informés qu'il était d'accord avec la nécessité de mettre à jour en priorité le Manuel des procédures.
L'examen des bureaux d'ALS a appris au Comité que le chef du programme de liaison avec l'étranger avait fait une étude sur la gestion d'un de ces bureaux et se proposait de répéter l'expérience, au besoin. Voilà une initiative logique, à notre avis.
Résultats de l'examen : procédures de repérage des communications du SCRS avec l'étranger
Le programme de liaison du Service avec l'étranger doit être en mesure de répondre aux demandes d'information qui émanent du SCRS ainsi que des organismes canadiens et étrangers. Par ailleurs, le Comité a déjà reproché au Service le manque de fiabilité de son système pour retracer l'information fournie aux organismes étrangers. Ce problème n'est pas réglé, pas plus que d'autres qui sont attribuables aux lacunes relevées par le CSARS sur le plan des communications au sein du SCRS.
Enregistrement et repérage des données
En 1985, le SCRS a mis au point une formule qui, disait-il, devait faciliter au CSARS l'exercice d'une fonction prévue au sous-alinéa 38a)(iii), celle de « surveiller les informations ou renseignements qui sont transmis en vertu
» d'ententes conclues par le Service. Cette formule était compliquée et difficile à interpréter, de sorte qu'au fil des ans l'administration centrale (AC) du SCRS a envoyé des notes et des télex aux ALS pour les aider à la remplir.
Au cours de nos examens des bureaux d'ALS, nous avons souvent tenté d'utiliser les registres tenus par les ALS (et conservés à l'AC du SCRS) sur les échanges de renseignements avec des organismes étrangers. La difficulté de trouver à l'AC les documents mentionnés dans ces registres a fait échouer ces efforts. La seule façon sûre de trouver et d'examiner ces documents était d'aller aux bureaux mêmes des ALS.
Ces dernières années, le Service a adopté un système de repérage électronique. Le personnel du CSARS a tenté depuis de comparer les données versées dans ce système à l'information consignée dans les registres pour voir s'il y avait correspondance entre les messages prélevés pour étude et ceux qui sont envoyés. Nos examens récents permettent d'établir de façon concluante qu'il est impossible d'établir une corrélation entre les registres et le système de repérage. Dans ses observations au sujet de ces difficultés, le Service a informé le Comité que « le problème était au moins en partie attribuable au fait que les registres ne contenaient pas uniquement des renseignements recueillis en vertu de l'article 12, mais également de l'information relative à la coopération et aux tâches administratives
».
Par la suite, à l'invitation du Service, le CSARS a cerné les problèmes qu'il avait décelés dans son système d'enregistrement et de communication de l'information. Aussi, dès la fin de 1996, le SCRS a-t-il adopté, pour les bureaux d'ALS, un nouveau système informatique conçu pour simplifier les rapports et répondre aux besoins du CSARS en matière de reddition de compte.
Parallèlement à ce problème, le Comité a en outre décelé dans ce système une lacune sapant la fiabilité des statistiques sur le volume des échanges de renseigne-ments effectués par les agents de liaison.
Nous apprécions le fait que le CSARS ait été invité à formuler des observations et, à première vue, il semble que le SCRS a tenté d'apaiser ses préoccupations à cet égard. Les prochains examens permettront de vérifier le succès du nouveau système.
Distinctions entre l'information « ouverte
» et l'information « classifiée
»
L'un des problèmes auquel le CSARS se heurte souvent dans ses examens des échanges de renseignements du SCRS avec les organismes étrangers tient au fait que les ALS peuvent leur fournir de l'information ouverte. Nous avons constaté que, dans son Manuel des politiques sur les opérations, le Service ne fait aucune distinction sur le traitement à réserver à l'information ouverte et à l'information classifiée.
Le SCRS fait toutefois une distinction entre l'information ouverte recueillie dans une enquête en vertu de l'article 12, par exemple, et celle à laquelle un ALS a accès mais qui n'est pas recueillie ni conservée avec les documents officiels du Service.
Le SCRS est d'avis que la communication de renseignements classifiés à des organismes étrangers est soumise aux mêmes règles que celle de l'information ouverte recueillie et conservée dans ses dossiers dans le cadre d'une enquête menée en vertu de l'article 12. Cependant, si les ALS obtiennent une telle information autrement, soit en la puisant dans des journaux, des revues, etc., ils peuvent la communiquer à volonté, à condition de respecter le critère du Service, qui est de demeurer à l'abri de tout reproche.
Nous nous sommes interrogés sur la portée de la communication d'informations ouvertes défavorables par les ALS aux organismes étrangers.
Dans un cas, nous avons noté que la communication de telles informations avait amené un de ces organismes à ouvrir une enquête.
Le Comité a constaté les efforts déployés dans le cadre du programme de liaison avec l'étranger pour apaiser ses craintes au sujet de la communication d'informations ouvertes aux organismes étrangers. Il voit d'un bon oeil que la sous-section a tenté de trouver un terrain d'entente sur ce qu'on attend d'elle en ce domaine.
Nous recommandons toutefois qu'avant de communiquer des renseignements défavorables au sujet de Canadiens à un organisme étranger, les ALS soient tenus de consulter la direction de l'administration centrale du SCRS.
Échanges de renseignements ne passant pas par les bureaux d'ALS
Notre examen des « échanges directs
» (télécommunications) montre l'importance des liens sans intermédiaire entre le Service et plusieurs pays alliés pour les fins de la sécurité du Canada. Pour la période considérée, nous avons constaté que les ALS étaient toujours avertis en cas d'échange direct, que toutes les demandes et réponses du SCRS étaient dûment autorisées et que les échanges pouvaient être repérés grâce à son système informatisé.Nous sommes satisfaits de l'usage que le Service fait des moyens de télécommunication.
Résultats de l'examen : évaluations d'autres organismes par le SCRS
Chaque année, pour aider les directions opérationnelles à décider ce qu'il faut et ce qu'il ne faut pas communiquer aux organismes étrangers, les ALS fournissent à l'administration centrale du SCRS des évaluations des organismes étrangers qui coopèrent avec le Service. Lorsque celui-ci a décidé de demander ces évaluations aux ALS, il y a plusieurs années, le CSARS avait salué cette initiative qui devait permettre au personnel opérationnel du SCRS de mieux connaître les divers facteurs qui peuvent influer sur les décisions de communiquer de l'information à ces organismes. Les derniers examens du Comité l'ont amené à tempérer son enthousiasme initial.
Comme nous l'avons vu plus haut, les évaluations de ces organismes par les ALS sont devenues impératives lorsque le CSARS s'est rendu compte que leur qualité était inégale et que le bilan de plusieurs pays, en matière de respect des droits de la personne, était trop sommaire. Le SCRS soutient qu'il est tenu compte des facteurs entourant le respect de ces droits.
Pour la dernière série d'examens, nous avons effectué une étude au bureau même dont la vérification nous avait amenés à scruter d'autres bureaux d'ALS. Nous avons constaté que, en dépit du piètre respect des droits de la personne dans beaucoup de pays de la région desservie par ce bureau et de l'instabilité politique qui y règne en général – mise à part l'effroyable corruption au sein des organismes qui coopèrent avec les ALS – ceux-ci continuent de bien coter ces organismes.
Voici les problèmes qu'a fait ressortir l'étude des procédures d'évaluation des organismes étrangers.
Attribution de l'information à sa source
Les ALS font leurs évaluations d'après l'information recueillie sur place. Cette information provient de leurs rapports courants avec les organismes étrangers et de la lecture des journaux, entre autres, ainsi que de leurs échanges avec les employés d'autres missions du Canada à l'étranger. Le Comité est d'avis que, si la cote de fiabilité tient à l'expérience d'autres sources gouvernementales canadiennes — comme les employés des Affaires étrangères ou de l'Immigration — auxquelles les ALS ont accès et que si ces derniers ne disposent pas eux-mêmes d'informations suffisantes, la cote donnée aux organismes dans les évaluations doit être attribuée à ces sources.
Définitions de la fiabilité
À notre avis, les définitions opérationnelles actuelles des cotes de fiabilité sont ambiguës et prêtent donc, dans l'interprétation, à une certaine subjectivité qui réduit l'efficacité du système sur le plan opérationnel. Par suite de la naissance de nouvelles démocraties et du nombre grandissant d'ententes avec des organismes étrangers, il est essentiel d'avoir un système bien défini pour évaluer la fiabilité des organismes étrangers.
Nous recommandons que le Service revoie ou, du moins, définisse mieux son système d'évaluation de la fiabilité des organismes étrangers.
Préoccupations entourant les évaluations d'organismes et les droits de la personne
Selon l'instruction du Ministre, le SCRS doit tenir compte de l'état du respect des droits de la personne dans les pays avec lesquels il envisage d'échanger des informations. Nos derniers examens montrent toutefois que, dans certaines évaluations d'organismes étrangers ne fournissent aucun renseignement à l'égard du respect des droits de la personne, alors que la chose serait nécessaire, à notre avis.
Les derniers examens du CSARS révèlent que les mentions touchant le respect des droits de la personne ne sont pas systématiques, et cela, même si les ALS sont tenus de traiter de cette question. À la suite de nos rapports précédents, les évaluations que nous avons scrutées en traitaient à l'égard des organismes d'un certain nombre de pays, mais il y a encore place à amélioration. Ces examens ont révélé qu'un certain nombre d'évaluations ne contenaient aucun renseignement à jour sur d'importants événements récents et que d'autres n'avaient pas été actualisées depuis plusieurs années.
Le Comité estime que les évaluations d'organismes effectuées par le SCRS offrent des possibilités encore inexploitées. C'est là une lacune que le Service peut combler, à son avis, comme en témoignent certaines évaluations récentes.
Définition des types de liaison
Une importante instruction donnée par le Ministre au Service énonce les divers types et niveaux de liaison du Canada avec les organismes étrangers. Cette coopération peut aller du filtrage courant des demandes d'immigration aux échanges de personnel. Un certain nombre d'études de la série portant sur cette question ont permis au CSARS de constater que les interprétations varient lorsqu'il s'agit de déterminer quelles catégories d'activités relèvent de telle ou telle entente de liaison.
Le CSARS estime irrégulier un échange qu'il a relevé avec un organisme étranger, compte tenu de l'instruction actuelle. Le SCRS n'avait jamais demandé au Solliciteur général d'approuver pareil échange avec cet organisme. Il n'accepte pas notre interprétation, affirmant que le genre d'aide offerte est conforme à une entente existante, approuvée par le Ministre.
Nous avons aussi constaté que les définitions du Service touchant l'ampleur des ententes ne figurent ni dans ses politiques ni dans l'instruction du Ministre. Le Comité aimerait que le SCRS définisse clairement les divers types d'ententes qu'il a conclues en matière d'échange. Sur le plan des politiques, l'instruction du Ministre, qui est antérieure à la création du SCRS, est devenue inutile dans un certain nombre de domaines. Nous espérons qu'une nouvelle instruction supprimera l'ambiguïté des définitions relatives aux ententes de liaison avec l'étranger.
Enregistrement des directives et échanges de renseignements verbaux
Dans deux examens antérieurs, nous avons noté que les ALS et les employés de l'administration centrale du SCRS négligeaient parfois d'enregistrer certains types d'échanges verbaux : conversations avec les membres d'organismes étrangers et importantes directives du personnel de l'administration centrale aux ALS. Nous avons en outre été troublés d'entendre un ALS affirmer qu'aucune politique ne prescrivait l'enregistrement des échanges verbaux : ce n'est pas ce qu'on trouve dans le Manuel des politiques sur les opérations du Service. Ce dernier affirme qu'il s'agit là d'un cas isolé.
Pour les fins de la reddition de compte, il faut, à notre avis, documenter toute réunion où des informations opérationnelles sont échangées, verbalement ou par écrit, avec des organismes étrangers. Nous estimons aussi que tout le personnel de l'administration centrale du SCRS devrait documenter les directives données aux ALS, indépendamment du moyen de communication employé. De plus, le Comité croit que les directions de l'administration centrale devraient rappeler à leur personnel qu'il est actuellement obligatoire de documenter les directives opérationnelles données de vive voix aux ALS.
Notre désaccord avec le SCRS semble graviter autour de l'enregistrement de renseignements opérationnels. Nous avons relevé certains exemples où de tels renseignements ont clairement été enregistrés. Nous craignons d'en relever d'autres à l'avenir si le Service ne rappelle pas la politique existante à ses employés, comme nous le suggérons ci-dessus.
Modification ou transfert d'ententes de liaison existantes
Selon une vieille instruction ministérielle, le SCRS est tenu d'obtenir l'approbation du Ministre avant de conclure une entente de liaison ou de modifier le champ d'application d'une entente existante. Le CSARS a toutefois relevé des cas où le Service avait transféré une entente d'un organisme à un autre sans l'approbation du Ministre, se contentant de faire approuver la chose par des hauts fonctionnaires du ministère du Solliciteur général.
Si le transfert découle du fait que l'organisme change de nom ou se voit conférer des responsabilités accrues, nous ne nous opposons pas à une telle façon de faire. Cependant, il arrive parfois qu'on veut transférer l'entente à un nouvel organisme dont le mandat et le personnel sont tout à fait nouveaux. Nous sommes d'avis que, pour respecter l'instruction, l'approbation du Ministre — et pas seulement celle de ses fonctionnaires — est nécessaire si une entente de liaison est cédée à un autre organisme, que le champ d'application en soit modifié ou non.
La gestion des sources humaines par le SCRS et l'affaire du Heritage Front
Dans son rapport intitulé L'affaire du Heritage Front, le Comité affirme qu'une source du SCRS a pris part à une campagne de harcèlement de tenants de la suprématie blancheNote de bas de page 7. La haute direction du Service a affirmé qu'elle n'était pas au courant de cette affaire et ne l'approuvait pas. Le Comité a conclu que la politique et les directives du SCRS étaient « nettement insuffisant[es]Note de bas de page 8
» en matière de gestion des sources. Il a admis que celles-ci ne pouvaient se borner à demeurer passives. Il a toutefois affirmé que les fonctionnaires du SCRS « devraient prendre régulièrement du recul face aux activités courantes pour évaluer l'opération dans son ensemble
», c'est-à-dire qu'ils devraient dresser le « bilan
» des avantages et des risques de celle-ci. Nous n'avons pas préconisé « de règles détaillées qui [auraient limité] excessivement le SCRS
» et
[n]ous recommandons plutôt l'élaboration de lignes directrices ministérielles obligeant la direction du SCRS à peser soigneusement, à intervalles réguliers, les avantages et les risques inhérents à chaque opération faisant appel à une source humaine, en tenant compte comme il se doit des circonstances particulières à chaque casNote de bas de page 9.
Le 1er août 1995, le Solliciteur général a donné au directeur du SCRS une nouvelle instruction sur l'utilisation des sources humaines pour régler les questions soulevées par le Comité dans L'affaire du Heritage Front. Cette instruction et les changements apportés par la suite aux politiques ont renforcé les mesures de contrôle des sources dans trois domaines : les activités d'agent provocateur, les activités répréhensibles et celles qui visent des institutions névralgiques, comme les campus universitaires, les Églises et les syndicats.
Gestion des sources humaines
Le rôle des sources humaines que contrôle le SCRS est de recueillir et de lui fournir des renseignements. Les règles qui en visent la gestion émanent d'une instruction du Ministre et de politiques écrites du Service. À la suite des événements auxquels a été mêlé le Heritage Front en 1994, l'instruction et les politiques d'alors ont été modifiées. Durant la période qui a suivi la communication de nouvelles instructions, le Comité a cherché à savoir si ces modifications avaient aplani les difficultés qu'il avait exposées dans son rapport spécial au Solliciteur général sur l'affaire du Heritage Front.
Nous avons tenté d'examiner toutes les opérations faisant appel à des sources, qui ont pu influencer des organisations ou groupes soumis ou non à des enquêtes. Nous avons en outre cherché, sans en trouver aucun, des affaires auxquelles auraient participé des agents provocateurs ou qui auraient comporté des attitudes répréhensibles. Nous en avons cependant trouvé un certain nombre, que nous avons scrutées dans plusieurs cas et où des sources avaient eu à voir avec des institutions névralgiques.
Nous avons conclu que la majorité des opérations étaient conformes à la version révisée de l'instruction du Ministre et des politiques écrites. À notre avis, ces opérations sont raisonnables du point de vue des renseignements qu'on en a tirés : dans un certain nombre de cas, un risque de violence grave a fort probablement été écarté grâce à ces renseignements. L'échec de plusieurs d'entre elles aurait fait courir de grands dangers au pays puisqu'il était question d'acquisition d'armes et d'explosifs. En résumé, le CSARS estime que ces opérations étaient justifiées et il conclut que les employés du SCRS ont montré qu'ils contrôlaient bien l'action de leurs sources.
Nous avons relevé trois cas problèmes :
La première opération faisait appel à une source qui a fait rapport sur une réunion visant à recueillir de l'information sur des cibles. Les gestionnaires du SCRS ont dit à la source que le milieu où se tenait la réunion ne les intéressait pas : c'était dans un contexte de dissension ou d'opposition à caractère légal. Les dossiers du Service n'en contiennent pas moins un compte rendu détaillé d'une réunion à laquelle ont assisté ces cibles du SCRS. Dans une bonne partie du rapport, l'auteur va presque jusqu'à dire que des personnes autres que les cibles s'adonnaient à la violence. De plus, le Service a obtenu de l'information sur une manifestation non violente qui devait se tenir sous peu, et il l'a par la suite transmise à la police.
Le deuxième cas concerne une enquête du SCRS, qui, d'après le CSARS, suscitait des risques pour une institution névralgique – soit les campus universitaires, et plus précisément la liberté d'y échanger des idées. Les renseignements recueillis permettaient de craindre une menace possible qui, selon le Service, justifiait ces risques. Celui-ci a mis fin à son enquête.
Le troisième cas a suscité des questions sur l'origine de certains renseignements recueillis par le SCRS. La source était un fonctionnaire qui, dans le cours normal de son travail, avait accès à des renseignements personnels de nature délicate. Le Service s'intéressait à ce que la source savait sur une collectivité donnée, et non aux informations qu'elle pouvait glaner dans son travail. Les gestionnaires du SCRS n'ont pas, croyons-nous, consigné comme il se devait leurs directives, à savoir que la source ne devait pas fournir d'informations recueillies de cette manière. Ayant relevé des informations qui leur semblaient provenir de l'exercice des fonctions de la source, les recherchistes du CSARS ont posé des questions au Service. Ils se sont par la suite assurés que ces informations n'avaient pas été recueillies par des moyens répréhensibles.
Le CSARS continuera de surveiller la gestion des sources humaines par le Service.
L'espionnage économique
Lors de nos dernières observations sur les efforts du SCRS dans le domaine de la sécurité économique, en 1993, le programme était nouveau et les connaissances en matière d'espionnage économique étaient limitées. Le programme existe maintenant depuis six ans et l'examen du Comité montre que la principale difficulté du Service à cet égard est sa propre définition, trop générale, de ce qu'est une menace économique.
Le Service se heurte à des obstacles considérables lorsqu'il cherche à énoncer une définition raisonnable de son rôle à l'égard des menaces économiques auxquelles fait face le Canada. L'espionnage économique peut viser de nombreux secteurs de l'économie canadienne, et les menaces peuvent provenir de gouvernements ou organismes étrangers, ou encore d'individus à leur solde. Il est souvent très difficile de distinguer les activités de sociétés privées de celles de gouvernementsNote de bas de page 10. Il n'en est pas moins justifié de revoir comment le Service définit la menace économique et la manière dont il applique cette définition à ses opérations.
Qu'est-ce qu'une « menace économique
»?
Notre examen des enquêtes du Service en matière de sécurité économique a clairement révélé que la définition de sécurité économique, énoncée par le SCRS — et comprenant « les renseignements ayant une importance économique
» — transcende les progrès technologiques que nombre de gens considéreraient comme vitaux pour la sécurité économique du Canada. D'après cette définition, pareille information peut aller des politiques économiques aux listes de fournisseurs. Dans les cas que nous avons examinés, nous avons eu du mal à associer étroitement un gouvernement étranger à la perte de certains types de renseignements économiques, comme une liste de clients ou de fournisseurs. Le Service affirme qu'une telle perte est considérée comme de l'espionnage économique si un État étranger finance ou facilite l'opération dont elle résulte.
L'analyse de l'information recueillie par le Service nous a amenés à conclure qu'il amasse et conserve des renseignements qui ne sont pas liés directement à des menaces à la sécurité du Canada. Même si le SCRS a énoncé des critères valables à l'égard des enquêtes sur des incidents donnés d'espionnage économique, nous avons constaté que la QSEP avait fait enquête sur certains incidents qui ne semblent pas correspondre à ces critères.
Ainsi, la QSEP a enquêté sur plusieurs incidents qui, à notre avis, n'ont aucun lien prouvable avec un gouvernement étranger, dont des activités avant tout criminellesNote de bas de page 11.
Nous avons aussi noté qu'à l'occasion de séances d'information ou d'exposés présentés dans le cadre du Programme de sensibilisation et de liaison, le SCRS recueillait parfois des informations, à caractère administratif dans bien des cas, qui n'avaient aucun lien particulier avec des menaces à la sécurité du Canada.
Nous recommandons que les renseignements administratifs recueillis dans le cadre du Programme de sensibilisation et de liaison soient versés dans une base de données étrangère à l'article 12.
Nous tenons à rappeler l'opinion exprimée à la suite de notre examen de 1993, soit que le SCRS contribue à protéger les secteurs technologiques du Canada qui influent directement sur la sécurité nationale et à l'égard desquels il doit conseiller le gouvernement. Le Service doit faire enquête uniquement sur les activités qui représentent des « menaces à la sécurité du Canada
», tel que prévu dans son mandat.
Historique du programme Questions de sécurité économique du SCRS
L'évolution du climat de la menace internationale depuis la fin de la guerre froide a hissé l'économie en tête de liste des préoccupations de nombreux pays, dont le Canada, en matière de renseignement. Le gouvernement canadien a élargi sa définition de la sécurité nationale de manière à englober la notion de « sécurité économique
» que le SCRS définit comme l'ensemble des « conditions nécessaires pour maintenir la position concurrentielle internationale du Canada, pour fournir des emplois productifs et pour lutter contre l'inflation
».
Devant ces changements à la nature des menaces à la sécurité du Canada, le Service a adopté en juin 1991 une approche globale face à deux questions : la « sécurité économique
» et la « prolifération des armes de destruction massive
». Pour coordonner le travail de ses sections déjà lancées dans des enquêtes en ces domaines, le SCRS a constitué la Sous-section des exigences –Transferts de technologies (ETT).
La Sous-section des questions de sécurité économique et de prolifération
En octobre 1995, le Service a remplacé l'ETT par la Sous-section des questions de sécurité économique et de prolifération (QSEP) dont le mandat, en matière de sécurité économique, est d'enquêter sur « l'acquisition ou le transfert clandestins, par des gouvernements étrangers, de technologie et d'information exclusives ou classifiées importantes pour l'économie du Canada
».
Programme de sensibilisation et de liaison
Le Programme de sensibilisation et de liaison est, pour la QSEP, l'un des principaux moyens de s'acquitter de ses responsabilité. Il lui permet en effet de rencontrer les membres du milieu des affaires et des collectivités gouvernementale, universitaire et scientifique afin de les sensibiliser à la sécurité économique. Ce programme et les enqu êtes de la QSEP en matière de sécurité économique sont autorisés par le Comité d'approbation et de révision des cibles (CARC).
Autorisation de ciblage
L'autorisation de ciblage énonce les critères permettant de déterminer ce qui est un « incident d'espionnage économique
» et qui, à ce titre, est visé par le mandat du Service. Un tel incident doit comporter la participation d'un gouvernement étranger à l'acquisition possible d'information ou de technologie exclusives ou classifiées, par des moyens clandestins ou trompeurs, et être préjudiciable à la sécurité économique du Canada.
Coopération au sein de l'administration gouvernementale
Son dernier examen des enquêtes sur l'espionnage économique ayant révélé un manque relatif de coopération et de coordination entre le SCRS et les organismes d'État, le CSARS examinera précisément ces questions dans une prochaine étude. Pour que ces enquêtes soient fructueuses, le Service doit avoir accès à des compétences à la fois techniques et axées sur les affaires et s'employer à y recourir.
Conflit dans un pays d'origine
Le Comité a scruté l'enquête menée par le SCRS sur certaines personnes qui étaient associées au Canada à un conflit armé déchirant un pays d'Asie. Cet examen, qui a porté sur la période d'avril 1994 à mars 1996, fait suite à celui que le CSARS avait effectué sur des activités semblables entre 1990 et 1992Note de bas de page 12.
Cette enquête du SCRS était axée sur les activités d'un petit groupe de gens qui appuyaient le conflit en menant certaines activités au nom d'organisations engagées dans ce conflit. Dans son Rapport public de 1996, le Service fait état de diverses activités qui peuvent appuyer le terrorisme, dont la collecte de fonds, le militantisme et la diffusion d'informations.
Aussi était-il normal, en vertu de l'alinéa c) de la définition de « menaces
» énoncée à l'article 2 de la Loi sur le SCRS, que le Service s'intéresse aux activités de ce genre.
Aussi avons-nous cherché à déterminer, par notre examen, si les activités visées par les enquêtes du SCRS menaçaient bel et bien la sécurité du Canada et si ces enquêtes étaient conformes aux lois et aux instructions du Ministre ainsi qu'aux politiques et procédures du Service. Nous avons aussi tenté de savoir si le SCRS avait bien donné suite aux observations que nous avions formulées dans notre dernier rapport. À cette fin, nous avons scruté ses documents et, au besoin, demandé des éclaircissements sur les questions que nous nous sommes alors posées.
Rôle du SCRS dans la prévention de la violence à caractère politique
Le SCRS joue un rôle central dans la défense du Canada contre les menaces que peuvent représenter les groupes associés à la violence à caractère politique. Au nombre des « menaces à la sécurité du Canada
» sur lesquelles il est expressément chargé d'enquêter figurent « les activités qui touchent le Canada ou s'y déroulent et visent à favoriser l'usage de la violence grave ou de menaces de violence contre des personnes ou des biens dans le but d'atteindre un objectif politique au Canada ou dans un État étranger
» (alinéa c) de la définition de menaces, article 2 de la Loi sur le SCRS).
Outre le fait qu'il informe l'ensemble du gouvernement sur la nature des menaces à la sécurité du Canada, le SCRS prodigue renseignements et conseils directement à plusieurs ministères et organismes gouvernementaux. Cette information peut fonder les profils destinés au filtrage des immigrants. Dans certains cas, les conseils du SCRS peuvent être déterminants dans l'admission d'un demandeur ou dans le rejet d'une demande de citoyenneté. Les renseignements de sécurité peuvent aussi servir à déterminer s'il convient d'autoriser l'accès d'un individu à l'information classifiée, ainsi qu'à seconder la police dans son rôle en matière de prévention du crime et de poursuites au criminel.
Décisions d'enquêter
Après avoir comparé aux politiques établies du Service les demandes d'autorisation d'enquête présentées par ses agents à la haute direction, et vérifié si les documents examinés justifiaient les demandes, nous avons déterminé que le SCRS avait des motifs suffisants de faire enquête et de recourir aux méthodes autorisées par la haute direction.
Selon les politiques du SCRS, l'approbation d'une enquête nécessite une description complète et équilibrée des activités des cibles. Les recherchistes du CSARS ont noté qu'une demande aurait pu être plus complète et mieux équilibrée. En effet, il y est affirmé que des actes de violence pourraient survenir au Canada, mais rien n'indiquait, dans les dossiers du Service, qu'un participant à l'insurrection visée ne modifierait probablement pas son habitude de limiter l'activité terroriste à la mère patrie. D'après le Service, une telle mention n'aurait pas entraîné un refus d'approuver l'enquête.
Conduite de l'enquête
Notre examen a gravité autour d'un petit nombre de personnes visées par l'enquête, des sources humaines qui ont fait rapport sur ces cibles et d'autres enquêtes menées aux termes des autorisations. Dans son précédent rapport d'examen, le CSARS avait traité de ces cibles : des dirigeants de leurs organisations respectives. Il est d'accord avec la décision du SCRS de continuer d'enquêter sur leurs activités, et avec les méthodes employées à cette fin.
Nos recherchistes ont examiné les documents du SCRS pour déterminer si son enquête était conforme à l'autorisation et s'il avait des motifs raisonnables de croire qu'une menace pesait sur la sécurité du Canada.
L'autorisation de cette enquête visait des groupes dont l'activité au Canada appuyait l'organisation principale qui dirigeait l'insurrection armée dans leur pays d'origine. Comme d'autres groupes plus petits et moins influents, qui pouvaient aussi compter des membres ou des appuis au pays, prenaient également part à la lutte, le SCRS a jugé nécessaire d'enquêter sur d'éventuels partisans de l'un de ces groupes, ce qu'il a fait en vertu de l'autorisation d'enquêter sur l'organisation principale. Le Comité est d'accord avec la décision du Service de faire enquête sur ce groupe, mais il estime que l'enquête aurait dû faire l'objet d'une autorisation distincte.
Le Comité a relevé un cas où, à son avis, le Service n'était pas fondé à employer certaines méthodes d'enquête contre une personne qui passait pour fournir des fonds à un groupe insurgé du pays d'origine.
D'après un examen antérieur, il avait semblé au CSARS qu'un enquêteur du SCRS avait profité d'une entrevue avec un dirigeant de groupe ethnique pour en tirer des renseignements personnels de façon irrégulière. Notre dernier examen a révélé que le Service avait mené des entrevues dans plusieurs villes canadiennes pour en savoir plus long sur ce groupe et évaluer l'ampleur et la nature d'une éventuelle menace. Il les a menées à bon droit.
Nous avons sélectionné au hasard un petit nombre de sources humaines que nous devions étudier. Nous avons cherché à déterminer si l'information qu'elles avaient fournie sur les activités visées par des enquêtes était pertinente et fiable, si l'exploitation de ces sources était conforme à la loi et aux politiques et s'il se posait quelque problème particulier.
En règle générale, avons-nous constaté, les enquêtes du SCRS sont conformes à sa politique opérationnelle et les informations recueillies, nécessaires à ces enquêtes, mais nous avons relevé une activité irrégulière. En effet, une source a fait rapport sur les activités de cibles à la suite d'une réunion tenue sur un campus universitaire, et cela, sans l'autorisation préalable du Solliciteur général prévue dans l'instruction du Ministre. Le SCRS a reconnu qu'il y avait là un problème de conformité et il a ouvert une enquête.
Liaison et échanges de renseignements avec des organismes étrangers
Dans son rapport de 1993, le Comité a signalé un cas où le SCRS avait, sans raison valable, informé un organisme étranger de l'intention d'un résident canadien de se rendre dans un pays où les droits de la personne étaient malmenés. Notre dernière étude ne révèle aucun incident de nature à susciter de telles préoccupations.
Tous les cas que nous avons scrutés montrent que les échanges avec des organismes étrangers sont conformes aux ententes en vigueurNote de bas de page 13.
Qualité des conseils donnés au gouvernement en vertu de l'article 12Note de bas de page 14
Le SCRS transmet les renseignements qu'il recueille à ses clients gouvernementaux dans des rapports officiels et à l'occasion de séances d'information. Le Comité est appelé à vérifier, entre autres, si ces rapports traduisent fidèlement l'information qui figure dans les dossiers du Service. Sa conclusion est que, même s'ils ont tendance à être généraux, les rapports que le SCRS a fournis au gouvernement sur cette enquête ont été utiles et opportuns.
Évaluations de sécurité pour les besoins de l'immigrationNote de bas de page 15
Cet examen visait à déterminer si le Service avait exercé de façon irréprochable, à l'égard des individus provenant du pays même où faisait rage le conflit visé par sa vaste enquête, les pouvoirs qui lui sont conférés en vertu de l'article 15 de la Loi sur le SCRS.
À cette fin, le CSARS a cherché à vérifier si l'information contenue dans les avis du Service sur d'éventuels immigrants était conforme aux renseignements versés dans les dossiers d'opérations et de filtrage du SCRS, si les recommandations de celui-ci correspondaient à cette information et si les évaluations étaient rédigées suivant les politiques opérationnelles du SCRS. Nous avons choisi au hasard et examiné en profondeur cinq évaluations de sécurité faites par le SCRS.
Le Comité est d'accord avec les avis fournis par le SCRS dans toutes les évaluations, dont une comportait une omission mineure. Il est évident que certains renseignements obtenus en entrevue avec l'auteur d'une demande d'immigration ou de statut de réfugié ont, en fait, été versés dans la base de données relevant de l'article 12. D'après la politique du SCRS, les entrevues d'immigrants éventuels ne doivent pas servir aux fins d'autres enquêtes. À notre avis, cette politique ne vide pas la question de la collecte de renseignements aux termes de l'article 12 dans le cadre d'entrevues menées en vertu de l'article 15. Nous avons porté la chose à l'attention du Service.
Constatation générale du Comité
Le Comité est d'avis que l'enquête du Service dans cette affaire était justifiée et conforme à la loi, à l'instruction du Ministre et à la politique. De plus, il constate que, par suite des craintes qu'il avait exprimées dans son rapport de 1993, le Service a modifié de façon satisfaisante sa manière de conduire cette enquête.