Document de recherche 3

Renvoi pour raisons médicales — Une optique policière

[PDF 130kb]


©Ministre des Approvisionnements et Services Canada 1989
No de cat. JS74-3/1-3
ISBN 0-662-56719-6


Président
L'honorable René J. Marin

Vice-présidente
F. Jennifer Lynch

Membres
Joanne McLeod
William Millar
Mary Saunders

Directeur exécutif
Robert F. Benson

Ce document de recherche fait partie d'une série de documents de travail que le Comité a l'intention de publier en vue de recueillir les observations du public; celles-ci devant l'aider à formuler des recommandations conformément à la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada (1986). Les opinions exprimées dans le présent document ne sont pas nécessairement celles du Comité.

N'hésitez pas à nous faire part de vos observations en les faisant parvenir à:

Robert F. Benson
Directeur exécutif
Comité externe d'examen de la GRC
C.P. 1159
Succursale "B"
Ottawa (Ontario)
K1P 5R2


Série de documents de recherche

Number 3: Medical Discharge

Directrice de la recherche
Gisèle Parent

Collaborateurs
Jacques Courteau
Denis Kratchanov
Yvonne Martin

Expert-conseil
Marc Cousineau

Déjà paru:

Document de recherche 1
Les suspensions - Une analyse comparée
Les suspensions - Compte rendu de la consultation

Document de recherche 2
La réinstallation - Peut-elle se faire sans difficulté?


AVANT-PROPOS

Ce document de recherche est le troisième d'une série de documents de travail présentée par le directorat de recherche du Comité. Il traite des problèmes que rencontrent les organismes et leurs employés dans le domaine du renvoi pour raisons médicales.

Les renseignements sur les politiques et usages en matière de renvoi pour raisons médicales qui y figurent proviennent des sources ci-dessous:

  1. organismes du secteur privé dont Imperial Oil Limited, Am-Tech Electrical Services et la Fraternité internationale des ouvriers en électricité;
  2. Commission de la Fonction publique du Canada;
  3. the Department of National Defence; and
  4. discussions avec des services et associations de police dont le Service de la police d'Ottawa, l'Association des policiers d'Ottawa, la force policière du grand Toronto, l'Association des policiers du grand Toronto, la Sûreté du Québec et la Gendarmerie royale du Canada.

Ce document ne cherche pas à résoudre les problèmes relatifs au renvoi pour raisons médicales, mais plutôt à faire connaître et discuter ces diverses questions qui prêtent à discussion. Ce procédé de consultation aide le Comité vis-à-vis ses responsabilités en matière d'examen en améliorant davantage sa compréhension des questions relatives aux griefs et aux appels.

Enfin, ce document n'aurait pu être réalisé sans la participation et l'aide des organismes et particuliers énumérés à l'annexe A. Le Comité exprime toute sa reconnaissance pour leur collaboration.

Robert F. Benson
Directeur exécutif
Comité externe d'examen de la GRC


TABLE DES MATIERES

Le renvoi ou le congédiement a été appelé la "peine capitale" des relations de travail. Il se traduit non seulement par une brusque rupture des relations entre l'employé et l'employeur, mais aussi, pour certains employés, par toute une série de difficultés connexes, y compris la fin d'un emploi productif et rémunéré dans une carrière choisie. Les problèmes peuvent être encore plus graves en période de récession économique où il est difficile, sinon impossible, de trouver un autre emploi.

Les difficultés qui découlent d'un renvoi ou d'un congédiement1 pour des raisons médicales, qu'il s'agisse d'une incapacité physique ou intellectuelle peuvent, pour l'employé et sa famille, le cas échéant, être encore plus graves. Les obligations financières de l'employé congédié, de même que ses frais de nourriture, de logement, de transport et parfois de traitement médical subsistent, alors même qu'il traverse une période d'incertitude où ses revenus sont moindres. Une fois congédié, il se peut que l'ancien employé puisse devenir impliqué dans un long processus d'examen de son état de santé, de son aptitude à travailler et de son droit à des avantages ou de prestations d'assurance. Des prestations d'assurance ou de retraite insuffisantes ou incertaines peuvent avoir des effets encore plus considérables sur le bien-être de l'employé. Une province, au moins, (Projet de loi 162, Ontario) a soumis de la nouvelle législation qui pourrait changer l'admissibilité de prestations ininterrompues à un travailleur incapacité.

1 Les termes renvoi et congédiement sont employés dans les lois, les conventions collectives et les règlements se rapportant à la cessation de l'emploi pour des raisons médicales. Dans le présent document, le mot renvoi est employé même s'il s'applique au mot congédiement.

L'employeur qui a un employé dans l'incapacité de travailler pour des raisons médicales est également touché. Les rapports qui les lient sont fondés sur l'ensemble de services rendus de la part de l'employé et sur le versement d'un salaire par l'employeur. Il n'est pas rentable pour un employeur de continuer à verser un salaire à un employé qui ne fournit plus ces services. En outre, il se peut que l'employeur ne puisse plus répartir le travail avec autant de souplesse et que d'autres employés aient une charge de travail plus lourde, ce qui se traduit par des heures supplémentaires ou d'autres frais.

Lorsque l'état de santé d'un employé reste indéterminé pendant assez longtemps, les difficultés de l'employeur en matière de renouvellement du personnel se compliquent par le fait que le poste de l'employé doit être conservé, ce qui immobilise l'année-personne correspondante. (Certains employeurs emploient le terme année-homme ou année-personnel). Selon l'importance et la nature de l'organisme, une telle situation peut modifier de façon notable la possibilité de l'employeur à fournir des biens ou des services.

Le renvoi pour raisons médicales d'un employé peut également représenter une perte d'expérience et de compétences précieuses, surtout lorsque la formation et le perfectionnement de cet employé équivalent, au fil des ans, à un investissement important de la part de l'employeur.

Employeurs et employés sont par conséquent directement intéressés par la mise en place de politiques en matière de renvoi pour raisons médicales. Ce document examine certains facteurs sociaux de ce problème ainsi que les principes juridiques que tribunaux et commissions de travail ont formulés à ce sujet. Il donne également un aperçu des politiques et procédures en matière de renvoi pour raisons médicales adoptées par huit organismes différents, dont plusieurs services de police.

Qu'elles fassent l'objet d'une convention collective, d'une lettre d'entente ou d'une poignée de main, les relations entre employeur et employé s'appuient sur le principe voulant que l'employeur et l'employé agissent de "bonne foi". Les deux parties s'attendent donc à ce que l'autre agisse de façon juste et raisonnable: c'est là un élément essentiel de ces relations.

Lorsqu'un employé est dans l'incapacité de travailler pour des raisons médicales et ne peut plus, entièrement ou en partie, accomplir les fonctions de son poste, il doit pouvoir s'attendre à ce que son employeur agisse de façon "juste et raisonnable" à son égard. De nombreux employeurs ont donc mis au point des politiques et procédures relatives aux employés dans l'incapacité de travailler pour des raisons médicales. Ces politiques pourraient permettre quelques ou toutes les énumérations qui suivent:

  1. de procéder à un examen de l'état de santé de l'employé;
  2. de déterminer les aptitudes de l'employé et son potentiel en matière d'emploi à court et à long termes;
  3. d'examiner les possibilités d'emploi au sein de l'organisme qui pourraient convenir à l'employé;
  4. d'offrir des programmes de recyclage afin de faciliter la recherche d'un autre emploi;
  5. d'aider l'employé à chercher des possibilités d'emploi à l'extérieur de l'organisme;
  6. de prévoir des programmes de prestations et d'assurance;
  7. de ne recourir au renvoi de l'employé qu'en dernier ressort; et
  8. d'appliquer les politiques établies d'une façon soutenue.

À première vue, il semblerait qu'une telle approche pourrait apaiser les inquiétudes de la plupart des gestionnaires et des employés à cet égard. Malheureusement, certains employés et leur famille ont connu des difficultés considérables malgré les meilleures intentions des employeurs.

L'évaluation de l'incapacité pour raisons médicales et de la durée de cette dernière est souvent l'une des plus grandes difficultés. Souvent, les employés sont soumis à un examen médical dont les résultats sont peu concluants ou même contradictoires. Tout employeur qui décide de congédier un employé en se fondant uniquement sur cette information déclenche toute une série d'événements dont tous auront à souffrir.

L'employé risque de subir immédiatement une perte financière étant donné que les prestations d'invalidité pour accident du travail ne représentent en général qu'un pourcentage du salaire déjà gagné. Certains découvrent trop tard l'absence d'un régime d'assurance-invalidité. L'employé peut également perdre tout respect de soi et ne plus se sentir sécurisé. Il risque aussi d'avoir à consacrer beaucoup de temps et d'argent pour réfuter l'information utilisée par l'employeur concernant sa décision de le congédier. L'employé doit payer des honoraires d'avocat s'il interjette appel devant une commission d'arbitrage du travail, un conseil ou une commission de police ou un tribunal fédéral, au moment même où son revenu est en général diminué.

L'employeur, quant à lui, perd les connaissances, les compétences et l'expérience de l'employé. Si, par ailleurs, les employés pensent qu'un de leurs collègues a été traité injustement par l'employeur, leur moral sera atteint, ce qui, pour l'employeur se traduira par une baisse de productivité.

En raison de l'effet de cette question sur l'avenir de l'employé, beaucoup d'employeurs adoptent une politique de renvoi pour raisons médicales qui, lorsque cela leur est possible sur le plan opérationnel, permet à l'employé de faire toutes les démarches nécessaires relatives à son incapacité et à l'effet de cette dernière sur son aptitude à accomplir ses fonctions. Cela peut comprendre des examens médicaux effectués par un médecin choisi par l'employé.

La façon dont l'employeur respecte le caractère confidentiel du dossier médical de l'employé peut également jouer un râle en ce qui concerne la détermination de la ligne de conduite pertinente à adopter à son égard. Cela est particulièrement important dans des organismes comme la police où le fait de "voir un psychologue" peut semer des doutes dans l'esprit de certains gestionnaires et collègues de travail quant aux capacités de l'employé. Un employé inquiet que l'on apprenne qu'il doit se faire traiter pour des difficultés d'ordre émotionnel risque de ne pas suivre ce traitement ou de ne pas complètement divulguer la nature de son état de santé. Les conséquences peuvent, à long terme, être préjudiciables à l'employé comme à l'employeur. Même si des employés se retrouvent dans une situation de ce genre alors que l'employeur a tout fait pour préserver le caractère confidentiel du dossier médical, la plupart des employés tiennent à ce que la "nécessité de savoir" reste un des principes fondamentaux de l'examen de leur dossier médical.

Pour la police, comme pour d'autres employeurs qui ont affaire au public, il faut en outre parvenir à un équilibre entre le droit de l'employé à la confidentialité de son traitement médical et la divulgation de son état dans l'intérêt du public. Les gestionnaires de tels organismes ont de bonnes raisons d'être mis au courant de tout état psychologique ou physique d'un employé pouvant avoir des répercussions sur l'exécution de leurs fonctions vis-à-vis du public. La sécurité du public peut donc justifier le fait qu'un traitement médical ne soit plus confidentiel; cependant, cette perte de confidentialité peut également donner lieu à des abus.

L'examen de l'état de santé d'un employé prend souvent beaucoup de temps. Cela semble inévitable mais crée souvent des difficultés pour l'employeur et l'employé qui préféreraient que les choses aillent plus vite. Les employés se plaignent que l'employeur ne les tienne pas au courant des diverses étapes de l'étude de leur cas; c'est là semble-t-il l'un des problèmes les plus importants de ce retard qui rend habituellement la situation de l'employé et de sa famille très pénible.

Beaucoup d'employeurs offrent à l'employé d'autres possibilités d'emploi, une fois que son incapacité médicale a été déterminée. Les services de police parlent habituellement de "service allégé". Une telle approche semble répondre à plusieurs préoccupations: l'organisme continue à bénéficier des services d'un employé apprécié; l'employé a le sentiment que l'on s'occupe de lui, surtout lorsque son incapacité résulte directement des fonctions de son emploi; l'employeur montre son sens des responsabilités face à l'entreprise et l'employé continue à gagner sa vie. Cette façon de procéder qui semble apaiser certaines inquiétudes de l'employeur et de l'employé, a cependant ses problèmes.

L'employeur ne peut plus répartir la charge de travail avec autant de souplesse étant donné que l'employé ne remplit plus que certaines fonctions. Si ses collègues ne sont pas convaincus de l'incapacité de l'employé, il se peut que l'employeur ait à faire face à des problèmes de moral lorsqu'il donne davantage de travail aux autres en raison même de l'incapacité de l'employé. Il se peut également qu'il soit difficile à l'employeur de remplir le mandat de l'organisme.

La situation risque également de ne plus être rentable pour l'employeur qui continue à verser le même salaire. C'est ce qui se produit lorsque, par exemple, un agent de police, déclaré incapable de remplir ses fonctions, fait un travail de commis. Si l'employeur continue à lui verser le salaire d'un agent (en supposant que le salaire d'un commis soit inférieur à celui d'un agent), l'employeur perd de l'argent étant donné que le salaire versé ne correspond plus aux fonctions accomplies.

Il se peut que l'employeur ne dispose que d'un nombre restreint de postes susceptibles de convenir aux employés dans l'incapacité de faire leur travail. En donnant une nouvelle affectation à ces employés, l'employeur risque d'être critiqué si les autres pensent qu'il applique cette politique de façon arbitraire ou illogique. Les employés s'attendent à ce que l'employeur les traite de la même façon lorsque les circonstances sont identiques. Cela s'applique également à la façon de procéder de l'employeur au chapitre du renvoi pour raisons médicales. En fait, la cohérence est tout aussi importante que la nature du traitement réservé aux employés.

Dans la police, comme dans tout autre emploi à haut risque, il faut tenir compte de bien d'autres facteurs en ce qui concerne le problème de renvoi pour raisons médicales. Dans ce genre d'emplois, l'aptitude physique et l'aptitude intellectuelle font partie des conditions de travail, au moment du recrutement et pendant toute la période d'emploi. Souvent les employés pensent que s'ils sont dans l'incapacité de travailler pour des raisons médicales par suite de l'accomplissement de leurs fonctions, la communauté qu'ils desservent doit se rendre compte de leur valeur et les appuyer financièrement en les maintenant dans leur emploi ou en leur versant une assurance-invalidité pour la durée de leur incapacité. Les policiers se plaignent souvent que dans certains cas, la façon dont ils sont traités ne répond pas à leurs attentes. Les prestations d'invalidité et les pensions peuvent être insuffisantes et ne leur permettent pas, ainsi qu'à leur famille, de maintenir le train de vie auquel ils étaient habitués avant leur incapacité. En fait, la qualité de la vie de cespersonnes est souvent diminuée par suite de l'incapacité, comme la perte d'un membre, ainsi qu'en raison de prestations d'assurance-invalidité ou de droits à pension insuffisants.

Les membres de la communauté se sont, quant à eux, déjà inquiétés de ce que les policiers semblent vouloir gagner sur les deux tableaux: ils revendiquent des salaires plus élevés en raison du facteur de risque que comporte leur travail et, par ailleurs, insistent pour recevoir plein salaire au cas où un incident aurait lieu qui aurait des conséquences sur la capacité de remplir leurs fonctions policières. Au sujet des prestations d'invalidité et des pensions, la communauté est prête à répondre aux attentes des policiers dans la mesure où elle pense qu'un policier a plus de responsabilités sociales que tout autre fonctionnaire.

En vertu de nombreux régimes d'assurance en cas d'invalidité prolongée, y compris ceux de nombreux services de police, les employés congédiés pour raisons médicales reçoivent des prestations d'invalidité jusqu'à concurrence de deux années. Après cette période, ils doivent être incapables d'accomplir quelque travail que ce soit pour être admissibles à d'autres prestations. Par conséquent, un agent de police incapable de s'acquitter de ses fonctions policières pourrait se retrouver sans emploi et ne pas recevoir de prestations une fois la période de deux ans échue. Il peut être difficile pour un policier frappé d'incapacité de trouver un autre emploi, le travail de police représentant sa seule expérience professionnelle.

Juges et arbitres en relations de travail, reconnaissant les graves conséquences d'un renvoi pour raisons médicales, ont mis au point des principes juridiques visant à garantir que chaque cas soit équitablement traité.

Ils ont tenté de parvenir à un équilibre entre les intérêts de l'employeur et ceux de l'employé congédié. Tout en admettant qu'un employeur doit avoir des employés capables de faire le travail pour lequel ils ont été engagés et pour lequel ils sont payés, ils ont également tenté de protéger les employés du renvoi lorsque les circonstances ne justifiaient pas une réaction aussi extrême de la part de l'employeur. L'arbitre Weiler est sans doute celui qui a le mieux expliqué cet équilibre fondamental entre les divers intérêts en cause:

Dans la common law, le contrat d'engagement entre un employeur et un employé renferme tous les droits et obligations entre les parties. Lorsque l'employé ne peut plus remplir ses obligations contractuelles, le contrat est inexécutable et l'employeur peut le résilier. L'employeur est considéré avoir convenu de payer un salaire pour le travail accompli et si l'employé n'est pas en mesure d'accomplir ce travail, l'employeur n'est plus tenu de le payer ni de lui donner d'autres tâches3. Sauf clause contraire, l'employeur peut résilier le contrat qui le lie à un employé qui se retrouve, de façon permanente, dans l'incapacité de travailler, mettant ainsi un terme à toutes relations entre employeur et employé4. L'employeur peut, bien entendu, choisir de faciliter les choses à l'employé visé, mais il n'y est absolument pas obligé.

3 Condor v. Barron Knights, Ltd., [1966] 1 W.L.R. 87 (Ass).

4 Dartmouth Ferry Commission v. Marks (1904), 34 S.C.R. 366; Marshall v. Harland & Wolff Ltd., [1972] I.C.R. 101.

L'employeur qui décide de renvoyer un employé dans l'incapacité de travailler doit démontrer que l'employé ne peut pas remplir ses obligations contractuelles. Sinon, le renvoi est injustifié et l'employeur est passible de poursuites pour dommages-intérêts. Dans la common law, une incapacité temporaire ne rend pas nécessairement le contrat inexécutable5. Avant de décider si l'employeur avait raison de résilier le contrat d'engagement6 le tribunal tient compte de plusieurs facteurs, comme la durée de la maladie, la nature de l'emploi, le pronostic de guérison et les antécédents professionnels.

5 Marshall v. Harland & Wolff Ltd., supra, note 4; Yeager v. R.J. Hastings Agencies (1985), 5 C.C.E.L. 266 (B.C.S.C.); Zelisko v. "99" Truck Parts & Equipment Ltd. (1986), 8 C.C.E.L. 201 (B.C.S.C.).

6 Yeager v. Hastings Agencies, ibid., pp. 289-90.

En général, les tribunaux de common law ne réinstallent pas dans ses fonctions un employé injustement congédié, mais lui versent des dommages-intérêts au lieu du préavis de renvoi, ce qui suffit à résilier le contrat. Le montant des dommages-intérêts dépend de plusieurs facteurs, dont l'âge de l'employé, son emploi, ses perspectives de trouver un autre poste et ses années de service. Les montants peuvent être importants et équivaloir, dans certains cas, à plus de deux ans de salaire7.

7 Suttie c. Metro Transit (1983), 1 C.C.E.L. 123 (B.C.S.C.) (sentence arbitrale: 148 000$, équivalant à 2 ans de salaire); Lyonde c. Canadian Acceptance Corp. Ltd. (1984), 3 C.C.E.L. 220 (Ont. High Ct.) (sentence arbitrale: 91 000$, équivalent à 21 mois de salaire); Sorel c. Tomenson Saunders Whitehead Ltd. (Octobre 1985) non inscrit (B.C.S.C.) (sentence arbitrale: environ 200 000, équivalant à 30 mois de salaire).

Les conventions collectives et l'application des règles de justice naturelle donnent aux employés syndiqués et aux employés occupant un poste réglementé par la loi davantage de droits que ceux dont jouissent les employés qui se trouvent dans une situation contractuelle d'asservissement. En général, cependant, les conventions collectives et la loi ne donnent pas à l'employé le droit de rester à son poste lorsqu'il se trouve de façon permanente dans l'incapacité de travailler.

Les commissions et les arbitres chargés d'examiner les cas de renvoi pour raisons médicales respectent en général le principe de common law voulant que l'employeur bénéficie également du contrat qui le lie à l'employé en contrepartie du salaire qu'il lui verse8. Dans l'affaire de la Société canadienne des postes, l'arbitre Burkett a donné l'explication suivante:

8 Société canadienne des postes (1983), 6 L.A.C. (3d) 385 (Burkett); Affaire L'Énergie atomique du Canada, Limitée (Laboratoires nucléaires de Chalk River) (1982), 5 L.A. (3d) 248 (Saltman). Pour d'autres exemples, voir Affair Société canadienne des postes, p. 397.

Tout en étant disposées à accepter le droit de l'employeur de congédier des employés qui sont dans l'incapacité d'accomplir le travail pour lequel ils ont été engagés, les commissions ont examiné minutieusement l'exercice de ce droit pour s'assurer que les intérêts des employés étaient protégés. Cet examen a conduit à la création de toute une série de principes dont l'application aux renvois pour raisons médicales est maintenant généralement admise. Toute politique relative aux renvois pour raisons médicales doit refléter ces principes.

Les renvois pour raisons médicales peuvent tomber dans deux catégories: l'absentéisme involontaire excessif et l'incapacité permanente. Puisque divers principes s'appliquent à chacune d'entre elles, ils seront examinés séparément.

Un employé ne peut faire l'objet de sanction disciplinaire ni être renvoyé lorsqu'il est involontairement absent de son travaille10. L'employeur peut toutefois mettre un terme aux relations employeur-employé lorsque les absences d'un employé deviennent excessives, même s'il s'agit d'absences pour raisons médicales. Des arbitres reconnaissent qu'à un moment donné, les intérêts de l'employeur ont préséance sur ceux de l'employé absent11.

10 Affaire L'Énergie atomique du Canada, Limitée (Laboratoires nucléaires de Chalk River), supra, note 8.

11 Supra, note 8.

La commission chargée d'évaluer si les absences d'un employé justifient son renvoi, examine le registre des absences et les pronostics d'assiduité. L'employeur doit donner la preuve à la commission que le dossier de l'employé démontre un absentéisme excessif et que l'employé sera, selon toutes probabilités, incapable dans l'avenir de faire régulièrement acte de présence.

Un employeur a certes le droit d'examiner le dossier de l'employé avant de décider s'il va le garder ou le congédier. Toutefois, tout renvoi pour raisons médicales est de nature non disciplinaire, et un employeur ne peut prendre une telle décision en raison de mesures disciplinaires prises dans le passé à l'égard de l'employé12.

12 Affaire L'Énergie atomique du Canada, Limitée (Laboratoires nucléaires de Chalk River), supra note 8.

En général, les arbitres estiment qu'un employeur ne peut pas congédier un employé qui est fréquemment absent à moins que ne se produise un nouvel incident final ou culminant. La plupart des arbitres pensent que l'employé doit s'absenter à nouveau avant que l'employeur ait le droit d'évaluer son dossier de présences13. Cette absence finale ou culminante doit également être liée à des absences antérieures ou leur être semblable pour justifier un examen du dossier de l'employé14.

13 Affaire Plouffe et Conseil du trésor (Archives publiques) (1980), 22 L.A.C. (2d) 80 (Kates), affaire L'Énergie atomique du Canada, Limitée (Laboratoires nucléaires de Chalk River), supar, note 8. Certains arbitres ont fait preuve davantage de souplesse à cet égard. Par exemple, dans l'affaire Victoria Hospital, London (1980), 24 L.A.C. (2d) 172 (Weatherhill), l'arbitre Weatherhill suggère que toute occasion d'examiner le dossier de l'employé devrait suffire.

14 Affaire Crown in Right of Ontario (1986), 21 L.A.C. (3d) 432 (Verity).

Il n'existe pas de critères absolus en matière d'absentéisme excessif15. Les arbitres examinent le registre des présences de l'employé16 et le comparent au taux d'absentéisme des employés occupant des postes semblables17. La nature de la maladie ou de la blessure à l'origine des absences doit également être prise en ligne de compte, puisque les absences n'ont pas toutes la même valeur18. Les arbitres s'abstiennent habituellement de décrire avec précision le taux d'absentéisme qui justifierait le renvoi. Ils ont tendance, par contre, à rendre leurs décisions en termes généraux, en utilisant des phrases comme "l'absentéisme était tel qu'il compromettait les relations employeur-employé"19, ou "les relations employeur-employé ont été compromises"20.

15 Dans la plupart des cas cités, les employés avaient été absents un nombre considérable de jours. Par exemple:
Massey-Ferguson Ltd. CLV 91-1 (17 février 1972, Brown);
l'employé a été absent 37,5% du temps durant les huit années de son emploi;
Columbus McKinnon Ltd. CLV 77-6 (17 septembre 1970, Metzler);
l'employé a été absent 55,43% du temps;
Barber-Ellis of Canada Ltd. CLV 63-7 (23 mai 1969, Metzler);
l'employé a été absent 70% du temps;
Affaire Société canadienne des postes, supra, note 8;
l'employé a été absent 16,4% et 19,7% du temps au cours des deux périodes visées.

16 Voir par exemple l'affaire Dominion Stores Ltd (1979), 20 L.A. C. (2 d) 298 (Brown).

17 Affaire Société canadienne des postes, supra, note 8.

18 For example, absences caused by industrial accidents where the injured employee was totally blameless should not be taken into consideration when deciding whether the employee's absences were excessive. See Re Falconbridge Nickel Mines Ltd. (1979), 21 L.A.C. (2d) 280 (Brunner).

19 Affaire Société canadienne des postes, supra, note 8, p.402.

20 Affaire Borough of Scarborough (1977), 15 L.A.C. (2d) 71 (Burkett).

Le pronostic d'assiduité est encore plus important que le registre des présences de l'employé. Un employeur ne peut pas congédier un employé pour des motifs d'absentéisme involontaire excessif en se fondant uniquement sur les antécédents de ce dernier. Il faut également démontrer que l'employé va continuer à s'absenter. S'il est peu probable que l'absence se poursuive pour les mêmes raisons ou si l'employé est guéri, le renvoi est injustifié21. Comme l'explique l'arbitre Burkett dans l'affaire American Standard, Division of Wabco-Standard Ltd:

21 Affaire Multi Fillings Ltd. (1985), 19 L.A.C. (3d) 251 (Palmer); Affaire American Standard, Division of WabcoStandard Ltd. (1977), 14 L.A.C. (2d) 139 (Burkett); Affaire Société canadienne des postes, supra, note 8.

La jurisprudence arbitrale admet que l'employeur a le pouvoir de mettre un terme à l'emploi, et ce, de façon justifiable, lorsqu'il est démontré que les insuffisances involontaires de l'employé sont telles qu'elles compromettent les relations employeur-employé et lorsqu'il est également démontré qu'il est peu probable que la situation s'améliore... Cette double exigence s'explique par le fait qu'il ne serait pas juste que l'employé puisse perdre son emploi pour des raisons indépendantes de sa volonté (troubles psychiques ou physiques par exemple) si l'on pense que le trouble à l'origine de la cessation d'emploi a été corrigé ou va probablement disparaître dans un avenir prévisible22.

22 Ibid., p. 146.

Même si cela ne fait pas l'unanimité, la plupart des commissions jugent que c'est à l'employeur de faire la preuve qu'il est peu probable que les employés soient capables d'améliorer leur dossier de présences23. Si l'employeur n'arrive pas à prouver médicalement que l'employé ne pourra pas reprendre son travail dans un avenir prévisible, il est fort probable qu'un arbitre fasse droit au grief et rétablisse dans ses fonctions l'employé congédié24.

23 Affaire L'Énergie atomique du Canada, Limitée (Laboratoires nucléaires de Chalk River) supra, note 8; Affaire Dominion Stores Ltd., supra, note 16; Affaire International Association of Machinists and Perfect Circle - Victor Division, VNG Auto Parts Ltd. (1972), 24 L.A.C. 380 (Weiler); Affaire Corporation of the City of Mississauga (1979), 21 L.A.C. (2d) 64 (Brown).

Dans certains cas, les arbitres ont reconnu que les employeurs peuvent à partir du mauvais registre des présences de l'employé en conclure qu'il y a de fortes chances que l'employé continue à s'absenter. Voir l'affaire Société canadienne des postes, supra, note 8, p. 401; Affaire Hayes Dana Inc. (1986), 3 C.L.A.S. 27 (Picher). C'est à l'employé qu'il appartient alors de réfuter cette conclusion.

24 Affaire Dominion Stores, ibid.; Affaire Corporation of the City of Mississauga, ibid.; Affaire Steinberg Inc. (1986), 23 L.A.C. (3d) 193 (Springate).

Des arbitres ont confirmé que les employeurs avaient le droit d'exiger que les employés revenant d'un congé de maladie subissent un examen médical indépendant25. Un employeur a le droit d'être convaincu que l'employé est apte à revenir au travail26. L'employeur ne peut toutefois pas insister pour que l'employé consulte le médecin de l'employeur ou un médecin désigné par lui27. Par ailleurs, l'employeur ne peut pas contester la validité de l'avis d'un médecin à moins qu'il n'ait des doutes raisonnables a ce sujet28.

25 Affaire Firestone Tire & Rubber Co. of Canada Ltd. (1973), 3 L.A.C. (2d) 12 (Weatherhill).

26 Affaire Brewers' Warehousinq Co. Ltd. (1982), 4 L.A.C. (3d) 257 (Knopf).

27 Affaire Air Canada (1983), 8 L.A.C. (3d) 82 (Simmons).

28 Affaire Government of B.C. (1986), 21 L.A.C. (3d) 193 (Kelleher).

When the medical evidence of the employee's ability to resume full-time duties appears inconclusive, arbitrators have often ordered a conditional reinstatement. Normally, such a reinstatement is for a trial period during which the employee must demonstrate regular attendance29.

29 Supra, note 23.

Discharges founded on excessive absenteeism have also been overturned when it was shown that the employer had not treated the griever in a manner consistent with the treatment given other employees30. Arbitrators generally require employers to treat employees in a uniform manner. Accordingly, when it can be shown that the employer took no action with respect to another employee with a similar or worse absenteeism record, the arbitrator may conclude that the employer does not consider the degree of absenteeism excessive31.

30 Affaire International Association of Machinists, Lodge 890, and S.K.D. Mfg., Ltd. (1969), 20 L.A.C. 231 (Weiler); Affaire United Rubber Workers and Seiberlinq Rubber Co. of Canada Ltd. (1969), 20 L.A.C. 267 (Weiler); Affaire International Association of Machinists and Perfect Circle - Victor Division, VNG Auto Parts Ltd, supra, note 23.

31 Affaire International Association of Machinists and Perfect Circle - Victor Division, VNG Auto Parts Ltd., ibid.

Dans les précédents qui ont force de loi, il y a contestation sur le délai qui permettrait d'évaluer le pronostic d'assiduité de l'employé. Certains arbitres considèrent que leur rôle consiste uniquement à examiner la décision de l'employeur, sans tenir compte des preuves dont il ne dispose pas au moment du renvoi32. Il reste toutefois que la plupart des arbitres, à la lumière de tous les avis médicaux présentés à la commission, y compris les avis donnés après le renvoi33 semblent prêts à envisager que l'employé pourrait être régulièrement présent à son travail. Ce dernier groupe d'arbitres a trouvé qu'il serait injuste de ne pas rétablir dans leurs fonctions les employés dont les absences sont indépendantes de leur volonté, lorsque les perspectives sont favorables. Comme l'explique l'arbitre Burkett dans l'affaire de la Société canadienne des postes34:

32 Affaire Société canadienne des postes (1986), 22 L.A.C. (3d) 236 (Hinnegan); Affaire Hôpital Général d'Ottawa (1986), 20 L.A.C. (3d) 24 (Brown); Affaire City of Sudbury (1982), 2 L.A.C. (3d) 161 (Picher).

33 Affaire Société canadienne des postes, supra, note 8; Affaire British Columbia Telephone Co. (1979), 19 L.A.C. (2d) 98 (Gall); Affaire Board of Education for City of North York (1er décembre 1980) non rapporté (Carter).

34 Affaire Société canadienne des postes, supra, note 8, p. 400.

Les employés souffrant d'une maladie ou d'une blessure qui les rend incapables d'effectuer le travail pour lequel ils sont employés, peuvent être congédiés35. Aucune distinction n'est faite entre l'incapacité physique et l'incapacité intellectuelle36.

35 Plusieurs affaires confirment ce principe général. Voir par exemple l'affaire City of Brampton (1979), 20 L.A.C. (2d) 12 (O'Connor); l'affaire Niagara Regional Board of Comm'rs of Police (1975), 9 L.A.C. (2d) 272 (Swan); l'affaire Motor Transport Industrial Relations Bureau of Ontario (1973), 3 L.A.C. 275 (Palmer); l'affaire Gates Rubber of Canada Ltd. (1977), 14 L.A.C. (2d) 407 (Brown).

36 Voir, par exemple, l'affaire General Motors of Canada (1973), 1 L.A.C. (2d) 401 (Palmer) où l'arbitre a invalidé le renvoi d'un employé qui, en raison de troubles psychiatriques, avait agressé son contremaître.

Comme dans tous les cas de renvois pour raisons médicales, l'employeur est en droit de licencier l'employé, lorsqu'il est évident, d'après les faits et les circonstances de chaque cas, qu'en raison de l'incapacité de l'employé, le contrat de travail a été rendu inexécutable37. L'employeur est parfaitement en droit de mettre fin aux services d'un employé qui, selon les preuves disponibles, sera probablement incapable de reprendre son emploi38. De même, l'employeur est en droit de congédier un employé dont l'incapacité menace la sécurité de l'employé en question, de ses collègues ou du public39. Le simple fait que l'incapacité entraîne davantage de risques suffit à justifier le renvoi40.

37 Supra, note 4.

38 Affaire Russelsteel (1982), 8 L.A.C. (3d) 264 (Davis); Affaire Canadian Safety Fuse Ltd. (1973), 3 L.A.C. (2d) 77 (Moalli).

39 Affaire Crown Zellerbach Canada Ltd., Elk Falls Mill (1984), 12 L.A.C. (3d) 159 (Morrison); Affaire Corporation of the City of Brampton (1979), 20 L.A.C. (2d) 12 (O'Connor); Affaire Robertson Irwin Ltd. (1974), 6 L.A.C. (2d) 410 (Brown).

40 Affaire University Hospital of London (1974), 4 L.A.C. (2d) 16 (Simmons).

Des décisions récemment rendues limitent le droit de l'employeur de congédier un employé qui peut exécuter la plupart des tâches liées à son poste, sinon toutes41. De même, les arbitres semblent de plus en plus exiger que les employeurs tentent de trouver un autre travail que l'employé invalide pourrait effectuer au sein de l'entreprise L'employeur n'est toutefois pas tenu de créer un poste pour l'employé43. Un employeur peut adopter une politique générale relative au degré de forme physique qu'il exige de son personnel. Cette politique doit malgré tout être raisonnable et justifiable selon les autorités médicales44. En outre, en dépit de l'existence d'une telle politique générale, l'employeur doit évaluer chaque cas séparément. Comme le déclarait l'arbitre Ellis dans l'affaire Kingsway Transport45:

41 Affaire Norton Canada Inc. (1986), 1 C.L.A.S. 27 (Boscariol); Voir aussi l'affaire Borough of Scarborough, supra, note 20.

42 Affaire Maritime Telegraph & Telephone Co. Ltd. (1985), 16 L.A.C. (3d) 318 (Cotter). Dans cette affaire, l'arbitre introduit dans un grief visant un renvoi pour raisons médicales ce principe qui est normalement lié à d'autres formes d'incapacité involontaire. Les arbitres ne sont pas tous prêts à imposer cette obligation aux employeurs. Comme l'arbitre Mason le déclarait dans l'affaire Suncor (1982), 3 L.A.C. (3d) 256, à la page 263:

En vertu de la convention collective, la société n'est pas tenue de donner aux travailleurs accidentés des tâches légères et elle n'est pas non plus tenue de garder les employés dont l'incapacité physique les rend incapables d'accomplir les fonctions pour lesquelles ils ont été engagés.

Par contraste, dans l'affaire Tec Syn Canada Ltd (1986), 2 C.L.A.S. 59 (Hoefling), la preuve indique que même si l'employé invalide ne pouvait remplir ses fonctions ordinaires, il pouvait effectuer des tâches légères. D'ailleurs, au moment du renvoi, il y avait un poste vacant de balayeur à l'usine. L'arbitre a ordonné que le plaignant occupe ce poste de balayeur.

43 Affaire Suncor, ibid.; Affaire Canadian Safety Fuse Co. Ltd., supra, note 38.

44 Affaire Kingsway Transport (1979), 19 L.A.C. (2d) 180 (Ellis); Affaire Consumers' Gas (1976), 12 L.A.C. (2d) 285 (Brown).

45 Ibid. p. 193.

Comme dans les cas d'absentéisme involontaire excessif, c'est à l'employeur qu'il appartient de prouver que l'employé sera, dans l'avenir, incapable d'exécuter son travail46. Le simple fait qu'il soit possible qu'à l'avenir l'employé risque de ne pas pouvoir effectuer les tâches qui lui sont confiées ne suffit pas47. Récemment, un arbitre a jugé qu'un employé porteur du virus du SIDA, et qui pouvait accomplir toutes les tâches qui lui étaient assignées, ne pouvait être congédié sous prétexte qu'il y ait une vague possibilité qu'il puisse transmettre le virus ou que d'autres employés craignent de travailler avec lui48.

46 Affaire Alta. Licruor Control Board (1982), 6 L.A.C. (3d) 184 (Owen); Affaire Kingsway Transport, supra, note 44; Affaire Pacific Western Airlines Ltd. (1987), 28 L.A.C. (3d) 291 (Hope).

47 Affaire Alta. Liquor Control Board, ibid.; Affaire Int'l Nickel Co. of Canada Ltd. (1975), 7 L.A.C. (2d) 196-(Rayner).

48 Affaire Pacific Western Airlines Ltd., supra, note 46. 49 S.C. 1986, c. 11.

Tous ces principes juridiques relatifs aux renvois pour raisons médicales se sont développés dans le contexte de conventions collectives et de lois particulières. Les conventions collectives et les lois ont défini la compétence des commissions en matière de sentences arbitrales. La Loi sur la Gendarmerie royale du Canada49 n'impose aucune limite au Comité externe d'examen qui a tout le loisir de faire des recommandations au sujet des griefs renvoyés devant ce dernier50. Le Comité peut donc aborder la question du renvoi pour raisons médicales comme il l'entend.

49 S.C. 1986, c. 11.

50 le paragraphe 35 (13) stipule:
À la conclusion d'une audience, le Comité établit et transmet aux parties et au commissaire un rapport écrit exposant ses conclusions et recommandations au sujet du grief dont il a été saisi.

Commissions et tribunaux des relations de travail, ont, au fil des ans, éclairci les principes qui devraient s'appliquer au renvois pour raisons médicales. L'employeur dispose de toute la latitude dont il a besoin grâce à la mise au point d'un système juste et raisonnable. Ce qui importe le plus, c'est que le système, dans son ensemble, et non pas chacune des mesures adoptées individuellement, soit juste et raisonnable.

La suite du présent document est une étude comparative des politiques en matière de renvois pour raisons médicales adoptées par huit employeurs.

Le Service de police d'Ottawa a adopté et applique à l'égard de ses membres une politique de "condition physique maximale". Chaque membre du Service de police, qu'il soit simple agent ou officier supérieur, doit être capable d'accomplir toutes les tâches d'un agent de patrouille. L'agent qui est blessé ou malade n'est pas muté ou affecté à d'autres tâches, quelle que soit la nature de la blessure ou les circonstances dans lesquelles elle a été infligée. En conséquence, même si un agent est blessé dans l'exercice de ses fonctions, le Service de police ne le garde pas à son emploi si la blessure l'empêche d'accomplir toute la gamme des tâches que doit normalement accomplir un agent en santé.

Le Service de police d'Ottawa donne trois raisons pour expliquer cette politique:

  1. La souplesse dans la gestion: étant donné que tous les membres du Service de police peuvent accomplir toutes les tâches que l'on peut exiger d'eux, le Service peut organiser les affectations de ses effectifs avec la plus grande souplesse.
  2. Le coût: les agents de police touchent une rémunération qui est calculée en partie en fonction de certains facteurs de danger et de risque dans l'exercice de leurs fonctions. En général, cette rémunération est supérieure à celle des employés civils qui occupent des postes de soutien au Service de police, postes où de tels facteurs n'entrent pas en jeu. La réaffectation d'un agent de police à un poste désigné comme un poste civil crée un déséquilibre entre la classification du poste en question et le salaire correspondant. Comme il faut également remplacer l'agent de police, une telle réaffectation tend à faire augmenter les charges salariales du Service de police.
  3. Les exigences relatives à l'équité salariale: l'article 6 de la Pay Equity Act de l'Ontario exige qu'un salaire égal soit payé aux employés, hommes et femmes, qui font du travail de valeur comparable. Â l'heure actuelle, beaucoup de postes de soutien dans les services de police sont occupés par des femmes bien que la plupart des agents de police du Service soit actuellement des hommes. Le déséquilibre salarial que créerait l'affectation d'un agent de police à un poste de soutien pourrait occasionner des difficultés concernant l'application des exigences de la Pay Equity Act51.

51 An act to provide for Pay Equity, Recueil des lois de l'Ontario, 1987, c. 34.

Le Service justifie en outre sa politique en invoquant l'article 57 de la Police Act de l'Ontario52, où l'on définit les fonctions d'un agent de police; on y précise que l'agent de police est notamment chargé de maintenir la paix, de prévenir les vols et d'appréhender les contrevenants53. Le Service de police soutient que la Police Act sous-entend qu'un agent doit être apte à s'acquitter de ses fonctions physiquement et psychologiquement. En conséquence, la politique du Service de police d'Ottawa est conforme à cette interprétation de la Police Act. La Commission de police de l'Ontario a confirmé qu'un Service pouvait appliquer une telle politique. Dans une décision rendue en 1977, la Commission a énoncé qu'une affectation à des tâches allégées "n'est pas un droit de l'agent de police, mais un privilège accordé par son Service"54.

52 Recueil des lois de l'Ontario, 1980, c. 381.

53 Voici le texte de l'article 57:
57. The members of police forces appointed under part II except assistant and civilian employees, are charged with the duty of preserving the peace, preventing robberies and other crime and offences, including offences against by-laws of the municipality, and apprehending offenders, and commencing proceedings before the proper tribunal, and prosecuting and aiding in the prosecution of offenders and have generally all the powers and privileges and are liable to all the duties and responsibilities that belong to constables.

54 Dans l'affaire Creamer and the Board of Commissioners of Police of Metropolitan Toronto, Commission de police de l'Ontario, 11 août 1977, non publié, p.18.

Le Service de police d'Ottawa est conscient de la nécessité d'appliquer de façon uniforme une politique interdisant les tâches allégées. En Ontario, aucun service de police ne peut offrir de tâches allégées à certains de ses membres tout en refusant ce privilège à d'autres qui pourraient s'acquitter de ce travail. Dans une décision rendue récemment, la Commission de police de l'Ontario a soutenu qu'un Service qui, dans le passé, s'était montré accommodant à l'endroit de certains agents frappés d'incapacité pouvait avoir violé le Code des droits de la personne de l'Ontario en ne mutant pas ces personnes à des postes moins exigeants s'il y en avait de disponibles55.

55 Dans l'affaire Basset and Hamilton-Wentworth Regional Police, Commission de police de l'Ontario, 7 octobre 1987, non publié.

C'est l'article 27 des Règlements généraux56 de la Police Act57 qui régit les renvois des services de police de l'Ontario pour raisons médicales. L'article 27 autorise les membres de la Commission de police à effectuer des renvois pour raisons médicales58. La décision de renvoyer un employé peut être prise uniquement lorsque, de l'avis de deux médecins, l'agent en question est incapable, physiquement ou mentalement de s'acquiter de ses fonctions.

56 R.R.O. 1980, Reg. 791, art. 27.

57 Supra, note 52.

58 L'article 27 se lit comme suit:

27. No chief of police, constable or other police officer is subject to any penalty under this Part except after a hearing and final disposition of a charge on appeal as provided by this Part, or after the time for appeal has expired, but nothing herein affects the authority of a board or council

(e) to discharge or place on retirement, if he is entitled thereto, any member of the force who, on the evidence of two legally qualified medical practitioners is, due to mental or physical disability, incapable of performing his duties in a manner fitted to satisfy the requirements of his position but any decision of the board or council made pursuant to this clause may be appealed to the Commission.

Cet article prévoit également la tenue d'une audience en bonne et due forme devant la Commission. Cette audience doit se dérouler en conformité des règles de justice naturelle. Or, ces règles exigent que l'on autorise l'employé congédié à fournir des preuves médicales contestant l'opinion médicale étayant la cause du renvoi59. Il est possible d'interjeter appel de la décision auprès de la Commission de police de l'Ontario et, subséquemment, auprès de la Cour divisionnaire de l'Ontario60. En conséquence, la procédure énoncée dans la Police Act accorde à tout policier congédié toute liberté de contester tant son renvoi comme tel que la preuve sur laquelle on s'est fondé pour prendre cette décision.

59 Voir l'affaire Cardinal and Board of Commissioners of Police of Cornwall, [1974] 2 O.R. 183, Nicholson v. Hardimand-Norfolk, [1979] 1 Décision de la Cour suprême 311.

60 Judicial Review Procedure Act, R.S.O. 1980, c. 224, art. 6.

Les conditions de travail du Service de police d'Ottawa sont exposées dans la convention collective négociée entre le Conseil de police et l'Association des policiers d'Ottawa. L'article 27 de la convention autorise les autorités policières à exiger des membres qu'ils subissent un examen médical annuel61. Le Service de police n'invoque pas l'article 27 pour obliger chaque membre à subir un examen annuel. Cependant, il utilise le pouvoir qui lui est conféré par l'article 27 pour justifier la politique que les agents qui ont été absents pour des raisons médicales subissent un examen médical avant de reprendre leur travail. Si ces examens médicaux ou d'autres font ressortir qu'un agent n'est pas en mesure de s'acquitter des tâches régulières qui reviennent aux agents de police, alors le Service pourra recourir aux procédures de renvoi pour raisons médicales.

61 L'article 27 dit ce qui suit:

All members of the force shall, if required, have an annual medical examination by a qualified medical practitioner of their choice, and each member who attends for an examination shall obtain a copy of the medical report and a copy shall be sent to the Board. If the Board is not satisfied, the Board, at their own expense, may have the officer attend for an examination before a qualified medical practitioner of the Board's choice. However, if the member objects to the medical practitioner selected by the Board, he/she shall have the option of naming three (3) medical practitioners, one of whom shall be selected by the Board.

Souvent, des problèmes médicaux ressortent dans le cadre d'affaires disciplinaires. L'annexe 1 des règlements de la police62 dresse la liste des violations aux règlements pour lesquelles un agent peut être assujetti à des mesures disciplinaires63. Un membre qui fait l'objet de sanctions disciplinaires et qui a une justification médicale valable pour sa conduite répréhensible peut soulever cette justification lors de l'étude de l'affaire. Si le problème médical empêche l'agent de s'acquitter de ses tâches normales, le Service peut alors entamer les démarches de renvoi.

62 R.R.O. 1980, Règle 791, annexe 1.

63 Les violations énoncées dans l'annexe comprennent l'insubordination, la négligence de ses responsabilités et la consommation de boissons alcoolisées.

Bien qu'il n'ait pas de politique de "service allégé", le Service de police d'Ottawa est souple dans son évaluation des capacités des agents. Il a par le passé suspendu des procédures de renvoi ou rétabli dans leurs fonctions des agents congédiés qui avaient fourni la preuve que le diagnostic de leur incapacité était erroné. D'autre part, s'il existe des preuves que les possibilités d'amélioration sont encourageantes, alors le Service met le membre en congé de maladie plutôt que d'aller de l'avant avec un renvoi pour raisons médicales.

Bien que le Service ne fasse pas de distinction entre les incapacités résultant d'un incident survenu pendant l'exercice des fonctions et celles qui ont une cause ne relevant pas du travail de l'agent, la distinction peut être pertinente dans la détermination des avantages auxquels l'agent a droit. Un agent blessé pendant l'exercice de ses fonctions est admissible aux avantages prévus par la Worker's Compensation Act de l'Ontario64. Dans sa convention collective avec l'Association de police d'Ottawa, le Service a accepté de verser à un agent qui est temporairement incapacité son plein salaire, et ce, pour la durée de son incapacité. Cette disposition ne s'applique cependant pas à un membre pour lequel le diagnostic fait état d'incapacité permanente65.

64 RCO 1980, c. 539.

65 L'article 7.01 de la convention collective dit ce qui suit:

(a) All members shall be covered by the Workers' Compensation Act regardless of rank or assigned duties.
(b) Where a member is absent from duty as a result of a personal illness or injury arising out of and in the course of their duties within the meaning of the Workers' Compensation Act, the member shall be provided with free hospitalization and medical care. The Board agrees that the member will continue to receive full salary for the period of temporary disablement as determined by the Workers' Compensation.

La Commission des accidents du travail prévoit le versement de prestations à un travailleur qui souffre d'une incapacité permanente suite a un incident lié au travail66. Un travailleur a droit à des prestations correspondant à 75% de son salaire hebdomadaire moyen pendant les 12 mois précédant l'incident67.

66 Supra, note 64, art. 43.

67 Ibid.

Étant donné que le Service de police d'Ottawa n'a pas de politique de "service allégé", un agent pourrait souffrir d'une incapacité permanente aux fins des règlements du Service tout en ne souffrant pas d'une incapacité permanente au sens de la définition de la Workers' Compensation Act. Dans pareille situation, l'agent ne se conforme peut-être pas aux normes établies du Service, mais il se trouve néanmoins dans l'incapacité d'exercer un autre emploi. Dans pareille situation, la Commission des accidents du travail pourrait refuser une pleine compensation au demandeur. La Workers' Compensation Act prévoit des prestations ajustées à la capacité réduite du travailleur de gagner sa vie68.

68 Ibid., paragraphe 43(3).

Un agent dont l'incapacité n'est pas liée à l'exercice de ses fonctions n'a pas droit à une indemnisation en réparation d'accident du travail. La convention collective négociée entre l'Association de police d'Ottawa et le Conseil de police d'Ottawa prévoit des prestations pour incapacité à long terme correspondant à 60% du salaire mensuel de l'agent.

Le Service de police du grand Toronto est régi par la Police Act de l'Ontario69. Il doit par conséquent suivre la procédure énoncée à l'alinéa 27e) des règlements prévus par la Loi70. Il a invoqué l'alinéa 27e) une seule fois.

69 Supra, note 52.

70 La procédure est décrite dans la partie de la politique adoptée par le Service de police d'Ottawa. Voir note 58, supra.

Le Service de police essaie toujours de trouver ailleurs dans ses services un emploi de rechange pour les agents incapacités. Par conséquent il est rare qu'on ait à congédier un agent pour raisons médicales.

Si l'agent devient malade ou incapacité, le Service continue d'employer l'agent qui peut s'acquitter d'autres tâches dans le cadre d'un poste moins exigeant. Le Service de police compte environ 5 500 agents dont une centaine (0,6%) ont été affectés à un service allégé lorsqu'on a déterminé que, pour des raisons médicales, ils n'étaient pas aptes à faire le travail normalement exigé des agents de police.

Lorsqu'il décide s'il doit garder ou non un policier frappé d'incapacité, le Service de police ne fait pas de distinction entre les incapacités subies par le policier alors qu'il était en service et celles résultant de maladies ou de blessures subies alors qu'il n'était pas en service. Il reconnaît être davantage porté à essayer de donner priorité, pour des raisons émotionnelles, à un policier blessé alors qu'il était en service commandé. Quoi qu'il en soit, un policier n'est gardé que s'il est capable d'accomplir les fonctions d'un poste vacant71.

71 Dans un cas de renvoi pour raisons médicales qui a été contesté par l'agent de police et qui, par conséquent, a été d'abord renvoyé devant le Board of Commissionners of Police of Metropolitan Toronto, et plus tard devant la Commission de police de l'Ontario, le Service avait tenté d'affecter le policier au bureau du tribunal, soit une affectation de service allégé. Le policier et son employeur n'étaient pas d'accord sur l'aptitude du policier à effectuer ce travail. Voir l'affaire Creamer, Board of Commissioners of Police of Metropolitan Toronto, 12 mai 1977, aucun rapport; Affaire Creamer and the Board of Commissioners of Police of Metropolitan Toronto, Commission de police de l'Ontario, 11 août 1977, non publié. La Commission a maintenu la décision du Board of Commissioners d'accorder une retraite anticipée à l'agent Creamer.

Il y a actuellement dix (10) policiers qui reçoivent des prestations d'invalidité de longue durée parce qu'ils ont été déclarés inaptes à occuper quelque poste vacant que ce soit dans le corps policier. Ces policiers n'ont pas contesté la décision du Service de police de les relever de leurs fonctions et de leur payer des prestations d'invalidité.

La convention collective négociée entre la Metropolitan Board of Commissioners of Police et la Metropolitan Toronto Police Association prévoit un mécanisme pour déterminer si un policier incapacité peut retourner au travail et a quel moment72. Le médecin du Service de police fait la première évaluation de la capacité du policier de retourner au travail. Si ce médecin et celui du policier ne sont pas d'accord, l'affaire est renvoyée devant un troisième médecin indépendant, qui tranche la question.

72 Les alinéas 12:10 a) et b) traitent de cette question.
L'alinéa 12:10 a) stipule:

The Director of Medical Services shall have medical charge of every member who, on account of illness, injury or other physical or mental disability, is unable to do his/her police duties, provided that any member who wishes to attend to his/her family physician may do so at his/her own expense. ...[T]he Director of Medical Services or a physician appointed to assist him/her shall have the sole right to determine when the member shall resume duty.

L'alinéa 12:10 b) stipule:

If, after examining medical reports and making such investigations including consultation with the member's physician as the Director of Medical Services deems appropriate, the Director of Medical Services disagrees with the member's physician on the medical diagnosis or prognosis of the member, the member shall be referred to an independent medical consultant (as may be agreed by the parties from time to time) whose opinion on the diagnosis or prognosis of the member's condition shall govern....

Un employé dans l'incapacité de travailler reçoit des prestations différentes selon que sa blessure ou sa maladie est liée ou non au travail. Les agents de police de Toronto ont droit à des prestations en vertu de la Workers' Compensation Act pour des blessures subies alors qu'ils étaient en service73. Aux termes de la convention collective, le Service de police verse la différence entre le plein salaire de l'agent de police et le montant que ce dernier reçoit de la Commission des accidents du travail74.

73 En ce qui concerne le droit aux prestations en vertu de la Loi sur les accidents du travail de l'Ontario, voir les notes 64 d 68, supra.

74 L'article 13.01 de la convention collective stipule:
When a member is absent by reason of an illness or injury occasioned by or as a result of his/her duty and where an award is made by the Workers' Compensation Board:

(a) He/she shall, in addition to the Workers' Compensation Award(s), receive such further amount so as to provide that the total payment to the member shall approximate but not exceed the net pay such member might otherwise have received had he/she not been absent.

Un policier incapable d'accomplir son travail d'une façon permanente par suite d'une blessure ou d'une maladie liée au travail pourrait recevoir le plein salaire jusqu'à l'âge de la retraite.

Les prestations auxquelles a droit un policier dont l'incapacité permanente n'est pas liée au travail ne sont pas aussi généreuses. Un policier frappé d'une incapacité permanente qui n'est pas liée au travail a droit à des prestations d'invalidité de longue durée aux termes de la convention collective. Selon le régime prévu dans la convention, ce policier doit d'abord épuiser ses crédits de congés de maladie, période au cours de laquelle il reçoit son plein salaire75. Lorsqu'il a épuisé ses crédits de congés de maladie, le policier reçoit des paiements équivalant à 75% de son salaire au moment de l'incapacité76. Selon la convention collective, il recevra ces prestations jusqu'à ce qu'il atteigne l'âge de la retraite.

75 L'article 12.06 de la convention collective stipule:
Every member, on the first of the month following completion of six months of service shall be eligible to receive sick pay, at full salary, for any time lost by reason of illness or injury to the full extent of sick pay credits available to him/her at the time of each absence, except where an award is made under the Workers' Compensation Act.

76 L'alinéa 12:11 a) de la convention collective stipule:
A member is eligible for benefits under the plan where:

(1) The member is absent due to disability which would entitle the member to sick leave but his/her sick leave credits are exhausted and credits remain available under this Bank.

Le sous-alinéa 12:11 b) (1) (iii) ajoute:
... in any year payment to an eligible member under the Bank shall be made on a bi-weekly basis and shall be the greater of a 75% benefit of the officer's salary at the time of the disability or a 60% benefit based on the salary for the rank held by the officer at the time of the disability as it is increased from time to time.

Le Service de police est conscient que sa politique qui consiste à offrir des tâches allégées à ses policiers frappés d'incapacité peut poser certains problèmes. Comme la plupart des forces policières de l'Ontario, depuis quelques années, le Service de police du grand Toronto confie de plus en plus des postes à des civils. ces mesures ont réduit le nombre de postes offerts aux policiers incapacités. Au moment de la rédaction du présent rapport, le Service de police n'avait pas doté tous les postes auxquels un policier frappé d'incapacité pourrait être affecté. Lorsque le Service de police n'aura plus de postes appropriés à offrir à un agent de police frappé d'incapacité, elle devra décider:

  1. de déclarer ce policier comme étant admissible a des prestations d'invalidité de longue durée (pouvant inclure des prestations en vertu de la Workers' Compensation Act);
  2. de créer un emploi; ou
  3. de reprendre un poste qui avait été attribué à un employé civil.

Bien que le Service de police ne soit pas obligé d'offrir un poste à un agent souffrant d'incapacité dans ces circonstances77 il a créé des attentes à cause de la politique qu'il a appliquée à cet égard; en effet, les membres s'attendent à conserver un emploi et leur plein salaire s'ils sont frappés d'une incapacité qui ne les empêche pas d'accomplir d'autres tâches au sein du service. Il pourrait donc être difficile pour le Service de police de changer sa politique à cet égard.

77 Dans l'affaire Basset and Hamilton-Wentworth Regional Police, citée ci-dessus, note 55, la Commission de police de l'Ontario a décidé qu'un service de police qui a, dans le passé, offert des postes aux agents devenus incapacités ne pouvait pas, par la suite, refuser d'en faire autant pour d'autres agents dans la même situation. Après avoir énoncé ce principe, la Commission ajoute à la page 18:

This is not to say that the fact that this Police Force has accommodated other disabled officers in the past who are unable to patrol, means that it must accommodate every such member in the future. There is no obligation to take away a job already held by someone else, nor is there an obligation to create a new job classification. Civilianization is a well accepted objective of policing in the future and it must be allowed to continue.

Le Service de police du grand Toronto se rend également compte que la politique pourrait susciter certains petits problèmes sur le plan de la formation. L'un des postes actuellement occupés par des agents incapacités est celui de commis-répartiteur du poste de police. Ce commis doit connaître de façon détaillée le fonctionnement du poste. Dans le passé, on a affecté des recrues à ces fonctions pour permettre de se familiariser avec les diverses facettes du travail de policier. Le Service de police reconnaît que la politique à cet égard pourrait l'empêcher dans une certaine mesure d'utiliser ce poste à des fins de formation.

Un agent qui complète la période de probation au sein de la Sûreté du Québec se voit garantir 25 années de rémunération complète, quel que soit son état de santé. Un agent qui est malade ou incapacité touche son plein salaire même s'il est frappé d'une invalidité permanente.

En 1969, le gouvernement du Québec et l'Association des policiers provinciaux du Québec ont négocié un nouveau système pour les congés de maladie accordés aux membres de la Sûreté du Québec.

En vertu du système en vigueur actuellement, les agents n'accumulent pas individuellement les congés de maladie. Les journées de congés de maladie auxquelles a droit chaque agent (1 1/4 journée par mois) sont placées dans une banque contrale de congés de maladie. En contre-partie, chaque agent a accès à la totalité des congés accumulés dans cette banque pour la durée de son incapacité. Au cas où un agent souffre d'une incapacité permanente et totale, il reçoit sa rémunération complète jusqu'à l'âge de la retraite78. Comme on peut prendre sa retraite à la Sûreté après 25 années de service, le plan de congés de maladie en vigueur garantit à chaque agent qui en devient membre 25 années de rémunération pleine et entière.

78 L'article 1 de l'annexe C de la convention collective dit:

Le système de congés de maladie en vigueur jusqu'au 31 mars 1969, est remplacé à compter du 1er avril 1969 par une banque collective de congés de maladie dans laquelle sont versés tous les congés de maladie accumulés par chaque membre de la Sûreté.

L'article 1.03 dit:

Le membre de la Sûreté incapable de travailler pour causes de maladie ou blessures subies au cours d'un accident, a droit à un congé de maladie sans perte de gains et autres avantages sociaux conformément aux stipulations du présent article.

Ce plan s'applique à toutes les incapacités, qu'elles se produisent ou non dans l'exercice des fonctions. Si la maladie ou la blessure a été causée pendant l'exercice des fonctions, la Sûreté paye la différence entre le salaire de l'agent et les avantages fournis par la Commission de la santé et de la sécurité du travail du Québec. Un agent dont l'incapacité n'est pas reliée à l'exercice de ses fonctions puise directement dans la banque collective de congés de maladie.

Pour avoir le droit de puiser dans cette banque, un agent doit convaincre la Sûreté qu'il est malade ou blessé. C'est le médecin de la Sûreté qui prend la décision initiale à cet égard. Si le diagnostic du médecin de la Sûreté diffère de celui du médecin personnel de l'agent, l'agent est alors examiné par un médecin indépendant dont l'opinion doit obligatoirement être acceptée79.

79 L'article 2.05 de l'annexe C de la convention collective dit:

Dans tous les cas, le Directeur général de la Sûreté ou son représentant peut faire examiner un membre par un médecin désigné par le Directeur général ou son représentant. Ce médecin décide si l'absence est motivée et il peut déterminer la date à laquelle le membre peu reprendre son travail. S'il y a divergence d'opinion entre le médecin désigné par le Directeur général ou son représentant et le médecin personnel du membre de la Sûreté, ces deux médecins désignent d'un accord commun un troisième médecin, dont la décision est finale.

La convention collective donne à la Sûreté le droit de demander aux agents qui sont frappés d'incapacité partielle d'accomplir d'autres tâches, selon les besoins de la Sûreté80. Loin d'être un privilège accordé par la Sûreté, l'allégement des fonctions devient en vertu de ce système une obligation pour un agent qui n'est pas frappé d'une incapacité totale. Un employé qui refuse d'accomplir des tâches qu'on l'a jugé capable de remplir risque le renvoi. Le renvoi serait alors motivé non pas par des raisons médicales, mais par le refus d'obéir à un ordre raisonnable. Un agent congédié pour cette raison ou pour toute autre raison a le droit de présenter un grief pour en appeler de la décision devant un arbitre81.

80 L'article 1.10 de la convention collective dit:

Cependant, il est entendu que, dans le cas d'invalidité, le Gouvernement, tout en assumant l'entière sécurité au sens de ladite banque à ce ou ces membres, se réserve le droit de l'employer dans une autre occupation.

81 L'article 31 de la convention collective traite du droit de présenter des griefs à l'égard des décisions de la direction et de la procédure à suivre en pareil cas.

De même, la Sûreté mute dans une autre ville ou une autre région un agent frappé d'une incapacité partielle lorsqu'il n'y a pas, dans la localité où cet agent travaillait avant l'accident ou la maladie, de tâches susceptibles de lui être confiées82.

82 Le droit de muter un employé est généralement reconnu dans la législation sur le travail comme un droit de la direction. moins que la convention collective ne limite expressément le pouvoir de l'employeur de muter un employé pour des raisons valables, l'employeur est réputé avoir le droit d'insister pour qu'un employé accepte une mutation raisonnable. Voir Brown & Beatty, Canadian Labour Arbitration (3e édition, 1988, Canada Law Book Limited), pages 5-25.
La convention collective entre la Sûreté et l'Association des policiers sous-entend que la Sûreté a le droit de muter des agents. Par exemple, l'article 22 traite du remboursement des frais de déménagement d'un agent qui a été muté.

En cas de désaccord entre la Sûreté et l'un de ses membres concernant la nature du travail qui peut lui être confié, la convention collective prévoit un mécanisme de règlement des conflits. Un médecin est chargé d'évaluer la capacité de travail d'un agent; il s'agit du médecin de la Sûreté ou d'un médecin indépendant en cas de désaccord entre le médecin de la Sûreté et le médecin personnel de l'agent83. Si, à la suite de cette évaluation, l'agent doit être muté ou affecté à de nouvelles fonctions, notamment à des tâches allégées, l'affaire est confiée à un comité mixte permanent formé de délégués de l'Association et de la Sûreté. Ce comité a le pouvoir de décider de l'endroit de l'affectation et de la nature du travail à accomplir84. si l'agent refuse l'affectation recommandée par le comité, il risque le renvoi pour désobéissance.

83 supra, note 79.

84 L'article 2 de l'Annexe C-1 de la convention collective stipule:

Le membre affecté d'une invalidité partielle permanente est soumis au mécanisme suivant, en ce qui trait à son retour au travail:

a) le processus d'évaluation médicale prévu à la banque de maladie, y compris, le cas échéant, l'intervention d'un tiers sert d'abord à déterminer l'aptitude du membre à reprendre ses fonctions habituelles ou d'autres tâches normalement effectuées par des membres de la Sûreté;

b) dans le cas où cette détermination implique pour le membre un changement de lieu où il travaillait lors de son accident ou maladie et soulève un désaccord entre le membre et la Sûreté quant à sa réaffectation, le litige est soumis à un souscomité permanent du comité paritaire et conjoint formé à cette fin;

c) ce sous-comité a pour but d'étudier et de décider du retour au travail de ce membre à tel endroit et selon telles modalités qu'il détermine ...

La Sûreté a réussi à trouver du travail acceptable pour tous les agents incapacités. Elle a désigné certains postes au sein de la Sûreté qui sont considérés comme convenant particulièrement à de tels employés. Ces postes comprennent notamment les fonctions suivantes: la tenue d'enquêtes préalables à l'octroi de certains permis, la remise des citations à comparaître, les tâches de surveillance électronique et le travail informatique. Les agents frappés d'incapacité ont la priorité pour l'obtention de ces postes. Au besoin, la Sûreté donne la formation requise à un agent pour lui permettre d'occuper un nouveau poste. Environ 6% de la force policière, soit 250 policiers sur un total de 4 300, ont été affectés à ce genre de travail en raison d'une incapacité partielle. La force policière n'a pas suffisamment d'années-personnes pour combler tous ces postes.

La Sûreté ne prévoit aucun problème à trouver un travail convenant aux agents frappés d'incapacité. Elle estime qu'il y a suffisamment de postes désignés disponibles pour les garder. La convention collective permet à la Sûreté de muter les agents incapacités à d'autres ministères du gouvernement du Québec85. L'agent ainsi muté continuerait à puiser des congés dans la banque centrale de congés de maladie et à recevoir le salaire d'un membre de la Sûreté. La disposition donne cependant à la Sûreté une certaine souplesse pour qu'elle puisse affecter les membres frappés d'incapacité à des postes appropriés.

85 Supra, note 82.

La Sûreté croit que sa façon de traiter les agents malades ou blessés comporte plusieurs avantages importants:

  1. Le fait d'être affecté à un poste apprécié et qui leur convient aide les employés incapacités à garder un certain respect de soi;
  2. La Sûreté est en concurrence avec d'autres forces policières du Québec pour trouver de nouvelles recrues. La garantie de 25 ans de salaire aide la Sûreté à attirer des candidats; et
  3. Sa politique aide à maintenir le moral.

La Gendarmerie royale du Canada (GRC) compte environ 16 000 agents postés un peu partout au Canada. En 1986-1987, 16 seulement (0,001% de tout le service) ont été congédiés pour des raisons médicales. L'une des raisons pour laquelle si peu de membres sont congédiés, c'est que la GRC a pour politique d'essayer d'affecter ses membres frappés d'incapacité à d'autres postes lorsque c'est possible.

La marche à suivre en cas de renvoi pour raisons médicales est régie par la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada86 (la Loi) et le Règlement de la Gendarmerie royale du Canada87 (le Règlement). Pour être valables, tous les renvois doivent être conformes à la Loi, au Règlement et au règlement du Commissaire88.

86 S.C. 1986, c.11.>

87 DORS/88-360 et DORS/88-361.
Avant la promulgation de ce règlement, la marche à suivre était régie par le chapitre II.19 du Manuel administratif de la GRC (Manuel d'admin.). Au moment de la rédaction du présent rapport, la GRC n'avait pas encore terminé les amendements au Manuel nécessaires pour le rendre conforme au nouveau règlement. Aux fins du présent rapport, on supposera que les marches à suivre qui n'ont pas été touchées par le nouveau règlement ne seront pas changées.
La marche à suivre en question s'applique à des membres autres qu'à des officiers. Les critères pour les officiers sont semblables à ceux qui s'appliquent aux membres réguliers. Pour les officiers toutefois, le Commissaire ne peut que recommander, la décision finale relativement au renvoi étant prise par le Gouverneur en conseil (DORS/88-361, art. 23).

88 DORS/88-361, paragraphe 13(2).

Le Règlement permet à la GRC de congédier un membre qui souffre d'incapacité physique ou mentale89. Le Règlement ne fait pas de distinction entre une incapacité liée au travail et une incapacité qui ne l'est pas. Il y a deux façons de mettre en branle le processus de renvoi pour raisons médicales.

89 Ibid, alinéa 19 a).

D'abord la politique de la GRC exige que chaque membre régulier subisse, pendant son mois d'anniversaire, un examen médical effectué par le médecin-chef de la division ou par un médecin désigné, à des intervalles prévus de la façon suivante:

tous les cinq ans: à 25, 30 et 35 ans;
tous les trois ans: à 38, 41 et 44 ans;
tous les deux ans: à 46 et 48 ans;
tous les ans: à partir de 50 ans.

Un rapport est préparé et le profil médical90 du membre est mis à jour. De la même façon, si un membre subit un examen médical pour quelque raison que ce soit, en plus de l'examen médical périodique, son profil médical est encore une fois mis à jour. Si son état de santé ne répond pas aux exigences du poste qu'il occupe ou des tâches qu'il effectue, l'agent de dotation et de personnel de la division est avisé. Un processus d'examen est alors entrepris.

90 Un profil médical est préparé pour chaque membre de la GRC. On évalue sa vision, sa perception des couleurs, sa capacité auditive, ses limites géographiques et professionnelles ainsi que ses aptitudes au volant.

Les membres doivent subir un examen médical périodique effectué par les médecins de la GRC qui fournissent au médecin-chef de la division un exemplaire des résultats de l'examen. À l'aide de ces résultats, le médecin-chef prépare le profil médical du membre.

Ensuite, si un membre subit une blessure grave ou une blessure qui pourrait avoir des conséquences permanentes pour sa santé, une Commission des accidents du travail est convoquée pour examiner les circonstances entourant l'accident. La Commission fait ensuite rapport au commandant de la division. Le commandant divisionnaire peut alors décider d'entreprendre des démarches pour le renvoi si les circonstances le justifient.

Si le commandant divisionnaire est incapable d'affecter le membre à un poste au sein de la division, il en avise la Direction générale, et la Direction du personnel tente de lui trouver un poste approprié ailleurs au sein de la GRC91.

91 Manuel d'admin. II.19.H.2.c.
La GRC tentera de trouver un poste acceptable pour le membre. Cependant, cela n'est pas toujours possible. Par exemple, il se peut que la Gendarmerie ne puisse garder un membre frappé d'incapacité partielle dans une municipalité qui exige et paie un très petit nombre de membres qui ont toutes leurs capacités. Si la GRC trouve une affectation qui convient au membre ailleurs au Canada, ce dernier devra décider d'accepter l'affectation en question ou la possibilité d'un congédiement pour raisons médicales.

Si l'on ne peut trouver aucun poste qui convienne au membre ou encore si le médecin-chef conclut que l'état de santé de ce dernier ne lui permet plus de servir dans la GRC, une Commission médicale doit alors être convoquée92. Une Commission médicale est constituée de trois médecins compétents, dont l'un peut être choisi par le membre. Le médecin-chef de la division agit comme président de la Commission et choisit un troisième médecin93. L'un des médecins de la Commission médicale examine le membre afin de fournir à la Commission des renseignements médicaux à jour sur lesquels elle peut fonder sa décision94.

92 DORS/88-361, paragraphes 20(4), 28(1).

93 Manuel d'admin. II.19.H.3.a.
Quoique ces procédures demeurent dans le Manuel d'admin. elles peuvent être incompatibles avec les dispositions des règlements DORS/88-361.

94 Manuel d'admin. II.19.H.3.b.

Avant la réunion de la Commission médicale, le membre intéressé doit être avisé de l'intention de la Gendarmerie de le renvoyer95. L'avis doit contenir un exposé détaillé des motifs de renvoi, un énoncé portant sur le fait que le membre intéressé a le droit d'examiner les documents présentés à l'appui du renvoi et la mention du droit du membre intéressé de présenter des observations écrites ou des documents dans les quatorze jours suivants la signification de l'avis96.

95 DORS/88-361, paragraphe 20(1).

96 Ibid., paragraphe 20(2).

La Commission médicale doit tenir compte des documents fournis par l'"officier compétent", de même que des observations écrites et des documents présentés par le membre intéressé97. Ce dernier ne témoigne pas devant la Commission médicale sauf si elle décide de tenir une audience lorsqu'elle constate qu'une grave question de crédibilité est en cause98.

97 Ibid., paragraphe 20(5).

98 Ibid., paragraphe 20(6).

Une fois que la Commission décide de tenir une audience, elle doit s'en tenir aux règles de la justice naturelle qui peuvent comprendre le droit de convoquer, d'interroger et de contre-interroger des témoins, de même que le droit de présenter des arguments oraux99. Le procès-verbal de l'audience doit être enregistré et un dossier doit être tenu de toutes les preuves présentées, de même que des conclusions et des recommandations de la Commission100.

99 Ibid., paragraphe 20(8).

100 Ibid., paragraphe 20(7).

La Commission doit déterminer le niveau d'incapacité du membre intéressé101. Ses conclusions et recommandations doivent être rendues par écrit et doivent être présentées au membre intéressé, de même qu'à l'"officier compétent", qui prendra la décision définitive102. La Commission médicale est autorisée à tirer des conclusions relatives aux incapacités du membre intéressé et à formuler des recommandations103. Elle n'est pas autorisée à décider si le membre intéressé doit demeurer au service de la Gendarmerie ou doit être renvoyé. C'est l'officier compétent qui décide de renvoyer ou de conserver le membre intéressé104. En prenant sa décision, il doit tenir compte des conclusions et des recommandations de la Commission médicale105. Les motifs de la décision doivent être consignés par écrit et signifiés au membre intéressé106. L'avis doit aussi contenir une déclaration portant sur le fait que la décision peut faire l'objet d'un grief en vertu de la partie III de la Loi107.

101 Ibid., paragraphe 28(1).

102 Ibid., paragraphe 20(5).

103 Ibid., paragraphe 20(5), 28(1).

104 Ibid., paragraphe 20(9).

Ni la Loi ne le Règlement ne définissent clairement l'expression "officier compétent" aux fins d'un renvoi pour raisons médicales. Le Règlement DORS/88-361 ne définit pas l'expression. Le paragraphe 2(1) de la Loi donne la définition suivante du terme "officier compétent":
membre ayant qualité d'officier et désigné conformément au paragraphe (3).
Le paragraphe (3) stipule simplement que "le Commissaire peut, par règle, désigner un officier compétent à l'égard d'un autre membre pour l'application de la présente Loi ou de telle de ses dispositions".
Dans la pratique, l'"officier compétent" est ordinairement le commandant de la division du membre intéressé.

105 Ibid.

106 Ibid. art. 22. Pour les règles relatives à la signification de la décision, voir ci-dessus, à la note 95.

107 Ibid., alinéas 22a), 36e).

La Loi et le Règlement prévoient une procédure de grief à deux niveaux108. Si le membre intéressé décide de présenter un grief au sujet de la décision de l'officier compétent, le grief doit être déposé dans les trente jours qui suivent la réception de l'avis de la décision109. Le grief est présenté au commandant divisionnaire du membre intéressé si celui-ci fait partie d'une division dirigée par un commandant divisionnaire ou au directeur si le membre intéressé fait partie d'une direction110.

108 Loi sur la GRC, paragraphes 31(3), 32(1); DORS/88-363, art. 2.

109 Loi sur la GRC, alinéa 31(2)a).

110 DORS/88-363, alinéas 3a) et b).

Le commandant divisionnaire ou le directeur constitue le premier niveau de la procédure de grief. Au premier niveau, toutes les observations sont faites par écrit111. Quant il reçoit le grief, le commandant divisionnaire ou le directeur doit réunir un Comité consultatif sur les griefs112 composé de deux officiers et d'un représentant divisionnaire des relations fonctionnelles113. Le membre ou le représentant du membre doit être avisé du nom des membres du Comité et peut contester la nomination de n'importe lequel d'entre eux114. Le membre ou son représentant désigné peut aussi obtenir le droit de consulter toute la documentation dont dispose la Gendarmerie et qui est pertinente aux griefs115.

111 Ibid., art. 7.

112 Ibid., paragraphe 10(1).

113 Ibid., art. 9.

114 Ibid., paragraphes 10(1) et (2).

115 Loi sur la GRC, paragraphe 31(4); DORS/88-363, art. 8 et 15.

Le Comité consultatif sur les griefs n'est pas autorisé à se prononcer sur le grief. Il rédige un rapport écrit sur ses conclusions et ses recommandations. Ce rapport est présenté au commandant divisionnaire ou au directeur116 qui, même s'il n'est pas tenu de donner suite aux conclusions et aux recommandations du Comité117, doit tenir compte du rapport de même que de toutes les autres questions reliées au grief118. La décision du commandant divisionnaire ou du directeur doit être rédigée par écrit et doit donner les motifs de la décision119. Si le commandant divisionnaire ou le directeur décide de ne pas donner suite aux conclusions et aux recommandations du Comité, il doit dire pourquoi120.

116 DORS/88-363, art. 11.

117 Ibid., paragraphe 35(2).

118 Ibid., art. 13 et 14.

119 Loi sur la GRC, paragraphe 31(6).

120 Ibid., art. 14.

Le membre intéressé doit recevoir une copie de la décision, de même qu'une copie du rapport du Comité consultatif sur les griefs121. Si le membre n'est pas satisfait de la décision, il peut présenter son grief au Commissaire, qui constitue le deuxième et dernier palier de la procédure de grief122. Avant d'étudier le grief, le Commissaire doit le renvoyer devant le Comité externe d'examen de la GRC à moins que le membre demande et que le Commissaire accepte de ne pas le faire123. Le Comité reçoit toutes les argumentations écrites faites au premier palier de la procédure de grief, toutes les décisions rendues et toute la documentation pertinente placée sous la responsabilité de la Gendarmerie124.

121 I Ibid.; DORS/88-363, alinéa 15 b).

122 La Loi sur la GRC, paragraphe 32(1); DORS/88-363 art. 2.

123 La Loi sur la GRC, paragraphes 33(1) et (2).

124 Ibid., paragraphe 33(3).

Le Président du Comité examine tous les griefs et, s'il est d'accord avec la décision, transmet un rapport écrit en ce sens au Commissaire et au membre qui a présenté le grief125. Si le Président n'est pas d'accord avec la décision ou si, après examen, il estime qu'une enquête plus approfondie est indiquée, il peut soit rédiger et transmettre au Commissaire et au membre intéressé un rapport exposant ses conclusions et recommandations, soit ordonner la tenue d'une audience pour enquêter sur le grief126.

125 Ibid., paragraphes 34(1) et (2).

126 Ibid., paragraphe 34(3).

S'il y a une audience, les parties sont informées par écrit du moment et du lieu où se tiendra l'audience127. L'audience doit se dérouler selon les principes de la justice naturelle128, et le membre intéressé et l'officier compétent ont le droit d'être représentés par un avocat, de présenter des preuves, de contre-interroger des témoins et de présenter des arguments129.

127 Ibid., paragraphe 35(2).

128 Ibid., paragraphes 35(4) et (5).

129 Ibid., paragraphe 35(5).

Le Comité n'est pas habilité à statuer sur le grief. Il prépare un rapport écrit dans lequel il expose ses conclusions et recommandations130. Il transmet son rapport au Commissaire, au membre dont il a entendu le grief et à l'officier compétent131. Le Commissaire n'est pas lié par les conclusions ou les recommandations contenues dans ce rapport132. S'il décide de s'en écarter, il doit toutefois motiver son choix dans sa décision finale133. La décision du Commissaire est définitive et exécutoire sous réserve de la possibilité que des faits nouveaux soient présentés ou qu'il soit déterminé que sa décision ait été fondée sur une erreur134. Le membre peut toutefois demander la révision en justice de la décision du commissaire en conformité avec l'article 28 de la Loi sur la cour fédérale135.

130 Ibid., paragraphe 35(13).

131 Ibid.

132 Ibid., paragraphe 32(2).

133 Ibid.

134 Ibid., paragraphes 32(1) et (3).

135 Ibid.; Loi sur la cour fédérale, S.R.C. 1985, c. F-7, art. 28.

La Gendarmerie a un régime d'assurance incapacité à long terme. Tout membre congédié pour des raisons médicales peut recevoir 75% de son salaire moyen pour une période pouvant aller jusqu'à deux ans. À la fin de cette première période, l'incapacité de l'ancien membre est réévaluée. Pour continuer à être admissible à des prestations d'invalidité à long terme, l'ancien membre doit être incapable d'exécuter toute tâche qu'il devrait normalement pouvoir accomplir compte tenu de ses études antérieures, de sa formation et de son expérience. Si la personne est jugée apte à remplir d'autres fonctions, elle n'est plus admissible aux prestations d'invalidité. En cas de désaccord entre le médecin de la compagnie d'assurance et celui de l'ancien membre, la compagnie d'assurance peut demander un examen médical indépendant. Dans la majorité des cas (69%), les membres qui deviennent admissibles à des prestations d'invalidité à long terme continuent à toucher ces prestations après la période initiale de deux ans.

Les membres dont l'incapacité est liée à leur travail au sein de la Gendarmerie peuvent également être admissibles à une pension non imposable du Régime des pensions du Canada.Les membres doivent satisfaire aux exigences de procédure pour avoir droit à cette pension.

En situation de combat, les membres des Forces armées canadiennes doivent travailler en équipe et pouvoir compter sur la capacité des autres membres de l'équipe d'accomplir la tâche qui leur est confiée. Par conséquent, les Forces armées canadiennes accordent beaucoup d'importance à la capacité de chacun d'accomplir les tâches qui lui sont confiées.

Chaque poste au sein des Forces armées comporte une cote médicale. Cinq évaluation différentes permettent d'établir des critères pour les catégories suivantes: vue, ouïe, facteurs professionnels, facteurs géographiques et facteurs liés à l'air ambiant. Pour être affecté à un poste dans les Forces armées et y demeurer, il faut répondre aux critères établis.

Les membres des Forces armées doivent se soumettre à des examens médicaux à intervalles réguliers. La fréquence varie selon l'âge et la catégorie professionnelle. Les membres de certaines catégories doivent subir un examen médical complet avant de passer à un échelon supérieur. Les Forces armées peuvent également ordonner à un de leurs membres de consulter un médecin. Par conséquent, il est peu probable qu'un problème médical passe inaperçu. Lorsqu'un membre, par suite d'une maladie, d'une blessure ou de quelque autre incapacité, ne répond plus aux normes minimales pour l'une ou l'autre des cinq catégories applicables, son aptitude à remplir ses fonction est réévaluée.

C'est au médecin en chef de la région où se trouve le membre qu'il appartient de faire une première détermination pour savoir si l'état de santé du membre correspond toujours aux normes établies pour le poste qu'il détient. Lorsqu'il décide que le membre ne peut plus accomplir les tâches qui lui sont normalement confiées, le dossier est soumis au Conseil médical de révision des carrières.

Avant que le Conseil ne se réunisse pour examiner le dossier, trois rapports distincts sont préparés au sujet du membre. Le personnel militaire rédige un rapport sur ses perspectives de carrière. L'officier de sélection du personnel dont il relève rencontre le membre, puis dresse un profil psychologique et de personnalité. Le membre peut également soumettre à l'officier de sélection du personnel un rapport faisant état de renseignements qu'il souhaite soumettre au Conseil. La Direction des services de traitement médical rédige un rapport médical.

Les trois rapports sont soumis au Conseil au moment où il examine le dossier. Un médecin de la Direction des services de traitement médical assiste à la réunion pour soumettre le cas au Conseil et répondre aux éventuelles questions. Le membre lui-même n'assiste pas à la réunion. Les rapports sont les seuls documents sur lesquels le Conseil se fonde pour en arriver à sa décision.

Le Conseil décide alors si le membre demeurera au service des Forces armées et, dans l'affirmative, en quelle capacité. Le conseil se compose d'officiers appartenant à différentes catégories des Forces armées. Ainsi, lors de l'examen du dossier, il y a toujours un membre du Conseil qui connaît le genre de travail qu'accomplissait le membre avant son évaluation médicale. Le Conseil décide s'il existe un autre poste pour lequel le membre a les aptitudes et le profil médical voulus. Si l'état de santé du membre répond aux cinq critères établis pour un autre poste, le membre est alors considéré pour ce poste.

Les Forces armées, cependant, ne créent jamais de poste pour un membre souffrant d'une incapacité. Le membre demeure au service des Forces uniquement si l'on a besoin de lui au moment de la décision. S'il n'existe aucun poste convenable, les Forces armées entament le processus de renvoi pour raisons médicales.

Les membres des Forces armées doivent être mobiles et accepter les mutations afin de répondre aux exigences. si un poste convenable est disponible dans une autre région du Canada, le membre doit accepter d'être muté.

Le membre qui n'est pas d'accord avec la décision du Conseil peut déposer un grief. Il peut présenter des preuves médicales indépendantes pour appuyer son grief. Le grief est d'abord soumis à l'officier commandant. Si ce dernier ne lui donne pas gain de cause, le membre peut soumettre son grief au prochain palier, c'est-à-dire, dans la plupart des cas, au commandant régional. Il en est de même à tous les paliers, et le dernier palier est celui du Gouverneur en conseil.

Lorsqu'un grief est déposé à la suite d'une décision médicale, le cas est réévalué par la Direction des services de traitement médical. Si le membre fait état de nouvelles preuves médicales dans son grief, la Direction en tient compte au moment de cette réévaluation. Les résultats de la nouvelle évaluation sont pris en considération dans la décision finale. Par conséquent, si la Direction conclut qu'il y a eu erreur dans l'évaluation d'incapacité du membre, au détriment de celui-ci, la décision initiale du Conseil pourrait être renversée.

Les Forces armées préfèrent garder leurs membres. Cependant, leur mandat est tel qu'il leur faut absolument accorder la priorité aux besoins. Un membre frappé d'incapacité n'est gardé que s'il peut être utile.

Un membre des Forces armées libéré pour des raisons médicales bénéficie de prestations analogues à celles accordées aux membres de la Gendarmerie royale du Canada.

Le renvoi de la Fonction publique fédérale pour des raisons médicales est régi par l'article 31 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique qui se lit comme suit:

1) L'administrateur général qui juge un fonctionnaire incompétent dans l'exercice des fonctions de son poste ou incapable de remplir ses fonctions peut recommander à la Commission soit le renvoi de ce fonctionnaire, soit sa rétrogradation à un poste situé dans une échelle de traitement comportant un plafond inférieur. Dans les deux cas, il en avise par écrit le fonctionnaire.

(2) Dans le délai imparti par la Commission après réception de l'avis mentionné au paragraphe (1), le fonctionnaire peut faire appel de la recommandation de l'administrateur général devant un comité chargé par la Commission de faire une enquête, au cours de laquelle les parties, ou leurs représentants, ont l'occasion de se faire entendre.

(3) Après notification de la décision du comité, la Commission, en fonction de cette dernière:

a) avertit l'administrateur général qu'il ne sera pas donné suite à sa recommandation; ou

b) rétrograde ou renvoie le fonctionnaire.

(4) En l'absence d'appel, la Commission peut prendre, à l'égard de la recommandation, toute mesure qu'elle estime opportune.

(5) La Commission peut renvoyer un fonctionnaire en application d'une recommandation fondée sur le présent article; le fonctionnaire perdrait alors sa qualité de fonctionnaire136.

136 SRC 1985 c. P-33, art. 31.

L'article 31 décrit la procédure que doit suivre la Commission de la Fonction publique avant de renvoyer un fonctionnaire. Comme le précise le paragraphe 31(1)137, c'est l'administrateur général du ministère concerné qui prend au départ la décision de recommander le renvoi du fonctionnaire. Ce paragraphe n'impose aucune limite au pouvoir discrétionnaire de l'administrateur général qui décide de congédier un fonctionnaire pour incapacité138. Cependant, la décision de l'administrateur général n'est qu'une recommandation à la Commission de la Fonction publique qui est l'instance en vertu de la Loi possédant le pouvoir de renvoyer un employé pour incapacité139.

137 Ibid.

138 Voir Procureur Géneral du Canada c. Loiselle, [1981] 2 FC 203 (C.A.).

139 Supra, note 136, paragraphe 31(5).

Le fonctionnaire doit être avisé par écrit de cette recommandation140 et peut faire appel de cette décision dans le délai imparti. Actuellement, ce délai est de 14 jours141.

140 Ibid., paragraphe 31(2).

141 Règlement sur l'emploi dans la Fonction publique, C.R.C. 1978, C. 1337, art. 41.

Si le fonctionnaire en appelle de la décision, la Commission doit constituer un comité d'appel qui fait une enquête pour déterminer la validité de la recommandation de l'administrateur général142. La Loi sur l'emploi dans la Fonction publique donne à la ois aux fonctionnaires et à l'administrateur général le droit de se faire entendre143. La Loi donne également aux parties le droit de se faire representer144. La Commission est liée par la décision du Comité145. L'employé insatisfait du résultat de l'enquête peut recourir à la cour fédérale d'appel146.

142 Supra, note 136 paragraphe 31(3). s.28.

143 Ibid. s.28.

144 Supra, note 136, paragraphe 31(3). s.28.

145 Ibid. s.28.

146 Loi sur la cour fédérale, L.R.C. 1985, F-7, art. 28. s.28.

Selon certains, l'alinéa 31(3)b) de la Loi147 donne au comité entendant l'appel du fonctionnaire le droit de substituer au renvoi la rétrogradation à un poste situé dans une échelle de traitement inférieure. Cette interprétation a été présentée devant la cour fédérale d'appel dans R. v. Larsen148. Larsen, ancien fonctionnaire, a contesté son renvoi pour des raisons d'incompétence. L'article 31 traite les renvois pour incapacité et pour incompétence de manière analogue, d'où l'argument selon lequel, dans l'affaire Larsen, cela S'applique également au renvoi pour raison d'incapacité. Dans l'affaire Larsen, la cour fédérale d'appel a jugé que le paragraphe 31(3) donne au comité le pouvoir de ne prendre qu'une seule décision: l'acceptation ou le rejet de l'appel149.

147 Supra, note 136.

148 [1981] 2 F.C. 199 (C.A.).

149 Ibid., p. 201.

Le fonctionnaire qui ne fait pas appel de la recommandation n'est pas automatiquement renvoyé. Le secrétariat exécutif de la Commission de la Fonction publique examine chaque dossier pour s'assurer que les délais et les formalités ont été respectées et que le dossier contient suffisamment de preuves médicales pour justifier le renvoi. S'il conclut au manque de preuves, il mène son enquête pour s'assurer du bien-fondé de la recommandation. Si la recommandation est rejetée, le fonctionnaire reste en poste. Ce n'est que lors de la procédure d'appel que le fonctionnaire a la possibilité de présenter des preuves contestant le dossier médical à l'origine du renvoi. Les fonctionnaires n'ont nullement l'obligation de se soumettre à un examen par un médecin désigné d'office ni divulguer des renseignements médicaux.

L'employé menacé de renvoi pour des raisons autres qu'une incapacité, par exemple, un absentéisme chronique, peut invoquer des raisons médicales. L'employé peut se soumettre à un examen médical pratiqué par des médecins du ministère de la Santé et du Bien-être social. Lorsque le ministère n'a pas de médecin spécialisé dans le domaine concerné, il peut faire examiner le fonctionnaire par un spécialiste privé. Le ministère de la Santé et du Bien-être publie un guide à l'intention des médecins servant à déterminer l'état de santé des fonctionnaires.

Si l'autorité compétente du ministère de la Santé et du Bienêtre conclut que le fonctionnaire peut accomplir d'autres tâches, la personne est jugée "apte dans certaines limites". Le jugement du ministère n'est qu'une recommandation, et c'est au ministère employeur de prendre la décision de garder, de redéployer ou de renvoyer le fonctionnaire.

Dans l'affaire Loiselle150, la cour d'appel fédérale a confirmé que ni le ministère ni la Commission n'avaient l'obligation de muter ou d'envisager la mutation d'un fonctionnaire frappé d'incapacité. Les ministères, dans la pratique, essaient de trouver d'autres postes aux fonctionnaires incapacités, et la Commission encourage cette pratique. Cependant, la Fonction publique ne crée pas de poste à cette fin. La Commission a également, dans le passé, demandé aux ministères employeurs d'attendre au moins six mois avant de recommander le renvoi, afin de trouver aux fonctionnaires un autre poste convenable.

150 Supra, note 138.

L'employé victime d'un accident du travail a droit à des indemnisations conformément à la Loi sur l'indemnisation des employés de l'État151. Ceux dont l'incapacité n'est pas en rapport avec leur travail touchent des prestations d'incapacité à long terme s'ils ont cotisé au régime d'assurance. Ce dernier est facultatif pour la plupart des catégories d'emploi. En cas d'incapacité, les participants touchent jusqu'à 70% de leur salaire. Un employé frappé d'incapacité peut être aussi admissible à une retraite anticipée en vertu de la Loi sur la pension dans la Fonction publique152.

151 L.R.C., 1985, c. G-5, art. 4 transfère la responsabilité de l'indemnité des employés à la Commission des accidents du travail de la province dans laquelle travaille normalement l'employé.

152 R.S.C. 1985, c. P-36.

Beaucoup d'employés d'Imperial Oil ont des professions qui risquent d'être dangereuses, et la compagnie est consciente de la nécessité d'avoir des employés en bonne santé. Tous les candidats doivent répondre à cet égard à des critères établis. Les employés sont tenus de se faire examiner régulièrement, en fonction de leur âge et de la nature de leur travail. La compagnie n'hésite pas à s'occuper de ceux qui risquent de présenter un danger pour eux-mêmes ou pour leurs collègues.

La majorité des employés d'Imperial Oil Limitée ne sont pas syndiqués et aucune convention collective ne régit leurs relations de travail avec l'employeur.

Imperial Oil a adopté une politique en vertu de laquelle les employés qui sont devenus incapacités ne sont pas congédiés. Toutes sortes de prestations sont à leur disposition, dont des prestations d'incapacité temporaire ou prolongée, une protection accrue et une pension d'incapacité.

Prestation d'incapacité temporaire

Si un employé n'est pas en mesure d'exécuter ses fonctions habituelles, il a d'abord droit à des prestations d'incapacité temporaire. La participation à ce programme est subventionnée par Imperial Oil, et chaque employé y devient admissible dès son entrée à la compagnie. Le montant touché aussi bien que la durée de la couverture dépendent du temps que l'employé a travaillé pour Imperial Oil.

Le tableau qui suit montre quelles sont les prestations disponibles dans ce programme :
Années de service Semaines au plein salaire Semaines aux 2/3 du salaire
moins de 1 3 14
1 5 14
2 7 14
3 10 20
4 13 28
5 15 37
6 17 35
7 19 33
8 21 31
9 24 28
10 ou plus 26 26

Le régime garantit ces prestations, que l'incapacité soit ou non en rapport avec le travail. Si c'est le cas, un employé est aussi admissible aux prestations pour accident du travail. La compagnie majore ses paiements pour que le montant total touché se conforme au barème des prestations temporaires d'incapacité. Si les prestations pour accident du travail dépassent la couverture de la compagnie, cette dernière ne contribue pas aux prestations de l'employé.

Prestations d'incapacité prolongée

Imperial Oil offre aussi des prestations d'incapacité prolongée. Ce programme, subventionné par la compagnie, garantit aux employés au moins 60% de leur salaire jusqu'à l'âge de 65 ans s'ils ne peuvent exécuter un travail pour lequel ils ont les compétences requises. Normalement, les employés épuisent d'abord leurs prestations d'incapacité temporaire avant de demander des prestations en vertu du régime d'incapacité de longue durée. A la fin de la période à laquelle ils ont droit à des prestations d'incapacité temporaire, les employés subisssent un examen médical afin que soit déterminée leur degré d'incapacité. Si le résultat confirme que l'employé est frappé d'incapacité totale (selon la définition susmentionnée), il a droit à la prestation d'incapacité prolongée.

La garantie de 60% du salaire de l'employé fait intervenir les prestations pour accident du travail ainsi que d'autres prestations éventuelles du gouvernement. Si des paiements provenant d'autres sources sont égaux ou supérieurs à 60% du salaire de l'employé, Imperial Oil n'ajoutera pas sa contribution.

Majoration de la protection

Après un an de service, un employé d'Imperial Oil peut augmenter sa protection d'incapacité en participant de son plein gré au régime d'assurance de la compagnie. Sa cotisation représente 0,15% de ses gains. De cette façon, il peut avoir droit à des prestations jusqu'à concurrence de 75% de son salaire. Toutes les autres modalités de ce régime sont semblables à celle du régime d'incapacité de longue durée susmentionné.

Pension d'incapacité

La compagnie offre un troisième régime de prestations d'incapacité pour certains de ses employés. S'ils épuisent leurs prestations d'incapacité temporaire sans avoir droit au régime d'incapacité de longue durée, ils peuvent bénéficier d'une pension d'incapacité s'ils ont accumulé 10 années de service avec la compagnie. Le montant des prestations de pension se calcule d'après la formule suivante, qui tient compte du salaire et des années de service:

1,6% x années de service x salaire mensuel moyen = pension mensuelle.

Exemple:

1,6% x 15 années de service x 2 500$ (salaire moyen) = 1 000$ de pension mensuelle

Parmi ces régimes qu'offre la compagnie, aucun ne fait de distinction entre les accidents en rapport avec le travail et ceux qui ne le sont pas, sauf que, pour les premiers, l'employé incapacité a aussi droit aux prestations pour accident du travail. La compagnie essaie aussi de trouver un autre emploi qui convient à l'employé avant de conclure à son incapacité et avant qu'il soit admissible à la prestation d'incapacité. En général, on essaie de trouver un autre emploi là où travaille normalement l'employé frappé d'incapacité. Par le passé, Imperial Oil n'a pas transféré d'employés d'un emplacement à l'autre pour leur trouver un emploi convenable. Cependant, d'après la compagnie, aucun employé n'a été forcé d'accepter des prestations d'incapacité s'il était en mesure d'effectuer un travail quelconque.

D'après la compagnie, les tribunaux n'ont jamais contesté sa politique en matière de renvoi pour raisons médicales. Un employé qu'elle estime frappé d'incapacité touche toujours des prestations d'incapacité temporaire et, le cas échéant, une pension d'incapacité. Par conséquent, si des employés s'estiment en mesure de travailler, il serait à leur avantage de profiter des prestations que leur offre la compagnie et de travailler ailleurs.

Am-Tech Electrical services est une entreprise d'électricité du secteur privé s'occupant principalement de vastes projets de construction dans la région d'Ottawa. Elle emploie de 100 à 160 électriciens selon la saison et les contrats. Tous ses employés sont membre de la Fraternité internationale des ouvriers en électricité.

En Ontario l'industrie de la construction négocie à l'échelle de la province153. Toutes les entreprises et toutes les sections syndicales sont liées par une convention collective négociée au niveau de la province.

153 Loi sur les relations de travail, S.R.O. 1980, c. 228, art. 137-151.

La politique d'Am-Tech concernant l'employé blessé ou frappé d'incapacité consiste à lui trouver un autre poste. Si AmTech ne peut pas lui offir d'autres fonctions appropriées, le syndicat lui cherche autre chose. Le syndicat fournit des électriciens à toutes les grandes entreprises de la région d'Ottawa de sorte qu'il lui est fréquemment possible de trouver du travail pour l'employé.

La compagnie et le syndicat ne peuvent réaffecter tous les membres blessés ou malades. Si l'accident s'est produit au travail, l'employé a droit aux prestations pour accident du travail. Ni le syndicat ni Am-Tech n'offre d'autres avantages à l'employé qui touche des prestations pour accident du travail.

Le syndicat a établi un régime d'assurance pour les membres qui n'ont pas droit aux prestations pour accident du travail. Chaque employeur paie au syndicat 3,02$ pour chaque heure où il emploie un électricien. Cette somme couvre l'ensemble des prestations négociées par le syndicat avec les entreprises d'électricité dans la province. Sur ces 3,02, 0,04$ servent à payer le régime d'assurance-invalidité de longue durée. Un électricien ayant droit à des prestations d'invalidité de longue durée touche 1 250$ par mois, soit environ le tiers du salaire moyen des électriciens qui travaillent dans la région d'Ottawa. Étant donné que les prestations sont très peu élevées, la plupart des électriciens cotisent à un régime privé d'assurance-invalidité.

Le syndicat n'a jamais présenté de griefs suite à un renvoi pour raisons médicales. Étant donné que les entrepreneurs essaient de garder leurs électriciens expérimentés et que le syndicat et les entreprises coopèrent pour trouver un bon emploi aux membres frappés d'invalidité partielle, un employé ne reçoit de prestations d'invalidité que dans des cas extrêmes, lorsqu'il est évident qu'il est incapable de faire quelque travail que ce soit dans le domaine.

Une blessure ou une maladie qui empêche un employé de remplir ses fonctions pendant une période, quelle qu'en soit la durée, peut avoir un effet sur la carrière de l'employé et même, dans certains cas, avoir des répercussions permanentes sur la vie professionnelle ou sur les possibilités d'emploi. L'employeur, pour sa part, peut perdre les compétences, les connaissances et l'expérience d'un employé. Si l'incapacité est de longue durée ou de nature grave, la perte peut s'avérer totale et définitive.

Dans chaque cas, les conséquences, tant pour l'employeur que pour l'employé, sont telles qu'il faut, quand on étudie la situation d'un employé incapacité, non seulement chercher un juste équilibre entre les intérêts des deux parties, mais aussi réduire les pertes de ces dernières au minimum.

Le présent document, portant sur la façon dont divers employeurs ont relevé ce défi, présente les politiques et les pratiques en matière de renvoi pour raisons médicales mises en application par huit organismes différents des secteurs public et privé.

Les organismes interrogés constituent un échantillon représentatif: petit organisme ou grande organisation, employés syndiqués ou non, organisation offrant un régime d'assurance-invalidité subventionné par l'organisme ou par l'État. on a aussi voulu inclure des services policiers municipaux, provinciaux et fédéraux.

Les huit organismes étudiés dans le présent document ne représentent sans doute pas toute la gamme des méthodes utilisées pour s'occuper de l'employé incapacité; ils présentent néanmoins une mine de renseignements et un large éventail de possibilités concernant les renvois pour raisons médicales, chacune comportant ses points forts et ses faiblesses.

Quand l'incapacité pour maladie est de nature temporaire, certains employés peuvent se prévaloir de congés de maladie qui sont parfois suffisants. Certains employeurs permettent à l'employé incapacité de remplir d'autres fonctions ou de faire du service allégé.

On reconnaît que ces mesures sont des éléments importants de la responsabilité qu'assume l'employeur à titre d'entreprise et de membre de la collectivité. Cependant, le but du présent document est d'étudier principalement la solution extrême parfois adoptée, celle du renvoi pour raisons médicales.

Chaque employeur applique le renvoi pour raisons médicales de manière à répondre aux besoins qui lui sont propres. Aucune politique à cet égard ne semble pouvoir tenir compte de toutes les situations. Toutefois, employeurs, employés, commissions médicales et tribunaux administratifs mettent l'accent sur certains principes régissant la prise de décisions dans ce domaine, soit:

  1. l'incidence du renvoi pour raisons médicales sur l'employeur, y compris les frais directs liés aux ressources et au traitement, le moral des employés, la possibilité d'attirer des candidats intéressants dans un marché du travail compétitif, la souplesse dont on dispose pour la répartition des ressources;
  2. l'incidence du renvoi pour raisons médicales sur l'employé, y compris la perte de salaire et d'estime de soi, l'existence et la durée des prestations d'invalidité et les pensions;
  3. l'uniformité dans la façon dont sont traités les employés dans la même situation; et
  4. la mise en application des règles de justice naturelle, tant sur le plan de la procédure que du fond, afin de déterminer si l'employé incapacité doit être renvoyé ou non. Ces règles prévoient notamment l'obligation d'entendre tant l'employeur que l'employé. Elles peuvent comporter pour les deux parties le droit d'être prévenues de la tenue d'une audience, le droit d'être représentées, de présenter des preuves et de contre-interroger les témoins. Les parties peuvent avoir le droit d'être informées de tout élément qui peut leur être préjudiciable et de présenter une justification, et de demander l'ajournement de l'audience quand cette mesure est essentielle à l'intérêt de l'une ou l'autre des deux parties. D'après les règles de justice naturelle, le décideur doit non seulement être impartial, mais aussi donner l'impression de l'être, et ne pas avoir de conflit d'intérêts.

La capacité de l'employeur d'atteindre un juste équilibre entre les intérêts des deux parties permet de se rendre compte de la place donnée à ces considérations dans le processus décisionnel. Les avantages sociaux offerts aux employés doivent tenir compte de ces considérations, un défi de taille, surtout quand une protection accrue en cas d'incapacité s'avère coûteuse pour l'employeur et pour l'employé. Les employeurs et les employés doivent examiner soigneusement ces questions puisqu'elles ont des conséquences durables pour l'employé renvoyé.

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2022-11-08