Document de recherche 4
Le traitement ultérieur des plaintes
L'impact de la procédure des plaintes sur le système de discipline dans la police
[PDF 154kb]
par
Clifford D. Shearing
avec le concours de
Lorraine Boucher et Julia Powditch
©Ministre des Approvisionnements et Services Canada 1990
No de cat. JS74-4/1-1990
ISBN 0-662-57724-8
Comité externe d'examen de la Gendarmerie royale du Canada
Président
L'honorable René J. Marin, OMM, c.r., LLD
Vice-présidente
F. Jennifer Lynch
Membres
Joanne McLeod, C.M., c.r.
William Millar
Mary Saunders, c.r.
Directeur exécutif
Simon Coakeley
Le Comité publie une série de documents de recherche sur des questions relatives à la collectivité policière et au mandat du Comité conformément à la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada (1986).
Les opinions exprimées dans le document sont celles de l'auteur et ne reflètent pas nécessairement une position adoptée par le Comité externe d'examen.
Comme par le passé, le Comité prévoit publier un compte rendu de la consultation qui reprend les observations formulées par les lecteurs. Les commentaires figurant dans le compte rendu seront anonymes à moins d'avis contraire explicite de la part de leurs auteurs.
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Simon Coakeley
Directeur exécutif
Comité externe d'examen de la GRC
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K1P 5R2
Télécopieur: (613) 990-8969
Série de documents de travail
Numéro 4: Le traitement ultérieur des plaintes
Auteur:
Clifford D. Shearing
Professeur
Centre de criminologie
Université de Toronto
Avec le concours de:
Lorraine Boucher et Julia Powditch
Adjointes à la recherche
Centre de criminologie
Université de Toronto
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Le traitement ultérieur des plaintes
Table des matières
- 7.1 Introduction
- 7.2 La notion d'ombudsman
- 7.3 L'impact de cette surveillance étroite
- 7.4 L'ombudsman, la structure de l'autorité et l'approche corrective
- 7.5 L'adoption du concept d'ombudsman
- 7.6 La Loi sur la GRC
- 7.7 Observations et recommandations sur la discipline
- 7.8 Élaboration des politiques du CEE
- 7.9 Analogie avec les marchés financiers
- 7.10 Coexistence du volet symbolique et du volet comportemental
- 7.11 Résumé
Chapitre 1
En général, pour séparer le bon grain de l'ivraie, les services de police traditionnels adoptent une approche punitive, et ce afin de résoudre les problèmes de rendement de leurs agents. Cette stratégie fait l'objet de plus en plus de critiques qui ont donné naissance à un solide mouvement de réforme de la direction au sein de la collectivité policière soucieuse de promouvoir un style de gestion moins punitif et plus correctif (Grosman, 1975; Butler, 1984). Ce mouvement favorise un style de gestion axé sur les sources structurelles d'une conduite inadéquate et considère que la direction doit chercher à corriger plutôt qu'à punir (Canada, 1976; Fyfe, 1985)2.
Cette thèse d'orientation corrective et structurelle était également au coeur de la doctrine réformatrice des procédures de règlement des plaintes dans la police qui a donné lieu à la mise en place dans le monde de services chargés de surveiller et de garantir ces procédures (Gellhorn, 1966a; Canada, 1976; Goldsmith, 1991). Ce courant de nature corrective a toutefois été contenu par plusieurs particularités inhérentes à la formulation de plaintes, par exemple les raisons qui la motivent et les normes d'évaluation de la réaction policière.
À la suite de ces contraintes, les procédures de règlement des plaintes ont en général renforcé l'approche punitive parce qu'elles favorisent et légitiment le châtiment du policier accusé d'un écart de conduite. Comme les procédures de règlement des plaintes et la réaction de la police à une plainte font l'objet d'une couverture accrue par les médias, les administrateurs de police se montrent de plus en plus sensibles à ces pressions. Ils sont pressés de toutes parts, notamment par les médias, à prouver qu'ils veulent prendre les plaintes au sérieux en punissant les agents trouvés responsables d'un écart de conduite. On s'attend à ce que la sévérité de la peine soit proportionnée à la gravité de l'infraction. En résumé, le châtiment est devenu le critère pour évaluer l'adéquation et l'efficacité du système de règlement des plaintes, en particulier lorsque les cas en instance se révèlent délicats sur le plan politique (Goldsmith, 1991).
Cette tendance des procédures de règlement des plaintes à être aux antipodes d'une approche corrective constitue un défi de taille pour les administrateurs de police et les réformateurs de la fonction policière (y compris les services de surveillance de la police qui préconisent un système de redressement) étant donné que les motifs favorables au châtiment sont profondément enracinés et qu'il est difficile de les ébranler. Le principe d'expiation qui relie l'action fautive au châtiment s'inscrit au centre de notre réflexion non seulement en ce qui concerne les plaintes mais aussi, comme en témoigne abondamment notre système de justice pénale, sous le rapport de la faute en général.
Afin de relever ce défi, nous proposons que la police, aussi bien que les services de surveillance et de réévaluation de la police ayant pour fonction de conseiller cette dernière, examinent pour s'en inspirer les solutions élaborées ailleurs. Nous signalerons en particulier le système adopté en ce qui a trait aux marchés financiers pour répondre à la double préoccupation de la "justice" et du "redressement" (Stenning et autres, 1990).
Le présent document a été produit à la demande du Comité externe d'examen (CEE) de la Gendarmerie royale du Canada dans le cadre de sa série de documents de recherche portant sur des questions qui relèvent de son mandat. Ces documents ont pour but de fournir au Comité le contexte et les connaissances dont il a besoin pour s'acquitter adéquatement de sa responsabilité de conseiller le commissaire de la Gendarmerie Royale du Canada en ce qui a trait aux griefs et aux appels de discipline dont il est saisi. Le présent document porte sur le rapport entre les plaintes du public et l'administration des forces policières et, en particulier, sur les répercussions que les plaintes du public et les procédures de règlement de ces plaintes ont sur cette administration et sur la place qu'y occupe le système de discipline.
Bien que la responsabilité d'examiner la procédure de règlement des plaintes du public revienne à la Commission des plaintes du public (CPP) de la Gendarmerie royale du Canada, les plaintes du public relèvent du CEE parce que, d'après son mandat, il doit conseiller le commissaire de la GRC en ce qui concerne les griefs et les appels introduits à l'égard de mesures disciplinaires qui peuvent découler de dispositions prises en vertu de plaintes.
Ce document, en conservant le style et les intentions des documents de recherche du Comité externe d'examen de la GRC pour renseigner le Comité et de façon plus générale pour inciter la discussion au sein de la communauté policière, cherche à identifier et étudier, plutôt que résoudre, les questions concernant le traitement ultérieur des plaintes.
Aux termes de la Loi sur la GRC, le CEE doit conseiller le commissaire de la GRC sur la manière dont il devrait donner suite:
- aux appels interjetés par des membres de la Gendarmerie à l'égard de mesures disciplinaires, et 3
- aux griefs présentés par des membres de la Gendarmerie3.
La Loi sur la GRC répartit entre le CEE et la CPP la responsabilité d'examiner la réponse de la GRC aux plaintes du public. Chacun de ces organismes d'examen est chargé de surveiller différents éléments de la procédure que la Loi prévoit pour traiter les plaintes du public contre la GRC. Ainsi, alors que la CPP doit conseiller le commissaire en ce qui concerne la réception, l'étude, l'arbitrage et le règlement, par la GRC, des plaintes du public, le CEE est tenu de le conseiller à son tour au sujet des aptes interjetés en rapport avec les dispositions relatives à des questions d'ordre disciplinaire. En outre, le CEE doit également conseiller le commissaire à l'égard des griefs quirelèvent de sa compétence et qui découlent de mesures prises par la GRC pour donner suite aux plaintes du public.
En temps ordinaire, la CPP s'occupe d'examiner des plaintes lorsqu'un plaignant n'est pas satisfait des mesures prises par la GRC. Dans ces cas, la CPP dispose de plusieurs options; elle peut notamment demander que la GRC poursuive son enquête, instituer elle-même une enquête ou tenir une audience. En qualité d'organisme d'examen, la CPP peut faire des recommandations, mais elle ne peut contraindre la Gendarmerie à retenir ses conseils4.
Le CEE se trouve dans une situation analogue en ce qui a trait aux appels et aux griefs qui découlent de plaintes. Lui aussi doit examiner les mesures prises par la Gendarmerie et faire des recommandations pertinentes au commissaire.
Le chapitre 2 commence par l'examen de l'administration des forces policières. Cela suppose qu'on examinera les divers systèmes disciplinaires de la police et leurs répercussions sur l'administration policière. Cette discussion donne un aperçu du lien entre le châtiment et le concept de discipline, de même qu'elle fait voir en quoi le recours à des sanctions disciplinaires imprime à la gestion un principe d'expiation qui la pousse à imputer la faute à l'individu.
Au chapitre 3, on examine de quelle manière divers éléments de plaintes du public contre la police concourent à favoriser une conception de la justice selon laquelle le châtiment est un moyen de rétablir les choses et vaut avant tout par son aspect correctif.
Dans le chapitre 4, on énonce le modèle classique de traitement des plaintes du public et on montre comment, en soumettant les plaintes au système disciplinaire, ce mode sert à renforcer en gestion policière l'approche punitive visant l'individu.
Au chapitre 5, on reprend des critiques du modèle traditionnel élaboré au cours du débat portant sur les procédures de règlement des plaintes du public. On y indique de quelle manière, malgré le désir exprimé de promouvoir, dans les procédures de règlement des plaintes, un redressement structurai et non individuel, le souci de justice dans le traitement des plaintes a souvent conduit à l'adoption de procédures de règlement des plaintes qui accentuent le châtiment et les sanctions aux dépens d'un redressement structural.
Au chapitre 6, on étudie les propositions de rechange qui ont été élaborées en réponse aux critiques concernant l'approche traditionnelle face aux plaintes du public. La discussion porte d'abord sur la place de la justice et le concept de redressement en égard aux deux principales propositions présentées en vue d'incorporer un élément indépendant dans les procédures de règlement des plaintes.
Au chapitre 7, on examine plus à fond la stratégie de réforme retenue par le gouvernement canadien en réponse aux critiques concernant la façon dont la GRC traite les plaintes du public. On indique comment la Loi sur la GRC énonce le modèle de l'examen externe adopté par le gouvernement et on approfondit le lien que la Loi établit entre le CEE et la CPP. Enfin, on étudie de quelle manière les intervenants financiers ont tenté de concilier justice et redressement, et on laisse entendre que cette approche peut constituer une source d'inspiration pour les administrateurs de police et les organismes d'examen.
Chapitre 2
Pour comprendre l'impact des procédures de règlement des plaintes et des plaintes du public sur les styles de gestion de la police, il faut s'arrêter à l'administration policière et à ce qu'a été son fonctionnement par le passé. Dans le présent chapitre, nous examinons comment cette administration a eu tendance à mettre en application des systèmes de discipline qui étaient axés davantage sur le châtiment que sur des stratégies non punitives et sur une approche individuelle plutôt que structurelle. Nous signalons également la critique de cette tendance traditionnelle et le mouvement réformateur des styles de gestion de la police que cela a suscité (Bradley et autres, 1986).
Cette discussion permet d'établir le contexte administratif dans lequel s'inscrivent les plaintes et les procédures de règlement et dont il faut tenir compte si nous voulons en comprendre l'impact et si nous voulons élaborer une politique concernant les plaintes et leur rapport avec l'administration policière.
Depuis qu'elle existe, l'administration policière considère que le système de discipline constitue la pièce maîtresse de sa stratégie en matière de gestion. En fait, le coeur de toute administration policière est son système conventionnel d'attribuer le blâme et de punir ceux qui méritent d'être réprimandés. (Bradley et autres, 1986).
Dans ces conditions, en quoi consiste le système de discipline dans la police? Si on leur posait cette question, la plupart des policiers répondraient probablement que la sanction disciplinaire signifie un châtiment pour une faute. Cette réponse est conforme à l'usage établi, c'est-à-dire que la mesure disciplinaire est "une sanction infligée en application du règlement" (Grand dictionnaire encyclopédique Larousse, 1982). Celle-ci peut être imposée pour corriger ou modifier un comportement.
Ce que les agents de la paix reconnaissent en identifiant le système de discipline de la police au châtiment est que l'administration policière compte sérieusement sur le châtiment comme outil de gestion et se perçoit comme un moyen de réprouver l'action fautive. L'insistance sur la faute comme élément principal dans l'administration policière place la "justice" au centre et en fait le concept clé de l'administration (Shearing et Stenning, 1985). Pour les administrateurs de police et les agents qu'ils dirigent, l'administration policière est ainsi principalement une question de "faire justice". Par conséquent, l'administrateur de police gère son service à peu près de la même manière qu'il "veille sur" la collectivité qu'il dessert. Autrement dit, l'administration policière est depuis toujours une forme de service chargé de faire régner l'ordre dans diverses structures (voir Wilson, 1968, concernant les styles de gestion policière; Canada, 1976).
Cela a eu notamment pour conséquence qu'on en est venu à miser fortement sur des règles qui définissent la faute comme la raison d'être de l'administration policière de la même manière que les règles sont essentielles pour assurer des services de police dans la collectivité. Ainsi, la plupart des corps policiers sont régis par des textes fondamentaux constitués de règles et de procédures. (Thibeault et al., 1990:139). Ces règles constituent les normes qui permettent de déterminer s'il y a eu faute. Comme une faute entraîne nécessairement un châtiment, ces règles deviennent les normes utilisées pour établir si le châtiment est mérité ou non. Cette importance accordée aux règles a tendance à créer un formalisme qui en est venu à caractériser les services de police (Bradley et autres, 1986)5.
À cause de la place prépondérante qu'occupent les règles et de la notion de conduite fautive dans l'administration policière conventionnelle, celle-ci a, en matière de gestion, une approche descendante axée sur la faute individuelle, c'est-à-dire que les agents de police supérieurs examinent la nature des actes des simples policiers, jugent si une faute a été commise, et, dans l'affirmative, déterminent quelle peine devrait être imposée. Cette surveillance descendante axée sur une conception formaliste de la justice s'exerce au moyen de systèmes de discipline dont la procédure est analogue aux étapes à suivre dans le système de justice pénale6.
En vertu du principe d'expiation, le châtiment constitue la solution la plus courante à une action fautive de la police de même qu'il est aussi la stratégie principale de la justice pénale (voir Canada, 1976: partie V, chapitre 1).
Ce parallèle avec la justice pénale est clairement visible dans les procédures disciplinaires mises en application par les systèmes conventionnels d'administration policières. Face à une faute d'un policier, la plupart des services de police ont recours principalement à un système de discipline comportant des méthodes pour identifier les policiers qui doivent faire l'objet d'une sanction et pour leur imposer ensuite le châtiment approprié. Ces méthodes comportent quatre étapes essentielles:
- Identifier la conduite inadéquate.
- Faire enquête sur la nature de l'action fautive et sur ses motifs.
- Déterminer s'il y a lieu d'imposer une mesure disciplinaire.
- Punir le ou les agents concernés.
Comme dans le cas des systèmes de justice pénale, les services de police ont des moyens de protéger contre un traitement arbitraire et Injuste les agents qui font l'objet d'une enquête ou qui ont été accusés d'un manquement à la discipline. Notamment, en vertu de ces garanties, les agents sont autorisés à répondre aux accusations portées contre eux et les critères appropriés de la preuve sont appliqués.
Une bonne partie du dialogue sur les systèmes de discipline, tant à l'intérieur des services de police qu'à l'extérieur, en particulier entre l'administration policière et les associations de policiers, a porté sur ce que devraient contenir ces garanties. Par exemple, devrait-on autoriser les agents de police à être représentés par un avocat quand ils ont à répondre d'accusations d'inconduite ou les forcer à répondre aux questions concernant les accusations portées contre eux7?
De quelle manière et dans quelles circonstances le châtiment favorise une conduite adéquate est une question complexe que nous n'aurons pas à examiner en détail ici. Qu'il suffise de dire que le châtiment a un effet dissuasif et correctif et qu'il exprime une volonté de dédommagement moral.
Sur le plan de la dissuasion, la perte de la liberté et la douleur normalement associées au châtiment peuvent inciter une personne à agir conformément aux règles dans l'avenir par des moyens particuliers et généraux de prévention et à se faire plus respectueux de l'autorité. Le châtiment a également une valeur symbolique parce qu'il représente la désapprobation de l'acte par la société8.
À part ces éléments dissuasifs axés sur l'obéissance, le châtiment sert aussi à effectuer un dédommagement moral. Non seulement l'action fautive entraîne le châtiment comme mode de redressement, mais le châtiment remet également les choses en place en corrigeant les torts. On a coutume d'expliquer ce phénomène en avançant que, comme le mal produit un déséquilibre moral, l'équilibre doit être rétabli. En mettant dans la balance le "tort" causé à la victime qui a donné lieu au mal et le "tort" causé à l'auteur de l'infraction, on peut restituer l'ordre moral. Il s'agit là de la justice vengeresse inspirée par la loi du talion "oeil pour oeil, dent pour dent" qu'on retrouve dans l'Ancien Testament9.
L'un des thèmes principaux entourant le débat des réformateurs de la police sur le châtiment est la valeur que devrait avoir l'expiation dans les faits. En particulier, les administrateurs de police fidèles à une certaine tradition ont été critiqués pour avoir accordé une valeur exagérée au caractère réprobateur du châtiment (Canada, 1976). Selon la thèse avancée, l'orientation rétrospective de l'expiation qui vise à corriger les fautes passées ne devrait pas prendre le pas sur l'orientation prospective qui cherche à s'assurer que la faute commise ne sera pas répétée (Butler, 1984). On affirme trop souvent que les administrateurs de police font comme si un problème est résolu lorsqu'ils ont jeté le blâme sur quelqu'un et que la personne responsable a été identifiée et punie alors qu'ils escamotent les aspects systémiques qui ont causé l'écart de conduite. En fait, comme on l'a d'ailleurs soutenu, le recours au châtiment pour corriger des erreurs passées peut entraver un redressement à long terme (Canada, 1976; Lustgarten, 1986; Goldsmith, 1991).
Par exemple, on affirme qu'une action d'un policier, même fautive et préjudiciable à un citoyen, peut être commise non pas avec préméditation, mais simplement à la suite d'une erreur de jugement causée par une piètre surveillance, une formation inadéquate, le stress ou par quelque autre motif. En fait, l'agent fautif peut avoir été encouragé tacitement à commettre cette action à la suite de pressions exercées par le système et auxquelles il est difficile, sinon impossible de résister (Canada, 1976:116-117; Shearing, 1981). En pareils cas, bien qu'il puisse contribuer à "redresser un tort" le châtiment peut ne pas être profitable comme mesure de redressement et peut très biencauser de la part de l'agent "l'auteur de l'infraction" et de son ou ses collègues un sentiment d'injustice susceptible d'exacerber le problème au lieu de le résoudre.
Les tenants de la réforme de l'administration conventionnelle dans la police soutiennent que, même si le châtiment peut constituer un recours pour assurer le respect des normes de conduite établies, il n'est pas le seul moyen ni toujours le plus efficace. À leur avis, il existe en réalité une foule d'autres stratégies de gestion auxquelles la police peut faire appel pour façonner la conduite des agents de police. Outre la formation et la promotion, deux stratégies non punitives qu'utilisent les services de police, il existe une kyrielle d'autres stratégies qui visent à réduire les occasions propices à une conduite inadéquate (Shearing et Stenning, 1985; Friedland, 1990) que les administrateurs de police ont été encouragés à examiner avant la création d'un style de gestion de nature moins punitive (Canada, 1976). Ces stratégies pour faire respecter les règlements sont, il convient de le signaler, largement utilisées par d'autres organismes où elles servent à éloigner l'attention des actions fautives et de leurs auteurs et à la diriger plutôt vers les questions d'ordre structurel.
Devant ces critiques, nombre d'administrateurs de police ont résolu de s'écarter de l'approche classique en matière disciplinaire. Toutefois, les efforts de la plupart se sont déployés dans le contexte du système traditionnel de discipline. Cela signifiait qu'ils laissaient en place toutes les étapes de la procédure disciplinaire susmentionnée et leur ont adjoint une cinquième étape, nommément l'examen d'autres mesures de redressement.
Par exemple, face à une action fautive, un administrateur peut conclure que le problème tient à l'établissement des quarts de travail ou au nombre excessif d'heures supplémentaires, ce qui fait que les policiers en devoir sont exténués. Pour faire face à cette situation, il serait peut-être opportun de modifier les méthodes de répartition des ressources et non de se limiter au châtiment. De même, si une règle a été violée dans un certain nombre de cas, on peut chercher à réviser la politique de manière à éviter que l'infraction ne se répète.
Même si de telles modifications sont apportées à un système de discipline, leur place à l'intérieur d'un système ayant essentiellement pour objet de jeter le blâme et d'imposer une peine milite contre une réforme fondamentale (voir Loi sur la GRC, 1986).
À l'heure actuelle, le fait est que l'administration policière est limitée dans l'ensemble par ses méthodes et pratiques établies à une approche disciplinaire (Brown, 1987). Cela reste vrai en dépit d'importants pourparlers dans la collectivité policière en vue d'élargir les stratégies de gestion (Canada, 1976; Butler, 1984; Fyfe, 1985). Comme nous l'avons constaté, cet attachement au système de discipline est profondément enraciné et il faudrait tout un bouleversement, non seulement au niveau de la police, mais plus encore dans les structures mêmes des services policiers pour que l'administration policière s'éloigne de son orientation actuelle (Apostle et Stenning, 1989:137-8).
Depuis toujours, l'administration policière se sent tenue de répondre à l'action fautive par la réprobation et l'imposition d'un châtiment. Tout en étant conçu à cette fin, le système de discipline peut aussi servir d'une manière plus générale à corriger les lacunes structurelles, mais il limite la possibilité pour les administrateurs de police de faire un pas important dans le sens d'un système de gestion qui soit vraiment de nature corrective et structurelle. Cela suppose qu'un changement dans les méthodes de gestion de la police ne saurait se produire avant qu'on ait révisé en profondeur les structures organisationnelles en place. Cette possibilité est plutôt gênée qu'encouragée par la tendance actuelle de la procédure de règlement des plaintes du public.
Les idées et les pratiques courantes en matière disciplinaire dans la police s'opposent diamétralement aux thèses réformatrices qui visent à élargir l'optique de l'administration policière. Cela a suscité une importante tension dans ce domaine parce que les procédures traditionnelles entravent et restreignent l'aptitude des administrateurs de police à répondre de façon positive aux diverses orientations de la gestion qui préconisent un examen plus minutieux des stratégies non punitives.
Le présent chapitre a porté sur les facteurs internes que l'administration policière accorde à adopter une approche disciplinaire. En outre, à ces pressions exercées de l'intérieur en faveur d'une orientation disciplinaire s'en ajoutent d'autres qui viennent de l'extérieur et vont aussi dans le même sens. Parmi ces influences externes, celle qu'exerce la procédure de règlement des plaintes revêt une importance particulière.
Chapitre 3
Nous avons terminé le chapitre précédent par l'affirmation que les procédures de règlement des plaintes du public entravent, en général, l'adoption d'une approche corrective et structurelle en matière d'administration policière, au lieu de l'encourager. Cette affirmation, peut-être un peu facile, sera perçue par certains comme problématique parce qu'une bonne partie du débat portant sur ces procédures favorisait de manière explicite la démarche corrective (Goldsmith, 1991). Dans le présent chapitre, nous appuyons cette affirmation en montrant de quelle manière toute plainte, par nature, est plutôt favorable à une démarche axée sur la répression de la faute et en quoi cela demeure vrai en dépit de l'orientation corrective qui a dominé la réforme des procédures de règlement des plaintes du public.
Les plaintes du public contre la police résultent du mécontentement causé par le rendement des policiers. L'insatisfaction à l'égard du rendement d'autrui est une réaction normale et naturelle et fait partie intégrante de la vie en société; la "déception", comme le fait remarquer Hirschman (1982:11), constitue "un élément essentiel de l'expérience humaine"10. Il en est ainsi principalement des métiers où l'on a affaire avec le public (Schuck, 1983:60). En particulier, comme l'a signalé Herbert Packer (1968:283) il y a plus de vingt ans, tel est le cas de la police en raison du "caractère agressivement interventionniste d'une grande partie de notre droit pénal [qui] transforme les policiers en fouineurs et en harceleurs (TRADUCTION)".
Le mécontentement que suscite le rendement de la police peut s'étendre à la force policière tout entière, par exemple, s'il s'agit d'une plainte contre ce que le service tente d'accomplir ou contre ses méthodes, ou cela peut s'appliquer à des personnes qui en font partie, notamment dans le cas d'une accusation portée contre un agent qui aurait violé la Loi ou le règlement de la police (Maguire et Corbett, 1989:190).
On peut formuler une plainte pour diverses raisons11. Ici le plaignant peut demander une mesure corrective afin que les faits qui se sont produits ne se répètent pas (Brown, 1987; Maguire et Corbett, 1989:190). Là il est motivé par ce que Lerner (cité dans Goldsmith, 1991) appelle le "principe d'expiation". Ces plaignants estiment, comme le signalent Maguire et Corbett (1989:190) d'après un sondage effectué auprès de plaignants, "avoir subi un tort, exigent qu'on le reconnaisse et qu'on leur fasse droit d'une manière ou d'une autre". (TRADUCTION) Évidemment, cette distinction entre le principe d'expiation et la volonté d'un redressement est de nature analytique et on a toutes les raisons de croire que de nombreuses plaintes seront déposées pour ces deux motifs. En fait, il semble que cela soit très souvent le cas.
L'aspect aussi bien correctif que symbolique et répressif du châtiment font de celui-ci un instrument utile pour traiter les plaintes et donner satisfaction aux plaignants. Lorsque le châtiment est de nature corrective, il permet de satisfaire aux exigences de redressement qui incitent à formuler des plaintes. En outre, comme le châtiment peut servir à redresser les torts, il peut aussi contribuer à donner satisfaction aux plaignants qui réclament une certaine forme de vengeance. Dans ce cas, le châtiment d'un agent constitue une reconnaissance symbolique - la présentation d'excuses - de la part du service de police que son agent était en faute. En punissant celui-ci, il se trouve par la même occasion à rétablir un équilibre.
La possibilité, pour le châtiment, de servir à des fins de dissuasion et de dédommagement moral en fait un moyen très pertinent de résoudre de façon positive toutes les formes d'insatisfaction qui aboutissent à des plaintes. C'est pourquoi un mode de traitement qui tient compte sérieusement des motifs du plaignant sera orienté, en général, vers une approche punitive.
En fait, si l'on retient ces caractéristiques, le châtiment peut même être considéré comme une exigence satisfaisante et les mesures non punitives attesteraient que la plainte n'a pas été prise au sérieux. Le châtiment devient alors en quelque sorte le test qui détermine si la plainte est traitée adéquatement. Ainsi, Goldsmith (1991), qui est un défenseur intempestif du mode de traitement des plaintes du public axé sur la volonté de déceler et de corriger les défauts d'ordre structurel, jette un regard critique sur les procédures de règlement des plaintes du public en usage dans l'État australien de Victoria parce que "le processus de traitement des plaintes ne garantit pas que l'agent accusé se verra infliger une sanction disciplinaire ou un châtiment selon les règles12. (TRADUCTION)".
Étant donné que, très souvent, les plaintes permettent de cerner des problèmes systémiques qui exigent l'attention des cadres, elles constituent une source de renseignements sur les forces policières, que Gellhorn (1966b) qualifie de "rétroaction gestionnelle"13. Ceci dit, rien d'étonnant à ce qu'on avance la thèse selon laquelle les services de police devraient envisager les plaintes de façon favorable et les traiter comme une source d'information précieuse sur le rendement de la police et les attentes de la collectivité. Dans cet ordre d'idées, Goldsmith (1991) va jusqu'à dire que "formuler une plainte, c'est soutenir la police".
Évidemment, les simples agents ne sont pas particulièrement enclins à accueillir avec enthousiasme plaintes et plaignants14. En outre, les administrateurs de police sont très souvent portés à envisager les plaintes comme une source d'embarras et font très peu pour exploiter pleinement leur valeur gestionnelle, se contentant de les consigner dans des dossiers de renseignements personnels afin de pouvoir identifier les agents fautifs, au besoin (Canada, 1976; Apostle et Stenning, 1989; Maguire, 1990) ou, dans certains cas, ne se préoccupant même pas de les consigner (Littlejohn, 1981: 24; Goldsmith, 1991)15. Cela n'a rien de surprenant parce qu'une plainte est, comme nous l'avons déjà mentionné, l'expression d'un mécontentement à l'égard du rendement de la police. Personne n'aime être l'objet d'une plainte et les policiers ne font pas exception à la règle.
À ce manque d'enthousiasme naturel pour répondre de façon favorable aux plaintes s'ajoutent l'attente déjà signalée de la part de certains plaignants, ainsi que les critiques formulées à l'égard des procédures de règlement des plaintes dans la police selon lesquelles la solution appropriée à des plaintes valables est le châtiment, car celui-ci est la réponse idoine et adéquate à tout écart de conduite. Autant personne n'aime faire l'objet d'une plainte ou se faire reprocher d'avoir commis une faute, autant peu de gens acceptent sereinement la possibilité d'un châtiment. Par voie de conséquence, il arrive très souvent que la plainte produise chez l'agent de police une réaction défensive qui n'est pas de nature à faciliter son traitement comme s'il s'agissait d'un simple contrôle, peu importe la valeur des renseignements fournis.
Goldstein (1977:160 cité dans Goldsmith, 1991) a critiqué le lien entre la plainte, l'écart de conduite et le châtiment qui engendre cette réaction défensive dans les termes suivants:
Tout en reconnaissant à juste titre que les allégations d'écart de conduite militent contre un style de gestion axé sur une approche corrective, de telles critiques ne changent rien au fait que des plaignants portent des accusations de ce genre ou que les procédures de règlement des plaintes, comme nous le démontrerons bientôt, sont conçues pour faire admettre et traiter ces allégations comme des accusations pour une faute qui "exige" un châtiment.
L'attention du public que suscitent les plaintes contre la police traduit une préoccupation politique plus générale concernant le pouvoir dont dispose la police et le risque d'en abuser. Cette question est souvent le point de mire de divers débats et combats. Les affirmations selon les quelles la police détient trop ou trop peu de pouvoir et celles où l'on prétend qu'elle en mésuse sont souvent à l'origine de nombreux conflits (Reiner, 1985; Spencer, 1985; Scraton et autres, 1987). Il y a notamment les conflits portés devant le Parlement et dans la presse entre parti au pouvoir et partis d'opposition, ainsi que ceux entre personnes appartenant à des groupes de défense des libertés civiles et gouvernements, les conflits opposant les avocats de la défense à ceux de la Couronne dans une cour de justice et ceux où des groupes minoritaires cherchent à améliorer leur situation dans lacollectivité. Dans le cadre de ces conflits, les agents de police et les services policiers sont souvent mêlés involontairement à des luttes au cours desquelles des plaintes particulières débordent leur cadre normal et passent à un niveau où les règles du jeu sont différentes et où les objectifs des forces policières se trouvent éclipsés par d'autres considérations"16.
Dans les cas de conflits politiques comme ceux portant sur le traitement des groupes minoritaires, l'importance symbolique que revêtent les plaintes alléguant un abus de pouvoir de la police tend à lever le voile sur une situation qui ne manque pas de devenir un véritable champ de bataille où s'affrontent divers groupes d'intérêt17. Ainsi, dans le cas des conflits entre des groupes minoritaires et la police, les porte-parole des premiers qui considèrent la seconde - et, de façon plus générale, la société dont ils font partie comme raciste seront enclins à considérer toute mesure autre qu'un châtiment sévère à l'égard d'une plainte de brutalité comme preuve d'une "opération de camouflage". Par contraste, les simples policiers seront portés à penser que, par une telle mesure, on cherchait un "bouc-émissaire".
Pour sa part, l'administration policière aura, en général, l'impression d'être à la merci d'un conflit politique qui limite les moyens dont elle dispose pour exercer ses fonctions conformément à ses propres inclinations. Elle se sentira acculée à prendre des mesures pour protéger une orientation plus générale au lieu de s'attaquer en toute liberté aux problèmes de gestion auxquels elle fait face. En un mot, elle se sentira contrainte d'adopter une sanction disciplinaire au lieu d'une solution corrective.
Nous avons vu dans ce chapitre de quelle manière la nature même d'une plainte, les raisons qui la motivent, les manières d'évaluer la réponse à la plainte, les conséquences du châtiment, ainsi que le contexte politique dans lequel la plainte est portée contribuent, en général, à créer un lien entre les plaintes et la procédure disciplinaire. En outre, nous avons vu comment ce lien persiste en dépit des arguments selon lesquels les plaintes constituent une source précieuse de rétroaction sur le rendement des policiers. Le présent chapitre montre comment la tendance à identifier l'administration policière à sa procédure disciplinaire est renforcée lorsque la question suscitant un intérêt pour les cadres prend la forme d'une plainte. Bref, de par leur nature même, les plaintes accentuent généralement la tendance qu'ont les administrations policières à pratiquer une gestion qui s'appuie sur la procédure disciplinaire.
Chapitre 4
Comme le lien naturel qui semble exister entre la plainte et le châtiment pourrait très bien privilégier l'adoption de la part de l'administration policière d'une approche punitive, il n'est pas surprenant que, depuis toujours, les plaintes contre la police passent par la procédure disciplinaire de cette institution. Autrement dit, la procédure disciplinaire et le système de règlement des plaintes dans la police ont coutume d'être une seule et même chose et cette tradition se perpétue dans la majorité des services policiers au Canada.
Dans le présent chapitre, nous examinerons donc l'intégration des plaintes dans les systèmes disciplinaires de la police avant de faire, au chapitre suivant, l'étude critique de l'évolution qui se poursuit au Canada et ailleurs depuis deux décennies.
Dans les systèmes intégrés qui ont recours à des procédures de discipline pour traiter les plaintes, celles-ci constituent à des fins disciplinaires une source de renseignements sur les écarts de conduite des policiers. La déclaration qui va suivre, extraite du rapport de la Commission australienne de la réforme du droit sur les Plaintes contre la police , résume fort bien cette intégration traditionnelle des plaintes dans les procédures disciplinaires et les thèses en faveur de son maintien:
Ce qui ressort de cet énoncé, c'est que les objectifs du système interne de discipline devraient régir la manière de traiter une plainte.
Comme en fait foi la déclaration ci-dessus, le seul élément qui différencie les procédures classiques de règlement des plaintes des systèmes de discipline est le fait que la conduite inadéquate est reconnue par un simple citoyen plutôt que par un policier. Suivant les procédures classiques, on prévoit deux manières de recevoir les plaintes et de les intégrer au régime disciplinaire de la police: une approche simple qui ne prévoit pas un mode particulier de réception et une approche plus complexe qui en prévoit.
En vertu de cette approche, un citoyen qui présente une plainte à la police est ordinairement mis en communication avec l'agent en devoir du service en question qui entend la plainte et décide si elle est suffisamment justifiée pour exiger le recours au processus disciplinaire. L'enregistrement de la plainte et la suite qu'il y a lieu de lui donner dépendent du jugement de la personne qui la reçoit. Très souvent la plainte est "résolue" au niveau de la première ou de la deuxième personne contactée. Dans ce cas, il est peu probable qu'on reconnaisse formellement une plainte18.
En réaction à des critiques selon lesquelles l'approche simple pourrait entraîner la perte de renseignements utiles parce que, pour éviter que ses subordonnés et ses compétences de gestionnaire ne fassent l'objet de critiques, l'agent recevant la plainte peut être tenté de l'ignorer tout simplement, on incorpore parfois au système de règlement une procédure plus complexe de réception. Pour formaliser le processus on a coutume d'établir des bureaux internes des plaintes responsables de recevoir et de consigner les plaintes du public. Ces bureaux ont pour tâche de retirer la prise de décision aux personnes qui participent directement aux opérations du service dont relèvent les agents visés par la plainte.
Dans un système traditionnel, comme nous l'avons déjà signalé, les plaintes sont simplement confiées au processus normal de surveillance interne. Lorsqu'une plainte est introduite dans le système, en principe elle est traitée au moyen des mêmes procédures que l'écart de conduite détecté à l'interne par un cadre.
Selon une des critiques formulées à l'égard de cette manière de procéder, les plaintes introduites dans le système peuvent, en fait , ne pas retenir l'attention qu'elles méritent pour des raisons analogues à celles qui font que les plaintes peuvent "se perdre". D'après cette critique, ce n'est pas que l'approche disciplinaire soit inadéquate, mais plutôt que la plainte peut ne pas recevoir un traitement approprié sur le plan de la discipline. La preuve que cela se passe ainsi se retrouve presque partout au monde parce qu'une révélation après l'autre a entraîné enquête après enquête, ce qui a permis d'établir de quelle manière l'écart de conduite allégué par les plaignants a été camouflé par les policiers qui ont enquêté sur la plainte et l'ont traitée selon la procédure disciplinaire (Punch, 1985; Goldsmith, 1991).
Ces scandales ont eu notamment pour conséquence la création d'unités des affaires internes dans les services de police pour veiller à ce que le système de discipline ne serve pas à résoudre des plaintes de façon malhonnête. Ces unités se distinguent des autres unités des services policiers et très souvent relèvent directement des chefs de police. L'idée qui les sous-tend, c'est qu'on puisse compter sur des organismes relativement autonomes, directement responsables devant l'administration policière pour mener une enquête approfondie sur les plaintes et juger celles-ci, et que cela permette d'appliquer la règle disciplinaire appropriée.
Très souvent la procédure régissant l'unité des affaires internes prévoit une certaine forme d'intervention dans le processus disciplinaire de la part d'un corps policier de l'extérieur, par exemple, dans le cas des enquêtes effectuées par un autre service de police, en particulier lorsqu'il s'agit d'affaires délicates. Cela introduit un élément presque indépendant dans le traitement des plaintes comme moyen de s'assurer que la justice dans le domaine des plaintes ne donne pas seulement l'impression d'avoir été rendue, mais qu'elle le soit aussi en réalité.
L'argument avancé en faveur de l'unité des affaires internes comportant des éléments quasi indépendants est qu'elle ne change rien à la structure de l'autorité tout en offrant l'avantage de supprimer ou au moins de réduire considérablement les risques de subjectivisme, ce qui stimule donc la confiance du public dans le processus19.
La procédure traditionnelle de règlement des plaintes permet de traiter celles-ci par l'intermédiaire du système de discipline. Cette manière de faire assure aux administrateurs de police le contrôle de la procédure de règlement des plaintes en les rendant à même de décider en quoi les intérêts supérieurs de la politique et ceux de plaignants particuliers devraient avoir préséance sur des objectifs de gestion plus limités.
Les critiques de ce modèle visaient d'abord et avant tout la question de savoir dans quelle mesure les accusations d'écart de conduite portées par des plaignants font l'objet d'une enquête sérieuse et d'un jugement éclairé pour aboutir à l'imposition d'une peine. Comme suite à ces critiques, on a pris des dispositions afin d'améliorer le modèle traditionnel. Ces réformes avaient pour but d'assurer que les plaintes soient mieux traitées par les systèmes disciplinaires de la police. Autrement dit, elles visaient à réduire les risques de camouflage et d'indulgence à l'égard d'accusations d'inconduite portées par des citoyens contre des policiers.
Chapitre 5
Pour les raisons suggérées au chapitre précédent, le système traditionnel a fan l'objet de constantes critiques dont l'essentiel porte sur le fait qu'un système qui permet aux services de police de traiter les plaintes comme bon leur semble ne saurait donner des résultats adéquats ni inspirer la confiance du public. La police, soutient-on, a toujours montré qu'elle est prête à se protéger contre les plaintes en camouflant les défauts signalés par les plaignants, et tout se passe comme s'il en était ainsi, qu'il existe ou pas des unités spéciales d'enquête comportant ou non des éléments quasi indépendants20.
À part cette argumentation sur le subjectivisme de la police, on affirme également que, parce qu'ils considèrent les procédures de règlement des plaintes simplement comme des sources de renseignements administratifs, les systèmes traditionnels de règlement n'attachent pas une importance suffisante aux préoccupations des plaignants et ne cherchent pas à les satisfaire face à la procédure.
Le reproche de subjectivisme part du principe que les plaintes peuvent et devraient servir de fondement à une révision non seulement de l'administration policière mais aussi notamment de l'aptitude de celle-ci à faire en sorte que ses agents aient un comportement adéquat. On affirme qu'une révision de la compétence des cadres et du rendement des simples policiers ne peut absolument pas se faire avec un certain degré de crédibilité si l'on demande aux administrateurs de police d'évaluer le rendement parce que leurs subordonnés et eux-même s'opposeront vigoureusement à cette révision (Freckelton, 1990).
À partir de cette thèse, on pose comme principe que la police ne devrait pas être autorisée à se surveiller elle-même étant donné qu'elle sera inévitablement portée à se protéger elle-même et que, même si elle ne le fait pas, le public la soupçonnera de n'avoir pas été aussi critique qu'elle aurait dû l'être dans l'examen de ses propres activités (Canada, 1976; Scarman, 1981; Baldwin et Kinsey, 1982). En outre, on soutient que comme les administrateurs de police auront tendance à se porter à la défense de leur style de gestion, le public n'aura pas la possibilité d'évaluer les méthodes qui sous-tendent la conduite policière (Reiner, 1985; Spencer, 1985).
Cette critique portant sur la possibilité d'un camouflage administratif s'adresse au service de police tout entier. En fait, ce que dit cette critique, c'est que lorsqu'un citoyen porte plainte contre un policier, quel qu'il soit, il fera vraisemblablement face à un mur étanche formé par tous les éléments du service de sorte que les fautes tant de l'administration que des simples policiers seront camouflées21.
Ces accusations ont amené la thèse selon laquelle un élément indépendant devrait être incorporé à la procédure de règlement des plaintes pour assurer que celles-ci soient traitées d'une manière impartiale et objective (Terrill, 1990). En quoi devrait consister au juste cet élément indépendant? À partir d'où et de quelle manière devrait-il fonctionner? Voilà des questions qui ont fait l'objet de débats passionnés (voir, par exemple, Grant, 1975 ou Freckelton, 1990). D'aucuns soutiennent, comme on l'a déjà mentionné, qu'un élément quasi indépendant -- notamment un service des affaires internes -- serait suffisant. La plupart des critiques cependant rejettent cette position comme étant un peu trop tournée vers "l'interne" pour permettre d'en arriver à l'impartialité ou du moins à cette apparence d'impartialité nécessaire pour gagner la confiance du public. Dans ce débat, deux modèles ont été proposés: selon le premier, l'élément indépendant serait intégré directement au processus décisionnel comme moyen de résoudre le problème du subjectivisme de la police, quant au deuxième, il consisterait en un processus d'examen interne qui conserve intactes les structures de la responsabilité administrative et politique (voir chapitres 6 et 7).
Les critiques portant sur la nécessité de faire bon accueil aux plaignants résultent de la constatation que les procédures traditionnelles de règlement des plaintes écartent inévitablement les plaignants et leurs intérêts. En conséquence, ces procédures ne sont pas axées sur la solution de leurs problèmes. On soutient que, pour être adéquat, un système de règlement des plaintes doit chercher par définition à faire droit aux plaignants et, de façon plus générale, aux groupes ou aux collectivités dont le plaignant est le porte-parole.
Selon l'approche traditionnelle, la satisfaction du plaignant et la confiance du public ne sont un objectif qu'indirectement en ce sens que les administrateurs de police sont à toutes fins utiles responsables devant le public de la prestation de services policiers et peuvent juger que les relations avec la collectivité sont tendues si le point de vue du public est totalement ignoré. D'aucuns prétendent que les procédures traditionnelles de règlement des plaintes ne prévoient pas un mécanisme qui contribuerait à gagner la confiance du public tout en faisant droit aux personnes qui ont été traitées injustement par la police.
Les thèses exposées ci-dessus ont une force particulière en ce qui concerne les groupes minoritaires, notamment les noirs, les autochtones et les homosexuels qui accusent la police d'être raciste et homophobe. Dans le cas de plaintes déposées par des membres de ces groupes, on affirme que les principaux enjeux sont des questions comme le rétablissement de la confiance dans la police et la satisfaction au niveau personnel. On soutient que les plaintes provenant de membres de groupes minoritaires sont souvent l'expression de l'isolement que vivent ces membres et que ce sont ces préoccupations et ces sentiments qui doivent être envisagés dans le règlement des plaintes. Pourtant, dans le cadre du système traditionnel, ce sont précisément ces préoccupations qu'on a tendance à ignorer, même dans les cas où les plaintes sont traitées par l'intermédiaire d'unités des affaires internes22.
D'après le débat entourant les procédures traditionnelles de règlement des plaintes, il est clair que ces procédures ne sont pas seulement des sources de renseignements pour l'administration mais qu'elles constituent également des ressources stratégiques utilisables dans les luttes politiques pour faire progresser la cause des parties contestataires dans les cas où l'activité policière est au centre du conflit (Freckelton, 1990). La pertinence des systèmes de règlement des plaintes comme ressources stratégiques a alimenté le débat et l'a orienté vers la réforme des procédures de règlement des plaintes du public. Cela a eu pour conséquence notamment que certaines thèses sur le "pour" et le "contre" de systèmes particuliers de règlement des plaintes masquent souvent la présence de problèmes plus graves qui résultent de conflits et d'intérêts qui peuvent être bien différents de ceux mêmes qui retiennent l'attention. Ainsi, les procédures de règlement des plaintes constituent une ressource que des groupes minoritaires peuvent utiliser et utilisent effectivement pour affirmer qu'ils sont injustement la cible de la police et pour redresser le tort qu'ils estiment avoir subi, tant sur le plan personnel que collectif.
Ces problèmes plus profonds ont contribué à enrichir le débat et à l'orienter vers les méthodes qu'il convient d'adopter à toutes les phases de la procédure de règlement des plaintes, depuis la réception jusqu'au règlement, de la même manière qu'ils ont permis de rendre des décisions plus éclairées dans le cadre de cette procédure. Cela veut dire que les procédures de règlement sont elles-mêmes devenues des sources de conflits politiques parce que divers groupes ont tenté de les façonner afin de les rendre plus efficaces et d'en faire une ressource qui pourra ensuite être utilisée à leur avantage.
Dans cette lutte autour des procédures de règlement des plaintes, les cadres de la police se sont vu très souvent reléguer dans le rôle d'adversaires de ces groupes réformateurs étant donné qu'ils se sont efforcés de maintenir le contrôle sur la procédure sous prétexte que leur profession devrait pouvoir s'autodéterminer (Bayley, 1983).
Aux questions susmentionnées qui ont dominé le débat sur les systèmes de règlement des plaintes s'ajoute la thèse selon laquelle la procédure traditionnelle de règlement des plaintes, parce qu'elle établit un lien entre celles-ci et le régime disciplinaire, a eu tendance à maintenir une approche punitive envers les individus qui se rendent coupables d'un écart de conduite, cette approche militant contre la recherche des problèmes systémiques qui exige une démarche globale plutôt qu'individuelle (Goldsmith, 1991). Ces critiques se trouvent à compléter celle du principe d'expiation dans l'administration policière que nous avons examiné aux chapitres 2 et 3, et qui allait dans le sens d'une solution plutôt corrective et non punitive (Canada, 1976).
L'enquête sur la procédure traditionnelle de règlement des plaintes a été critiquée sous prétexte qu'elle ne permet pas d'examiner et de traiter objectivement les plaintes ni ne reconnaît de façon appropriée les intérêts et les motifs des plaignants. Ces critiques ont donné lieu à des débats passionnés sur Inopportunité d'intégrer un élément externe et indépendant aux procédures de règlement des plaintes du public afin que les plaintes soient prises au sérieux, que les défauts soient corrigés et que les plaignants de même que le public en général soient persuadés qu'il en est ainsi.
Chapitre 6
Les critiques formulées précédemment ont conduit à la recherche de procédures plus satisfaisantes de règlement des plaintes. Le débat sur la marche à suivre a donné naissance à deux grandes orientations. Dans chacune on propose qu'un élément indépendant soit Incorporé au système de règlement des plaintes, élément qui devra réduire la marge de manoeuvre des administrateurs de police. Ce qui les distingue, c'est la manière de restreindre cette liberté23.
D'après l'une des thèses avancées, les critiques peuvent être formulées dans le contexte de la procédure traditionnelle si cette procédure est assujettie à un examen externe qui veillerait à ce que toute tentative faite par l'administration policière en vue de camoufler ses fautes soit portée à l'attention de ses supérieurs politiques et, si besoin est, fasse l'objet d'un débat public. Il s'agirait de laisser les administrateurs de police faire leur travail, mais de les tenir responsables de ce qu'ils accomplissent. Goldstein (1967) et Bayley (1983) affirment à l'appui de cette thèse qu'il faudrait recourir à un élément externe pour raffermir et renforcer le régime interne de discipline et les décisions administratives, sans toutefois les supplanter (voir aussi Canada, 1976; Apostle et Stenning, 1989).
Les propositions en faveur de l'examen externe visent à obtenir précisément les avantages souhaités pour les unités des affaires internes, nommément la protection de l'intégrité de la structure de l'autorité, mais d'une manière qui augmenterait la confiance du public du fait que cette structure comporte une surveillance externe. Les tenants de cette approche soutiennent que la capacité des responsables de l'examen de faire des recommandations concernant l'arbitrage et le règlement permettrait d'établir un juste équilibre entre les objectifs essentiels en matière de surveillance et ceux visant à satisfaire les plaignants.
L'élément primordial de cette thèse est que les dispositifs politiques prévus pour le contrôle de la police dans une société démocratique soient essentiellement solides et devraient être maintenus comme fondement pour le traitement des plaintes. Pour ce faire, affirme-t-on, il faut apporter des modifications qui permettent d'abolir les conditions favorisant le camouflage, de réduire le subjectivisme, de susciter plus d'intérêt pour les besoins du plaignant et de lutter contre l'incompétence en matière d'administration policière.
Les adeptes de cette approche se fondent sur le principe que, malgré tout le sérieux que peuvent présenter les problèmes inhérents au système traditionnel, ceux-ci peuvent et devraient être envisagés dans le contexte de l'administration policière. Ils soutiennent qu'il faut laisser aux administrateurs de police le soin de gérer, même si c'est dans le cadre d'une obligation de rendre compte qui leur permette de le faire d'une manière conforme aux intérêts du public et non aux leurs propres. Ils affirment que, si l'administration policière n'est pas ce qu'elle devrait être, il faudrait alors la réformer et non la remplacer par une autorité indépendante.
Armé de cet argument essentiel, on peut faire fond sur les critiques du système traditionnel qui retirent aux administrateurs de police leur responsabilité et, partant, leur obligation de rendre compte en cette matière (Maloney, 1975; Canada, 1976; Bayley, 1983; Reiner, 1985). En d'autres termes, cet argument est essentiel pour corriger toute tentative en vue d'altérer la structure de l'autorité.
D'aucuns soutiennent que l'existence d'un élément indépendant a pour but d'assurer que les administrateurs de police exercent correctement leurs responsabilités gestionnelles. On insiste sur le fait qu'il ne faudrait pas l'utiliser pour s'approprier ou usurper ces responsabilités.
La thèse en faveur de cette approche en matière de règlement des plaintes a été mise de l'avant au Canada avec une indomptable énergie par la Commission Marin (Canada, 1976). Elle a été sanctionnée récemment avec force par la Commission d'enquête Marshall dans sa critique du système de règlement des plaintes en usage en Nouvelle-Écosse. En élaborant son argumentation en faveur d'un examen externe dans son rapport sur les services de police communautaires dans cette province, cette commission d'enquête résume comme suit les thèses présentées par la Commission Marin:
Par contre, les partisans de la thèse de l'autorité parallèle affirment, du moins en ce qui concerne le traitement des plaintes, que le système d'administration policière ne peut être corrigé et devrait être remplacé par un système plus efficace24. D'après ce modèle, il s'agit d'intégrer à la procédure de règlement des plaintes un élément externe qui a le pouvoir de prendre des décisions administratives et, si nécessaire, d'usurper l'autorité des administrateurs de police. Des exemples de cette approche varient considérablement selon le service qui adopte un élément indépendant de ce genre et la manière dont l'intégration est faite. En général, ces modèles prévoient un pouvoir indépendant en matière de traitement des plaintes qui, dans certaines conditions, peut instituer ses propres enquêtes, arbitrer des cas, prendre des décisions et adopter les mesures appropriées.
Les tenants de cette thèse savent bien qu'une telle stratégie comporte des coûts parce qu'elle oblige les administrateurs de police à vivre avec des décisions qu'ils n'ont pas prises25. Cependant, à la différence des défenseurs de la notion d'examen externe, ils insistent sur le fait que ces coûts doivent être acceptés pour que les plaintes soient traitées comme il convient et pour faire en sorte que le public ait confiance dans la procédure de règlement.
6.3.1 La Loi sur les plaintes concernant la police de la communauté urbaine de Toronto
Au Canada, l'un des meilleurs exemples de la formule de l'autorité parallèle en matière de traitement des plaintes est la procédure établie par la Loi de 1984 sur les plaintes concernant la police de la communauté urbaine de Toronto. Cette loi tire son origine des rapports de l'Enquête Maloney (1975) et de la Commission Morand (Ontario, 1976) qui militaient en faveur de l'introduction d'un élément indépendant dans la procédure de règlement des plaintes, et ce, au stade de l'arbitrage, tout en laissant à la police le soin de mener l'enquête et de régler la plainte.
En fait, la Loi de 1984 allait beaucoup plus loin en créant le poste de commissaire des plaintes du public qui était Investi du pouvoir d'arbitrer et de régler les plaintes. Goldsmith et Farson (1987:619-620) donnent un aperçu des pouvoirs qu'exerce le commissaire par l'intermédiaire de commissions d'enquête instituées pour régler les plaintes. Ils s'expriment comme suit:
S'il est adopté, le projet de Loi sur les services de police de l'Ontario étendra les éléments essentiels de cette procédure aux autres forces policières de la province. Le projet de loi 107 propose un modèle qui s'inspire de la Loi de 1984 et qui confère le pouvoir de prendre des décisions administratives sur les plaintes en en déterminant la validité et le règlement.
Il ressortira de ce qui précède que la formule d'examen externe et celle de l'autorité parallèle ont un impact très différent sur l'administration policière. Le modèle de l'autorité parallèle constitue une structure de rechange qui remplacerait la procédure normale de traitement des plaintes. Selon ce modèle, une autorité indépendante se trouve investie du pouvoir de prendre des décisions qui ont un effet sur le fonctionnement du service, notamment la décision de punir un officier, même si elle n'est pas responsable du maintien de l'ordre dans une région donnée et ne peut être tenue responsable de l'impact de ses décisions sur l'administration policière.
En outre, ces décisions sont généralement prises par des personnes n'ayant aucune compétence spéciale en matière d'administration policière et dans un contexte qui est enclin à privilégier les intérêts et les motifs invoqués par les plaignants. Étant donné que le châtiment a une valeur particulière dans le contexte du règlement des plaintes, parce qu'il vise à la dissuasion et qu'il exprime une volonté de dédommagement moral (voir chapitres 2 et 3), le fait de privilégier les plaignants a pour conséquence de promouvoir le châtiment dans ce contexte.
Comme la discussion qui précède le montre clairement, ces conséquences sont précisément ce que le modèle d'examen externe tente d'éviter, en laissant l'administration policière aux personnes responsables du maintien de l'ordre sur un territoire donné. Par conséquent, les autorités en matière d'examen externe, à la différence de celles Investies d'un pouvoir parallèle, sont tenues de forcer les administrateurs de police à examiner les préoccupations et les questions suscitées par les plaignants et à rendre compte publiquement de leurs décisions, sans assumer elles-mêmes des responsabilités administratives.
Les répercussions administratives de chacun de ces modèles font naître des préoccupations fort différentes chez leurs adeptes et leurs critiques. Les tenants de l'autorité parallèle reconnaissent l'existence des difficultés signalées par les défenseurs de l'examen externe, mais lis soutiennent qu'il est plus important de faire en sorte que les plaintes soient traitées équitablement et selon des modalités qui gagneront la confiance du public. Si le prix qu'il faut payer est la mise en place d'une autorité parallèle, qu'il en soit ainsi. Pour leur part, les défenseurs du modèle d'examen externe adoptent précisément le point de vue contraire. À leur avis, l'établissement d'une autorité parallèle qui réduit la procédure normale de contrôle et la contient est trop coûteuse. Devant l'affirmation selon laquelle la structure de l'autorité dans la police et les structures politiques dans le cadre desquelles ils fonctionnent sont inadéquates, ils répondent que, si tel est :e cas, il faudrait les améliorer plutôt que les abandonner. Selon eux, en rendant publiques les décisions et les activités de ces structures, l'examen externe veillera à ce qu'ils donnent leur plein rendement et, si cela se révèle insuffisant, ils détiendront les éléments de preuve nécessaires pour effectuer des réformes, qu'il s'agisse du renvoi d'un chef de police, comme le proposent plus haut Apostle et Stenning, ou d'un remaniement du système de responsabilité politique. C'est cette forme d'obligation de rendre compte, affirment-ils, qui, à la longue, saura le mieux combler les lacunes administratives signalées par les plaignants.
Déterminer si l'enquête sur une plainte devrait être menée par la police ou par un organisme de l'extérieur est une question souvent débattue. On soutient à juste titre que les enquêtes sont absolument essentielles au règlement des plaintes parce qu'elles permettent d'établir les "faits" qui feront l'objet du jugement. Si l'on s'oppose au recours à des agents de police pour effectuer les enquêtes, comme on pourrait d'ailleurs s'y attendre, c'est que les policiers, ou ceux-ci de concert avec les cadres, entreprendront, malgré les critiques venant de l'extérieur, leurs enquêtes avec l'idée de camoufler les écarts de conduite de la police.
Pour examiner comment on doit faire face à cette éventualité, la question stratégique, comme en font foi les observations faites dans la section précédente, est de déterminer si l'on devrait inciter de quelque façon les enquêteurs de la police à mener des enquêtes complètes et approfondies ou à abandonner le recours à des enquêteurs appartenant à la police au profit d'enquêteurs de l'extérieur. En fait, dans la plupart des ras, cette analyse de la situation a mené à la conclusion qu'au moins l'enquête préliminaire devrait être effectuée à l'interne par des agents du service même dans le cas où une approche parallèle a été adoptée26.
Les carences de la procédure traditionnelle de règlement des plaintes ont incité les critiques à opter unanimement pour l'intégration d'un élément externe. Deux solutions principales ont été élaborées. Certains réformateurs ont préconisé l'adoption d'un pouvoir d'examen externe pour contrôler les décisions concernant les plaintes prises par des administrateurs de police. D'autres affirment que ceux-ci devraient être remplacés, du moins pour certaines plaintes, par une autorité parallèle qui serait à même de traiter avec impartialité les plaintes et les plaignants.
Chapitre 7
En 1986, le gouvernement du Canada établissait un système d'examen externe des plaintes, des cas de discipline et des griefs au sein de la GRC. Il se trouvait ainsi à donner suite au rapport de la Commission d'enquête sur les plaintes du public, la discipline interne et le règlement des griefs au sein de la Gendarmerie royale du Canada, présidée par le juge René J. Marin, et il était fortement influencé par ce rapport (Canada, 1976). Dans le présent chapitre, nous examinerons les éléments essentiels des idées et propositions de la Commission Marin et verrons dans quelle mesure on les retrouve dans la Loi sur la GRC de 1986. Nous examinerons également les défis que le CEE devra relever pour traiter les griefs et les appels de cas de discipline, et pour déceler certaines des questions qu'il aura à examiner dans ce contexte. Nous présentons ces questions avec l'idée d'examiner les principes qui sous-tendent la notion d'ombudsman et son lien avec les préoccupations d'ordre administratif qui ont été au coeur de ce document.
Les modèles d'examen externe s'inspirent souvent de la notion d'ombudsman élaborée en Scandinavie (Gellhorn, 1966a)27. Étant donné que la Commission Marin reconnaît s'en être aussi inspirée pour mettre au point sa conception de l'examen externe, nous amorçons ce chapitre en nous arrêtant à cette notion (Canada, 1976; voir aussi Australie, 1975;1978).
Le premier ombudsman était un agent du Roi de Suède qui était chargé de veiller sur le gouvernement de ce royaume au nom du Roi (Gellhorn, 1966a:2; Friedmann, 1970:45). Cette charge a servi de fondement à l'élaboration de l'idée moderne d'ombudsman. Celui-ci est par définition un fonctionnaire chargé de veiller sur les activités des hauts fonctionnaires et de faire ensuite rapport des résultats de sa surveillance à l'autorité au nom de laquelle il exerce cet office. Cet examen peut être provoqué par une affaire, telle qu'une plainte ou sous forme de vérification.
Dans son rôle de protecteur, l'ombudsman n'est pas autorisé à intervenir directement dans les activités qu'il surveille, c'est-à-dire qu'il ne lui est pas permis d'usurper l'autorité ou les responsabilités des personnes chargées du processus à l'étude. Cependant, il est habilité, et on le lui ordonne souvent, à faire des recommandations à ces personnes sur les mesures qu'il y a lieu de prendre. Depuis toujours, on demande à l'ombudsman de défendre dans ses recommandations les intérêts du public en proposant des solutions à certaines imperfections28.
L'ombudsman a une influence sur les procédures dont il assure la surveillance, non pas en se chargeant directement de prendre des décisions, mais en rendant publiques les décisions de ceux qui ont cette responsabilité et en leur faisant des recommandations. Ainsi, pour bien comprendre le rôle de l'ombudsman, imaginons une personne qui regarde par-dessus l'épaule des fonctionnaires et leur fait parfois des suggestions. On affirme que cette surveillance étroite permet de s'assurer de la diligence des fonctionnaires en leur rappelant les responsabilités, les valeurs et les normes qu'ils ont le devoir de respecter. Gellhorn (cité dans Canada, 1976:110) présente cette image dans les termes suivants:
Ces conséquences de la surveillance tiennent au fait que l'ombudsman est tenu de fournir aux autorités à toutes fins utiles responsables du processus administratif qu'il examine, et souvent même au public, un rapport sur les résultats de son examen. Par conséquent, même s'il n'exerce pas un contrôle direct, il facilite celui-ci en mettant au grand jour la décision des fonctionnaires aux personnes qui peuvent et devraient exercer ce contrôle, par exemple, en rendant l'administration policière visible au Parlement.
D'après ceux qui, comme la Commission Marin, estiment que pour répondre aux critiques des procédures traditionnelles de règlement des plaintes dans la police, il faut maintenir l'intégrité de la structure de l'autorité dans la police, la notion d'ombudsman est très attrayante. Elle permet de tenir les administrateurs de police directement responsables devant les autorités politiques et, en général, devant le public, sans toucher à la structure de l'autorité. En raison de son association historique à l'approche corrective, l'idée d'ombudsman s'est aussi révélée attrayante à ceux qui, à l'instar de la Commission Marin, souhaitent voir l'administration policière compter un peu moins sur le système disciplinaire et davantage sur des stratégies administratives non punitives plus systématiques (Canada, 1976)29.
La Commission d'enquête de 1976 sur la GRC reconnaissait le modèle d'examen externe comme la stratégie la plus appropriée pour s'occuper des problèmes liés à la procédure traditionnelle de règlement des plaintes déjà en place à la GRC. En cherchant une orientation et une structure qui donneraient corps à ce modèle, la Commission a retenu la notion d'ombudsman comme principe directeur.
En examinant la situation dans les pays scandinaves pour y trouver un modèle de règlement des plaintes du public contre la police qui soit applicable au Canada, la Commission se trouvait à donner suite à deux sujets de préoccupation étroitement reliés. Premièrement, il y a l'expérience plutôt malheureuse des États-Unis dans les années 60 et au début des années 70 alors qu'ils cherchaient à mettre au point un processus d'examen externe autour d'idées comme celle d'une Commission civile d'examen (Hudson, 1971; Brown, 1985). Deuxièmement, la Commission insistait pour que le modèle qu'elle proposait soit non seulement convaincant sur le plan théorique, mais qu'il ait remporté une victoire décisive quant à son application pratique. L'expérience scandinave tout entière a bien montré qu'il en fût ainsi (Friedmann, 1970).
En proposant la création du poste d'ombudsman pour la police fédérale, la Commission a précisé qu'elle cherchait à établir un mécanisme d'examen qui aurait pour but:
- d'introduire un élément de l'extérieur dans le processus de règlement des plaintes, tout en préservant le principe que les responsabilités administratives ne devraient pas être abolies, et
- de promouvoir une approche corrective dans le domaine de l'administration policière tant à l'égard des plaintes que sur un plan plus général.
Comme nous l'avons signalé au début du présent document, les recommandations de la Commission d'enquête de 1976 concernant la création d'un poste d'ombudsman pour la GRC ont donné lieu à la mise sur pied de deux organismes de protection au Canada au niveau fédéral, soit le Comité externe d'examen et la Commission des plaintes du public.
La procédure normale prévue par la Loi sur la GRC pour enclencher les mécanismes de surveillance du CEE et de la CPP est qu'un renvoi soit Interjeté par un plaignant à l'égard d'une plainte ou par un membre de la GRC au sujet du traitement que lui fait subir la Gendarmerie30. En adoptant cette position, la Loi ne va pas aussi loin que la Commission Marin en ce qui concerne les plaintes. Ce que la Commission recommandait, c'était un organisme externe d'examen qui entreprendrait, conformément à l'idée traditionnelle d'ombudsman, un examen général des activités de la Gendarmerie. C'est-à-dire, la Commission proposait de donner la fonction de vérificateur à l'organisme externe d'examen. La seule concession que la Loi fait à l'égard de cette approche plus générale est qu'elle autorise la CPP à prendre elle-même l'initiative d'une plainte. En limitant le rôle du CEE à traiter les appels et les griefs en matière disciplinaire, la Loi se trouve toutefois à suivre fidèlement le conseil de la Commission d'après lequel, sur le plan de la discipline, l'ombudsman n'interviendrait que pour donner suite à un appel.
7.6.2 Responsabilité de la GRC
La Loi prend bien soin de faire en sorte que ni le CEE ni la CPP ne puissent faire abstraction de l'autorité du commissaire de la GRC en ce qui a trait au jugement ou au règlement d'une plainte ou même à une affaire de discipline ou à un grief. Aucun des deux organismes n'est autorisé à agir de manière à saper l'obligation qu'a le commissaire d'administrer la Gendarmerie. Par conséquent, aux termes de la Loi, le commissaire doit administrer la GRC et, partant, veiller à rendre compte des actions de la Gendarmerie31.
La Loi favorise l'obligation de rendre compte de l'administration en donnant l'occasion aux personnes qui sont mécontentes de la gestion du commissaire de faire examiner ses jugements ou ceux de ses gendarmes par la CPP ou le CEE. On facilite cette surveillance en permettant à la CPP d'exiger que la GRC poursuive et approfondisse son enquête sur une plainte et, dans l'intérêt du plaignant ou du public, d'amorcer une nouvelle enquête sur la plainte ou de tenir une audience à son sujet.
7.6.3 Obligation de rendre compte au Parlement
En demandant à la CPP et au CEE de produire un rapport annuel, qui est déposé par le Ministre au Parlement, la Loi prévoit que si l'un ou l'autre des organismes n'est pas satisfait des actions du commissaire et de ses gendarmes ou des réponses qu'ils en reçoivent, ils doivent porter ces questions à la connaissance de l'autorité politique la plus élevée au Canada.
Aux termes de la Loi sur la GRC, la CPP doit intervenir afin d'influer sur la manière dont la Gendarmerie traite les plaintes. Cela peut se produire de plusieurs façons.
- En portant plainte elle-même, la CPP peut mettre en marche un processus qui exigera une réponse de la part de l'administration de la Gendarmerie.
- En recommandant que la GRC prenne des mesures à l'égard du processus, par exemple en imprimant une orientation particulière à l'enquête ou en proposant un mode d'arbitrage et de règlement du cas, la CPP peut avoir une influence majeure sur la façon dont la GRC donne suite aux plaintes.
- En menant elle-même des enquêtes et en tenant des audiences qui permettront d'approfondir les questions liées aux cas en instance, la CPP peut étoffer directement les renseignements dont le commissaire et ses officiers auront besoin pour donner suite aux plaintes.
- En examinant avec soin de quelle manière la Gendarmerie envisage les plaintes et en portant ensuite les résultats de cet examen à la connaissance du gouvernement, du Parlement et du public, la CPP crée un cadre d'examen et de contrôle qui obligera les officiers de la GRC à être pro-actifs.
En agissant ainsi sur l'administration de la GRC, la CPP possède la capacité d'exercer une influence sur la manière dont les membres de la Gendarmerie sont traités. Elle peut contribuer de la sorte aux mesures que prendra la GRC et qui pourraient retenir l'attention du CEE à la suite d'un appel disciplinaire ou d'un grief.
7.6.5 Lien entre le CEE et la CPP
Les responsabilités du CEE en matière disciplinaire le placent dans une situation où il peut être forcé de faire des remarques et des recommandations sur les mesures prises par la Gendarmerie relativement aux conseils de la CPP. Lorsque cela se produit, le CEE sera tenu de faire des observations sur les répercussions administratives des recommandations de la CPP.
L'une des particularités principales du rapport de la Commission Marin a été de proposer que la GRC adopte une approche corrective à l'égard d'une inconduite. En défendant cette approche, la Commission a clairement indiqué qu'elle blâmait la GRC pour la politique punitive axée sur l'individu qu'elle avait pratiquée dans le passé, qu'elle l'incitait plutôt à l'autocritique et l'encourageait à adopter des stratégies non punitives.
Bien que la Loi sur la GRC reprenne tous les autres principes essentiels issus du rapport Marin, elle n'insiste pas assez sur l'approche corrective. Au contraire, même si elle renferme quelques dispositions correctives bien précises dans sa définition des mesures disciplinaires simples, la Loi préconise une administration policière axée essentiellement sur la discipline. Elle se trouve ainsi à favoriser, au lieu de décourager, la tendance des procédures de règlement des plaintes à promouvoir une approche individuelle des cas en proposant un système qui, comme nous l'avons déjà signalé, renforce le lien entre la plainte et le châtiment32.
En donnant suite aux cas portés en appel, la CPP et le CEE devront faire des observations et des recommandations sur le style de gestion que pratique la Gendarmerie33. Cela les obligera nécessairement à examiner les questions d'ordre administratif liées au redressement, questions que nous avons passées en revue tout au long de ce document. lis se verront ainsi contraints de prendre position sur l'orientation qu'ils entendent promouvoir au moment de formuler leurs recommandations et leurs observations. Les décisions prises concernant certains cas portés en appel feront jurisprudence et l'ensemble constituera un message général à l'intention de la GRC, du gouvernement et du Parlement sur le style de gestion que ces autorités jugent approprié.
Ces questions revêtiront une importance particulière pour le CEE qui, en vertu de son mandat, comme la CPP en vertu du sien, doit faire des recommandations au commissaire concernant l'administration policière (voir les paragraphes 35(13), 45.15(5), 45.45(14) et 45.46(3) de la Loi sur la GRC. Quelle que soit la position adoptée par le Comité en ce qui touche aux questions administratives que nous avons soulevées dans le présent document, il devra déterminer, au cours de ses délibérations, dans quelles circonstances et à l'égard de quels cas il faudrait imposer ou non une peine, tant pour ce qui est des plaintes que de l'inconduite, en général. Ainsi, nous estimons qu'il serait bien avisé d'examiner de très près non seulement l'historique de l'administration policière, mais de voir comment d'autres services ont fait face aux deux problèmes que pose tout écart de conduite: le principe d'expiation et le redressement.
Même si ces préoccupations soulèvent des questions qui débordent le cadre du présent document, nous aimerions terminer par un exemple qui montre clairement que la force policière n'est pas seule dans cette confrontation aux problèmes que nous avons cernés.
Stenning et autres (1990) signalent que, pour réglementer les marchés financiers, les bourses du Canada et des États-Unis doivent elles aussi tenir compte de la dualité entre l'approche corrective et le principe d'expiation en employant deux systèmes indépendants l'un de l'autre. De l'avis des auteurs de l'étude, le premier système, qui s'occupe de régler les comportements, cherche d'abord et avant tout à empêcher les infractions en sachant pressentir les problèmes et, lorsque ceux-ci surviennent, en tentant de réduire au minimum les risques qu'ils ne se reproduisent. lis estiment que le second, qu'ils qualifient de symbolique, est sensible presque exclusivement aux questions d'ordre éthique comme la culpabilité et le redressement des torts.
Pour réglementer les marchés des valeurs, les concepteurs se souciaient très peu, sinon pas du tout, de questions morales comme celle de savoir à qui imputer le blâme et utilisaient un langage qui n'appréhende pas les problèmes sous l'angle éthique. Au contraire, ils tenaient d'abord et avant tout à perpétuer les méthodes que la Bourse s'efforçait de promouvoir. Le châtiment des personnes dont les actions dérangent cet ordre était l'une des stratégies envisagées, mais ce n'était pas la seule. En outre, quand on avait recours au châtiment, ce n'était pas dans une perspective morale, en réaction à un écart de conduite, mais purement à des fins dissuasives. Par cette approche, les concepteurs ne s'intéressaient pas aux fautes ni aux fauteurs, mais ils voulaient adopter des stratégies qui auraient pour effet d'encourager la conformité à l'ordre boursier.
L'isolement de ce système axé sur le comportement par rapport au système symbolique était perçu comme préjudiciable à son efficacité. En supposant que les deux systèmes puissent n'en former qu'un seul, les concepteurs craignaient qu'il soit possible, voire probable, que les préoccupations d'ordre moral fassent passer au second plan les questions de prévention et de redressement. Non seulement ils préféraient une séparation structurelle des deux systèmes, mais ils insistaient aussi pour que les catégories morales, propres au système symbolique, n'empiètent pas sur l'autre système.
Dans cette perspective, on a fait montre d'une extrême hésitation à autoriser les personnes ayant une formation juridique à participer aux activités du volet comportemental de peur qu'elles n'y introduisent la notion de conscience morale et ses corollaires, l'individu et la justice, ce qui aurait pour effet de miner le caractère préventif et correctif si essentiel à ce système.
Tout en insistant sur l'importance d'assurer un certain maintien de l'ordre et de surveiller les comportements, les spécialistes du change reconnaissent que des actions qui portent atteinte à cet ordre ont des effets symboliques importants qu'on ne saurait négliger et qui, à certains moments, deviennent un sujet central de préoccupation. Par exemple, non seulement les infractions à l'ordre boursier ont un impact sur les activités de la Bourse, mais elles contribuent parfois à faire perdre confiance dans son caractère équitable. En s'attaquant à ces problèmes de nature plus symbolique, les cadres de la Bourse considéraient très souvent le redressement des torts comme une réaction adéquate et le châtiment comme une stratégie appropriée. Cette mesure était prise indépendamment de ce qui pouvait être fait au sujet de la question se rapportant au comportement. Ainsi, la question liée à l'opération entre initiés était abordée tant sous l'angle comportemental que symbolique. Sur le plan comportemental, il s'agissait de savoir comment empêcher les gens de s'approprier les renseignements détenus par l'initié. Au niveau symbolique, il s'agissait d'établir comment on réagirait pour apaiser le ressentiment créé par une opération de ce genre.
La présente analyse a un lien évident avec la question relative aux plaintes contre la police parce que les plaintes, comme nous l'avons clairement montré, suscitent des préoccupations d'ordre à la fois symbolique et comportemental. Dans nos observations sur cette double motivation, nous avons soutenu que l'administration policière, en donnant suite à ces préoccupations, était portée à privilégier le châtiment pour que le système symbolique l'emporte sur le système comportemental.
Au cours de cette analyse, nous avons indiqué de quelle manière, en cherchant à concilier ces préoccupations, une proposition de réforme visait à mettre en place des autorités parallèles, l'une au sein de l'organisme et l'autre à l'extérieur. Nous avons signalé que cette formule pose de graves problèmes à l'égard de l'obligation de rendre compte de la police qui ont abouti à des propositions favorables à la formule de l'examen externe aux dépens du concept d'autorités parallèles.
En développant sa thèse contre la structure parallèle, la Commission Marin a néanmoins indiqué clairement que, pour traiter les plaintes, il fallait tenir compte à la fois du principe d'expiation et de l'approche corrective. D'après la Commission, la Gendarmerie doit se montrer "juste" et "efficace" dans son examen des plaintes (Canada, 1976:80). Dans l'élaboration de recommandations qui permettraient de réaliser ce double objectif, la Commission a laissé entendre que l'administration policière devrait examiner ces questions au moyen de structures internes parallèles en proposant que la procédure de règlement des plaintes et le système disciplinaire de la Gendarmerie soient indépendants l'une de l'autre (Canada, 1976.80-81).
Une manière de donner corps au principe d'après lequel il faut tenir compte à la fois du concept d'expiation (volet symbolique) et de l'approche corrective (volet comportemental) serait d'encourager la mise au point d'un mécanisme interne double de règlement des plaintes afin de s'assurer que ces deux aspects sont pleinement pris en considération. La thèse énoncée dans le présent rapport selon laquelle l'administration policière devrait transcender toute approche disciplinaire est compatible avec cette proposition parce que ce qu'elle laisse entendre pour l'essentiel c'est que l'administration policière ne devrait pas se fonder sur une approche unidimensionnelle de l'action fautive, c'est-à-dire le châtiment, qui vise à réaliser simultanément ce double objectif, mais qu'elle devrait envisager ces questions de façon indépendante et y répondre séparément.
Dans ce chapitre il a été question de l'influence de la notion d'ombudsman sur l'élaboration des modèles d'examen externe et, en particulier, sur la procédure de règlement des plaintes qui a été conçue pour la GRC. On examine de quelle manière le concept d'ombudsman renferme l'idée d'une surveillance externe non partisane des méthodes administratives qui confère aux administrateurs de police le contrôle des services policiers. En outre, on précise comment l'idée d'ombudsman favorise depuis toujours une approche corrective. Ces particularités de l'ombudsman ont été encouragées au Canada par la Commission Marin dont les recommandations offraient le stimulant nécessaire pour accueillir les procédures de règlement des plaintes et des griefs ainsi que le système disciplinaire établis en vertu de la Loi sur la GRC. En proposant deux autorités externes en matière d'examen, l'une pour les plaintes et l'autre pour les cas de discipline et les griefs, la Loi se trouvait à accepter la défense, par la Commission, d'un processus d'examen qui n'a pas pour effet de saper les responsabilités administratives incombant à la structure de l'autorité dans la GRC. La Loi n'a toutefois rien retenu des recommandations de la Commission en ce qui concerne l'approche corrective. À cet égard, on examine la possibilité, pour la Gendarmerie, d'établir deux systèmes parallèles de règlement des plaintes qui accorderaient une égale attention au double objectif de la justice et de Inefficacité.
1 Ce mémoire ne serait pas tout à fait ce qu'il est sans les observations et suggestions éclairées de Philip Stenning et de David Bayley. Nous les remercions chaleureusement pour leur aide généreuse.
2 Stolovitch et MacDonald, par exemple, ont signalé dans leurs écrits en 1981 que, partie d'un style de gestion de type para-militaire réactif à l'égard de situations d'urgence ou d'incidents, la police en est venue à adopter des approches structurées, intégrées et globales (1981:81-97).
3 Aux termes de la Loi sur la GRC, LR.C.(1985), ch.R-10, tel qu'amendée, le CEE doit informer le commissaire de la GRC de la manière dont il devrait traiter les griefs qui lui sont acheminés. Le commissaire renvoie les griefs concernant un certain nombre de sujets; si le membre qui présente un grief demande qu'il ne soit pas renvoyé, le commissaire peut accéder à cette demande ou la rejeter. Le paragraphe 34(3) prévoit ce qui suit:
(3) Après examen du grief, le président du Comité, s'il n'est pas d'accord avec la décision de la Gendarmerie ou s'il estime qu'une enquête plus approfondie est justifiée, peut:
a) soit rédiger et transmettre au commissaire et au membre qui a présenté ce grief un rapport exposant ses conclusions et recommandations;
b) soit ordonner la tenue d'une audience pour enquêter sur le grief.
Le paragraphe 35(13) prévoit que:
(13) À la conclusion d'une audience, le Comité établit et transmet aux parties et au commissaire un rapport écrit exposant ses conclusions et recommandations au sujet du grief dont il a été saisi.
En vertu de son mandat, le CEE doit également entendre les cas d'appel interjetés par des membres qui ont fait l'objet de mesures disciplinaires complexes. Aux termes du paragraphe 45.15:
(1) Avant d'étudier l'appel visé à l'article 45.14, le commissaire le renvoie devant le Comité.
...
(3) Par dérogation au paragraphe (1), le membre dont la cause est portée en appel devant le commissaire peut lui demander de ne pas la renvoyer devant le Comité; le commissaire peut accéder à cette demande, ou la rejeter s'il estime plus indiqué un renvoi devant le Comité.
Aux termes du paragraphe 45.16:
(1) Le commissaire étudie l'affaire portée en appel devant lui en vertu de l'article 45.14 en se fondant sur les documents suivants:
a) le dossier de l'audience tenue devant le comité d'arbitrage dont la décision est portée en appel,
b) le mémoire d'appel;
c) les argumentations écrites qui lui ont été soumises.
Il tient également compte, s'il y a lieu, des conclusions ou des recommandations exposées dans le rapport du Comité ou de son président.
...
(5) Le commissaire rend, dans les meilleurs délais, une décision écrite et motivée sur tout appel dont il est saisi, et il en signifie copie à chacune des parties à l'audience tenue devant le comité d'arbitrage dont la décision a été portée en appel, ainsi qu'au président du Comité lorsque l'affaire a été renvoyée devant le Comité conformément à l'article 45.15.
(6) Le commissaire n'est pas lié par les conclusions ou les recommandations contenues dans un rapport portant sur une affaire qui a été renvoyée devant le Comité conformément à l'article 45.15; s'il choisit de s'en écarter, il doit toutefois motiver son choix dans sa décision.
4 La Commission des plaintes du public définit son mandat dans son rapport annuel de 1988-1989.
La Partie VII [de la Loi sur la GRC] prévoit ce qui suit:
- la Commission reçoit les plaintes du public;
- le président peut lui-même porter plainte s'il est fondé à croire qu'il convient de le faire;
- La Commission doit aviser la GRC de toute plainte déposée devant elle afin que la GRC puisse faire enquête et en arriver à un règlement;
- s'il juge que l'intérêt public l'exige, le président peut tenir une enquête ou convoquer une audience pour enquêter sur une plainte, que celle-ci ait ou non déjà fait l'objet d'une enquête de la part de la GRC;
- si le plaignant n'est pas satisfait de la manière dont la Gendarmerie a réglé sa plainte, le président procède à l'examen de celle-ci;
- si, après examen, le président ne s'estime pas satisfait de la manière dont la Gendarmerie a réglé la plainte, il peut décider de convoquer une audience;
- dans leurs rapports respectifs, le président et la Commission formulent des conclusions et des recommandations.
5 Ce manque de flexibilité s'exprime souvent par l'importance excessive attachée aux procédures dont les objectifs qu'elles sont censées réaliser finissent, en général, par être abandonnés. En faisant cette remarque et en commentant les conséquences pour le moral, la Commission Marin (Canada, 1976:129) cite le passage suivant du rapport Haig-Brown de 1944 sur la sélection du personnel à la Gendarmerie royale du Canada:
Généralement, c'est la futilité des restrictions, voire leur caractère narguant donnant à penser que les hommes sont irresponsables et difficiles à discipliner, qui contribuent le plus à mécontenter les membres. Nous avons été, à maintes reprises, frappés par le nombre d'infractions mineures, n'ayant souvent presque aucun rapport avec la question en litige, qui sont dénoncées dans presque toutes les enquêtes. On sent qu'un examen approfondi d'une journée ordinaire de 24 heures de la vie d'un policier révélerait une demi-douzaine d'infractions semblables et que tout homme qui passe à travers pareille enquête sans qu'une accusation puisse être portée contre lui a eu beaucoup de veine. Cette réglementation sévère, compte tenu particulièrement de la lenteur actuelle que l'on connaît en matière d'avancement, a réellement tendance à décourager l'initiative de la part des individus [TRADUCTION].
6 Ce style de gestion rappelle la gestion de type "scientifique" pratiquée dans l'industrie au cours des années 40 et 50 où l'on imposait des règles strictes dont on encourageait le respect en appliquant le principe du travail rémunéré à la pièce (Bradley et autres, 1986).
7 L'un des défauts de la procédure employée par les commissions civiles d'examen fort répandues aux États-Unis au début des années 60, tient au fait que, d'après certains, un nombre limité des droits constitutionnels de base des policiers sous enquête étaient maintenus (Hudson 1972:p. 522). En ce qui concerne les procédures d'examen externe, les policiers craignent surtout de n'être pas traités équitablement ou de ne pas obtenir la protection à laquelle ils jugent avoir droit (voir aussi Canada, 1976; Brown, 1985).
8 Voir Garland et Young (1983) pour une discussion générale sur le châtiment et ses objectifs. Pour un examen des effets de la honte et de la manière dont elle peut entraîner un changement de comportement et la réintégration, voir Braithwaite (1989).
9 Voir Cohen (1985) et (1988:36) pour un aperçu des divers effets du châtiment.
10 Comme le signale Hirschman (1970:1):
Quelle que soit la structure des institutions de base, il ne faut pas s'attendre à ce que tous se conforment aux modèles établis par la société, ne serait-ce que pour toute sorte de raisons accidentelles [TRADUCTION].
11 Les plaintes peuvent être présentées sous diverses formes: par écrit, de vive voix, de façon anonyme ou par un témoin à un incident. La plupart des plaintes sont portées contre des officiers de rang inférieur qui ont affaire davantage au public. Toutefois, Maguire et Corbett (1989:182) signalent:
Lorsqu'on examine les chiffres, il semble que les inspecteurs et les sergents soient également visés par les plaintes, sinon davantage, si l'on tient compte de leur nombre (Emment, 1984) [TRADUCTION].
12 Au cours de son analyse de la situation dans l'État de Victoria, Goldsmith (1991) précise:
Ainsi, en 1986-1987, 60 p. 100 de toutes les accusations renvoyées à la Commission n'ont causé aucun préjudice aux policiers visés, comparativement à 66 p. 100 en 1987-1988. En 1986-1987, des 69 autres accusations ayant entraîné une peine formelle, plus de la moitié (37) ont donné lieu à l'imposition d'une amende tandis que près du quart ont entraîné des réprimandes. En 1987-1988, des 46 accusations qui ont eu une issue plus ou moins défavorable, 18 ont donné lieu à l'imposition d'une amende et 7 se sont soldées par une réprimande. Douze des accusations portées cette année-là visaient un agent de police, qui a été congédié [TRADUCTION].
13 Voir la conception des systèmes de "contrôle bureaucratique" proposée par Hill (1981) et celle des systèmes de "rétroaction négative" de Dunsire's (1986) dont fait état Goldsmith (1991).
14 Adamson (1987) signale que certains agents ne semblent pas très bien comprendre le rôle de l'administration dans la procédure de règlement des plaintes. Certains d'entre eux estiment qu'en laissant passer nombre de plaintes déposées par des citoyens, l'administration se trouvait à retirer son appui aux agents patrouilleurs. Les administrateurs interrogés ont déclaré que la loi les obligeait à traiter les plaintes.
15 La Commission d'enquête de 1976 sur la GRC (Canada, 1976) donnait les raisons suivantes pour expliquer que les plaintes ne sont pas toujours déposées:
1. la conviction de la part du plaignant éventuel que la police camouflerait l'incident;
2. une certaine méconnaissance de la manière de présenter une plainte;
3. la crainte de représailles policières.
16 On peut en trouver des exemples dans le cas d'enquêtes nécessitées par des accusations d'abus de pouvoir contre des policiers ou d'échec dans le traitement de plaintes contre la police. Il en est ainsi des enquêtes Maloney (1975), Morand (1976), Scarman (1982), Victoria (1987) et Queensland (1989).
17 Voir Smith et Gray (1985) et Gordon (1983; 1987), pour les discussions entourant certains des problèmes qui ont caractérisé les relations entre la police et les groupes minoritaires au Royaume-Uni.
18 Comme le signalent Maguire et Corbett (1989:191) dans leurs observations sur la situation en Grande-Bretagne, porter une plainte au-delà du premier palier de la procédure au sein de la police exige très souvent une grande persévérance de la part du plaignant.
Parmi ceux des plaignants que nous avons interrogés et qui s'étaient rendus ou avaient téléphoné à la station de police locale afin d'y déposer leur plainte, plus de 30 p. 100 ont été dissuadés dès le premier palier, et ont dû revenir à la charge et enregistrer leur plainte de nouveau par la suite. Ainsi, plusieurs de ceux qui se sont rendus dans les postes de police se sont fait dire par des agents ou des civils au comptoir d'écrire à l'officier en chef ou au directeur local, et on a même conseillé à l'un d'entre eux de rédiger deux lettres à l'intention de postes différents. Une plaignante a même été informée qu'elle devait se rendre au quartier général (situé à près de vingt milles) pour enregistrer sa plainte. On a dit à d'autres également de revenir plus tard lorsqu'un inspecteur serait en service. Ceux ou celles qui ont tenté de se plaindre par téléphone, mais sans succès, ont affirmé avoir eu une réponse courtoise de la part du policier qui s'efforçait de les convaincre que "l'agent essayait simplement de faire son travail", mais on ne leur a fourni que peu de renseignements sur les procédures de règlement des plaintes et aucun effort n'a été fait pour organiser une réunion afin de prendre acte de la plainte (TRADUCTION).
Voici un exemple concret de la manière dont un membre du public peut échouer dans sa tentative d'exprimer son mécontentement en formulant une plainte qui n'aurait pas de suites:
Le plaignant a été arrêté par un agent de la circulation pour avoir fait un virage illégal à droite dans un secteur de la ville où il se faisait beaucoup de travaux de construction et où les rues avoisinantes étaient bloquées. Lorsqu'il a signalé la chose à l'agent, celui-ci a répondu que ce que la voirie urbaine faisait ne concernait pas la police et que la possibilité, pour cette personne, de se rendre où elle voulait dans la légalité ne la concernait pas davantage. Le conducteur s'est senti lésé dans ses droits pour avoir été arrêté dans ces circonstances (question relative à la gestion du service de voirie) et pour avoir reçu cette réponse du policier (question concernant la conduite de l'agent). Il a décidé de porter plainte en s'adressant à son service local de police, où il s'est fait dire que cela ne relevait pas de sa compétence, étant donné que le policier en cause faisait partie de la division de la circulation. Lorsqu'il téléphona à celle-ci, le sergent de service lui fit à peu près la même réponse que l'agent de la circulation, mais avec plus de force et sur un ton plus cassant. Le plaignant, se sentant alors encore plus lésé, réagit en téléphonant au chef adjoint de la police responsable des opérations. Celui-ci fit preuve de sympathie et avoua au plaignant la difficulté qu'il avait d'obtenir de ses officiers qu'ils répondent plus poliment aux citoyens. Il réussit ainsi à calmer le plaignant, tout en lui expliquant que ni lui ni personne d'autre dans le service n'estimait que cette plainte justifiait une intervention de l'administration (communication personnelle) [TRADUCTION].
19 Pour l'exposé des arguments sur l'importance de maintenir l'autodétermination de la police en conservant Intacte la structure de son autorité, voir Goldstein, 1967; Bayley, 1983; Doig et autres, 1984.
20 Terrill (1990) offre une discussion intéressante sur la solidarité entre les membres d'un même groupe.
21 Les prétentions de solidarité chez les agents de police sont devenues pour ainsi dire un cliché. Freckelton (1990), par exemple, écrit:
Il est bien connu que l'hostilité envers les étrangers est une source de résistance au changement, laquelle est exacerbée par une forte identification au groupe, un lien qui donne de la cohésion à ce dernier et met l'accent sur la différence que ce groupe représente pour ceux et celles qui n'en font pas partie (Watson, 1971: 745). L'exclusivité des forces policières est notoire, de même que leur sens de la fraternité et leur conservatisme face aux propositions de réforme (Reiner, 1985:97) [TRADUCTION].
De même, dans son rapport sur la corruption de la police dans l'État australien de Victoria, Richardson (1989: 202-5 et 362-3) commente longuement "le code oral de la police" et l'effet qu'il a d'isoler la police. Richardson écrit notamment que le code:
en fait, immunise la police contre la loi. Dans les conflits entre le code et la loi, le premier a préséance sur la seconde. En vertu du code:
la loyauté à l'égard des compagnons officiers est essentielle;
il est interdit de formuler des critiques à l'endroit des compagnons officiers, surtout devant des étrangers;
les activités délicates de la police, notamment ses relations avec des informateurs, échappent à tout examen;
un policier n'applique pas la loi à l'encontre de l'un de ses pairs ou n'exerce aucune surveillance sur eux; et
ceux qui violent le code peuvent être punis et expulsés...
Pour appliquer le code il faut savoir que la police rejette toute critique et surveillance externe. C'est pourquoi elle se défend contre la critique par des renseignements erronés et la tromperie. On dit que les réformes nuisent au bon "moral". Ceux qui se permettent de parier contre la police deviennent souvent eux-mêmes l'objet d'abus de pouvoir, de critiques ou d'allégations.
Les problèmes sont niés ou minimisés, ce qui rend la planification difficile et intensifie le cynisme de la collectivité à l'endroit de la police (cité dans Freckelton, 1990; voir aussi Bradley et autres, 1986) [TRADUCTION].
22 Voir Smith et Gray (1985) pour une discussion concernant les craintes qu'éprouvent les groupes minoritaires à porter leurs plaintes à l'attention de la police, ainsi que Gordon (1987) pour un examen plus détaillé des relations entre la police et les groupes minoritaires.
23 Il existe d'autres procédures de règlement des plaintes que la structure traditionnelle (voir Grant, 1975 pour un examen des divers modèles). Il y a des différences entre les modèles. La Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni illustrent bien la nature et l'étendue de ces différences.
Nouvelle-Zélande -- depuis 1962, un ombudsman est chargé de protéger les services gouvernementaux, les organismes publics et le personnel des cours de justice. Il n'existe pas d'organisme indépendant de surveillance de la police, même si à l'occasion de certaines plaintes on a cherché à savoir si le processus interne n'a pas donné des résultats satisfaisants.
Angleterre et pays de Gallges -- la procédure de règlement des plaintes dans ce cas vient d'être modifiée aux termes de la Police and Criminal Evidence act de 1984. En vertu de cette loi, la Police Complaints Board était remplacée par la Police Complaints Authority (PCA). Celle-ci a pour rôle de superviser les enquêtes sur les plaintes du public contre les agents de police. Ces derniers doivent renvoyer à la PCA certaines catégories d'infractions, notamment dans les cas allégués de mort ou de blessure grave, ceux de corruption d'un agent de la paix et d'allégation de crimes graves imputés à des policiers. La PCA peut enquêter également dans d'autres cas lorsqu'elle estime qu'il y va de l'intérêt du public.
Dans les cas d'enquêtes où la PCA assure des services de surveillance, elle est à même d'approuver la nomination de l'agent enquêteur ou de lui opposer son droit de veto et elle peut donner des directives sur le déroulement de l'enquête. L'agent enquêteur doit présenter un rapport final à la PCA, et celle-ci peut établir si elle estime que l'enquête a été menée de façon satisfaisante. La PCA se trouve donc à jouer le rôle d'un organisme d'examen indépendant.
On se demande encore dans quelle mesure la PCA a réussi à modifier la manière dont la police enquête sur elle-même et jusqu'à quel point elle est perçue par le public comme un organisme valable et efficace (voir, par exemple, Grimshaw et Jefferson, 1987:285).
Voir David Fogel (1987) pour un examen comparé des procédures de règlement des plaintes en place à Londres, à Paris et à Chicago.
24 L'Alberta, l'Ontario et le Manitoba ont tous adopté des mécanismes "indépendants" de règlement des plaintes contre la police. Plus récemment, la Nouvelle-Écosse a établi une Commission indépendante d'examen de la police (aux termes de l'article 28 de la Police Act de 1985 proclamée en mai 1988). La Commission a été mise sur pied pour "entendre et régler les plaintes du public et les questions de discipline interne" (Apostle et Stenning, 1989:68-71).
25 Apostle et Stenning (1989) signalent que cela a notamment pour inconvénient de permettre à un chef de police de se soustraire à ses responsabilités de policier et d'administrateur de police sous prétexte que les faits qui se produisent sur son territoire sont indépendants de son contrôle.
26 Les policiers ont coutume de prétendre qu'ils sont les mieux placés pour mener une enquête, parce qu'ils ont déjà sur les lieux des enquêteurs chevronnés et que ceux-ci, s'ils sont motivés, sont le mieux en mesure de vaincre la résistance que nous avons signalée un peu plus tôt.
27 Voir aussi D.C. Rowat "The Ombudsman, Citizen's Defender" (1965) pour une discussion concernant les systèmes actuels mettant en oeuvre un ombudsman.
28 Comme le souligne Goldsmith (1991), le mandat de l'ombudsman est ordinairement le suivant:
aider à reconnaître les types d'inconduite organisationnelle et recommander les réformes qui s'imposent [TRADUCTION].
D'après Friedmann (1970:44), cette fonction corrective n'est qu'un aspect de la responsabilité de l'ombudsman, l'autre étant de faire justice au citoyen.
L'ombudsman sert d'intermédiaire entre chacun des citoyens d'un État et les fonctionnaires dont les mesures administratives ont un effet sur ces mêmes citoyens. D'une part, il permet aux citoyens qui ont été victimes d'abus sur le plan administratif de présenter leurs doléances à un fonctionnaire influent qui est investi du pouvoir d'enquêter sur la procédure ayant donné lieu au grief et qui peut faire des recommandations au service concerné. D'autre part, l'ombudsman sert le gouvernement en indiquant les faiblesses de la machine administrative dans ses rapports avec les citoyens [TRADUCTION].
Plus loin, pour signaler que la notion d'ombudsman s'inscrit parfaitement dans cette approche corrective, Friedman (1970:48) cite Gellhorn:
Si le poste d'ombudsman a été créé, ce n'est pas pour réparer un gâchis, mais bien plutôt pour prémunir contre d'éventuels gâchis [TRADUCTION].
29 La notion d'ombudsman est également attrayante dans des pays comme le Canada où le concept d'indépendance de la police est très répandu.
L'indépendance de la police est un concept complexe et intrinsèquement controversé qui a été mis de l'avant pour établir une distanciation entre le pouvoir décisionnel de la police en matière opérationnelle et son contrôle direct par le gouvernement. Cette distanciation est perçue comme souhaitable parce qu'on craint que dans les démocraties représentatives de type multipartite où un parti politique en règle est appelé à former le gouvernement, les membres de ce dernier puissent être tentés d'utiliser la police et son droit de recours à la force pour atteindre des objectifs partisans aux dépens de l'intérêt public (Marshall, 1978).
L'idée de l'indépendance de la police suppose que les policiers sont perçus comme étant responsables devant la loi ou la Couronne pour la manière dont ils prennent des décisions concernant leur obligation de faire respecter la loi. Par conséquent, même si les hommes et femmes politiques peuvent les diriger en élaborant des lois et en leur enseignant comment les appliquer, ils ou elles ne devraient pas intervenir directement dans la manière dont les policiers s'acquittent de cette responsabilité (Cull. 1975-1977).
Lorsqu'un organisme d'examen externe exerce ses responsabilités de surveillance pour le compte d'un gouvernement , il en résultera que la police relèvera plus directement de ce gouvernement. D'un côté, cette situation aura tout lieu de plaire aux personnes qui se disputeraient à propos des valeurs et des objectifs sous-jacents à l'indépendance de la police et qui souhaitent voir celle-ci plus fermement assujettie à l'emprise gouvernementale, et de l'autre, cela dérangera ceux qui veulent une distance entre la police et le gouvernement.
Cependant, lorsqu'un organisme de ce genre épouse à la lettre le concept d'ombudsman et relève d'une autorité considérée comme non partisane, tel le Parlement, ce concept sera bien accueilli par ceux et celles qui appuient l'idée d'une distance entre la police et le gouvernement. L'ombudsman se trouve ainsi à augmenter les chances de viabilité de l'idée d'indépendance en calmant la crainte que, par son indépendance même, la police n'échappe au contrôle politique (Cull, 1975-1977). Cette crainte est apaisée par la présence d'un ombudsman qui fait rapport directement au Parlement. Dans ce cas, le contrôle politique de la police s'en trouve accru, sans que cela ne mette en péril le concept d'indépendance de la police ou la réduction de la participation partisane à la fonction policière.
30 Il convient de signaler que, conformément à l'article 5 de la Loi sur la GRC, le commissaire a pour responsabilité d'assurer, sous la direction du Ministre, le contrôle et l'administration de la Gendarmerie.
31 Précisons, en passant, que le rôle du CEE, en vertu de son mandat, peut traiter les cas de discipline ou de griefs individuels ou collectifs.
32 Même si le cadre de ces recommandations sera limité aux griefs et aux cas de discipline, les questions soulevées auront trait nécessairement à une vaste gamme de problèmes d'ordre administratif.
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