NC-032 - Harcèlement
L'appelante, une membre civile, a été embauchée comme gestionnaire d'une équipe travaillant à un projet de technologie de l'information. La relation entre l'appelante et le directeur dont elle relevait (le défendeur) s'est rapidement détériorée. Selon l'appelante, il arrivait parfois que le défendeur hausse le ton en lui parlant, remette en question ses décisions de façon cavalière, gère son travail de trop près et nuise à sa capacité de travailler. Le défendeur considérait pour sa part que l'appelante avait du mal à communiquer, ne suivait pas les directives appropriées et avait suscité de vives inquiétudes chez les intervenants travaillant au projet. Des réunions se sont déroulées avec l'appelante pour discuter de son travail.
Au bout d'un certain temps, l'appelante a quitté la Gendarmerie et déposé une plainte de harcèlement (la plainte) contre le défendeur. L'enquête sur le harcèlement subséquente a porté sur plusieurs points soulevés dans la plainte, dont : i) la manière dont s'était déroulée l'orientation initiale de l'appelante; ii) les occasions où le défendeur aurait haussé le ton; iii) les commentaires et les comportements prétendument déplacés du défendeur; iv) la façon dont le défendeur avait géré les problèmes liés aux activités et au travail de l'appelante. À la suite de l'enquête, l'intimé a conclu que la plainte n'était pas fondée.
L'appelante a interjeté appel de la décision de l'intimé. Essentiellement, elle soutenait que l'intimé avait mal interprété les faits en concluant qu'il n'y avait pas eu harcèlement et elle considérait que d'autres témoins auraient dû être interrogés.
Conclusions du CEE
Le CEE a indiqué que l'intimé, en sa qualité de décideur dans le processus d'enquête et de règlement de la plainte de harcèlement, était tenu d'apprécier la preuve et de l'appliquer au critère juridique servant à établir s'il y avait eu harcèlement. Afin de déterminer si la décision de l'intimé à cet égard était manifestement déraisonnable pour l'application du paragraphe 47(3) des Consignes du commissaire (griefs et appels), le CEE a examiné si la décision était entachée d'erreurs manifestes et déterminantes.
Le CEE s'est penché sur les conclusions de l'intimé quant à la manière dont s'était déroulée l'orientation initiale de l'appelante. Les préoccupations de l'appelante portaient sur le fait que le défendeur n'avait pu assister à une réunion prévue avec elle à sa première journée de travail et qu'il ne l'avait pas orientée lui-même en bonne et due forme. Il n'y avait aucune raison de modifier la conclusion de l'intimé, à savoir que ces faits ont pu sembler déplorables aux yeux de l'appelante, mais que les gestes commis par le défendeur lors de son orientation professionnelle ne constituaient pas du harcèlement. En outre, le CEE n'a vu aucune raison de modifier la conclusion de l'intimé selon laquelle le dossier ne permettait pas de confirmer les allégations voulant que le défendeur ait crié après l'appelante. Dans ses motifs, l'intimé a fait état de la preuve de l'appelante et du défendeur ainsi que de celle d'autres témoins qui remettait en question la version des faits de l'appelante et n'étayait pas ces allégations. Le CEE a aussi conclu qu'il n'y avait aucune raison d'intervenir dans l'appréciation faite par l'intimé des commentaires et des comportements prétendument déplacés du défendeur. L'intimé avait indiqué que certains de ces incidents n'avaient pas été confirmés par des témoins indépendants et que d'autres ne pouvaient raisonnablement être considérés comme du harcèlement vu le contexte dans lequel ils s'étaient produits. De plus, les motifs de l'intimé, pris dans leur ensemble conjointement avec la preuve au dossier, montrent qu'il exprimait généralement des réserves quant à la preuve de l'appelante, ce qui explique pourquoi il n'aurait pu accepter sa version des faits concernant certains de ces incidents. En outre, le CEE a examiné l'appréciation faite par l'intimé des allégations selon lesquelles le défendeur avait géré des problèmes opérationnels de trop près, critiqué l'appelante excessivement pour nuire à son travail et mal agi pendant deux réunions portant sur son travail. Le CEE n'a vu aucune raison d'infirmer les conclusions de l'intimé selon lesquelles, en dépit de la frustration, des difficultés au travail et d'un conflit de personnalités qui teintaient la relation entre l'appelante et le défendeur, celui-ci avait exercé son pouvoir de gestion légitimement en s'occupant des problèmes liés aux activités et au travail de l'appelante et il n'avait pas mal agi. Les conclusions de l'intimé à cet égard étaient étayées par le dossier.
Enfin, le CEE s'est demandé s'il y avait eu manquement à l'équité procédurale étant donné que certaines personnes n'avaient pas été interrogées au sujet de certaines des allégations susmentionnées. Il a conclu que la preuve de ces témoins n'était pas manifestement importante pour comprendre les faits, de sorte qu'il n'y avait pas eu manquement à l'équité procédurale.
Recommandation du CEE
Le CEE a recommandé que l'appel soit rejeté.
Décision de la commissaire de la GRC datée le 28 janvier 2020
La commissaire a rendu la décision suivante, telle que résumée par son personnel :
[Traduction]
L’appelante était une membre civile embauchée à titre de gestionnaire d'une équipe travaillant à un projet de technologie de l'information. Elle a commencé à travailler à la GRC le 28 mars 2011. Le supérieur de l’appelante (le défendeur) a fait part de ses préoccupations quant à la capacité de celle-ci à exercer ses fonctions. Un processus de gestion du rendement a été lancé, mais l’appelante a démissionné avant sa mise en œuvre. Elle a démissionné le 22 juillet 2011, mais a été rémunérée jusqu’au 28 décembre 2011 conformément à une entente de démission.
Le 11 janvier 2012, la GRC a reçu le questionnaire de fin d’emploi de l’appelante, dans lequel elle se plaignait que le défendeur l’avait gérée en commettant des actes de harcèlement, de discrimination et d’intimidation à son endroit. Le 14 novembre 2014, l’appelante a déposé une plainte de harcèlement contre le défendeur. L’intimé a ordonné une enquête sur la plainte de harcèlement le 4 mai 2015, mais il a conclu que les allégations n’avaient pas été établies.
L’appelante a contesté cette conclusion et interjeté appel de la décision de l’intimé. L’appel a été examiné par le CEE. Le CEE a recommandé que l’appel soit rejeté sur le fond. L’arbitre a accepté la recommandation du CEE et a souscrit aux motifs présentés par le CEE à l’appui de cette recommandation.
L’appel a été rejeté.
Dans son analyse, l’arbitre a également traité de deux autres questions qui ne font toutefois pas partie de sa décision, puisque l’appelante n’a pas eu l’occasion de formuler des observations à leur sujet. Premièrement, l’arbitre s’est demandé si l’appelante avait qualité pour interjeter appel de la décision de l’intimé étant donné qu’elle n’était plus membre de la GRC au moment d’interjeter appel. Deuxièmement, l’arbitre s’est dit préoccupé par le fait que l’intimé a ordonné l’enquête sur la plainte de harcèlement sans présenter de motifs prouvant que des circonstances exceptionnelles justifiaient cette mesure alors que plus d’un an s’était écoulé depuis le dernier incident présumé de harcèlement.
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