Discours de la ministre Freeland pour le débat de haut niveau de la Conférence du désarmement

Discours

Le 27 février 2018 – Genève, Suisse

Sous réserve de modifications. Ce discours a été traduit en conformité avec la Politique sur les langues officielles du gouvernement du Canada et révisé aux fins d’affichage et de distribution conformément à sa politique sur les communications.

Je suis heureuse de prendre la parole aujourd’hui à la Conférence sur le désarmement, et de discuter de la manière dont nous pouvons redynamiser nos efforts pour faire progresser les normes mondiales en ce qui a trait à la non-prolifération et au désarmement.

Une des grandes priorités du Canada en matière de politique étrangère est de maintenir l’ordre mondial fondé sur des règles qui existe depuis les sept dernières décennies, en collaborant avec nos partenaires afin de promouvoir la paix, la sécurité et la prospérité dans le monde.  

Les efforts que nous menons pour faire avancer la non-prolifération et le désarmement constituent une composante essentielle de cet ordre mondial. Un aspect fondamental de ce travail se fait également en collaboration avec la société civile et nos collectivités au pays.

Pendant bon nombre d’années, le Canada a été un chef de file dans le développement d’une architecture de désarmement mondial, notamment en ce qui concerne le désarmement nucléaire.

Nous présidons actuellement un groupe d’experts des Nations Unies sur l’élaboration d’un traité sur l'interdiction de la production de matière fissile [TIPMF] pour aider à interrompre la production d’armes nucléaires. Cela fait suite à une résolution des Nations Unies parrainée par le Canada qui a rallié 159 États. D’importance cruciale, ce groupe d’experts est composé notamment des cinq États dotés d’armes nucléaires qui ont signé le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, ainsi que de l’Inde et de 19 États qui ne sont pas dotés d'armes nucléaires.

Tout au long du processus relatif au groupe préparatoire du TIPMF, le Canada visait deux objectifs : premièrement, contrer les divisions internationales croissantes en unissant les États dotés d’armes nucléaires et ceux qui n’en sont pas dotés, afin de continuer de travailler à la réalisation de notre objectif commun de non-prolifération et de désarmement; et deuxièmement, de réaliser des progrès réels en ce qui concerne la négociation de ce traité, laquelle est attendue depuis longtemps.

Le résultat du vote en faveur du TIPMF à l’Assemblée générale de l’ONU montre que le soutien envers cette cause est quasi universel. De plus, autant les partisans du récent Traité sur l’interdiction des armes nucléaires que ceux qui s’en méfient sont sur la même longueur d’onde. 

Par ailleurs, la conjoncture n’a jamais été aussi propice à la mise en œuvre d’un TIPMF afin de contribuer positivement au désarmement nucléaire. Nous voyons le grand potentiel de ce traité pour mettre de l’avant des mesures cohérentes dans le contexte du cycle d’examen relatif à la non-prolifération des armes nucléaires, pour donner un second souffle à la Conférence sur le désarmement et pour rétablir la crédibilité de cette dernière. Si des questions mûres pour les négociations, par exemple le TIPMF, ne peuvent pas faire l’objet de discussions dans le cadre de la Conférence, le scepticisme sur la pertinence continue de la Conférence s’intensifiera, et des questions seront soulevées sur la raison pour laquelle nous investissons autant dans cette institution.

Dans ces moments difficiles, nous devons redoubler d’efforts pour trouver une véritable voie à suivre, de crainte que les normes en matière de non-prolifération et de désarmement représentées par le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires soient davantage fragilisées, ce qui aurait des conséquences déstabilisantes pour la paix et la sécurité internationales. Le Canada estime que les efforts en vue de mettre en œuvre le TIPMF constituent une étape essentielle pour combler l’écart entre les États dotés d’armes nucléaires et ceux qui n’en possèdent pas.

Nous sommes reconnaissants que bon nombre de partenaires rassemblés ici travaillent à créer les conditions propices à la poursuite des progrès en ce qui concerne le désarmement nucléaire. Le Canada demeure résolu à faire avancer ce processus de façon constructive. Tous les États, particulièrement ceux qui possèdent des armes nucléaires, doivent prendre leurs responsabilités, autant individuelles que collectives, afin de créer un environnement plus propice au désarmement.

Au cours de la dernière année, nous avons vu des dirigeants de la communauté mondiale sur le désarmement mener la négociation et la signature du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires. La popularité de cette initiative est révélatrice du désir des pays, des militants et des communautés de collaborer au chapitre du désarmement. Elle traduit également la frustration et la déception face au rythme des efforts mondiaux jusqu’ici. Nous croyons qu’il s’agit d’une critique légitime.

Il y a deux semaines à Munich, j’ai eu le plaisir de rencontrer Mme Beatrice Fihn, directrice générale de la Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires [ICAN], laquelle a reçu le prix Nobel de la paix en 2017 pour son travail en vue d’attirer l’attention sur les conséquences humanitaires catastrophiques de l’utilisation des armes nucléaires, et pour ses efforts relativement au Traité sur l’interdiction des armes nucléaires. Mme Finh a reçu le prix au nom de ICAN, en compagnie de Mme Setsuko Thurlow, une militante canadienne d’origine japonaise qui a survécu au bombardement d’Hiroshima. Le leadership de ces femmes et de leur mouvement à l’égard du désarmement nucléaire doit être reconnu. Il doit être salué.

Au Canada, le travail de la société civile, des partis d’opposition et de notre gouvernement nous a également amenés à relever notre degré d’ambition en ce qui concerne le contrôle des armes.

Nous sommes fiers de voir que notre processus législatif en vue d’adhérer au Traité sur le commerce des armes [TCA] est déjà bien amorcé. Il est essentiel de réglementer et de restreindre de façon adéquate la circulation des armes dans le monde. En plus de cet effort législatif, nous finançons des projets qui s’attaquent à la circulation d’armes prohibées et qui aident les États à adhérer au TCA et à le mettre en oeuvre. 

Il était grand temps que le Canada se joigne à la communauté internationale en adhérant au TCA.

J’ai annoncé récemment la décision du gouvernement de renforcer davantage les lois canadiennes qui mettent en œuvre le TCA et régissent l’exportation d’armes par le Canada.

Nous avions initialement prévu d’inclure dans la réglementation les critères en fonction desquels les exportations d’armes sont jugées, notamment les droits de la personne. Toutefois, des parlementaires de plusieurs partis, y compris le nôtre, ainsi que des membres de la société civile, nous ont fait savoir qu’ils aimeraient que les critères du TCA soient enchâssés directement dans la loi. Ces critères permettraient de tenir compte de la paix et de la sécurité, des droits de la personne et de la violence fondée sur le genre. Et nous sommes déterminés à mettre ce changement en œuvre.

Question d’aller encore plus loin, notre gouvernement a annoncé que nous appuierons l’inclusion d’une disposition relative au risque substantiel dans le droit canadien. Cela signifie que nous intégrerons directement dans notre droit national l’exigence du TCA selon lequel nous n’autoriserons pas l’exportation d’armes là où il existe un risque élevé que ces armes soient utilisées pour commettre de graves violations des droits de la personne. Nous devons être fermement convaincus que nos exportations contrôlées seront conformes aux critères du TCA, et cette clause est un élément essentiel de cet engagement.

Il s’agit d’un moment décisif pour le Canada.

Les Canadiens sont préoccupés, à juste titre, par la façon dont les armes peuvent être utilisées pour perpétuer des conflits régionaux ou internationaux dans lesquels des civils ont souffert et perdu la vie. Nous devons avoir l’assurance que nos institutions sont outillées pour faire en sorte que nous ne perpétuons pas ces conflits. Nous sommes tenus de respecter des normes plus rigoureuses.

Le Canada s’est engagé à faire exactement cela, et nous continuons de promouvoir les efforts de désarmement à l’échelle mondiale.

En 1997, bon nombre d’entre vous sont venus à Ottawa et se sont engagés à débarrasser le monde des mines terrestres. Depuis, nous avons atteint des résultats non négligeables, notamment la destruction de 51 millions de mines terrestres. Mais il reste encore du travail difficile à accomplir. J’aimerais faire appel à tous les États qui n’ont pas signé la Convention d’Ottawa [sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction] à se joindre à ce mouvement mondial et à nous aider à enrayer le fléau des mines terrestres. Mon ami, l’ancien ministre des Affaires étrangères, Lloyd Axworthy, a dirigé le processus entourant la mise en œuvre de la Convention d’Ottawa avec la société civile internationale et le soutien de nombreux pays à l’échelle mondiale. Merci, Lloyd.

Les armes légères et de petit calibre sont utilisées quotidiennement pour perpétrer des attaques terroristes et des gestes de violence fondée sur le genre dans des zones de conflit, et les mines terrestres continuent de tuer et de mutiler des civils et d’empêcher des enfants de se rendre à l’école. Je suis donc heureuse d’avoir récemment élargi le mandat du Programme de réduction des menaces liées aux armes de destruction massive du Canada afin qu’il appuie également l’universalisation des traités sur les mines antipersonnel, les armes à sous-munitions ou les armes légères et de petit calibre. Cela nous permettra de poursuivre ce travail crucial et de financer de nouveaux types de projets.

Le désarmement nucléaire, la mise en œuvre d’un système d’exportation d’armes plus rigoureux et la poursuite des efforts en ce qui concerne l’éradication des mines terrestres sont tous des éléments intrinsèques à la Politique étrangère féministe du Canada. La prévention des conflits et la promotion du programme international de désarmement font partie des engagements contenus dans le Plan d’action national du Canada sur les femmes, la paix et la sécurité, que nous avons lancé le 1er novembre 2017.

À l’automne dernier, dans le cadre de la Première Commission [Commission de l’Assemblée générale de l’ONU sur le désarmement et la sécurité internationale], le Canada, la Suède et 41 autres États ont publié une déclaration commune sur la nécessité de tenir compte d’une perspective fondée sur le genre relativement aux efforts de désarmement. Nous avons alors dit que le maintien de la paix et de la sécurité internationales relève de tous les États, et des femmes autant que des hommes. Les institutions internationales doivent représenter la société et reconnaître que l’équilibre entre les hommes et les femmes influence la façon dont les questions de désarmement sont débattues et examinées.

Bien que les hommes et les garçons soient souvent, et de façon disproportionnée, les victimes directes des mines et des restes explosifs de guerre, c’est aux femmes qu’incombe habituellement la responsabilité première de prendre soin des survivants et des victimes indirectes. La perte ou l’invalidité d’un conjoint ou d’autres membres masculins de la famille peut amener les femmes à faire l’objet de discrimination persistante et leur causer des difficultés. Il en revient aux survivants des communautés ravagées par la guerre, souvent des femmes, comme dans le nord de l’Iraq, de diriger les efforts de stabilisation une fois les combats terminés. Nous devons appuyer les femmes et les filles et travailler avec elles dans nos efforts de déminage.

Une politique étrangère féministe est essentielle parce que nous comprenons que les transferts non réglementés d’armes alimentent la violence armée, laquelle entraîne des effets préjudiciables, particulièrement chez les femmes.

Malgré le fait qu’il soit inévitablement incomplet, le cadre international actuel en matière de désarmement doit être maintenu. Il ne s'agit pas simplement d’assurer la responsabilisation. Il s’agit également de réaliser des progrès concrets vers un monde plus sûr. On ne peut pas avoir confiance dans un système qui ne génère aucun résultat, surtout lorsqu’il est question de paix et de sécurité.

Il n’y a pas que des gouvernements derrière ces lois, ces traités et ces institutions. Les sociétés civiles dynamiques, les lauréats de prix Nobel et les militants représentent notre force collective. On doit applaudir leur leadership.

La menace nucléaire que pose la Corée du Nord montre que le désarmement est plus nécessaire que jamais. En janvier dernier, le secrétaire d’État américain, Rex Tillerson, et moi avons coorganisé la réunion des ministres des Affaires étrangères sur la sécurité et la stabilité dans la péninsule coréenne, tenue à Vancouver. Vingt pays étaient représentés pour discuter de l’objectif commun visant à assurer la sécurité et la stabilité dans la péninsule coréenne.

L’appui accordé à l’architecture internationale de non-prolifération est l’une des raisons pour lesquelles le Canada soutient aussi fermement l’Ukraine et sa souveraineté. L’Ukraine contribuait à la paix et à la sécurité du monde entier en 1994 lorsqu’elle a renoncé à ses armes nucléaires. En échange, son autorité territoriale était garantie par le Mémorandum de Budapest sur les garanties de sécurité. Quel message envoyons-nous concernant la non-prolifération si nous tolérons que ces garanties soient bafouées?

À l’échelle mondiale, le Canada est très conscient des risques auxquels fait face la pérennité du Traité de non-prolifération. C’est ainsi qu’à l’approche du 50e anniversaire de la Conférence d’examen en 2020, peu de progrès ont été faits sur le plan du désarmement.

Le Canada demeure fermement résolu à protéger et à promouvoir le système fondé sur des règles et les normes que nous avons établies ensemble depuis plusieurs décennies. Je demeure personnellement convaincue qu’en travaillant en collaboration au sein de ce système, nous pouvons continuer à faire des progrès réels sur le désarmement.

Mais j’insiste également pour que nous en fassions tous davantage.

Nous le devons aux générations futures, nous le devons à nos enfants.      

Merci.

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