Discours de la ministre Freeland sur l’Initiative Elsie sur les femmes dans les opérations de paix

Discours

Le 12 mars 2018 – New York, États-Unis

Sous réserve de modifications. Ce discours a été traduit en conformité avec la Politique sur les langues officielles du gouvernement du Canada et révisé aux fins d’affichage et de distribution conformément à sa politique sur les communications.

Chers délégués, collègues et amis. C’est pour moi un honneur et un plaisir d’être ici avec vous aujourd’hui, dans le cadre d’un événement parallèle de la 62e session de la Commission de la condition de la femme des Nations Unies.

La Commission de la condition de la femme est l’un des plus importants événements annuels de l’Organisation des Nations Unies.

Cette semaine nous fournit l’occasion d’échanger des idées et de discuter de nos points de vue. 

Cette semaine, nous soulignons les réalisations impressionnantes du mouvement féministe mondial ainsi que les efforts incroyables que vous continuez tous à déployer pour être un moteur de changement partout dans le monde.

Je suis accompagnée ici à New York par six de mes collègues, dirigées par la ministre de la Condition féminine, Maryam Monsef.

J’aimerais remercier ma collègue Marie-Claude Bibeau, ministre du Développement international, qui est ici avec nous aujourd’hui.

L’an dernier, Mme Bibeau a mis en œuvre l’ambitieuse Politique d’aide internationale féministe, qui est axée directement sur les besoins des femmes et des filles.

Mme Monsef, Mme Bibeau et moi avons hâte de collaborer avec nos homologues du monde entier pour que l’égalité des genres soit une réalité partout dans le monde.

Toutefois, ce travail doit commencer chez nous.

Je voudrais reconnaître qu‘au Canada, les femmes et les filles autochtones ont disproportionnellement été victimes de discrimination et de violence.

Les marques du colonialisme, les traumatismes découlant des pensionnats indiens et le racisme systémique se combinent, de sorte que les femmes autochtones sont parmi les personnes les plus vulnérables au Canada. Nous devons améliorer les choses si nous voulons parvenir à une réconciliation.

Je voudrais remercier tous les chefs et groupes autochtones qui sont venus à New York cette semaine.

Chaque personne, au Canada et ailleurs dans le monde, mérite d’être traitée avec dignité. 

À cette fin, le Canada a adopté une politique étrangère incontestablement féministe.

Nous intégrons l’égalité des genres aux questions de diplomatie, de commerce et de sécurité et aux activités d’aide au développement.

Cet engagement vise à faire progresser non seulement les droits des femmes et des filles, mais également ceux des communautés LGBTQ2 et de toutes les personnes qui sont opprimées en raison de leur identité sexuelle.

Pour nous, une approche féministe n’est pas une question de rectitude politique ou de « moralité de façade ».

Il s’agit plutôt d’une solution pratique et intelligente pour relever les défis auxquels nous nous heurtons.

Comme je l’ai mentionné lors du lancement du Plan national d’action du Canada consacré aux femmes, à la paix et à la sécurité :

Lorsque les femmes participent à l’économie, la croissance économique est plus forte. 

Quand les femmes sont incluses dans la gouvernance, les États sont plus stables. 

Lorsque les femmes participent à la sécurité collective, nous sommes tous plus en sécurité.

Quand les femmes sont incluses dans les processus de paix, la paix est plus durable.

Aucune société ne peut atteindre son plein potentiel si la moitié de sa population est mise de côté.  

En 2000, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté la résolution 1325, qui exhorte notamment les États membres à permettre la pleine participation des femmes au maintien et à la promotion de la paix et de la sécurité. Un certain nombre de résolutions ultérieures ont soutenu cette requête et ont appelé tous les pays à élaborer leur propre plan d’action visant à mettre en œuvre les résolutions.  

Au Canada, nous avons pris cet appel au sérieux.

Nous avons élaboré un plan dans lequel nous nous engageons à considérer comme une priorité la participation des femmes à toutes les activités que mène le Canada dans les États fragiles, que ces activités concernent la prévention des conflits, le rétablissement de la paix, l’aide humanitaire ou le rétablissement et le renforcement de l’État après un conflit.  

Dans le cadre de notre réflexion sur la participation accrue des femmes aux processus de paix, le plan a guidé notre approche dans un domaine en particulier : le maintien de la paix. 

En 2015, la résolution 2242 du Conseil de sécurité des Nations Unies demandait que le nombre de femmes en uniforme participant aux opérations de maintien de la paix militaires et policières soit doublé au cours des cinq années suivantes.

Personne ne s’attendait à ce que ce changement se produise du jour au lendemain, mais les progrès en cette matière sont beaucoup trop lents.     

Le mois prochain, cela fera de deux ans et demi que la résolution 2242 a été adoptée. Au cours de cette période, le nombre de femmes déployées dans des opérations de maintien de la paix militaires et policières n’a augmenté que de 0,2 %, passant de 4,2 à 4,4 %.

À ce rythme, il faudra 37 ans pour atteindre l’objectif fixé.

Pourtant, voici ce que nous savons de l’importance des femmes dans les opérations de paix :

  • Lors des patrouilles dans les zones de conflit, les femmes parviennent à obtenir une plus large gamme de renseignements sur les menaces et la dynamique des conflits, parce que leur communication avec les groupes communautaires locaux est différente de celle des hommes.
  • Même en uniforme, les femmes peuvent aller dans les endroits où les femmes se réunissent, pour parler avec elles et établir des liens de confiance.
  • Les femmes en mission de maintien de la paix sont des modèles pour les autres femmes et filles, et ce, tant dans leur communauté d’accueil que chez elles lorsqu’elles reviennent avec de nouvelles compétences et expériences.

Comment se fait-il alors que nous n’ayons pas réussi à atteindre les objectifs collectifs fixés par ces résolutions?

Le temps du changement est arrivé. Nous devons être audacieux.

Il n’y a jamais eu autant de leadership et de sensibilisation à l’égard de ces questions au sein des Nations Unies.

Nous avons maintenant la Stratégie sur la parité entre les genres dans les missions des Nations Unies.

Nous avons un réseau de conseillers en matière d’égalité des genres.

Nous avons de plus en plus de femmes occupant des postes influents, au sein des Nations Unies et dans les États membres.

Le Canada est convaincu qu’il s’agit là d’une occasion à saisir pour travailler avec les Nations Unies et apporter les changements indispensables à ses missions de maintien de la paix. 

Voilà pourquoi nous avons lancé l’Initiative Elsie sur les femmes dans les opérations de paix.

L’initiative porte le nom d’une aïeule canadienne, Elsie MacGill. Elsie est une ingénieure en mécanique qui, pendant la Seconde Guerre mondiale, a conçu et fabriqué ses propres avions. Les avions ont été construits par des centaines de femmes qu’elle employait dans son usine.

Elsie était une pionnière dans un monde dominé par les hommes. Qu’elle soit notre inspiration.

Cette initiative vise à accroître le nombre de femmes en uniforme déployées dans les opérations militaires et policières de maintien de la paix.

Il s’agit également de briser les stéréotypes sexistes.

Et de créer une paix durable et à long terme.

Nous avons formé un groupe de contact pour concevoir le projet pilote initial de l’initiative.

Je remercie ceux qui ont manifesté leur intérêt et accepté de travailler avec nous à cette initiative, notamment l’Argentine, la Corée du Sud, la France, le Ghana, la Norvège, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, le Sénégal, la Suède et l’Uruguay. 

Le mois dernier, le Canada a organisé un atelier de conception sur l’initiative Elsie et a accueilli des représentantes des pays membres du groupe de contact, des Nations Unies, de la société civile et du milieu universitaire, ainsi que des femmes ayant participé à des missions de maintien de la paix des Nations Unies. Ensemble, nous avons élaboré des programmes de formation et d’assistance technique à l’intention de deux pays fournissant des effectifs pour les opérations policières et militaires, ainsi qu’un mécanisme financier destiné à encourager le déploiement de femmes.

En collaboration avec les Nations Unies et le groupe de contact, nous procéderons à une évaluation des besoins et élaborerons un programme d’aide sur mesure, en mettant sur pied le projet pilote avec les pays partenaires que nous sélectionnerons cet été.

Les Forces armées canadiennes et la Gendarmerie royale du Canada (GRC) assureront une grande partie la formation et de l’aide technique.

Il est évident que leur formation et leur aide seront inestimables, mais il est également important de noter que nos militaires et la GRC s’efforcent aussi de faire en sorte qu’un plus grand nombre de femmes canadiennes soient déployées dans des missions de maintien de la paix à l’étranger.

Brenda Lucki, qui est devenue la semaine dernière la première femme nommée à la tête de la GRC, a servi dans plusieurs missions de maintien de la paix des Nations Unies.

Au-delà de la formation, nous savons que nous devons améliorer l’environnement des missions pour les femmes. Je tiens notamment à remercier Atul et Jean-Pierre d’avoir accepté de travailler avec nous sur ce dossier.

Lorsqu’elles sont déployées dans des missions de maintien de la paix des Nations Unies, les femmes trouvent souvent que ces environnements, bien que difficiles pour tout le monde, sont conçus pour répondre aux besoins de la majorité. Ils ne disposent donc pas des commodités ou des services qui répondent aux besoins des femmes, y compris sur le plan de la sécurité. Nous demandons aux gardiens de la paix de risquer leur vie pour remplir le mandat des missions, mais les femmes qui font ce travail doivent faire face à des risques supplémentaires liés au genre, qui pourraient être évités.

Il faut s’assurer que nous disposons des infrastructures appropriées pour répondre aux besoins des femmes, et que le simple fait d’être une femme ne met pas inutilement leur sécurité en danger ou n’érige pas des obstacles à leur efficacité opérationnelle.

Mais il n’y a pas que les infrastructures qui sont importantes; les attitudes ont aussi un grand rôle à jouer. 

Le mois dernier, durant l’atelier sur la conception, une femme ayant le grade de major qui était détachée de ses forces armées nationales pour être déployée dans une opération de maintien de la paix des Nations Unies a expliqué comment le manque de respect de deux collègues masculins du même grade a compliqué sa tâche pendant la mission. 

Ses inquiétudes allaient bien au‑delà de sa propre personne : elle a demandé à ses collègues masculins comment ils comptaient apporter la paix dans ce pays étranger s’ils n’étaient même pas capables de la respecter, elle. 

Voilà un exemple parmi tant d’autres des défis que doivent relever les femmes qui sont membres des troupes de maintien de la paix, et c’est une raison supplémentaire pour examiner les opérations de maintien de la paix sous un nouvel angle.

Mais le fléau du harcèlement sexuel et de la violence sexuelle, tant à l’endroit des gardiens de la paix que des personnes qu’ils doivent protéger, est encore pire.

Ces comportements inqualifiables de la part de gens qui devraient être des protecteurs sont inadmissibles. 

Il faut veiller à ce que des procédures solides soient en place pour prévenir le harcèlement sexuel et la violence sexuelle, et pour intervenir le cas échéant.

Ces comportements ne doivent pas rester impunis.

En cette ère de puissants mouvements sociaux comme #MoiAussi et #TimesUp, qui changent radicalement la façon dont les femmes sont perçues et traitées, tout passe sous la loupe.

Engageons‑nous à ne pas détourner les yeux, et tâchons ensemble de faire en sorte que ce changement devienne une réalité.

Comme toute personne travaillant au gouvernement ou dans la société civile le sait très bien, le changement coûte cher. 

Nous ne croyons pas que le manque de ressources financières devrait être une barrière pour les pays qui souhaitent faire progresser l’égalité des genres dans le cadre de leurs déploiements au sein des forces des Nations Unies. 

Le Canada s’est déjà engagé à consacrer 15 millions de dollars à un mécanisme financier dans lequel les pays qui le souhaitent pourront puiser pour obtenir un soutien.  

Nous travaillons minutieusement à la conception de ce mécanisme pour qu’il favorise les changements requis tout en appuyant les femmes pour qu’elles puissent remplir des rôles importants et recevoir la formation connexe appropriée. 

En outre, nous nous sommes engagés à mener une surveillance et une évaluation rigoureuses afin d’accélérer les progrès et de faire en sorte que le projet pilote puisse être reproduit et élargi. Afin d’atteindre nos objectifs, nous devons savoir ce qui fonctionne bien et ce qui ne fonctionne pas. 

L’Initiative Elsie nous donne l’occasion de travailler avec des pays qui ont une solide expérience du maintien de la paix et qui tentent eux‑mêmes de déployer plus de femmes et de faire progresser le Programme sur les femmes, la paix et la sécurité. 

Pour nous, ce n’est pas une simple question d’efficacité opérationnelle; c’est aussi une question d’égalité entre les genres et de droits des femmes.  

Il est grand temps que nous reconnaissions que les femmes et les hommes, ainsi que les filles et les garçons, devraient avoir la même voix au chapitre et jouir de droits égaux, bénéficier de chances égales et jouir de la même sécurité. 

C’est avec plaisir que j’annonce aujourd’hui qu’en plus de l’Initiative Elsie, le Canada versera au-delà de 16 millions de dollars à des projets qui visent expressément à réaliser cet objectif. 

Des projets qui contribueront à faire avancer l’égalité des genres et à protéger les droits de la personne, notamment ceux des femmes et des filles; des projets qui lutteront contre la violence fondée sur le genre; et des projets qui appuieront la participation des femmes au processus de paix et à la mise en œuvre du Programme sur les femmes, la paix et la sécurité.

J’aimerais reconnaître l’importance capitale que joueront les organismes communautaires, les organisations non gouvernementales et les mouvements de femmes pour assurer la réussite de ce projet. Et je suis sûre que nos panélistes en parleront bientôt.   

Il y a maintenant 60 ans que Lester B. Pearson, le ministre canadien des affaires étrangères de l’époque, a défendu les premières missions armées de maintien de la paix des Nations Unies lors de la crise de Suez.

Les structures du maintien de la paix mises en place dans les années 1950 et 1960 ne peuvent plus répondre adéquatement aux besoins nouveaux et en constante évolution du monde actuel.

Par conséquent, grâce à l’Initiative Elsie, nous nous inspirons de l’héritage laissé par M. Pearson et nous l’adaptons au 21e siècle.

Aujourd’hui, nous avons besoin de démarches complètes et comportant de multiples volets. Ces démarches doivent combiner nos capacités militaires, diplomatiques et humanitaires, ainsi que nos capacités en matière de sécurité et du développement. Et cela comprend bien sûr une participation importante des femmes.

Nous devons intégrer le féminisme aux opérations de maintien de la paix et mettre un terme aux structures patriarcales qui se perpétuent dans les missions.

Nous remercions chaleureusement toutes les personnes qui sont venues à Ottawa en février, ainsi tous ceux d’entre vous qui soutiennent nos efforts et nos objectifs, pour le rôle que vous jouez en vue de garantir le succès de cette initiative.

Merci.

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Adam Austen
Attaché de presse
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