NC-030 - Renvoi pour raisons médicales

Lorsqu'elle est devenue membre, l'appelante a été affectée à une province, où elle a passé toute sa carrière. Au cours des dix années suivantes, elle a été aux prises avec des problèmes de santé pour lesquels elle a reçu des soins. Après qu'elle a été en congé de maladie pendant plus de deux ans, le médecin-chef a attribué le code O6 en permanence à son profil médical, ce qui signifie qu'elle ne pouvait reprendre aucune fonction à la GRC dans un avenir raisonnablement prévisible. Elle s'est aussi fait dire qu'un processus de licenciement pourrait être enclenché, ce qui l'a laissée stupéfaite, car elle croyait que des renseignements médicaux avaient été envoyés à la GRC pour favoriser son retour au travail.

Le praticien de l'appelante a écrit une lettre au médecin-chef dans laquelle il déclarait, selon l'appelante, que la santé de celle-ci s'améliorait et qu'elle pourrait retourner au travail très bientôt. La Gendarmerie a néanmoins enclenché un processus de licenciement pour raisons médicales au cours duquel le praticien de l'appelante a écrit une autre lettre au médecin-chef dans laquelle il indiquait, toujours selon l'appelante, que celle-ci pourrait retourner au travail très bientôt pour y exercer certaines fonctions et peut-être toutes ses fonctions plus tard. Le médecin-chef considérait que cette lettre ne comprenait pas suffisamment d'éléments de preuve cliniques pour qu'il change son avis en tant que médecin.

L'intimé a rendu une ordonnance de licenciement visant l'appelante en concluant que la déficience de celle-ci continuerait de l'empêcher à remplir ses obligations essentielles d'emploi et que la GRC s'était acquittée de son obligation de prendre des mesures en fonction de sa déficience sans qu'il en résulte une contrainte excessive. L'intimé a indiqué qu'il acceptait les éléments de preuve du médecin-chef. Il a ajouté qu'à la suite de l'opinion apparente du praticien de l'appelante, il s'était entretenu avec le médecin-chef peu de temps avant de rendre sa décision et que ce dernier lui avait assuré notamment que le code attribué au profil médical de l'appelante était toujours justifié.

L'appelante a présenté un appel dans lequel elle s'est appuyée en partie sur les deux lettres de son praticien.

Conclusions du CEE

Le CEE a conclu que les lettres du praticien étaient admissibles en appel, puisque l'appelante avait pris des mesures raisonnables pour qu'elles soient soumises à l'intimé et qu'il les examine. Le CEE s'est ensuite penché sur le fond de l'appel. Premièrement, il a conclu que l'intimé avait contrevenu à un principe d'équité procédurale en fondant sa décision en partie sur de l'information qu'il avait obtenue lors d'une conversation privée avec le médecin-chef sans d'abord aviser l'appelante qu'il avait obtenu cette information ni lui donner l'occasion de la commenter. Deuxièmement, le CEE a conclu que l'intimé n'avait pas violé le principe delegatus non potest delegare, car il était évident qu'il avait lui-même rendu la décision. Troisièmement, le CEE a conclu que ni l'intimé ni le dossier n'expliquaient convenablement pourquoi les éléments de preuve cliniques du médecin-chef avaient été privilégiés au détriment de ceux du praticien de l'appelante. Puisque ces éléments de preuve contradictoires essentiels à l'issue de l'affaire n'ont pas été pris en considération, il s'avère que l'intimé a rendu une décision manifestement déraisonnable et formulé une conclusion erronée en déclarant que la Gendarmerie avait pris des mesures en fonction de la déficience de l'appelante sans qu'il en résulte une contrainte excessive.

Recommandation du CEE

Le CEE a recommandé que l'appel soit accueilli et que la décision soit annulée. Il a recommandé aussi que l'affaire soit renvoyée à un nouveau décideur, avec des directives précises, au motif que l'intimé a contrevenu à un principe d'équité procédurale en discutant en privé avec le médecin-chef et en acceptant de l'information qu'il lui a fournie, dont l'appelante ne pourra probablement jamais connaître tous les détails ni commenter.

Décision de la commissaire de la GRC datée le 9 octobre 2019

La commissaire a rendu la décision suivante, telle que résumée par son personnel :

[TRADUCTION]

L'appelante s'est absentée de ses fonctions du 19 novembre 2014 jusqu'à son licenciement le 12 juillet 2017. À l'époque, elle savait que la GRC disposait de documents médicaux à l'appui de son retour au travail. Ses fournisseurs de soins avaient effectivement envoyé des lettres aux Services de santé de la GRC indiquant que sa santé s'améliorait, qu'elle retournerait au travail très bientôt et qu'elle devrait plus tard être en mesure de reprendre toutes ses fonctions opérationnelles. L'intimé a néanmoins lancé le processus de licenciement. Après avoir reçu signification de l'avis d'intention de licencier un membre, l'appelante a demandé à rencontrer l'intimé, qui a refusé sans motiver sa décision, contrairement aux exigences. L'appelante a ensuite soumis une réponse de 25 pages à l'avis d'intention, en vain, puisque l'intimé a rendu l'ordonnance de licenciement ayant pris effet le 12 juillet 2017, mais non sans avoir d'abord discuté avec le médecin-chef, et ce, en omettant d'aviser l'appelante de cette consultation et de l'information qu'il avait réellement demandée et obtenue.

En appel, l'appelante a fait valoir que la décision de l'intimé contrevenait aux principes applicables d'équité procédurale, était entachée d'une erreur de droit et était manifestement déraisonnable.

Le CEE a conclu que « l'intimé avait contrevenu à un principe d'équité procédurale en fondant sa décision en partie sur de l'information qu'il avait obtenue lors d'une conversation privée avec le médecin-chef sans d'abord aviser l'appelante qu'il avait obtenu cette information ni lui donner l'occasion de la commenter ». Le CEE a également conclu que l'intimé n'avait pas suffisamment motivé sa décision, puisque « ni l'intimé ni le dossier n'expliquaient convenablement pourquoi les éléments de preuve cliniques du médecin-chef avaient été privilégiés au détriment de ceux du praticien de l'appelante. Puisque ces éléments de preuve contradictoires essentiels à l'issue de l'affaire n'ont pas été pris en considération, il s'avère que l'intimé a rendu une décision manifestement déraisonnable et formulé une conclusion erronée en déclarant que la Gendarmerie avait pris des mesures en fonction de la déficience de l'appelante sans qu'il en résulte une contrainte excessive ».

Le CEE a recommandé que l'appel soit accueilli, que la décision soit annulée et que l'affaire soit renvoyée à un nouveau décideur.

L'arbitre de l'appel a accepté les recommandations du CEE, annulé la décision de l'intimé, accueilli l'appel, rétabli la solde et les indemnités de l'appelante et ordonné que la commandante de la Division « X » soit saisie de l'affaire.

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2023-02-27