Rafales Courtes:
Critique de livre - With a Few Guns: The Royal Regiment of Canadian Artillery in Afghanistan Volume I – 2002-2006
Compte rendu du major Nicholas Kaempffer, CD

Colonel (à la retraite) Riedel, Wolf, OMM, CD, KC
Lieutenant-Colonel (à la retraite) Reid, Brian, CD
et Zuehlke, Mark
Toronto, Double Dagger Books, 2023
553 pp.
ISBN: 978-1-99044-86-3 (livre de poche)
978-1-990644-87-0 (livre numérique)
(traduction à venir)
Depuis sa création en 1855, le Régiment royal de l’Artillerie canadienne a participé à toutes les campagnes militaires canadiennes. Cependant, jusqu’à présent, l’histoire des artilleurs et artilleuses ayant pris part à la plus longue guerre du Canada n’avait jamais été racontée. Dans leur ouvrage de référence With A Few Guns – Volume I – 2002-2006 (traduction à venir), qui porte sur les années 2002 à 2006, les auteurs Wolf Riedel, Brian Reid et Mark Zuehlke offrent le point de vue des militaires sur les expériences qu’ont vécues les artilleuses et artilleurs en mission en Afghanistan. Avec les entrevues et les témoignages de plusieurs militaires du régiment actuel qu’il contient, le livre With A Few Guns relate une histoire humaine. Il retrace l’évolution des systèmes, des tactiques et des techniques qui constituent l’état actuel de la Première réserve et de la Force régulière de l’Artillerie.
L’ouvrage aborde d’abord les opérations de combat à Kandahar dans le cadre de l’opération APOLLO. En effet, il présente d’abord aux lecteurs et lectrices l’expérience qu’ont vécue les artilleurs et artilleuses en se frottant aux forces talibanes et d’Al-Qaïda dans des conditions montagneuses difficiles, notamment à une montagne désormais célèbre, connue sous le nom de la « Baleine » (Tergul Ghar). Pour la première fois depuis la guerre de Corée, des artilleurs et artilleuses du 1er Régiment, Royal Canadian Horse Artillery ont tiré des projectiles d’explosifs brisants pour causer des dommages et ont justifié l’importance de disposer d’une puissance de feu ciblée en temps opportun, à l’appui des éléments de manœuvre, 24 heures sur 24. Au terme de la mission, les troupes d’artillerie ont été transférées à Kaboul pour l’opération ATHENA, où le Régiment a déployé des obusiers LG1 de 105 mm et a mis en place un centre de coordination de l’espace aérien. En outre, elles ont mis en service de nouveaux systèmes tels que le radar norvégien ARTHUR et le véhicule français aérien tactique sans pilote Sperwer.
On pourrait avancer que le déploiement d’artilleurs et d’artilleuses à Kandahar a peut-être sauvé le Régiment de la dissolution. En effet, avant qu’elle participe à ces opérations de combat à grande échelle, certaines personnes se sont interrogées sur la valeur de l’artillerie, en particulier compte tenu des « dividendes de la paix » récoltées à la suite de l’effondrement de l’Union soviétique. Bien que les artilleurs canadiens et artilleuses canadiennes aient remporté de nombreux succès, on a tout de suite pu constater les répercussions d’années de coupes budgétaires. Comme l’indique le livre, le sous-financement et des concepts irréalistes concernant la participation à une « guerre à trois volets » ont été coûteux sur les plans humain et financier.
Les auteurs tracent un parallèle avec une crise qu’ont vécue les artilleurs canadiens pendant la Première Guerre mondiale : les niveaux de munitions étaient extrêmement bas, car les taux de consommation au cours d’opérations comme celles qui ont précédé l’opération MEDUSA ont considérablement mis à l’épreuve la chaîne logistique. Les opérateurs engagés et opératrices engagées ont dû faire face à des défis tels que le temps d’émission du radar d’ARTHUR et les pertes de véhicules aériens SPERWER. Ces défis mettent d’ailleurs en évidence les répercussions significatives que peuvent avoir les limites financières et logistiques sur les opérations. L’état lamentable du parc d’obusiers du Canada a été partiellement résolu par l’acquisition fortuite de l’obusier léger tracté M777 de 155 mm, qui a été acheté avant que la Force opérationnelle 1-06 ne retourne à Kandahar. Les chapitres suivants se veulent un récit poignant. Ils décrivent des combats de haute intensité contre un ennemi déterminé et résolu, au cours desquels de nombreux Canadiens et nombreuses Canadiennes ont payé de leur vie ou ont subi des blessures au combat. Tout au long du processus, les obusiers ont démontré leur valeur à maintes reprises.
Le livre se termine sur trois conclusions. Tout d’abord, dans le cadre de la guerre planétaire contre le terrorisme, les femmes et les hommes du Régiment royal de l’Artillerie canadienne ont joué un rôle crucial dans les succès qu’a remportés le Canada sur le champ de bataille. Elles et ils se sont battus contre vents et marées et dans des conditions difficiles et ont fait preuve de débrouillardise et de courage, surtout lorsqu’il s’agissait d’intégrer de nouveaux systèmes et de nouvelles tactiques. De plus, certains de ces succès ont eu d’importantes répercussions en ce qui a trait aux effectifs et aux capacités. Dans le contexte actuel, il convient de noter que le Canada ne possède pas d’artillerie automotrice, qu’il s’est départi de sa seule capacité de défense antiaérienne basée au sol et qu’il dispose de beaucoup d’équipement désuet et usé. Les unités de la Première réserve – qui ont représenté 25 à 30 % des effectifs en artilleurs qualifiés et artilleuses qualifiées lors des déploiements en Afghanistan – disposent d’un nombre limité d’obusiers en état de marche aux fins d’entraînement. Comme le démontre la guerre en Ukraine, un conflit de haute intensité contre un adversaire à force égale ou quasi égale exige une armée agile et moderne. De nos jours, on pourrait soutenir que la structure et l’équipement actuels dont dispose le Régiment sont basés sur l’expérience de l’Afghanistan et ne reflètent pas de manière adéquate les exigences de l’environnement de sécurité actuel de la zone euro-atlantique.
En conclusion, Reid, Riedel et Zuehlke ont rédigé un superbe ouvrage d’histoire, très accessible, qui mérite d’être lu tant par les militaires que le grand public. Le livre a fait l’objet de recherches méticuleuses, comme en témoignent les nombreuses pages de notes en fin d’ouvrage et de références. L’aspect humain du combat est un fil conducteur tout au long du récit. Les leaders à tous les niveaux peuvent tirer des enseignements précieux de With A Few Guns (Volume 1 – 2002-2006). Ils et elles risquent de conclure par une citation qui exprime de la gratitude et reconnaît l’importance de l’artillerie : « Dieu merci pour les canons. »
Pour la production du volume II, qui reprendra la narration à partir de la fin du volume I et se poursuivra jusqu’à la fin de la mission en 2014, Mark Zuehlke assumera le rôle principal d’auteur, succédant au colonel (à la retraite) Wolf Riedel. Il est essentiel de reconnaître les efforts du lieutenant-colonel (à la retraite) Brian Reid, qui est malheureusement décédé avant la publication de l’ouvrage. Il a joué un rôle de pionnier, documentant cette partie importante de l’histoire militaire du Canada. Ubique!
AU SUJET DE L'AUTEUR DU COMPTE RENDU
Le major Nicholas Kaempffer, CD, est un officier d’artillerie présentement affecté au Grand Quartier général des Puissances alliées en Europe à Mons, en Belgique, où il occupe les fonctions d’officier d’état-major de ciblage et de tirs interarmées. Précédemment, il a commandé la Batterie de commandement de l’École du Régiment royal de l’Artillerie canadienne. Diplômé de l’université Queen’s, le major Kaempffer est titulaire d’un baccalauréat ès arts avec spécialisation en géographie (avec distinction). Il a été trois fois lauréat du concours annuel de rédaction commémoratif Geoffrey Brooks du Régiment royal de l’Artillerie canadienne, et ses trois travaux ont été republiés dans la Revue militaire canadienne. Il est un vétéran de la guerre du Canada en Afghanistan.
Cet article a été publié pour la première fois en ligne dans la section Rafales Courtes du Journal de l'Armée du Canada (octobre 2024).