Allocution de la ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly lors du lancement de la Politique étrangère pour l’Arctique

Discours

Le 6 décembre 2024
Ottawa (Ontario)

L’allocution prononcée fait foi

Bonjour à toutes et à tous! Merci beaucoup d’être ici avec nous.

Je tiens à saluer la présence de mes chers collègues, le ministre de la Défense nationale, Bill Blair, le ministre des Affaires du Nord, Dan Vandal, le secrétaire parlementaire Rob Oliphant, le député Brendan Hanley ainsi que le député Michael McLeod.

Je tiens également à remercier les personnes suivantes pour leur présence et leur contribution active à cette politique :

  • le premier ministre Simpson
  • le premier ministre Pillai
  • le premier ministre Akeeagok
  • le président Obed
  • la cheffe Adamek
  • la présidente Koperqualuk
  • le président Lampe
  • le chef national Mackenzie
  • la cheffe April Martel
  • Paul Irngaut

Le Canada est une nation de l’Arctique.

En raison de notre géographie, bien sûr, mais aussi, et surtout, parce que les habitants du Nord en prennent soin depuis des générations.

Pendant toutes ces années, nous avons partagé la gestion de l’Arctique et des régions nordiques avec les peuples autochtones.

Et, ensemble, aux côtés des autres États de l’Arctique, nous avons maintenu la paix.

Cependant, les mesures de protection qui préviennent les conflits sont de plus en plus mises à très rude épreuve.

L’invasion illégale de l’Ukraine par la Russie nous a tous amenés à nous poser la question : qui sera la prochain?

Il est clair que la Russie n’a pas de limites, n’a pas des <<lignes rouges>>.

Ses visées sur l’Arctique et ses capacités sont bien connues.

Après tout, la Russie est notre voisine. Et nous devons en tenir compte.

Mais ce qui est nouveau, c’est que la Russie est de plus en plus dépendante de la Chine en raison de sa guerre en Ukraine.

Sa dépendance envers la Chine met la Russie dans une position de faiblesse, et force la Russie à lui ouvrir sa partie de l’Arctique.

Et la Chine en profite. Elle, qui s’est elle-même auto-proclamée « État adjacent à l’Arctique ».

On voit aussi que l’armée russe est de plus en plus agressive dans ses incursions en Arctique, et que la Chine a commencé de son côté à mener des opérations conjointes avec la Russie.

De plus en plus, des navires passent par l’Arctique.

Ces navires ne font pas que de la recherche scientifique.

Tout cela se produit alors que la banquise est en train de fondre à cause des changements climatiques.

Des nouvelles routes maritimes plus courtes s’ouvrent entre l’Indo‑Pacifique et l’Europe.

Des joueurs de plusieurs pays voient de nouvelles possibilités d’exploiter les ressources naturelles de l’Arctique.

C’est maintenant clair : la région indo-pacifique et l’Europe n’ont jamais autant été liées.

Les Inuits, les Premières Nations et les autres communautés du Nord nous mettent en garde depuis un certain temps : le climat dans le Nord n’est plus ce qu’il était.

Autant au niveau des effets du réchauffement climatique, mais aussi, au niveau géopolitique.

Des acteurs étrangers intensifient leurs activités dans le Nord, sur la terre comme en mer.

Ils utilisent de plus en plus la désinformation et la propagande pour saper nos institutions démocratiques et nous diviser.

Ils ciblent différentes communautés, parmi elles, leurs dissidents.

Des cyberattaques et des actes d’espionnage se multiplient.

Je peux vous assurer qu’il ne s’agit pas d’un problème propre seulement au sud du Canada.

Des communautés du Nord nous ont raconté avoir été approchées par des acteurs étrangers qui souhaitaient acheter des terrains chez eux pour influencer leurs communautés éloignées.

Le Canada est donc une nation de l’Arctique qui se trouve à un moment pivot.

L’Arctique n’est plus une région à faible tension.

Nous vivons dans un monde plus difficile; et notre réponse doit être plus ferme.

Les décisions prises aujourd’hui façonneront notre avenir.

C’est pourquoi j’ai le plaisir de lancer la nouvelle Politique étrangère du Canada pour l’Arctique.

Notre politique étrangère pour l’Arctique repose sur 4 principaux piliers :

1 - D’abord et avant tout, nous continuerons d’affirmer la souveraineté du Canada.

Y compris sur le passage du Nord-Ouest.

La diplomatie et la défense travaillent main dans la main.

Ce n’est pas pour rien que la nouvelle mise à jour de notre politique de défense s’intitule : « Notre Nord, fort et libre ». Le ministre Blair vous en parlera.

Mais ce que je peux vous dire, c’est que nous allons continuer de renforcer notre présence militaire :

(1) pour protéger notre Arctique;

(2) pour protéger notre sécurité continentale – aux côtés des États‑Unis; et

(3) pour renforcer notre collaboration avec nos alliés de l’Arctique et avec l’OTAN.

Nous procéderons à des achats stratégiques clés pour renforcer notre capacité militaire dans la région.

Cette nouvelle Politique étrangère pour l’Arctique contribuera à faire bon usage de ces acquisitions.

Nos objectifs de défense seront également atteints grâce à de nouveaux partenariats internationaux.

Lors du sommet de l’OTAN à Washington, le Canada a annoncé un Pacte de collaboration sur les brise-glaces avec les États-Unis et la Finlande, qu’on appelle le ICE PACT.

Ensemble, nous veillerons à construire des brise-glaces nécessaires pour patrouiller dans les eaux nordiques.

Grâce à ce partenariat, le Canada se positionne en tant que chef de file mondial dans la production de brise-glaces.

Et je sais que les gens du Chantier Davie sont ici dans la salle!

Cette initiative aidera nos alliés dans la région de l’Arctique et créera des emplois bien rémunérés chez nous.

Et, entre nous, soyons honnêtes: nous avons beaucoup de retard à rattraper quand on constate le nombre de brise-glaces que produit présentement la Russie.

Dans le cadre de ce premier pilier, nous partagerons aussi du renseignement de sécurité aux chefs autochtones et aux premiers ministres des provinces et territoires afin qu’ils puissent participer pleinement à la prise de décisions relatives à leur sûreté et à celle de leurs communautés nordiques.

2 - Le deuxième pilier consiste à promouvoir les intérêts du Canada via une diplomatie pragmatique.

L’exacerbation du contexte géopolitique signifie que nous avons besoin d’une plus grande présence dans le Nord.

Nous avons besoin de liens encore plus étroits avec nos alliés de l’Arctique, comme les États-Unis et les pays nordiques.

L’Arctique sera une priorité de notre collaboration avec les États‑Unis.

Les États-Unis sont notre partenaire le plus proche, et ils continueront de l’être alors que nous investissons dans la sécurité de l’Arctique en nous appuyant sur cette nouvelle politique.

Nous travaillerons également plus étroitement avec d’autres pays qui ne sont pas de l’ Arctique mais avec qui nous partageons des intérêts communs, notamment dans l’Atlantique Nord et dans le Pacifique Nord.

En outre, avec l’Alaska à l’ouest et le Groenland à l’est, nous ouvrirons deux nouveaux consulats à Anchorage et à Nuuk afin d’être présents là où cela compte.

3 -Le troisième pilier traite de notre leadership sur la gouvernance de l’Arctique et quant aux défis multilatéraux.

Depuis l’invasion illégale de l’Ukraine, nous avons dû demander des comptes à la Russie.

À partir de ce moment-là, il n’était plus possible de se réunir entre dirigeants comme si de rien n’était.

Que ce soit au sein du Conseil de l’Arctique, ou au sein de tout autre forum diplomatique.

Malgré l’absence d’engagement politique avec la Russie, le Conseil de l’Arctique poursuit son important travail en tant que principal forum pour les affaires de l’Arctique.

Les participants permanents autochtones du Conseil jouent un rôle clé dans la poursuite de ces activités.

Ils sont en effet en contact régulier avec d’autres populations qui vivent elles aussi en Arctique.

C’est pourquoi nous avons entendu haut et fort l’importance de maintenir le Conseil de l’Arctique fonctionnel.

Sur les 8 pays de l’Arctique, 7 sont désormais membres de l’OTAN.

L’article 5 de l’OTAN nous protège donc tous.

Le Canada est fier d’avoir été le premier pays à ratifier l’adhésion de la Finlande et de la Suède à l’OTAN.

En septembre dernier, j’ai accueilli pour la première fois à Iqaluit les ministres des affaires étrangères et des représentants des cinq pays nordiques.

On parle ici du Danemark, de la Norvège, de la Suède, de la Finlande et de l’Islande, ainsi que du Groenland et des îles Féroé.

Nous avons discuté de nos préoccupations communes en matière de sécurité et ce type de dialogue a définitivement contribué à l’élaboration de cette nouvelle politique.

Je les ai invités à nouveau, avec les États-Unis, pour une rencontre qui a eu lieu la semaine dernière, alors que nous étions à Bruxelles, dans le cadre de l’OTAN.

Et ce n’est que le début. Nous poursuivrons tous les sept ce nouveau dialogue sur les questions de sécurité dans l’Arctique.

4 - Notre quatrième pilier est axé sur la nécessité de s’assurer d’avoir les bonnes personnes autour de la table.

Le Canada aura désormais un ambassadeur pour l’Arctique.

Nous trouverons également de nouveaux moyens d’améliorer la représentation des peuples autochtones sur la scène internationale et de faire valoir leurs priorités auprès de leurs homologues internationaux.

Au cours des derniers mois, j’ai eu la chance d’échanger à plusieurs reprises avec des gens du Nord et des représentants des Peuples autochtones.

On a beaucoup parlé des enjeux de sécurité qui s’invitent dans leur quotidien.

Ils m’ont partagé leurs réalités sur les effets très concrets des changements climatiques, comme par exemple, les grands feux de forêt destructeurs qui les ont forcés à quitter leur domicile.

On se rappelle notamment l’été 2023 à Yellowknife.

Je les ai aussi entendus me rappeler à juste titre : « Rien sur nous, sans nous ».

Tous ces conversations ont contribué à la politique que nous présentons aujourd’hui.

Elle vient répondre à ces préoccupations.

On a voulu mettre les gens du Nord au cœur de notre action.

Car, après tout, ils font partie intégrante de ce qui fait de nous un pays de l’Arctique.

Avec ces 4 piliers, nous abordons l’Arctique de manière fondamentalement différente.

En effet, nous ne pouvons plus compter uniquement sur notre géographie pour nous protéger.

Jusqu’à maintenant, nous avions tendance à voir l’Arctique d’un point de vue nord-sud.

Nous changeons maintenant notre approche pour l’envisager aussi sous d’autres angles.

La premier, nous devons mettre l’accent sur les relations que les Inuits et les populations de l’Arctique ont entre eux.

Nous devons approfondir les relations Nord-Nord.

Pour renforcer notre diplomatie et protéger notre continent, nous devons aussi voir l’Arctique comme le lien entre l’Est et l’Ouest de notre continent.

Du territoire de l’OTAN et de nos alliés du côté de l’Atlantique, en passant par le Nord et le territoire de NORAD, jusqu’à nos partenaires de sécurité dans le Pacifique, nous devons travailler en équipe pour soutenir les collectivités inuites et leurs aspirations.

Nous devons également travailler avec les territoires et nos alliés de l’Arctique.

La nouvelle Politique étrangère pour l’Arctique représente un changement dans la façon dont nous envisageons le rôle du Canada dans une région qui devient de plus en plus stratégique à mesure que les tensions géopolitiques s’aggravent.

Elle a été soigneusement élaborée avec des personnes qui y vivent.

Nous devons maintenant la mettre en œuvre.

Notre géographie est notre destin – relevons le défi!

Merci

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2024-12-19