Discours de la ministre Freeland au segment de haut niveau de la 37e session du Conseil des droits de l’homme

Discours

Le 27 février 2018 – Genève, Suisse

Sous réserve de modifications. Ce discours a été traduit en conformité avec la Politique sur les langues officielles du gouvernement du Canada et révisé aux fins d’affichage et de distribution conformément à sa politique sur les communications.

Peu de questions sont plus importantes que celles qui ont trait aux droits et libertés de la personne.

Nous nous faisons un devoir de promouvoir et de défendre les termes de la Déclaration universelle des droits de l’homme et de faire tout en notre pouvoir pour protéger tous les êtres humains contre toute forme d’abus et nous assurer que tous jouissent pleinement de l’ensemble des droits et des libertés fondamentaux proclamés dans la déclaration.

En 1948, des représentants de nombreux pays, notamment du Canada, se sont réunis pour rédiger la Déclaration universelle des droits de l'homme dont on célèbre le 70anniversaire cette année.

Il y a 70 ans, on a changé le cours de l’histoire du monde. Les idées qui ont alors été mises de l’avant étaient révolutionnaires. Et elles ont présidé à la plus longue période de paix et de prospérité de notre histoire.

Dès la Conférence de Bretton Woods en 1944, un peu avant la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Canada s’est engagé à promouvoir un ordre mondial fondé sur des règles, ordre dont il a aussi grandement profité.

Il s’agissait de principes et de normes qui étaient appliqués, la plupart du temps par la grande majorité des États démocratiques, bien que, dans certains cas, de façon imparfaite.

Le système reposait sur des principes fondamentaux comme l’intégrité territoriale, les droits de la personne, la démocratie, le respect de l’état de droit et le désir d’avoir des relations commerciales libres et amicales.

La volonté commune d’établir cet ordre mondial découlait de la ferme intention de ne pas répéter les erreurs du passé immédiat.

Après avoir vécu l’horreur et les souffrances, l’humanité a compris que de chercher uniquement à satisfaire des intérêts nationaux ou de suivre la loi de la jungle ne menait à rien d’autre qu’au carnage et à la pauvreté.

Deux conflits mondiaux de même que la Grande Crise, le tout en moins d’un demi-siècle, ont appris à nos parents et à nos grands-parents que les frontières nationales doivent rester intactes, que les relations internationales commerciales engendrent non seulement la prospérité, mais aussi la paix, et qu’une vraie communauté mondiale, fondée sur des normes et des aspirations communes, n’était pas seulement souhaitable, mais essentielle à notre survie.

Ce profond désir d’établir une paix durable a entraîné la création d’institutions internationales qui existent encore.

Ce réseau d’institutions internationales peut sembler banal aujourd’hui. Certains le tiennent pour acquis. C’est une erreur.

L’ordre mondial fondé sur des règles tel que nous le connaissons est menacé. Si nous ne nous engageons pas à collaborer pour nous assurer que cet ordre évolue et soit préservé pour une autre période de 70 ans, si nous oublions le lien entre démocratie et droits de la personne, alors nous serons condamnés à répéter les erreurs du passé.

Nous nous sommes engagés afin de constamment améliorer le respect des droits de la personne et des valeurs démocratiques tant dans notre pays qu’à l’échelle internationale. Le Canada a été actif sur de nombreux fronts.

Nous estimons que les efforts déployés pour soutenir ces valeurs à l’étranger ne seront que des mots creux si nous ne discutons pas franchement des défis auxquels nous faisons face dans notre propre pays.

C’est d’ailleurs pourquoi le premier ministre Justin Trudeau a souligné, dans sa déclaration à l’Assemblée générale des Nations Unies en septembre dernier, que l’héritage du colonialisme jette une ombre sur les relations entre le Canada et les peuples autochtones.

Les inégalités qui existent entre les communautés autochtones et le reste du Canada rappellent de façon flagrante que de génération en génération, nous n’avons pas réussi à fournir des services de base, à prévenir puis à guérir les traumatismes associés aux pensionnats, ainsi qu’à surmonter le racisme systémique qui sévit dans notre pays.

Notre cheminement vers la réconciliation nationale exigera du Canada qu’il dépasse les limites des structures coloniales désuètes et qu’il les remplace en créant quelque chose de nouveau.

Ces structures respecteront le droit inhérent des peuples autochtones à l’autonomie gouvernementale, et cadreront avec notre appui à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

Permettez-moi maintenant d’aborder une situation qui se déroule loin de nos frontières ‒ mais qui préoccupe grandement les Canadiens : la persécution des Rohingyas.

Près de 700 000 Rohingyas ont été contraints de quitter leur domicile. Ils laissent derrière eux des villages incendiés et emportent les traumatismes associés aux viols systémiques, à la violence gratuite et aux massacres.

Il s’agit sans l’ombre d’un doute de crimes contre l’humanité.

Il s’agit de nettoyage ethnique.

Outre les lourdes pertes en vies humaines, ces crimes auront un effet dévastateur sur la transition du Myanmar vers la démocratie. Sans le respect des droits de la personne et des libertés individuelles, il ne peut y avoir de démocratie.

Les responsables de ces atrocités doivent rendre compte de leurs actes. Plus tôt ce mois-ci, le Canada a pris des sanctions contre le major-général Maung Maung Soe en raison du rôle majeur qu’il a joué dans cette vague de persécutions.

Par ailleurs, pour que la vraie démocratie s’épanouisse, les libertés fondamentales, comme la liberté de la presse, doivent être respectées.

C’est pourquoi le Canada est très préoccupé par l’incarcération injuste de deux journalistes de Reuters qui ont osé relater des crimes commis dans l’État de Rakhine.

En tant qu’ancienne journaliste, je crois fermement que les journalistes ne devraient pas craindre les représailles en raison de leur travail.

Nous vivons aussi à une époque où le droit international humanitaire a été dangereusement mis en péril. Des civils sont massacrés et ont été trop souvent la cible d’attaques soutenues.

Ces attaques répétées contre les civils doivent cesser d’être considérées comme des dommages collatéraux. Ce sont des actes inacceptables.

Je me dois de souligner l’importance de ces principes fondamentaux :

  • Les employés, les bénévoles et les installations des organismes humanitaires doivent être protégés en tout temps.
  • Il faut autoriser le passage en toute sécurité aux civils qui fuient les zones de combat.
  • Les organismes humanitaires doivent avoir accès afin de pouvoir livrer leur aide aux populations qui en ont besoin.

Ces principes sont foulés aux pieds. En témoignent la pure brutalité des récentes et violentes attaques perpétrées contre des civils dans la Ghouta orientale, ainsi que le conflit qui perdure en Syrie.

Le régime Assad s’en prend à ses propres citoyens et a déstabilisé le Moyen-Orient, provoquant des conflits entre des collectivités qui vivent côte à côte depuis des décennies. Les minorités chrétiennes ont énormément souffert, comme l’illustrent les attaques contre les Coptes en Égypte. Le Canada défendra toujours les droits des minorités persécutées qui subissent trop souvent les contrecoups de conflits dont elles ne sont aucunement responsables.

Le mépris insensible du régime Assad pour la vie humaine est rendu possible grâce au soutien de la Russie et de l’Iran, alliés de la Syrie.

Ces pays sont moralement responsables des crimes commis par le régime syrien.

Nous continuerons à appuyer financièrement des organismes comme les Casques blancs, des femmes et des hommes courageux qui agissent comme premiers intervenants dans les situations extrêmement difficiles.

Nous avons aussi été témoins de graves actes d’obstructionnisme dans le système des Nations Unies, des actes allant à l’encontre de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Certains pays ont saboté sans vergogne l’ordre reposant sur les règles et ses systèmes de protection des droits de la personne.

Lorsque la Russie a entrepris d’occuper et d’annexer illégalement le territoire ukrainien, c’était la première fois, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, qu’une puissance européenne annexait par la force le territoire d’un autre pays européen. Nous ne pouvons pas accepter ou ignorer cette situation.

La Déclaration universelle des droits de l’homme reconnaît avant toute chose que la paix et la stabilité dans le monde sont tributaires du respect des normes démocratiques et des droits de la personne.

Le mépris total et persistant de la Corée du Nord pour les normes et obligations internationales a entraîné des souffrances inimaginables pour les habitants de ce pays. La Corée du Nord doit régler les problèmes liés aux droits de la personne, respecter les normes internationales en matière de droits de la personne et autoriser la visite des rapporteurs spéciaux des Nations Unies.

En janvier, le Canada et les États-Unis ont convoqué une réunion des ministres des Affaires étrangères à Vancouver pour discuter de la crise qui touche la péninsule coréenne.

Cette crise pourra être dénouée de façon diplomatique, mais seulement si les Nord-Coréens se montrent disposés à changer leur comportement et à réintégrer la communauté internationale.

Il nous faut garder à l’esprit ce point crucial.

Monsieur le président, les Canadiens ont été horrifiés d’apprendre que le professeur et environnementaliste canado-iranien Kavous Seyed-Emami était décédé dans la tristement célèbre prison d’Evin, à Téhéran.

Comme l’a déclaré le premier ministre Trudeau, un Canadien est un Canadien, et lorsqu’un Canadien décède dans des circonstances nébuleuses, nous ne pouvons rester silencieux.

Une autre crise humanitaire a des conséquences dramatiques pour la population d’un pays et il s’agit de la crise au Venezuela. Le régime brutal et tyrannique de Maduro ne prétend même plus avoir les apparences d’une démocratie, il s’est retourné contre le peuple vénézuélien et a suscité une crise économique et humanitaire lourde de conséquences.

Le nombre croissant de réfugiés qui fuient le Venezuela vers les pays voisins pourrait entraîner une instabilité régionale.

Composé de pays de l’hémisphère qui ont des vues similaires, le Groupe de Lima, dont le Canada fait partie, est grandement préoccupé par la situation.

Après 26 années de guerre civile au Sri Lanka, la fin du conflit a été un moment important, mais ce n’était qu’une première étape. Les personnes qui cherchent à guérir les blessures de ceux qui ont souffert et qui souhaitent parvenir à une véritable réconciliation ne sont pas au bout de leurs frustrations.

Le Canada est déçu par la lenteur des progrès réalisés en matière d’engagements visant à promouvoir la paix et la réconciliation, la stabilité politique, les droits de la personne et la responsabilisation du gouvernement.

J’aimerais aujourd’hui réitérer le désir du Canada de voir le gouvernement du Sri Lanka mettre en place un processus de reddition de comptes dans lequel les victimes—y compris les familles des disparus—de cette guerre pourront avoir confiance.

Nous continuons à exhorter le gouvernement du Sri Lanka à établir un calendrier et une stratégie de mise en œuvre clairs pour assurer le respect des engagements pris à l’égard de la population sri-lankaise ainsi que la protection et le respect des droits fondamentaux des Sri-Lankais.

Au Canada, nous croyons que la diversité fait notre force.

Nous croyons que les pays sont plus forts lorsque tous leurs citoyens sont véritablement inclus.

C’est pourquoi nous sommes fiers de notre politique étrangère féministe.

C’est aussi pourquoi nous sommes honorés de coprésider la Coalition pour l’égalité des droits avec le Chili.

Tous les gens ont le droit de vivre sans être victimes de persécution ou de discrimination, peu importe qui ils sont ou qui ils aiment.

Le Canada est pleinement engagé – pour le présent et pour l’avenir – à appuyer le système des droits de la personne des Nations Unies et à exploiter son vaste potentiel. On peut compter sur nous pour jouer un rôle important afin d‘aider la communauté internationale à bâtir un monde où tous les êtres humains sont égaux en dignité et en droits.

C’est pourquoi nous avons accueilli plus de 40 000 réfugiés syriens ces dernières années, et pourquoi des gens de partout au pays prennent position contre le racisme, le sexisme, l’antisémitisme, l’islamophobie et d’autres formes de discrimination.

Le Conseil des droits de l’homme est particulièrement bien placé pour s’attaquer aux principaux problèmes mondiaux, en prenant des actions immédiates pour régler les crises et les conflits qui touchent présentement notre monde.

J’ai commencé mon allocution aujourd’hui en évoquant la création, il y a 70 ans, du système d’institutions internationales fondé sur des règles.

Ces institutions sont nées des ténèbres de la Seconde Guerre mondiale, et il convient de rappeler que ce conflit a été marqué par les horreurs de l’Holocauste : le théâtre des plus odieuses et effroyables violations des droits fondamentaux de la personne de l’histoire du monde.

L’Holocauste, cette indicible tragédie, a été rendu possible en partie par l’antisémitisme qui sévissait sur le continent européen depuis des générations.

Ceux qui oublient l’histoire sont effectivement condamnés à la revivre.

Permettez-moi d’être très claire : le Canada ne tolère aucune forme d’antisémitisme, quelle qu’elle soit, en aucun temps et sur aucune tribune.

Soixante-dix ans après l’élaboration de la Déclaration universelle des droits de l’homme, ils sont nombreux dans le monde à remettre en question l’idée même des droits universels. Mais pas le Canada.

Maintenant plus que jamais, nous devons réaffirmer son appel en faveur de la protection de la dignité humaine, des libertés individuelles et des valeurs démocratiques, et nous unir pour préserver l’ordre international fondé sur des règles, tel que nous le connaissons.

Le défi auquel nous faisons face aujourd’hui est immense.

Notre travail consiste maintenant à préserver les réalisations accomplies il y a 70 ans, à en tirer parti, à utiliser les structures multilatérales qui ont été créées pour jeter les bases d’ententes et d’institutions mondiales adaptées aux nouvelles réalités de ce siècle.

Je sais qu’ensemble, nous pouvons y arriver.

Merci.

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