NC-001 - Cessation du versement de la solde et des indemnités

Le présent dossier concerne un appel d'une ordonnance de cessation de la solde et des indemnités (OCSI) au titre de la nouvelle Loi sur la GRC, des nouvelles Consignes du commissaire et de la nouvelle Politique sur la déontologie. Le 29 septembre 2014, un service de police a repéré une image de pornographie juvénile et l'a téléchargée d'une adresse IP. Après avoir obtenu une ordonnance de communication, le service de police a appris que l'adresse IP en question était celle de l'appelant. Le service de police a obtenu un mandat de perquisition en vue defouiller les appareils informatiques de l'appelant à son domicile et a procédé à la fouille. L'ordinateur de l'appelant était hautement sécurisé par cryptage, mais le service de police y a trouvé certaines preuves de pornographie juvénile. L'appelant a été suspendu de ses fonctions avec solde. Il a par la suite été arrêté pour avoir accédé à de la pornographie juvénile et en avoir eu en sa possession.

Quelques semaines plus tard, l'appelant s'est vu signifier un avis d'intention d'ordonner la cessation de la solde et des indemnités. Le rapport d'enquête du service de police a été remis à l'appelant le jour suivant, mais il manquait des pages. L'intimée a ensuite communiqué les pages manquantes ainsi que les transcriptions des trois déclarations après mise en garde de l'appelant. La représentante des membres (RM) qui assistait l'appelant a déposé des arguments écrits dans lesquels elle contestait l'OCSI. Elle a fait valoir que l'appelant n'était pas manifestement impliqué dans l'infraction en question, que l'avis comportait des lacunes en plus de ne contenir aucun document justificatif et qu'il existait une crainte raisonnable de partialité de la part de l'intimée. Malgré ces arguments, l'intimée a rendu l'OCSI. L'appelant a interjeté appel de cette décision.

L'appelant affirme qu'il n'était pas manifestement impliqué dans l'infraction au sens de la Politique sur la déontologie. D'après la RM, la preuve semble indiquer que quelqu'un d'autre aurait pu utiliser la connexion Internet de l'appelant. Selon l'appelant, l'intimée n'a pas utilisé la bonne norme de preuve pour déterminer si l'OCSI était justifiée (preuve prima facie comparativement à laprépondérance des probabilités).

L'appelant soutient que l'intimée a violé son droit à l'équité procédurale parce que l'avis de cessation de la solde et des indemnités comportait des lacunes : les motifs qui y étaient énoncés ne lui permettaient pas de connaître la preuve qui pesait contre lui. De plus, l'information qui lui avait été communiquée était insuffisante, car les documents audio et vidéo ainsi que les transcriptions de ses déclarations après mise en garde ne lui avaient pas été transmis.

Conclusions du CEE

Le CEE a conclu que l'intimée n'avait pas appliqué la bonne norme de preuve pour établir que l'appelant était manifestement impliqué dans l'infraction. La norme de preuve applicable était celle de la prépondérance des probabilités fondée sur des éléments de preuve clairs et convaincants, et non la norme prima facie. Par ailleurs, le CEE a déclaré que les questions quant à l'absence de certains documents censés accompagner l'avis d'intention avaient été réglées lorsque l'intimée avait communiqué les autres documents et donné suffisamment de temps à l'appelant pour bien répondre à l'avis d'intention. Le droit de l'appelant à l'équité procédurale n'a pas été violé.

Recommandations du CEE datées le 14 septembre 2015

Le CEE a recommandé au commissaire de la GRC que l'arbitre accueille l'appel en raison d'une erreur de droit commise dans la présentation de l'OCSI. Il a aussi recommandé que l'arbitre renvoie l'affaire à l'intimée pour qu'elle rende une nouvelle décision en application du sous-alinéa 47(1)b)(i) des Consignes du commissaire (griefs et appels) et qu'elle utilise la bonne norme de preuve pour déterminer si les éléments de preuve démontrent que l'appelant était manifestement impliqué dans le comportement reproché.

Décision du commissaire de la GRC datée le 2 décembre 2015

Le commissaire, ou un délégué, a rendu sa décision dans cette affaire, telle que résumée par son personnel :

[TRADUCTION]

Dans une décision datée du 2 décembre 2015, le commissaire Robert W. Paulson a conclu que l'appelant n'avait pas établi qu'il y avait eu manquement à l'équité procédurale ou qu'une erreur de droit avait été commise. Le commissaire a convenu que les circonstances en l'espèce justifiaient la cessation de la solde et des indemnités de l'appelant. L'appel est rejeté.

Le commissaire a convenu avec le CEE que l'appelant n'avait pas établi qu'il y avait eu manquement à l'équité procédurale. Le commissaire a conclu que l'intimée disposait d'une prépondérance de preuve permettant d'établir que l'appelant était manifestement impliqué dans les activités reprochées et qu'elle avait décrit suffisamment les motifs dans l'avis d'intention, qui ne laissait planer aucun doute quant aux allégations pesant sur l'appelant. En outre, le commissaire a déclaré que les retards ou les erreurs dans la communication des documents n'avaient pas porté un grave préjudice à l'appelant. À l'instar du CEE, le commissaire a conclu que l'intimée n'avait pas à examiner tous les éléments de preuve disponibles et pertinents avant de délivrer l'avis d'intention. En fait, les renseignements présentés dans l'avis d'intention démontrent que l'intimée agissait sur la base d'éléments bien plus importants qu'un simple soupçon ou une simple hypothèse, et ce, vu la quantité d'éléments de preuve que l'enquête avait permis de recueillir au moment où le processus de cessation de la solde et des indemnités avait été amorcé. Le commissaire a convenu que l'appelant n'avait pas établi l'existence d'une crainte raisonnable de partialité. Le fait que l'intimée n'a pas décrit correctement certains éléments de preuve n'a pas eu pour effet de rendre la décision déraisonnable ni de rendre le processus inéquitable d'une quelconque façon.

L'appelant a fait valoir que l'intimée avait commis une erreur de droit en n'appliquant pas la bonne norme de preuve pour établir qu'il était manifestement impliqué dans le comportement reproché. Le CEE a déclaré que l'intimée avait commis une erreur de droit en concluant, à première vue, que l'appelant était manifestement impliqué dans le comportement. Il a ajouté que l'implication de l'appelant devait être établie selon la prépondérance des probabilités fondée sur des éléments de preuve clairs et convaincants. Le commissaire s'est dit en désaccord avec le CEE. Il ne pouvait pas accepter l'argument selon lequel l'utilisation du terme [Traduction] « à première vue », à lui seul, constituait une preuve suffisante que l'intimée n'avait pas bien apprécié la preuve ni évalué les observations de l'appelant.

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