Allocution du Ministre des Affaires étrangères devant le Comité spécial sur les relations sino-canadiennes

Discours

Le 23 novembre 2020 – Ottawa (Ontario)

Seul le texte prononcé fait foi. Ce discours a été traduit en conformité avec la Politique sur les langues officielles du gouvernement du Canada et révisé aux fins d’affichage et de distribution conformément à sa politique sur les communications.

Monsieur le président, membres honorables, je vous remercie de l’invitation à comparaître devant vous aujourd’hui.

Le travail que vous faites ici est important, parce que la relation entre le Canada et la Chine est importante pour les Canadiens.

Les pays qui composent la région indo-pacifique sont un moteur de la prospérité économique pour le Canada et pour le monde entier. Selon certaines estimations, dans dix ans à peine, l’Asie représentera environ 60 % de la croissance économique mondiale.

Les relations bilatérales et multilatérales que nous favorisons et la stabilité de la région créent des emplois, ouvrent des marchés, rapprochent les communautés et soutiennent les familles canadiennes ici, au pays.

En tant que deuxième économie en importance du monde, abritant 1,4 milliard de personnes, la Chine est un acteur important dans la région et bien au-delà.

En quoi la Chine est importante

Cette année marque 50 ans de relations diplomatiques entre le Canada et la Chine.

Cinquante ans plus tard, je ne pense pas que quiconque dirait que c’est une relation facile. Les Canadiens Michael Kovrig et Michael Spavor sont maintenant détenus arbitrairement depuis près de deux ans.

C’est une question complexe et multidimensionnelle, non seulement pour le Canada, mais pour les démocraties du monde entier.

La Chine change sous nos yeux et à un rythme rapide.

Nous reconnaissons l’influence croissante de la Chine sur la scène internationale, en tant que plaque tournante mondiale de la fabrication, du commerce, des prêts… et à titre de plus grande nation commerçante dans le monde.

C’est le premier partenaire commercial d’un nombre étonnant de 124 pays. C’est le premier partenaire commercial en Afrique, le deuxième en Amérique latine. Et c’est aussi un partenaire commercial important pour le Canada, tant pour les importations que pour les exportations. La valeur du commerce bilatéral de biens et de services entre le Canada et la Chine s’est multipliée par huit au cours des 20 dernières années, passant de 10,6 milliards de dollars en 2000 à 82,8 milliards de dollars en 2019.

La Chine, peut être un acteur clé sur la scène internationale dans la lutte contre les changements climatiques et la COVID-19 ou pour assurer la stabilité des marchés financiers et le développement économique mondial.

La Chine, dont le financement de l’aide au développement en Afrique et en Amérique latine est important, s’impose de plus en plus comme un acteur influent dans les pays en développement.

En voici un exemple : dans le cadre de son initiative nouvelle route de la soie, la Chine a signé des accords de coopération avec 138 pays pour construire des infrastructures qui la relieront aux pays en développement. Les banques chinoises ont déjà accordé des prêts d’une valeur de plus de 461 milliards de dollars américains, ce qui soulève de nombreuses préoccupations concernant la viabilité de la dette, la transparence et les normes internationales en matière de travail et d’environnement.

L’ambition de la Chine atteint même la région arctique, où elle vise à développer des voies de navigation, l’appelant la route de la soie polaire. C’est une nouvelle réalité dont nous devons tenir compte dans nos engagements et nos échanges avec la Chine.

La Chine de 2020 n’est pas la Chine de 2015, ni même celle de 2018.

Son essor a entraîné des menaces troublantes pour les droits de la personne, les accords d’autonomie de longue date pour Hong Kong par exemple, la liberté d’expression et les institutions internationales qui sous-tendent l’ordre fondé sur des règles dont le Canada est un ardent défenseur.

Nous voyons un pays et des dirigeants de plus en plus disposés à peser de tout leur poids pour défendre leurs intérêts.

Cela comprend le recours à la diplomatie coercitive, comme la détention arbitraire des Canadiens Michael Kovrig et Michael Spavor, pour parvenir à leurs fins.

Ce n’est cependant pas un sentiment m’est propre ou qui est propre au Canada. Les démocraties du monde entier en sont aussi à repenser leurs propres relations avec la Chine.

Le multilatéralisme sera essentiel pour assurer la stabilité et la sécurité mondiales dans un monde où la Chine est un acteur puissant. C’est pourquoi nous travaillons avec des pays aux vues similaires pour défendre l’ordre international fondé sur des règles et veiller à ce que la Chine respecte ses obligations en vertu du droit international en matière de droits de la personne.

Dans nos relations avec la Chine, nous serons résolument guidés par les intérêts canadiens, nos valeurs et nos principes fondamentaux, y compris les droits de la personne, ainsi que les règles mondiales et les partenariats stratégiques.

Soyons clairs, la sécurité des Canadiens au pays et à l’étranger sera toujours au cœur de notre approche.

Des tactiques telles que la diplomatie coercitive, y compris la détention arbitraire, sont inacceptables dans la conduite des relations d’État à État, et j’ai soulevé cet enjeu non seulement avec nos alliés, mais aussi directement avec mon homologue chinois.

Comme nous l’avons toujours fait, nous continuerons de contester les violations des droits de la personne commise par la Chine, et nous protégerons toujours les Canadiens en ce qui concerne notre sécurité nationale. Nous rivaliserons grâce à nos entreprises innovantes et aux ressources abondantes qui nous permettent de le faire, et nous coopérerons pour surmonter les défis mondiaux comme les changements climatiques, parce qu’il n’y a pas de voie facile sans la Chine.

Notre engagement : évolution et interventions du Canada au cours de la dernière année

Michael Kovrig et Michael Spavor

Plus de 700 jours se sont écoulés depuis l’arrestation et la détention arbitraires de MM. Kovrig et Spavor, ainsi que la condamnation arbitraire de M. [Robert] Schellenberg, et nous restons profondément préoccupés.

Nous continuons d’appeler à la libération immédiate de MM. Kovrig et Spavor, et à la clémence pour M. Schellenberg, comme nous le faisons pour tous les Canadiens passibles de la peine de mort.

Je sais que tous les membres de ce comité, en fait tous les Canadiens, sont choqués de la détention de MM. Kovrig et Spavor et s’inquiètent pour leur bien-être. Je voudrais également saluer la résilience démontrée par les familles et leur soutien à chaque étape du processus.

Enfin, après de nombreux mois, nous avons récemment obtenu un accès consulaire virtuel sur place à MM. Kovrig et Spavor. J’avais personnellement soulevé cette question lors d’une réunion avec mon homologue, le conseiller d’État Wang Yi, à Rome en août dernier, et nous y avons travaillé sans relâche.

Depuis octobre, l’ambassadeur Barton s’est rendu à deux reprises dans les prisons dans lesquelles ils sont détenus pour mener des visites virtuelles sur place afin de confirmer personnellement la santé et le bien-être de ces deux Canadiens alors qu’ils sont injustement détenus.

C’est un développement très important, et nous continuons à travailler très dur pour obtenir leur libération.

Hong Kong

En ce qui concerne Hong Kong, l’imposition de la nouvelle loi sur la sécurité nationale à Hong Kong a soulevé de graves préoccupations concernant :

  • l’avenir du système judiciaire indépendant de Hong Kong
  • l’avenir des droits de la personne et des libertés dans la région administrative spéciale
  • l’intégrité du cadre Un pays, deux systèmes
  • le rôle de Hong Kong en tant que plaque tournante mondiale

Le 11 novembre, nous avons condamné la destitution par la Chine de quatre législateurs démocratiquement élus de leurs fonctions à Hong Kong. C’est une attaque contre les libertés de Hong Kong au titre de la Déclaration commune sino-britannique.

Aux côtés de nos partenaires, nous continuons d’appeler les autorités chinoises à respecter les obligations internationales en matière de droits de la personne.

Nous avons été à l’avant-garde de la réponse internationale à la loi sur la sécurité nationale, en publiant – ­suite à nos appels – des déclarations aux côtés de l’Australie, du Royaume-Uni, des États-Unis, du G7 et du Groupe des cinq ainsi qu’au Conseil des droits de l’homme et, plus récemment, à la Troisième Commission de l’Assemblée générale des Nations Unies.

Nous avons également été les premiers à suspendre notre traité d’extradition avec Hong Kong et avons annoncé une série d’autres mesures, notamment des mesures de contrôle des exportations et une mise à jour des conseils aux voyageurs pour la région.

La semaine dernière, vous avez entendu mon collègue, le ministre Mendicino, parler des mesures d’immigration que nous avons mises en place. Notre réponse à Hong Kong et à la Chine en est une qui concerne de nombreux ministères et qui nécessite une grande cobwltordination.

Xinjiang

Comme vous tous, j’en suis sûr, j’ai été plutôt choqué par les informations faisant état de violations flagrantes des droits de la personne au Xinjiang. Les violations visent les Ouïghours et d’autres minorités musulmanes en raison de leur religion et de leur appartenance ethnique.

En public et en privé, dans des dialogues multilatéraux et bilatéraux, nous avons appelé le gouvernement chinois à mettre fin à la répression au Xinjiang.

J’ai soulevé cette question directement avec mon homologue chinois plus récemment à Rome cet été, lors d’une réunion qui a été convoquée à ma demande.

En septembre, nous avons fait part de nos préoccupations concernant la situation des droits de la personne au Xinjiang et à Hong Kong au Conseil des droits de l’homme de l’ONU à Genève, et en octobre, nous étions l’un des 39 pays à signer la déclaration de la Troisième Commission à l’AGNU [Assemblée générale des Nations Unies] à New York, qui évoque la situation au Xinjiang.

Nous continuons d’appeler le gouvernement chinois à autoriser un accès libre et inconditionnel au Xinjiang à la haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme et aux procédures spéciales de l’ONU.

C’est une question que j’ai soulevée directement avec la haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Michelle Bachelet.

Conclusion

Notre relation avec la Chine est en effet complexe.

Il est absolument impératif que les démocraties avancées comme le Canada et nos partenaires aux vues similaires travaillent ensemble pour protéger les règles internationales qui assurent la stabilité et la prospérité depuis des décennies. C’est un défi que nous partageons tous. Aucun pays ne réussira seul.

Notre approche stratégique de principe envers la Chine va bien au-delà de nos relations bilatérales; c’est un défi mondial. C’est pourquoi nous travaillons avec des partenaires, en particulier dans les domaines de désaccords fondamentaux avec la Chine.

Maintenant, je sais que certains aiment hausser le ton au sujet la Chine.

À ceux qui sont séduits par cette vision unidimensionnelle, je dis ceci :

S’il est facile d’être intransigeant, nous choisissons d’être adroits.

Ne tombons pas dans la tentation d’une rhétorique dure et irresponsable qui ne produira aucun résultat tangible pour Michael Kovrig et Michael Spavor, nos agriculteurs et nos entrepreneurs, ainsi que les défenseurs et les victimes de violations des droits.

Je pense que les Canadiens le savent. Ils savent que nous devons adopter une approche intelligente et que nous devons être agiles.

C’est ce qui est en jeu ici.

Je tiens à vous remercier de votre temps et du rôle que vous jouez en tant que comité pour façonner la relation Canada-Chine et informer le public canadien sur la Chine.

Et comme nous en discutons aujourd’hui, je vous invite à avoir une vision plus large et à plus long terme de la relation Canada-Chine.

Je suis ici pour entendre vos idées et amorcer un dialogue constructif avec vous sur l’une des questions géostratégiques les plus importantes de notre époque.

C’est une caractéristique d’un pays ouvert et prospère que d’avoir ces discussions.

Cela étant dit, je suis heureux de répondre à vos questions.

 

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