Une conversation avec Frank Lofranco, commissaire adjoint de la Direction générale de la surveillance et de la mise en application de l’ACFC

« Notre approche de surveillance fondée sur les risques reconnaît l’importance des résultats pour les consommateurs et garantit que les consommateurs de produits et services financiers bénéficient des protections auxquelles ils ont droit ».
Frank Lofranco
Avant de vous joindre à l’ACFC, vous avez été entraîneur d’une équipe professionnelle féminine de soccer. Y a-t-il des similitudes entre le fait d’être entraîneur de soccer et celui de diriger un groupe chargé de superviser des institutions financières?
Vous me rappelez de bons souvenirs. J’ai eu la chance pendant plusieurs années d’être l’entraîneur d’une équipe féminine de soccer très compétitive à Ottawa, le Fury d’Ottawa. Plusieurs joueuses ont ensuite représenté le Canada aux Jeux olympiques et à la Coupe du monde féminine. La similitude évidente entre le fait d’être entraîneur et celui de diriger une équipe au sein de l’ACFC est que l’on fait partie d’un groupe de personnes talentueuses qui travaillent ensemble à la réalisation d’un objectif commun. Au sein de l’ACFC, l’objectif commun est la protection des consommateurs de produits et services financiers. Les deux environnements ont des facteurs de succès clés communs, notamment la nécessité d’une vision claire, d’une culture qui valorise les personnes et d’une définition précise des rôles et des responsabilités. En fin de compte, il faut comprendre que chacun a un rôle important à jouer et que nous sommes tous investis et dépendants du rendement et de la réussite des autres.
L’ACFC surveille plus de 60 mesures de protection des consommateurs au titre du Cadre de protection des consommateurs de produits et services financiers. Comment l’ACFC s’assure-t-elle que les institutions financières respectent un si grand nombre de mesures?
C’est une question importante. Tout d’abord, l’ACFC est une autorité de surveillance fondée sur les risques. Notre approche consiste à prioriser nos efforts de surveillance sur les entités financières et les questions de protection des consommateurs qui présentent un risque plus élevé.
Qu’entendez-vous par « surveillance fondée sur les risques »?
Cela signifie que nous utilisons une approche fondée sur les risques pour établir les priorités et organiser notre travail. Il s’agit notamment de cerner et d’évaluer les risques, d’affecter des ressources en conséquence et de mettre en place des cadres décisionnels pour soutenir les mesures de surveillance comme les mesures de mise en application. Cela signifie également que nous surveillons constamment l’environnement pour déceler les changements de circonstances et les risques émergents.
Comme vous pouvez vous en rendre compte, il s’agit d’une approche très dynamique. Par conséquent, nous nous appuyons sur l’objectif global qui est de faire en sorte que les consommateurs de produits et services financiers bénéficient des mesures de protection pour les consommateurs, et nous nous laissons guider par celui-ci. Ces mesures comprennent notamment le fait d’être protégé contre les préjudices financiers et d’être traité équitablement par les institutions financières. Vous pouvez considérer cela comme notre boussole de surveillance.
Concrètement, nous déterminons les risques selon trois points de vue. D’abord, nous cherchons à comprendre si les changements dans l’économie et le secteur financier présentent des risques pour les consommateurs. Ensuite, nous examinons les risques de conformité au sein des entités financières. Enfin, nous examinons les risques liés aux caractéristiques et à la situation des consommateurs de produits et services financiers eux-mêmes.
Outre la surveillance des secteurs à risque élevé, comment l’ACFC s’assure-t-elle que les institutions financières respectent les mesures de protection des consommateurs?
Nous organisons notre travail de surveillance autour de trois piliers. Nos trois piliers sont, premièrement, la promotion de la conformité, deuxièmement, la surveillance de la conformité et, troisièmement, la mise en application de la conformité.
En faisant la promotion de la conformité, nous aidons les institutions financières à comprendre leurs obligations et les conséquences de la non-conformité. Il s’agit d’un exercice d’éducation et de communication proactif, et nous nous appuyons sur plusieurs outils, dont des lignes directrices, pour nous assurer que nos attentes sont claires et bien comprises par les entités financières.
Pour surveiller la conformité, nous nous appuyons sur plusieurs activités de surveillance et de conformité. Par exemple, nous considérons les évaluations de la conformité comme un outil essentiel. Les évaluations de la conformité peuvent prendre la forme d’examens thématiques ou d’examens des entités financières, y compris de leurs politiques, leurs procédures et leurs pratiques commerciales, afin de cerner les secteurs de non-conformité. Ce travail nous permet de détecter rapidement les problèmes de protection des consommateurs et de veiller à ce que les entités financières prennent les mesures correctives nécessaires pour protéger les consommateurs de produits et services financiers.
Notre pilier de mise en application est également une partie cruciale de notre travail et est essentiel pour maintenir l’intégrité et l’efficacité de notre mandat de protection des consommateurs. Bien que notre travail de mise en application ait pour effet immédiat que les entités financières règlent les problèmes de non-conformité en temps opportun, nos mesures ont aussi l’avantage de dissuader les futurs cas de non-conformité. Nous reconnaissons également la nécessité de traiter équitablement les consommateurs de produits et services financiers et, dans les cas où ils ont subi un préjudice financier en raison de la non-conformité d’une entité financière, nos mesures de mise en application obligent les entités financières à prendre les mesures nécessaires pour réparer le préjudice subi par ces consommateurs.
En fin de compte, notre approche de surveillance fondée sur le risque aide les entités financières à favoriser une culture qui reconnaît l’importance des résultats pour les consommateurs et garantit que les consommateurs de produits et services financiers bénéficient des protections auxquelles ils ont droit. Cela contribue à son tour à la confiance que les consommateurs financiers accordent à leurs institutions financières de même qu’à la sécurité et à l’intégrité du système financier canadien.
Que se passe-t-il lorsque l’ACFC découvre qu’une institution financière ne respecte pas les mesures de protection des consommateurs?
Lorsque nous déterminons qu’une entité financière ne respecte pas ses obligations de conformité, nous réagissons de manière proportionnelle à la nature et à la gravité de la non-conformité, ce qui comprend une évaluation de l’incidence sur les consommateurs de produits et services financiers. Dans le cadre de notre réponse, nous demandons toujours à l’entité financière de prendre les mesures correctives nécessaires en temps opportun. Le cas échéant, l’entité financière devra mettre en œuvre un plan prévoyant des échéances et des étapes précises dans le but d’atteindre la conformité, et nous utilisons ce plan pour suivre les progrès réalisés dans la mise en place de mesures correctives. En cas de non-conformité importante, nous plaçons l’entité financière sous surveillance renforcée, ce qui peut signifier des évaluations plus fréquentes de la conformité et des exigences supplémentaires en matière de production de rapports. En cas de non-conformité grave, les mesures de mise en application peuvent prendre la forme d’avis de manquement ou d’avis d’infraction, lesquels peuvent être accompagnés de sanctions pécuniaires.
Quel est un exemple de cas de non-conformité grave pour lequel l’ACFC a dû prendre des mesures de mise en application?
Nous avons récemment publié une mesure de mise en application prise à l’encontre d’une banque. Il s’agissait d’un cas de non-conformité lié à des cartes de crédit et à une remise sur la cotisation annuelle qui avait été promise lors de l’inscription des consommateurs, mais que ces derniers n’ont pas reçue. Nous avons mené une enquête sur ce problème pour nous assurer que tous les cas de non-conformité avaient été relevés. Nous avons ensuite évalué les mesures correctives qui, dans ce cas, comprenaient la nécessité pour l’institution financière de mettre à jour les systèmes et les exigences en matière de divulgation, de former les employés et de communiquer avec les clients. À la suite de l’enquête de l’ACFC, la banque a accepté les conclusions et une politique pécuniaire de 6,5 millions de dollars a été émise, ce qui constitue la sanction la plus élevée que nous ayons prononcée en tant qu’Agence. En raison du préjudice financier subi par les consommateurs, nous avons également exigé plus de 70 millions de dollars de réparation, c’est-à-dire de compensations accordées aux consommateurs touchés par la violation.
L’ACFC s’est récemment vu confier un nouveau mandat qui consiste à surveiller un cadre de services bancaires axés sur les consommateurs qui permettra aux Canadiens de transmettre leurs renseignements financiers en toute sécurité entre les fournisseurs de services financiers (banques, coopératives de crédit et entreprises de technologie financière). Pourquoi l’ACFC est-elle l’agence la mieux placée pour assumer cette nouvelle responsabilité?
L’ACFC est bien placée pour assumer cette responsabilité, compte tenu de notre mandat et de notre vaste expérience en matière de protection des consommateurs de produits et services financiers. Nous avons une grande expérience de la supervision des entités financières et de l’amélioration des connaissances financières de la population canadienne.
Nous reconnaissons que les services bancaires axés sur les consommateurs représentent une occasion de donner aux consommateurs de produits et services financiers les moyens d’améliorer leurs résultats financiers, de même que leur bien-être financier. Parallèlement, les consommateurs auront également des attentes concernant la sécurité de leurs données financières et le respect de leur vie privée lorsque des renseignements sont transmis.
Les Canadiens devraient être conscients, et, espérons-le, rassurés de savoir que l’ACFC placera la protection des consommateurs au centre des services bancaires axés sur les consommateurs, tout en favorisant l’innovation dans le secteur financier.
Certains critiquent le fait que le système financier est trop réglementé et que les consommateurs de produits et services financiers pourraient mieux s’en sortir s’il y avait moins de réglementation. Comment réagissez-vous à ces critiques?
La tendance apparente vers la déréglementation à l’extérieur du Canada, en particulier aux États-Unis, a suscité des discussions et des débats publics. De mon point de vue, j’y vois une occasion bienvenue de réfléchir aux avantages qu’un régime de réglementation solide peut offrir.
Du point de vue de la protection des consommateurs de produits et services financiers, je suis convaincu que le régime de réglementation du Canada a une incidence importante et positive sur les consommateurs de produits et services financiers. Notre régime vise à garantir que les consommateurs de produits et services financiers soient traités de façon équitable, qu’ils aient accès à des produits et à des services financiers adaptés à leur situation, qu’ils reçoivent des renseignements opportuns et exacts leur permettant de prendre des décisions éclairées, et qu’ils évitent tout préjudice financier causé par la prise de mesures ou l’absence de prise de mesures de la part de leurs institutions financières.
En travaillant en étroite collaboration avec d’autres organismes de réglementation du secteur financier au Canada, je constate également comment nos efforts collectifs contribuent à prévenir les comportements à risque parmi les entités financières et à empêcher les crises systémiques. En d’autres termes, l’approche du Canada en matière de réglementation financière est axée sur la promotion de la confiance et de la stabilité du système financier. Je pense qu’il s’agit là d’éléments sur lesquels nous devrions nous pencher lorsque nous réfléchissons à l’avenir de la réglementation dans le secteur des services financiers.
Nous avons entendu dire que vous aimiez les citations inspirantes. Quelle est votre citation préférée en ce moment?
L’une de mes citations préférées, que je vais paraphraser, est la suivante : « On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve ».
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