NC-049 - Harcèlement
L'appelant a interjeté appel d'une décision de la Gendarmerie selon laquelle sa plainte de harcèlement était hors délai et portait sur des comportements qui ne répondaient pas à la définition de « harcèlement » énoncée dans la politique de la GRC. Dans sa plainte de harcèlement, l'appelant soutenait que son moniteur de formation pratique des recrues l'avait embarrassé et intimidé.
En appel, l'appelant a déclaré qu'il avait une explication légitime justifiant le dépôt tardif de sa plainte de harcèlement. De plus, il a fait valoir que la décision de l'intimée contrevenait aux principes d'équité procédurale et était manifestement déraisonnable, puisque les comportements du défendeur répondaient manifestement à la définition de harcèlement et que la décision comprenait des déclarations de fait inexactes.
En application de l'article 38 des Consignes du commissaire (griefs et appels), l'appelant devait faire appel devant le Bureau de la coordination des griefs et des appels dans les 14 jours suivant celui où il avait reçu signification de la décision. Or, il a présenté sa déclaration d'appel environ trois mois après avoir reçu signification de la décision. Il a fait valoir qu'il avait agi de bonne foi au cours du délai prescrit et qu'il ne savait pas qu'il avait communiqué avec les mauvaises personnes. L'intimée a affirmé que l'appel devait être rejeté parce que l'appelant l'avait déposé tardivement même s'il avait obtenu rapidement des renseignements sur la manière de le déposer convenablement.
Le CEE a indiqué que le CEE et les commissaires qui se succèdent ont toujours souligné que les délais étaient obligatoires et limitaient la compétence, et que la Gendarmerie devait refuser d'examiner une affaire si elle n'était pas présentée dans le délai prescrit ou dans un délai prorogé conformément à la loi. Le CEE a déclaré que l'arbitre pouvait, dans des « circonstances exceptionnelles », proroger rétroactivement le délai visé à l'article 38 en vertu de l'alinéa 43d) des Consignes du commissaire (griefs et appels). Le CEE a souligné que le terme « circonstances exceptionnelles » n'était pas défini dans la politique de la GRC et qu'il se fondait donc sur le critère composé de quatre facteurs établi par la Cour fédérale dans la décision Canada (Procureur général) c. Pentney, 2008 CF 96, pour déterminer s'il y a lieu de proroger le délai prévu pour engager une procédure devant un tribunal administratif. La Cour a indiqué que l'aspect fondamental à prendre en considération consistait à s'assurer que justice est faite entre les parties. La Cour a souligné que le critère n'était pas conjonctif, que les facteurs n'étaient pas nécessairement tous pertinents et que d'autres facteurs pertinents et contextuels pourraient être pris en considération. Vu sa souplesse, le critère est appliqué différemment dans chaque cas, car son application dépend largement des faits en cause. Voici les quatre facteurs mentionnés dans la décision Pentney :
- Il y avait une intention constante de poursuivre l'appel;
- La cause est défendable;
- Il y a une explication raisonnable pour le retard;
- La prorogation de délai ne cause aucun préjudice à l'autre partie.
Le CEE a conclu que l'appelant avait l'intention d'interjeter appel de la décision de l'intimée, mais qu'aucune preuve n'indiquait qu'il s'agissait d'une intention constante. L'appelant avait obtenu rapidement des renseignements clairs et précis sur l'endroit où il devait déposer son appel et sur la procédure à suivre. Or, il n'a fourni aucune information sur les mesures qu'il a prises, le cas échéant, pour suivre le processus d'appel à partir du moment où il a obtenu ces renseignements, soit à l'intérieur du délai prescrit de 14 jours, jusqu'au moment où il a interjeté appel environ deux mois et demi plus tard. Le CEE a indiqué que les membres devaient se charger de leur propre cause et qu'un manque de connaissances des textes officiels applicables n'était pas une raison valable pour dépasser un délai prescrit.
Le CEE a conclu que l'argument de l'appelant selon lequel il avait agi de bonne foi et envoyé son « grief » à la mauvaise personne sans le savoir ne constituait aucunement une explication raisonnable pour le retard, et qu'il s'agissait là d'un facteur primordial à considérer dans l'application du critère de la décision Pentney à l'espèce. Le CEE a indiqué qu'il serait préjudiciable à l'intégrité du processus d'appel de la Gendarmerie de proroger le délai alors que l'appelant n'avait pas l'intention constante d'interjeter appel et n'avait pas fourni d'explication raisonnable pour le retard. Le CEE a déclaré que cette prorogation avantagerait injustement l'appelant par rapport aux autres membres ayant décidé de ne pas interjeter appel ou n'ayant pas eu l'autorisation d'interjeter appel parce qu'ils avaient dépassé le délai, et qu'il s'agirait là d'une atténuation arbitraire et injustifiée de l'obligation de respecter ce délai. Le CEE a conclu qu'à la lumière de son analyse des autres facteurs énoncés dans la décision Pentney, la question de savoir si la cause était défendable n'était tout simplement pas assez convaincante pour s'avérer déterminante dans les circonstances.
Conclusions du CEE
Le CEE a conclu que l'appelant n'avait pas respecté le délai prescrit de 14 jours pour interjeter appel et qu'il n'y avait pas lieu de proroger ce délai.
Recommandation du CEE
Le CEE a recommandé à la commissaire de rejeter l'appel et de confirmer la décision de l'intimée.
Décision de la commissaire de la GRC datée le 8 mai 2020
La commissaire a rendu la décision suivante, telle que résumée par son personnel :
[Traduction]
L'appelant était une recrue au détachement X. Le 12 décembre 2017, il a déposé une plainte de harcèlement (la « plainte ») contre son moniteur (le « défendeur ») pour son comportement du 17 mai au 29 juillet 2016. L'intimée a conclu que la plainte avait été déposée après l'expiration du délai d'un an prévu à cette fin et qu'elle devait plutôt être traitée comme une question de rendement. L'appelant a interjeté appel de cette décision environ trois mois après l'avoir reçue. Le Bureau de la coordination des griefs et des appels (BCGA) a indiqué que l'appel avait été interjeté après l'expiration du délai de 14 jours prévu à cette fin. Des arguments sur la question préliminaire du respect du délai et sur le fond de l'appel ont été présentés au CEE puis à l'arbitre. Le CEE a recommandé que l'appel soit rejeté parce qu'il avait été interjeté après l'expiration du délai de 14 jours prévu par l'article 38 des Consignes du commissaire (griefs et appels) et qu'aucune circonstance exceptionnelle ne justifiait une prorogation rétroactive du délai. L'arbitre a accepté les recommandations du CEE et rejeté l'appel.