2013-2014 Rapport annuel du Comité externe d'examen de la GRC

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Le 6 juin 2014

L’honorable Steven Blaney, C.P., député
Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile
269, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario)
K1A 0P8

Monsieur le Ministre,

Conformément à l’article 30 de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, je suis heureux de vous présenter le rapport annuel du Comité externe d’examen de la GRC pour l’exercice 2013-2014 afin que vous puissiez le déposer à la Chambre des communes et au Sénat.

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de mes sentiments distingués.

Le président intérimaire,
David Paradiso

Table des matières


Je suis honoré d’avoir été nommé président intérimaire du Comité externe d’examen de la GRC par le Gouverneur général en conseil au cours de la dernière année. Mes années d’expérience comme directeur exécutif et avocat principal ne m’ont préparé qu’en partie aux complexités inhérentes au poste de président. Toutefois, cette année m’a permis de confirmer certaines impressions que je ressentais déjà. Plus particulièrement, je me suis rendu compte que les personnes qui ne s’occupent pas régulièrement de griefs ou d’appels relatifs à des mesures disciplinaires ne comprennent pas forcément le rôle essentiel que jouent les tribunaux administratifs, comme le CEE. Je propose l’analogie suivante pour bien expliquer ce rôle.

On peut comparer le droit à une science, comme la physique, par exemple. Les avocats des tribunaux sont des experts techniques dans leur discipline, comme le sont les physiciens et les ingénieurs dans leur domaine respectif. Les rédacteurs des décisions en droit correspondent aux architectes en ingénierie. De la même manière que les architectes utilisent de nouveaux matériaux et processus pour construire en faisant appel à des notions fondamentales, les tribunaux appliquent la jurisprudence récente et les nouveaux règlements aux anciens principes. Dans leur discipline respective, les rédacteurs des décisions et les architectes trouvent des solutions aux défis contemporains. Une décision ou une recommandation peut se comparer à un pont, à un immeuble ou à une machine. Les meilleures d’entre elles sont d’une infinie beauté. Nous nous inspirons de la sagesse et des leçons de nos prédécesseurs. Hammurabi est notre Archimède; Lord Denning, notre de Vinci; et Louise Arbour, notre Frank Lloyd Wright.

Le CEE procède à un examen spécialisé et hautement technique des cas dont il est saisi. Il ne défend pas les intérêts de la direction de la GRC, ni ceux des membres de la GRC. Il effectue ses analyses de manière objective, impartiale et équitable. Les Canadiens veulent avoir la certitude que la Gendarmerie constitue une institution publique respectueuse des principes et régie par des règlements adaptés à la société contemporaine. La réputation d’intégrité du CEE contribue à la crédibilité et à la légitimité des processus internes de la GRC.

Je tiens à remercier l’ancienne présidente, Catherine Ebbs, qui s’est employée à examiner les cas avec la plus grande impartialité, qui a fait preuve d’un professionnalisme exceptionnel, toujours avec compassion, et qui a su léguer un profond sentiment de respect d’autrui qui imprègne la culture du CEE. Je remercie également le personnel extraordinaire du CEE qui, avec précision et exactitude, veille à ce que le président assume pleinement ses fonctions.

Le président intérimaire,
David Paradiso

Message de l’ancienne présidente

J’ai été la présidente du CEE pendant huit ans, soit d’avril 2005 à juillet 2013. J’ai vécu une expérience extraordinaire et j’ai eu la chance de travailler avec une équipe de fonctionnaires extrêmement compétents et dévoués.

Le CEE doit s’acquitter d’un mandat hautement spécialisé, soit de veiller à ce que les questions de relations de travail de la GRC soient traitées de façon équitable et transparente, en conformité avec les principes de droit. Ce rôle est d’une importance capitale. Il consiste à examiner la façon dont la GRC traite ses membres et la manière dont ces derniers préservent la confiance que nous leur témoignons, nous qui comptons sur eux pour assurer la sécurité des Canadiens. Il peut s’agir, par exemple, de s’assurer qu’une plainte de harcèlement est traitée en bonne et due forme, qu’un congédiement pour inconduite est bel et bien justifié et qu’une conclusion voulant qu’il y ait violation du code de déontologie de la GRC est étayée par les éléments de preuve présentés.

Pourquoi ces considérations sont-elles toutes importantes? Parce que nous savons tous qu’un milieu de travail efficace est un milieu où les relations employeur-employé sont fondées sur l’ouverture, l’honnêteté et l’équité. La GRC se doit d’être efficace. Et c’est là la raison d’être du Comité externe d’examen de la GRC.

Compte tenu des nombreux changements qui seront bientôt apportés à la façon dont la GRC gère ses membres, le rôle du CEE est maintenant plus important que jamais. Quelles que soient les conséquences de ces changements, je suis convaincue que la talentueuse équipe du CEE saura se montrer à la hauteur.

L’ancienne présidente,
Catherine Ebbs

En 1976, la Commission d’enquête sur les plaintes du public, la discipline interne et le règlement des griefs au sein de la Gendarmerie royale du Canada a recommandé que les questions liées aux relations de travail de la GRC fassent l’objet d’examens indépendants. Cela favoriserait un régime de relations de travail au sein de la GRC aussi juste et équitable que possible et perçu comme tel par les membres de la Gendarmerie. La Commission a également conclu que des examens indépendants étaient essentiels à un système [Traduction] « qui s’attirerait ainsi le respect des membres les plus susceptibles d’y recourir ».

Le Comité externe d’examen de la GRC (CEE) est un tribunal fédéral indépendant établi par le Parlement il y a plus de 20 ans pour mener les examens indépendants recommandés par la Commission d’enquête de 1976.

Le CEE examine certains types de griefs ainsi que des appels relatifs à des mesures disciplinaires et des appels en matière de renvoi et de rétrogradation. Sa compétence se limite aux membres réguliers et civils de la GRC, les fonctionnaires employés par la GRC étant assujettis à des processus de relations de travail distincts.

En tant que tribunal quasi judiciaire, le CEE applique le principe de la primauté du droit, et son rôle est crucial pour assurer la transparence, l’équité et l’impartialité dans les processus relatifs aux relations de travail de la GRC. Après l’examen d’un cas, le CEE soumet ses conclusions et ses recommandations au commissaire de la GRC, qui rend ensuite une décision finale.

Le CEE contribue au maintien de relations de travail justes et équitables au sein de la GRC. Au fil des ans, ses conclusions et ses recommandations ont amené la GRC à modifier à plusieurs égards ses politiques relatives aux relations de travail internes, y compris en ce qui a trait aux renvois pour raisons médicales, aux suspensions sans solde, à la prévention du harcèlement, aux indemnités de déménagement et de réinstallation et au réaménagement de l’effectif.

En tant qu’un des deux organismes de surveillance et d’examen de la GRC (l’autre étant la Commission des plaintes du public contre la GRC), le CEE joue un rôle important dans le maintien de la confiance du public à l’égard de la GRC et veille à ce que celle-ci respecte la loi et les droits de la personne dans ses relations de travail.

En 2013-2014, le CEE disposait d’un budget totalisant environ 1,6 million de dollars et comptait huit employés au début de l’exercice, dont l’ancienne présidente. Une fois que le mandat de l’ancienne présidente a pris fin le 31 juillet 2013, le directeur exécutif et avocat principal a été nommé président intérimaire. Cette nomination intérimaire a eu des répercussions sur la planification des ressources humaines du CEE pour le reste de l’exercice 2013-2014.

Le CEE a consacré environ 90 % de son temps et de ses ressources à l’examen de cas et 10 % aux activités de liaison et de communication. Les services organisationnels, comme la gestion financière, les ressources humaines et les services de technologie de l’information, sont compris dans ces deux ensembles d’activités.

Structure organisationnelle

Le CEE rend des comptes au Parlement par l’intermédiaire du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile. Il est dirigé par un président, qui est nommé par décret du gouverneur en conseil. Le président joue également le rôle de premier dirigeant. Selon la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada (Loi sur la GRC)Footnote 1, aucun membre de la GRC ne peut faire partie du CEE.

Outre le président, le CEE est géré par un directeur exécutif et avocat principal qui supervise six employés : des avocats spécialisés en droit du travail et en droit administratif, ainsi que quelques employés des services administratifs qui assurent le cours normal des activités de cet organisme public moderne.

Structure organisationnelle
Description

Sécurité publique Canada fournit certains services administratifs au CEE en vertu d’un protocole d’entente visant la prestation d’aide dans les domaines des ressources humaines, de la technologie de l’information et des finances. Comme pour tous les autres ministères et organismes gouvernementaux, le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux du Canada fournit au CEE tous les services liés aux locaux.

Examen des cas

Le CEE n’est pas habilité à entreprendre des examens de son propre chef. Le processus d’examen de cas débute au moment où le commissaire de la GRC renvoie un cas au CEE. Les cas qui doivent être renvoyés au CEE sont décrits dans la Loi sur la GRC. Ils comprennent certaines catégories de griefs précisées dans le Règlement de la GRC, ainsi que tous les appels relatifs à des mesures disciplinaires et les appels en matière de renvoi et de rétrogradation.

Lorsque le CEE procède à l’examen d’un cas, il analyse tout le dossier, y compris les documents à l’appui, la décision rendue et les arguments des parties. Lorsque l’examen porte sur l’appel d’une décision concernant des mesures disciplinaires, un renvoi ou une rétrogradation, la transcription de l’audience est également examinée par le CEE, ainsi que toutes les pièces présentées à l’audience. Le président du CEE peut demander que les parties fournissent des renseignements ou des observations supplémentaires et, si l’une des deux parties le fait, l’autre partie a la possibilité d’y répondre. Le président a également le pouvoir de tenir une audience s’il le juge nécessaire, bien qu’il ait rarement recours à cette option. Avant de formuler ses conclusions et ses recommandations, il examine l’ensemble de la preuve, les questions juridiques, les dispositions législatives pertinentes et la jurisprudence.

Le président du CEE transmet ses conclusions et ses recommandations au commissaire de la GRC et aux parties en cause. Le commissaire rend une décision finale et doit tenir compte des recommandations du CEE. S’il décide de s’en écarter, la Loi sur la GRC exige qu’il justifie son choix dans sa décision.

Vous trouverez ci-après une description du processus de règlement des griefs, du processus d’appel relatif à des mesures disciplinaires et du processus d’appel en matière de renvoi et de rétrogradation ainsi qu’un aperçu du rôle du CEE dans chacun d’entre eux.

Processus de règlement des griefs

Selon la Loi sur la GRC, la résolution des conflits liés aux droits et aux intérêts personnels se fait par le processus de règlement des griefs de la GRC. Les griefs peuvent porter sur un vaste ensemble de droits et d’intérêts, allant de l’admissibilité d’une demande de remboursement pour certaines dépenses au droit de travailler dans un environnement exempt de harcèlement et de discrimination. Les griefs représentent la majorité des cas renvoyés au CEE.

L’examen et le règlement d’un grief reviennent d’abord à un officier de la GRC, qui agit à titre d’arbitre de niveau I. Si le membre n’est pas satisfait de la décision de l’arbitre de niveau I, il peut présenter le grief au niveau II, où il revient au commissaire de la GRC ou à son délégué de trancher. Avant de rendre sa décision, le commissaire doit, en vertu de l’article 36 du Règlement de la GRC, renvoyer au CEE les griefs appartenant à cinq catégories précises pour qu’ils fassent l’objet d’un examen, à moins que les membres concernés s’y opposent – ce qui arrive rarement – et que le commissaire respecte leur volonté.

Processus d'appel relatif à des mesures disciplinaires

Lorsqu'il est allégué qu'un membre de la GRC a commis une infraction grave au code de déontologie de la GRC et que le processus disciplinaire officiel est lancé, une audience interne est tenue pour déterminer si les allégations sont fondées et, le cas échéant, quelle sera la peine appropriée. L'affaire est instruite par un comité d'arbitrage constitué de trois officiers supérieurs de la GRC. Si la Gendarmerie ou le membre souhaite interjeter appel de la décision du comité d'arbitrage devant le commissaire de la GRC, l'appelant et l'intimé doivent fournir, par écrit, leurs observations au commissaire. Le commissaire renvoie ensuite le dossier au CEE afin qu'il l'examine, à moins que le membre concerné s'y oppose – ce qui arrive rarement – et que le commissaire respecte sa volonté. Après avoir procédé à l'examen approfondi du dossier, le CEE présente ses conclusions et ses recommandations au commissaire de la GRC et aux parties concernées.

Processus d'appel en matière de renvoi et de rétrogradation

Lorsqu’un membre fait l’objet d’une mesure de renvoi ou de rétrogradation parce qu’il n’a pas exercé ses fonctions de façon satisfaisante, il peut demander la convocation d’une commission de licenciement et de rétrogradation, composée de trois officiers supérieurs de la GRC, qui examinera l’affaire. Le membre visé ou l’officier compétent ayant lancé la procédure peut interjeter appel de la décision de cette commission. Les deux parties font parvenir leurs arguments écrits au commissaire de la GRC. Le commissaire renvoie ensuite tous les appels en matière de renvoi et de rétrogradation au CEE pour qu’il les examine, à moins que les membres concernés s’y opposent – ce qui arrive rarement – et que le commissaire respecte leur volonté. Après avoir procédé à un examen approfondi du dossier, le CEE présente ses conclusions et ses recommandations au commissaire de la GRC et aux parties concernées.

Activités de liaison et de communication

En plus de procéder à l’examen des cas, le CEE participe à d’autres activités qui appuient et consolident son mandat principal. Les activités de liaison et de communication, sous diverses formes, constituent une composante importante de son travail.

La publication trimestrielle du CEE, qui s’intitule Communiqué, comprend des sommaires de cas et des articles sur des questions fréquemment soulevées dans les cas.

Le CEE possède également un site Web (www.erc-cee.gc.ca) qui contient, entre autres, les rapports annuels et les bulletins trimestriels du Communiqué, une vaste base de données qui permet de chercher tous les sommaires des conclusions et recommandations du CEE, des résumés des décisions subséquentes du commissaire de la GRC, ainsi que les articles, les documents de discussion et les rapports spécialisés du CEE les plus demandés. Le CEE a obtenu des commentaires positifs de la part d’internautes quant à l’accessibilité et à l’utilité de son site Web.

Dans la mesure du possible, le CEE fournit des renseignements et offre de la formation à différents employés s’occupant des relations de travail à la GRC. Les initiatives de liaison comprennent des visites à la Direction générale, aux quartiers généraux des divisions et aux détachements de la GRC. Le CEE essaie de combiner ces visites avec d’autres déplacements autant que possible. Durant les séances d’information et de formation, le CEE traite régulièrement des difficultés ou des questions de procédures courantes en matière de griefs et d’appels, ce qui permet de mieux comprendre l’importance et l’utilité de respecter les procédures adéquates. Cette année, le CEE n’a pu réaliser qu’une seule initiative de ce genre.

Sujets des articles du CEE les plus demandés

D’autres articles sont disponibles sur le site Web du CEE au www.erc-cee.gc.ca.

Demandes d'information

Le CEE répond également aux demandes de renseignements officielles et non officielles. En 2013- 2014, le CEE a reçu 77 demandes. En moyenne, l'organisme a répondu à ces demandes dans un délai d'une journée. Un peu plus de la moitié des demandes provenaient de la GRC elle-même, les membres du public constituant le deuxième groupe de demandeurs en importance.

Les graphiques ci-après présentent les différentes catégories de demandes reçues ainsi que leur
provenance. Plusieurs demandes étaient simples : les demandeurs ont reçu une réponse rapidement ou ont été orientés vers le bureau approprié. Cependant, d'autres demandes s'avéraient compliquées et ont exigé davantage de temps et d'efforts dans la formulation d'une réponse complète et exacte. De loin, la médiane du délai de réponse était de moins d'une journée, ce qui signifie qu'un petit nombre de demandes complexes ont nécessité beaucoup de temps à traiter.

Demandes d'information selon la provenance
Description
Demandes d'information par sujet
Description

Examen des cas

Renvois

En 2013-2014, 25 cas ont été renvoyés devant le CEE : 19 griefs, 5 appels relatifs à des mesures disciplinaires et 1 appel en matière de renvoi ou de rétrogradation.

Nombre de dossiers reçus
Description

Dossiers traités et recommandations émises

Le CEE a traité 12 dossiers au cours de l’exercice 2013-2014. Onze dossiers portaient sur des conclusions et des recommandations concernant des griefs, tandis qu’un cas a été retiré avant que le CEE puisse présenter ses conclusions et recommandations. Cette année, le CEE n’a pas formulé de conclusions et de recommandations sur des appels relatifs à des mesures disciplinaires, ni sur des appels en matière de renvoi ou de rétrogradation.

Nombres de dossiers traités et recommandations émises
Description

Examen des griefs

Le graphique ci-dessous illustre la répartition des recommandations relatives aux griefs cette année, par sujet.

Répartition des recommandations en matière de griefs pendant l'année financière, par sujet
Description

Au cours des dernières années, les questions relatives aux déplacements, au harcèlement et aux réinstallations ont représenté une part importante des griefs examinés. En 2013-2014, les questions relatives au harcèlement et aux réinstallations occupaient toujours une place prépondérante.

Traitement

Au début de l’exercice 2013-2014, 78 griefs et appels étaient en instance devant le CEE. À la fin du même exercice, il y en avait 91, qui se répartissaient comme suit :

La GRC doit élaborer de nouveaux processus pour mettre en oeuvre la Loi visant à accroître la responsabilité de la Gendarmerie royale du Canada, L.C. 2013, ch. 18, qui modernise l’application des mesures disciplinaires, le traitement des griefs et la gestion des ressources humaines pour les membres de la GRC. Une fois que ces processus auront été établis, le CEE les comparera aux siens et élaborera les dispositions nécessaires pour gérer simultanément les cas qu’il recevra en vertu de la nouvelle loi, lorsqu’elle entrera en vigueur, et ceux visés par l’actuelle Loi sur la GRC. Le CEE établira ensuite des normes de rendement applicables au traitement de ces cas, comme le prévoit la nouvelle loi.

Autres activités

En plus d’examiner les cas qui lui sont renvoyés, le CEE doit satisfaire toute obligation réglementaire imposée à l’ensemble des ministères de la fonction publique. Le CEE est fermement résolu à remplir son mandat tout en respectant les politiques et les dispositions législatives.

Dans sa charge de travail, le CEE doit notamment s’acquitter d’un nombre disproportionné d’obligations en matière de présentation de rapports et de gestion de l’organisation. Le CEE dispose de peu d’employés chargés de recueillir et d’analyser les données organisationnelles pour ensuite les communiquer aux organismes centraux qui contrôlent les différents aspects de la gestion. Par conséquent, ces employés sont appelés à devenir les spécialistes du CEE dans plusieurs domaines, comme l’approvisionnement, les finances, les ressources humaines et la gestion du savoir. Ils exercent de nombreuses fonctions pour répondre aux besoins en matière de gestion de l’organisation afin de satisfaire aux mêmes exigences que doivent respecter les ministères et organismes de grande taille en matière de présentation de rapports. Le CEE retient également les services de divers experts-conseils de l’extérieur afin de remplir toutes ses obligations en bonne et due forme. Étant donné la petite taille et le budget modeste du CEE, ces exigences en matière de présentation de rapports accaparent des ressources humaines et financières normalement consacrées au processus d’examen des cas.


En tant que tribunal quasi judiciaire, le CEE examine les griefs, les appels relatifs à des mesures disciplinaires ainsi que les appels en matière de renvoi et de rétrogradation en appliquant le principe de la primauté du droit et en s’appuyant sur les principes de l’équité, de l’impartialité, de l’indépendance et de la transparence. Le CEE est un organisme de recommandation qui formule des conclusions et des recommandations de la même façon qu’un organisme décisionnaire rend des décisions.

Les sections qui suivent présentent les faits saillants de certains cas importants examinés par le CEE cette année.

Griefs

En vertu de la partie III de la Loi sur la GRC, un membre peut présenter un grief lorsqu’une décision, un acte ou une omission liés à la gestion des affaires de la Gendarmerie lui causent un préjudice. Le CEE se penche sur certaines catégories de griefs pour lesquels les requérants demandent un examen de la décision de niveau I. Dans le cadre de ce travail, le CEE examine certaines questions préliminaires telles que le respect des délais, la qualité pour présenter un grief, la communication de renseignements et l’admissibilité de la preuve. Il se penche aussi sur le fond des griefs.

Cette année, le CEE a examiné plusieurs questions, dont la prorogation des délais prescrits, les demandes de congé sans solde, les ordonnances de cessation de la solde et des allocations ainsi que plusieurs cas de harcèlement.

Délais prescrits et prorogation des délais prescrits

Selon le paragraphe 31(2) de la Loi sur la GRC, un membre touché personnellement par une décision, un acte ou une omission de la GRC peut présenter un grief dans les 30 jours suivant celui où il a connu la décision, l’acte ou l’omission en question. Ce délai de prescription est obligatoire. Toutefois, le paragraphe 47.4(1) de la Loi sur la GRC permet au commissaire de la GRC de proroger ou de proroger rétroactivement le délai de 30 jours s’il est convaincu que les circonstances le justifient. Le commissaire a délégué ce pouvoir aux arbitres de griefs de la GRC.

La décision de proroger ou non un délai dépend des circonstances propres à chaque cas. Pour examiner cette question, le CEE se fonde sur le critère à quatre volets dont la Cour fédérale du Canada a traité dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Pentney, 2008 CF 96. Les facteurs à considérer sont les suivants : y avait-il une intention constante de poursuivre l’affaire? L’affaire révèle-t-elle une cause défendable? Y a-t-il une explication raisonnable pour le retard? L’autre partie subit-elle un préjudice? Ce critère se veut souple et adaptable en fonction du contexte. En outre, les quatre facteurs ne doivent pas nécessairement être tous présents, et d’autres facteurs pertinents peuvent aussi être pris en considération.

Cette année, le CEE s’est penché sur la question de la prorogation des délais dans deux dossiers. Il a formulé des recommandations différentes dans chacun d’eux.

Dans le dossier G-559, la GRC a refusé de payer le transport des effets mobiliers du requérant vers une autre destination plutôt que de les entreposer au moment où celui-ci a déménagé à un poste isolé. Le requérant a présenté un grief environ cinq mois après avoir été informé de ce refus. Il a expliqué qu’il ne savait pas qu’il devait présenter son grief à l’intérieur d’un certain délai. Il a aussi fait valoir que l’objet de son grief méritait d’être examiné parce qu’il revêtait de l’importance pour l’ensemble des membres.

L’arbitre de niveau I a conclu que le grief ne pouvait pas être examiné parce qu’il avait été présenté hors délai. Elle n’a pas traité de la question de la prorogation du délai.

Le CEE a recommandé au commissaire de ne pas proroger le délai. Dans son application du critère de l’arrêt Pentney, le CEE a déclaré que la cause du requérant était défendable et qu’il était difficile d’établir si une prorogation du délai causerait un préjudice à la répondante. Toutefois, il a conclu qu’il n’y avait pas lieu de proroger le délai étant donné que le requérant n’avait pas démontré qu’il avait eu constamment l’intention de présenter un grief dans les mois précédant le dépôt de celui-ci, et qu’il n’avait pas fourni une explication raisonnable pour justifier son retard. Le CEE a reconnu qu’il pourrait être justifié de proroger le délai afin de permettre à la Gendarmerie d’examiner certaines questions de grande importance pour l’ensemble de celle-ci. Toutefois, il a conclu que le cas du requérant se rapportait à une question particulière de portée limitée.

Le commissaire s’est dit d’accord avec le CEE et a rejeté le grief.

Dans le dossier G-560, une requérante a contesté le refus de la GRC de lui permettre de consulter certains documents liés à l’enquête sur une plainte de harcèlement qu’elle avait déposée. La requérante a décidé de contester ce refus et a présenté son grief à un membre du Groupe des normes professionnelles dans le délai de prescription de 30 jours. Toutefois, le membre ayant reçu son grief ne l’a pas présenté à l’autorité compétente à l’intérieur du délai de 30 jours. L’arbitre de niveau I a conclu que le délai de prescription n’avait pas été respecté et que rien ne justifiait de le proroger.

Le CEE a recommandé au commissaire d’accueillir le grief et de proroger le délai pour plusieurs motifs. Plus particulièrement, la requérante avait démontré qu’elle avait l’intention de poursuivre l’affaire lorsqu’elle avait transmis son grief à un autre membre à l’intérieur du délai de 30 jours. En outre, la requérante s’attendait raisonnablement à ce que l’autre membre transmette son grief à temps à l’autorité compétente. De plus, sa cause était défendable, en ce sens qu’elle avait une chance raisonnable de succès. Enfin, la prorogation du délai ne causait aucun préjudice à la répondante.

Le CEE a souligné l’importance du principe de l’arrêt Pentney, lequel prévoit que les délais ont comme objectif important de faire que les décisions administratives acquièrent leur caractère définitif, mais qu’il va de soi que le pouvoir discrétionnaire de proroger les délais s’avère essentiel dans certaines situations « de manière à ce que justice soit rendue entre les parties ».

Congés sans solde

Un membre de la GRC peut obtenir un congé sans solde (CSS) pour plusieurs raisons, notamment pour faire des études ou pour des raisons personnelles. La décision d'accorder un CSS à un membre relève du pouvoir discrétionnaire du commandant divisionnaire, qui examine les circonstances conformément à la politique applicable. Par le passé, le CEE a affirmé qu'il fallait preuve de retenue relativement à l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire, à moins qu'il soit exercé de façon inéquitable.

Dans le dossier G-555, le CEE s'est penché sur le processus ayant mené au rejet d'une demande de CSS. Le requérant avait obtenu l'appui de son ancien superviseur pour prendre un CSS afin de participer à une mission des Nations Unies à l'étranger. Une semaine avant son départ, un nouveau superviseur a été muté dans son équipe. Le requérant lui a donc présenté une demande de CSS. Le nouveau superviseur a rejeté sa demande en invoquant des raisons opérationnelles. Il a indiqué plus tard qu'il s'agissait d'une décision finale.

Le requérant a demandé des précisions relativement à ces raisons, car on lui avait dit qu'il n'avait pas à assumer certaines fonctions. Il a ensuite tenté de rencontrer son commandant divisionnaire (le répondant) pour discuter du rejet de sa demande. Quelques jours avant la date à laquelle il devait partir, on lui a dit que sa demande serait transmise à l'officier des ressources humaines pour « action subséquente ». Il n'a pu obtenir de précisions de la part de son superviseur immédiat, ni communiquer avec le répondant. Au bout du compte, il a pris sa retraite de la Gendarmerie pour participer à la mission des Nations Unies.

Le requérant a déposé un grief dans lequel il contestait le rejet de sa demande de CSS. L'arbitre de niveau I a rejeté le grief. Il a déclaré que la décision du superviseur immédiat n'était qu'une recommandation, puisque seul le répondant était habilité à accorder ou refuser le CSS. En outre, il a affirmé que les raisons opérationnelles prévalaient sur les intérêts personnels du requérant.

Le CEE a recommandé au commissaire d'accueillir le grief. Il a conclu que le processus ayant mené au rejet de la demande du requérant manquait de transparence. Il a expliqué que le requérant aurait pu raisonnablement s'attendre à ce que sa demande soit traitée conformément à la politique sur les congés de la GRC. En outre, il a conclu que le superviseur immédiat avait semé une certaine confusion en indiquant que sa décision était finale, ce qui allait à l'encontre de la politique applicable, puisque seul le répondant était habilité à prendre la décision en question.

Par ailleurs, le CEE a déclaré que, bien que la décision d'accorder un CSS soit une décision discrétionnaire, les supérieurs ayant traité la demande du requérant auraient dû fournir plus d'information à ce dernier quant à l'état de sa demande, plutôt que de laisser des questions en suspens. Enfin, le CEE a conclu que les raisons opérationnelles invoquées semblaient contradictoires, et que le processus par lequel ces raisons avaient été considérées et communiquées semblait manquer de transparence.

Puisque le requérant avait pris sa retraite de la Gendarmerie, le CEE a recommandé au commissaire d'accueillir le grief et de présenter des excuses au requérant pour la façon dont avait été traitée sa demande. Il a aussi recommandé que la politique sur les CSS soit révisée afin de clarifier le processus.

Ordonnances de cessation de la solde et des allocations et preuve de trouble de stress post-traumatique

Le Règlement sur la cessation de la solde et des allocations des membres de la Gendarmerie royale du Canada prévoit qu'un membre suspendu de ses fonctions peut aussi faire l'objet d'une ordonnance de cessation de la solde et des allocations (OCSA). Selon la politique de la GRC et la jurisprudence du CEE, il est justifié d'appliquer temporairement une OCSA lors de situations extrêmes où il serait peu approprié de rémunérer un membre, notamment s'il est manifestement impliqué dans la perpétration d'un délit dont les circonstances scandaleuses sont susceptibles de porter sérieusement atteinte à la bonne exécution de ses fonctions.

Cette année, le CEE a examiné un grief portant sur la pertinence d'imposer une OCSA malgré la présence d'éléments de preuve établissant un lien entre l'inconduite du membre visé et le trouble de stress post-traumatique (TSPT).

Dans le dossier G-556, un requérant s'est fait prendre à voler de la petite monnaie d'une collègue dans un poste de police. Il a avoué sa faute. Peu après, il a commencé à consulter M. H., un psychologue. Ce dernier a établi que le requérant souffrait du TSPT, qu'il attribuait à ce que le requérant avait vécu en se rendant sur les lieux d'un suicide commis dans des circonstances horribles plus tôt au cours de l'année. De plus, M. H. estimait que les infractions du requérant représentaient [Traduction] « des symptômes » du TSPT. Par la suite, Mme M., une psychologue de la Gendarmerie qui n'avait jamais interrogé ni rencontré le requérant, a rédigé un rapport dans lequel elle mettait en doute les conclusions de M. H.

Le répondant a ensuite rendu une OCSA contre le requérant. Il a reconnu que le requérant souffrait du TSPT. Toutefois, il ne croyait pas qu'un lien existait entre le TSPT du requérant et les vols commis par celui-ci, notamment à la lumière du rapport de Mme M. Le requérant a présenté un grief. Il soutenait que le répondant n'avait pas accordé suffisamment de poids aux éléments de preuve de M. H. L'arbitre de niveau I n'était pas du même avis et a rejeté le grief.

Le CEE a conclu que la décision du répondant de rendre une OCSA n'était pas fondée en droit. Selon le CEE, le répondant n'aurait pas dû minimiser les éléments de preuve de M. H. – qui établissaient un lien entre les actes du requérant et son TSPT – en ne présentant aucun motif valable à l'appui et en se fondant sur des conjectures. Le CEE a ajouté que la Gendarmerie, après avoir été informée du TSPT dont souffrait le requérant, avait l'obligation légale d'établir si les actes qu'il avait commis étaient liés à son TSPT. En rendant l'OCSA sur la foi, notamment, d'un rapport sans fondement d'une psychologue n'ayant jamais interrogé ni rencontré le requérant, la Gendarmerie s'est privée de renseignements essentiels pour déterminer si le requérant avait commis des actes « scandaleux » justifiant cette OCSA.

Le CEE a reconnu que le vol dans un poste de police constituait un acte répréhensible. Toutefois, après examen de l'ensemble de la preuve, il a conclu que l'inconduite du requérant était liée à son TSPT. Par conséquent, son comportement ne pouvait raisonnablement être considéré comme « scandaleux ». Le CEE a donc conclu que l'OCSA n'était pas justifiée. Il a recommandé au commissaire d'accueillir le grief, d'annuler l'OCSA et de rétablir la solde et les allocations du requérant rétroactivement à la date à laquelle l'OCSA avait été rendue.

Plaintes de harcèlement – Abus de pouvoir

Cette année, le CEE a examiné quatre griefs de harcèlement, lesquels portaient tous sur la question de savoir ce qui constitue ou non de l'abus de pouvoir, une forme de harcèlement. De manière générale, il y a abus de pouvoir lorsqu'une personne exerce indûment l'autorité et le pouvoir inhérents à son poste pour nuire à la carrière d'un employé ou mettre son moyen de subsistance en danger.

Dans les dossiers G-552 à G-554, le requérant faisait l'objet d'une plainte de harcèlement déposée par une collègue. Trois officiers supérieurs se sont réunis pour convenir d'une façon de régler la situation. Ils ont décidé de confier d'autres fonctions à la plaignante et au requérant. En fin de compte, la plainte contre le requérant a été rejetée. Toutefois, le requérant considérait que les officiers l'avaient harcelé en tranchant prématurément en faveur de la plaignante, en transférant certaines de ses responsabilités à celle-ci, en s'ingérant dans le processus de traitement de la plainte de harcèlement, en nuisant à sa carrière, en l'humiliant ainsi qu'en le traitant de manière offensante et méprisante.

Le requérant a présenté trois plaintes de harcèlement distinctes, soit une contre chacun des trois officiers. Il soutenait que leurs gestes constituaient de l'abus de pouvoir. Un agent des ressources humaines (ARH) a rejeté chacune des plaintes du requérant au motif que les gestes reprochés ne répondaient pas à la définition de « harcèlement ». Le requérant a contesté les décisions de l'ARH par voie de griefs, lesquels ont été rejetés par l'arbitre de niveau I.

Le CEE a recommandé au commissaire d'accueillir les griefs. Il a déclaré que les allégations formulées par le requérant pouvaient répondre à la définition de « harcèlement », d'autant qu'il s'agissait d'allégations d'abus de pouvoir. Il a indiqué que l'abus de pouvoir pouvait se manifester dans une série de décisions administratives d'apparence légitime. En outre, le CEE a déclaré qu'il fallait clarifier les faits en cause, qu'une enquête exhaustive aurait pu montrer qu'il y avait eu abus de pouvoir et que les plaintes n'auraient pas dû être rejetées.

Dans le dossier G-558, la requérante, une superviseure intérimaire, a pris un congé de 12 jours pour s'occuper d'affaires personnelles. Pendant son absence, sa supérieure (la répondante) a tenu une réunion impromptue avec d'autres superviseurs pour discuter de questions de dotation, conformément aux ordres d'un supérieur. Lorsque la requérante s'est dite préoccupée par le fait que la réunion avait eu lieu en son absence, la répondante a organisé une autre réunion le lendemain pour qu'elle puisse y assister et faire part de ses commentaires. La requérante s'est présentée à la réunion, mais elle aurait dit et fait des choses discutables qui ont suscité de l'inquiétude chez la répondante et les autres superviseurs.

Lorsque la requérante est revenue de son congé, la répondante l'a rencontrée pour discuter de problèmes de rendement et de la communication des décisions prises par le groupe en matière de dotation. La requérante a décrit ces décisions en utilisant des termes péjoratifs et a refusé de les communiquer de façon positive. La répondante a rapidement perdu confiance en les capacités de la requérante à titre de superviseure, l'a retirée du poste de superviseur qu'elle occupait par intérim et a tenté de la placer à un poste où elle bénéficierait de mentorat.

La requérante a présenté un grief. Elle affirmait que la répondante avait commis un abus de pouvoir en la retirant du poste, en l'humiliant délibérément devant ses collègues, en inventant des critiques, en ternissant sa réputation professionnelle et en nuisant à ses chances de participer à un concours pour l'obtention d'un poste. L'arbitre de niveau I a rejeté le grief.

Le CEE a recommandé au commissaire de rejeter le grief. Il a conclu que la requérante n'avait pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, que la répondante avait abusé de son pouvoir ou qu'elle avait harcelé la requérante d'une quelconque façon. En outre, le CEE a déclaré que la décision de tenir une réunion en l'absence de la requérante ne constituait pas du harcèlement et n'était pas inappropriée dans les circonstances, et qu'elle pouvait tout aussi bien être considérée comme une décision de gestion judicieuse ayant été prise de bonne foi et dans l'intérêt du bureau. Le CEE a également conclu que les discussions relatives au rendement de la requérante ne constituaient pas un abus de pouvoir, puisqu'elles s'avéraient légitimes et nécessaires, qu'elles avaient été menées de façon professionnelle et qu'elles n'allaient pas à l'encontre des politiques sur le harcèlement. Enfin, rien n'indiquait que la carrière de la requérante avait été entachée.

Plaintes de harcèlement – Processus d'examen

Dans trois des quatre griefs de harcèlement qu'il a examinés cette année, le CEE a relevé des erreurs à l'étape de l'examen prévue dans le processus de traitement des plaintes de harcèlement.

Dans les dossiers G-552 à G-554 (précités), le requérant a contesté l'impartialité d'un processus d'examen de plaintes de harcèlement. Le CEE a conclu que trois erreurs importantes avaient été commises au cours de ce processus.

Premièrement, le CEE a indiqué que le répondant, un agent des ressources humaines, n'était pas habilité à rejeter les plaintes d'après la politique applicable sur le harcèlement. Il a expliqué que seul l'officier responsable (OR) avait qualité pour agir de la sorte. Par conséquent, le CEE a souligné que si le répondant estimait que les allégations ne répondaient pas à la définition de « harcèlement », il devait transmettre la plainte à l'OR pour que celui-ci rende une décision finale.

Deuxièmement, le CEE a conclu que le processus d'examen était inéquitable étant donné que le répondant se trouvait dans une situation de conflit d'intérêts donnant lieu à une apparence de partialité. Le répondant avait déclaré être bien au fait des agissements des présumés harceleurs. Le CEE a souligné que personne ne pouvait agir à la fois comme témoin et décideur dans le même processus sans que cela soulève une crainte raisonnable de partialité. Par conséquent, le répondant n'aurait pas dû examiner les plaintes de harcèlement. Le CEE a fait valoir que les enquêtes sur le harcèlement reposaient sur les principes fondamentaux d'équité et d'impartialité, et que ces principes s'appliquaient aussi au processus d'examen des plaintes de harcèlement.

Troisièmement, le CEE a déclaré que le répondant n'avait pas respecté deux exigences procédurales importantes. D'abord, il n'avait pas demandé de clarifications au requérant avant de conclure que les allégations ne répondaient pas à la définition de « harcèlement ». Ensuite, il n'avait pas utilisé le critère applicable à l'examen d'une plainte de harcèlement, à savoir :[Traduction]« À supposer que les allégations étaient fondées, répondraient-elles à la définition de “harcèlement”? »Par conséquent, il avait bel et bien court-circuité le processus d'examen des plaintes de harcèlement.

Le CEE suit l’évolution des procédures judiciaires liées aux dossiers qu’il a examinés. Récemment, la Cour fédérale du Canada a rendu trois décisions concernant deux appels relatifs à des mesures disciplinaires dont le CEE et le commissaire avaient été saisis. Dans les deux cas, la Cour a souscrit aux recommandations du CEE et annulé la décision initiale du commissaire de congédier le membre.

Elhatton c. Canada (Procureur général)

Dans le dossier D-108, le membre devait répondre à une allégation de désobéissance à un ordre légitime et à cinq allégations de comportement scandaleux. Le comité d’arbitrage a conclu que les six allégations avaient été établies. Comme peine globale, le comité d’arbitrage a ordonné au membre de démissionner dans les quatorze jours, sans quoi il serait congédié. Le membre a interjeté appel des conclusions du comité d’arbitrage relativement à l’allégation de désobéissance à un ordre légitime, ainsi qu’à trois allégations de comportement scandaleux dans lesquelles son ex-épouse était la plaignante. Il a aussi porté la peine en appel. Après que le dossier a été renvoyé au CEE, le membre a transmis de nouveaux renseignements indiquant qu’un enquêteur indépendant avait prouvé ses allégations selon lesquelles son ex-épouse et son fiancé avaient menti sous serment à son audience disciplinaire.

En ce qui concerne l’allégation de désobéissance à un ordre légitime, le CEE a recommandé que l’appel soit accueilli étant donné que l’ordre en question n’était pas légitime. Le commissaire par intérim a souscrit à cette recommandation.

Pour ce qui est des autres allégations concernant l’ex-épouse du membre, le CEE a indiqué que la crédibilité constituait la seule question de fond. Il a conclu que les éléments de preuve selon lesquels l’ex-épouse du membre avait menti sous serment auraient pu influer sur l’appréciation de la crédibilité par le comité d’arbitrage et mener celui-ci à conclure que les allégations n’étaient pas établies. Le CEE a recommandé au commissaire d’accueillir l’appel et d’ordonner qu’un comité d’arbitrage différemment constitué tienne une nouvelle audience sur les trois allégations. En outre, le CEE a recommandé l’imposition d’une peine constituée d’un avertissement et de la confiscation de trois jours de solde pour chacune des deux allégations n’ayant pas été portées en appel.

Le commissaire par intérim a admis les nouveaux renseignements sur la question de crédibilité. Toutefois, étant donné qu’ils n’influaient pas sur son appréciation de la crédibilité, il n’était pas convaincu qu’ils auraient influencé celle du comité d’arbitrage. Il a rejeté l’appel interjeté contre ces allégations et confirmé l’ordre du comité d’arbitrage par lequel le membre devait démissionner dans les 14 jours, sans quoi il serait congédié.

Dans l’arrêt Elhatton c. Canada (Procureur général), 2013 CF 71, la Cour fédérale du Canada a accueilli la demande de contrôle judiciaire du membre. La Cour a déclaré que le commissaire par intérim avait commis une erreur lorsqu’il avait conclu que les nouveaux éléments de preuve n’influaient pas sur son appréciation de la crédibilité, puisqu’il n’était pas en mesure de rendre des conclusions en matière de crédibilité. En outre, la conclusion selon laquelle les nouveaux éléments de preuve n’entameraient pas la crédibilité de l’ex-épouse du membre s’avérait déraisonnable et n’était qu’une conjecture non corroborée. La Cour a annulé la décision et renvoyé l’affaire devant le commissaire pour qu’il l’examine à nouveau.

Le commissaire a réexaminé la peine relative aux deux allégations n’ayant pas été portées en appel. Il a rejeté la recommandation du CEE et rétrogradé le membre au rang de gendarme.

Le membre a demandé le contrôle judiciaire de cette décision. Dans l’arrêt Elhatton c. Canada (Procureur général), 2014 CF 67, la Cour fédérale du Canada a rejeté la demande du membre après avoir conclu que la décision du commissaire reposait sur des motifs détaillés.

MacLeod c. Canada (Procureur général)

Dans le dossier D-121, le membre – qui n’était pas de service à ce moment-là – et un de ses amis ont rencontré la plaignante lors d’une fête dans une résidence privée, où ils ont consommé de l’alcool. À la fin de la fête, ils ont eu des relations sexuelles ensemble, tous les trois, dans une chambre de la résidence. Dans les jours qui ont suivi, la plaignante s’est demandé si elle avait consenti à ces relations sexuelles. Elle a consulté Internet pour s’informer sur les drogues du viol, a conclu qu’elle avait été droguée et a ensuite déclaré aux policiers qu’elle avait été agressée sexuellement. Le membre était soupçonné de s’être comporté de façon scandaleuse en ayant commis une agression sexuelle.

À l’audience disciplinaire, un toxicologue judiciaire a témoigné que les résultats des tests de dépistage de drogue de la plaignante n’étaient pas concluants, que rien n’indiquait qu’il y avait de la drogue dans son organisme et que certains de ses symptômes n’étaient pas liés à l’ingestion d’une drogue hallucinogène. La plaignante a témoigné qu’elle avait participé activement aux relations sexuelles et qu’elles auraient paru consensuelles aux yeux d’un observateur, mais qu’elle n’y avait pas consenti malgré tout.

Le comité d’arbitrage a jugé que la plaignante était crédible et que la seule explication possible était qu’elle avait été droguée. En outre, il a déclaré que le membre savait qu’elle avait été droguée et qu’elle était incapable de donner son consentement. Le comité d’arbitrage a conclu que l’allégation avait été établie et a ordonné au membre de démissionner dans les 14 jours, sans quoi il serait congédié. Le membre a interjeté appel de la conclusion selon laquelle l’allégation avait été établie et de la peine qu’il s’était vu imposer.

Le CEE a conclu que le comité d’arbitrage avait commis plusieurs erreurs manifestes et déterminantes. D’abord, le comité d’arbitrage a commis une erreur lorsqu’il a conclu que la plaignante était crédible même si les contradictions dans son témoignage étaient plus nombreuses et plus importantes que celles relevées dans le témoignage du membre. En outre, le comité d’arbitrage a commis une erreur lorsqu’il a conclu que la plaignante avait été droguée à son insu, puisque cette conclusion ne reposait sur aucun élément de preuve clair et convaincant et qu’elle allait à l’encontre du témoignage de l’expert. Le comité d’arbitrage a également commis une erreur lorsqu’il a conclu que la plaignante n’avait pas consenti aux relations sexuelles, car le témoignage même de la plaignante et les éléments de preuve sur ce point n’étayaient pas cette conclusion. De plus, le membre avait pris des mesures raisonnables pour s’assurer de son consentement. Le CEE a recommandé au commissaire de conclure que l’allégation de comportement scandaleux n’était pas établie.

Le commissaire a rejeté la recommandation du CEE et confirmé la décision du comité d’arbitrage quant à l’allégation et à la peine.

Dans l’arrêt MacLeod c. Canada (Procureur général), 2013 CF 770, la Cour fédérale du Canada a accueilli la demande de contrôle judiciaire du membre. La Cour a déclaré que le commissaire avait commis une erreur lorsqu’il avait confirmé la conclusion voulant que la plaignante ait été droguée, car cette conclusion ne tenait pas compte du témoignage non contredit de l’expert et ne reposait sur aucun élément de preuve clair et convaincant. En outre, la Cour a affirmé qu’il était purement conjectural de conclure que le membre savait que la plaignante avait été droguée. Enfin, la Cour a jugé qu’il était erroné de conclure que le membre ne croyait pas sincèrement que la plaignante avait donné son consentement. La Cour a renvoyé l’affaire au commissaire pour qu’il rende une nouvelle décision en conformité avec les motifs qu’elle avait présentés.

Le commissaire a ensuite réintégré le membre dans ses fonctions.


Aperçu des recommandations du CEE en 2013-2014

Aperçu des recommandations du CEE en 2013-2014

No de dossier du CEE

Objet

Recommandation du CEE

Griefs

G-552

Harcèlement.

Processus d’examen.

Processus de traitement de plaintes de harcèlement.

Crainte de partialité.

Définition d’abus de pouvoir.

Accueillir le grief.

G-553

Harcèlement.

Processus d’examen.

Processus de traitement de plaintes de harcèlement.

Crainte de partialité.

Définition d’abus de pouvoir.

Accueillir le grief.

G-554

Harcèlement.

Processus d’examen.

Processus de traitement de plaintes de harcèlement.

Crainte de partialité.

Définition d’abus de pouvoir.

Accueillir le grief.

G-555

Congé sans solde.

Décision discrétionnaire.

Équité.

Accueillir le grief.

Présenter des excuses au requérant pour la façon dont a été traitée sa demande de congé sans solde.

Réviser la politique sur les congés sans solde.

G-556

Cessation de la solde et des allocations.

Admissibilité de nouveaux éléments de preuve au niveau II.

Preuve d’expert.

Définition de « comportement scandaleux ».

Accueillir le grief.

Rétablir la solde et les allocations du requérant de façon rétroactive.

G-557

Indemnités de réinstallation.

Délai de prescription.

Accueillir le grief.

Renvoyer l’affaire à l’arbitre de niveau I.

G-558

Plainte de harcèlement.

Critère du harcèlement.

Définition d’abus de pouvoir.

Rejeter le grief.

G-559

Poste isolé.

Indemnités de réinstallation.

Délai de prescription et prorogation du délai.

Rejeter le grief.

G-560

Enquête sur le harcèlement.

Délai de prescription.

Critère pour déterminer s’il y a lieu de proroger le délai.

Accueillir le grief.

Renvoyer l’affaire à l’arbitre de niveau I.

G-561

Aide au titre des voyages pour vacances.

Plus d’une interprétation possible.

Interprétation de la DPILE en faveur du requérant.

Accueillir le grief.

G-562

Mutation promotionnelle.

Indemnités de réinstallation.

Délai de prescription et prorogation du délai.

Rejeter le grief.

Processus de la GRC et rôle du CEE

Griefs

Processus de règlement des griefs de la GRC et le rôle du CEE - Étapes
Description

GRC

CEE

GRC/AUTRE

Discipline

Processus disciplinaire de la GRC et le rôle du CEE - Étapes clés
Description

GRC

CEE

GRC/AUTRE

Renvoi et rétrogradation

Processus de renvoi et de rétrogradation de la GRC et le rôle du CEE - Étapes clés
Description

GRC

CEE

GRC/AUTRE

Historique du CEE

La création du Comité externe d’examen de la GRC (CEE) a eu lieu dans le sillage des recommandations de la Commission d’enquête sur les plaintes du public, la discipline interne et le règlement des griefs au sein de la GRC (1976). En 1986, le CEE a été créé officiellement en vertu de la Partie II de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada pour donner suite à la demande de la Commission d’établir un processus d’examen indépendant dans le domaine des relations de travail au sein de la GRC. L’organisme est devenu entièrement opérationnel en 1988.

Le CEE est parfois confondu avec la Commission des plaintes du public contre la GRC (CPP). Le CEE et la CPP ont été créés en même temps et en vertu de la même loi en tant qu’organismes indépendants chargés de surveiller et d’examiner le travail de la GRC. Les deux organismes sont indépendants de la GRC et distincts l’un de l’autre. Le CEE examine certains types de griefs et d’autres appels liés au travail des membres de la GRC, tandis que la CPP examine les plaintes du public contre des membres de la GRC. Les deux organismes jouent des rôles importants, comme l’a confirmé le juge O’Connor dans le rapport publié en 2006 sur l’examen stratégique de la Commission d’enquête relativement à Maher Arar, soit de maintenir la confiance du public à l’égard de la GRC et de s’assurer que celle-ci respecte la loi et les droits de la personne.

Le premier président du CEE était l’honorable juge René Marin, qui a présidé la Commission d’enquête sur les plaintes du public, la discipline interne et le règlement des griefs au sein de la Gendarmerie royale du Canada de 1974 à 1976. En 1993, la vice-présidente, F. Jennifer Lynch, c.r., a assumé la présidence du CEE de façon intérimaire, fonction qu’elle a continué d’exercer jusqu’en 1998. Malheureusement, Mme Lynch est décédée à la fin de 2013. Philippe Rabot est ensuite devenu président intérimaire et, le 16 juillet 2001, il a été nommé président du CEE.

Lors du départ de M. Rabot en avril 2005, Catherine Ebbs a occupé le poste de présidente intérimaire du CEE. Membre du Barreau de la Saskatchewan, Mme Ebbs a été commissaire à la Commission nationale des libérations conditionnelles pendant 16 ans, dont les dix dernières années en tant que vice-présidente responsable de la Section d’appel. Mme Ebbs est entrée en fonction au CEE en 2003 et, avant de devenir présidente intérimaire, elle a agi à titre d’avocate ainsi que de directrice exécutive et d’avocate principale du CEE.

Le 1er novembre 2005, Mme Ebbs a été nommée présidente à temps plein pour un mandat de trois ans. Le 1er novembre 2008, elle a été nommée pour un deuxième mandat de trois ans. Elle a été reconduite dans ses fonctions de présidente jusqu’au 31 juillet 2013.

Un processus de sélection a été lancé afin de pourvoir le poste de président. Entre-temps, David Paradiso, directeur exécutif et avocat principal, a été nommé président par le gouverneur en conseil. Le 31 mars 2014, M. Paradiso agissait toujours à titre de président intérimaire du CEE.

Le CEE produit un large éventail de rapports de recherche et de documents de référence, accessibles aux membres de la GRC et au grand public à l’adresse suivante : www.erc-cee.gc.ca.

Le CEE et son personnel en 2013-2014 *

David Paradiso, président intérimaire
Catherine Ebbs, ancienne présidente
Martin Griffin, directeur exécutif et avocat principal par intérim
Lorraine Grandmaitre, gestionnaire des services corporatifs
Josh Brull, avocat
Jill Gunn, avocate
Caroline Verner, avocate
Jonathan Haig, adjoint administratif

* y compris les détachements et les postes dotés pour une période déterminée

Coordonnées du CEE

C.P. 1159, succ. B
Ottawa (Ontario)
K1P 5R2

Téléphone : 613-998-2134
Télécopieur : 613-990-8969

Adresse de courriel : org@erc-cee.gc.ca
Site Internet : www.erc-cee.gc.ca

Notes

  1. 1

    Remarque : Le 19 juin 2013, la Loi visant à accroître la responsabilité de la Gendarmerie royale du Canada, L.C. 2013, ch. 18, a obtenu la sanction royale. Au moment de l’impression du présent rapport annuel, cette nouvelle loi n’était pas encore entrée en vigueur. Certains processus mentionnés dans le présent rapport pourraient être modifiés une fois que la nouvelle loi prendra effet.

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