NC-066 - Harcèlement

L'appelant a déposé une plainte de harcèlement (ci-après la « plainte ») contre le défendeur, qui était son supérieur immédiat. Il soutenait que les changements apportés par le défendeur à la politique opérationnelle ainsi que l'obligation d'être en disponibilité en dehors des heures de service nuisaient à sa vie personnelle et familiale. L'intimé a ordonné une enquête de portée limitée sur la plainte, de sorte que seuls l'appelant et le défendeur ont été interrogés. Au cours de l'enquête, l'appelant a demandé que l'intimé se récuse et s'abstienne de statuer sur la plainte, notamment à la lumière d'informations du défendeur selon lesquelles il avait déjà communiqué avec l'intimé sur des questions ayant donné lieu à la plainte. Avant de statuer sur la demande de récusation de l'appelant, l'intimé a obtenu des précisions du défendeur sur la nature des communications antérieures en question. L'appelant n'a pas été mis au fait de ces précisions. Dans une décision écrite, l'intimé a ensuite décidé de ne pas se récuser. Plus tard, il a rendu une décision dans laquelle il a conclu que la plainte n'était pas fondée.

L'appelant a fait appel de la décision de l'intimé. Il soutenait que l'intimé aurait dû se récuser et a contesté la manière dont celui-ci avait consulté le défendeur avant de statuer sur la demande de récusation. Quant à la décision de l'intimé sur la plainte, l'appelant se demandait pourquoi certains documents jugés potentiellement pertinents par l'intimé n'avaient pas été obtenus dans le cadre de l'enquête. Il se demandait aussi pourquoi un témoin indépendant de l'un des incidents rapportés dans la plainte n'avait pas été interrogé.

Conclusions du CEE

Le CEE a conclu que, conformément aux principes d'équité procédurale, l'intimé devait donner à l'appelant la possibilité de répondre à toute information obtenue du défendeur au sujet de la demande de récusation. Comme l'appelant n'a pas eu cette possibilité avant que l'intimé statue sur la demande de récusation, il a été privé de son droit d'être entendu. Le CEE a aussi conclu que l'intimé, dans son examen de la plainte, avait jugé à tort que certains documents étayeraient possiblement la version des faits du défendeur, même s'il ne les avait pas à sa disposition. Enfin, l'enquête de portée limitée ordonnée par l'intimé n'a permis d'examiner la plainte que dans une certaine mesure. Un témoin indépendant aurait sûrement pu fournir des éléments de preuve pertinents sur l'un des incidents rapportés par l'appelant, et l'intimé aurait probablement été mieux à même d'évaluer cet incident en disposant de la version des faits du témoin.

Recommandations du CEE

Comme l'appelant a été privé de son droit d'être entendu, le CEE a recommandé que l'arbitre de dernier niveau accueille l'appel et renvoie l'affaire à un autre décideur. Le CEE a recommandé aussi que le décideur soit chargé d'évaluer s'il est possible d'obtenir, au moyen d'une enquête complémentaire, la version des faits du témoin X et toute preuve supplémentaire permettant d'examiner la plainte en détail. En outre, le CEE a recommandé que le nouveau décideur rende une nouvelle décision qui tiendra compte de toute information supplémentaire obtenue.

Décision de la commissaire de la GRC datée le 31 mai 2021

La commissaire a rendu la décision suivante, telle que résumée par son personnel :

[Traduction]

L'appelant, membre d'un petit détachement, a déposé une plainte de harcèlement contre son chef de district (le défendeur) pour : avoir mis en œuvre une nouvelle politique non signée qui l'obligeait à être en disponibilité opérationnelle en tout temps et à laisser un véhicule de police à son domicile lorsqu'il n'était pas en service; l'avoir obligé à travailler sans renfort pendant plusieurs semaines d'affilée; avoir fait des commentaires inappropriés lorsqu'il s'est plaint que la politique empiétait sur sa vie familiale; l'avoir menacé de fermer son bureau s'il ne se conformait pas à la demande; l'avoir intimidé pour qu'il rétracte ses propos sur les préoccupations initiales qu'il avait soulevées dans un courriel envoyé en copie conforme à d'autres membres; et l'avoir obligé à soumettre une demande de mesures d'adaptation en milieu de travail pour pouvoir être en congé pendant qu'il n'était pas en service et l'avoir ensuite rejetée parce qu'il n'avait pas fourni une liste des activités. L'appelant se disait victime de discrimination en raison de sa situation de famille.

Avant de déposer sa plainte, l'appelant a informé le défendeur que la nouvelle politique sur la disponibilité opérationnelle obligatoire allait à l'encontre de la politique en vigueur, qui précisait qu'elle était facultative. Pour démontrer que l'appelant n'avait pas interprété la politique correctement, le défendeur a communiqué avec l'intimé et d'autres supérieurs et a fait état d'un courriel dans lequel la nouvelle politique sur la disponibilité opérationnelle obligatoire avait été approuvée par l'intimé.

Un examinateur des plaintes de harcèlement du Bureau de coordination des plaintes de harcèlement a recommandé qu'une enquête de portée limitée soit menée avant que la décision soit rendue. Une enquête de portée limitée a été ordonnée et s'est déroulée sans que les déclarations des témoins soient recueillies, exception faite de celles de l'appelant et du défendeur. Avant que l'intimé statue sur la plainte, l'appelant a demandé qu'il se récuse parce qu'il avait souscrit à l'interprétation de la nouvelle politique par le défendeur, politique qui, selon l'appelant, avait été utilisée pour le harceler. L'intimé a refusé de se récuser et a envoyé aux parties sa décision écrite dans une lettre indiquant qu'il s'était entretenu de nouveau avec le défendeur au sujet de son intervention et que son avis avait été donné à titre général et non dans le cadre de la présente affaire. L'appelant n'avait pas participé à la discussion qui s'était déroulée après la date à laquelle il avait déposé sa plainte et demandé la récusation de l'intimé.

L'intimé a ensuite présenté un rapport de décision et a conclu que le défendeur agissait dans le cadre de ses fonctions et que ses gestes ne répondaient pas à la définition de harcèlement.

L'appelant a présenté un appel pour contester la décision de l'intimé en faisant surtout valoir que ce dernier n'était pas impartial et que le processus était inéquitable sur le plan procédural. Le CEE s'est dit du même avis et a recommandé à l'arbitre d'annuler la décision de l'intimé, d'accueillir l'appel, de renvoyer l'affaire en vue d'une enquête complémentaire et de nommer un nouveau décideur.

En vertu du sous-alinéa 47(1)b)(i) des Consignes du commissaire (griefs et appels), l'arbitre a accepté la recommandation du CEE, a accueilli l'appel, a conclu que la décision de l'intimé contrevenait aux principes d'équité procédurale, a annulé la décision de l'intimé et a renvoyé l'affaire en vue d'une décision par un nouveau décideur.

Détails de la page

Date de modification :