NC-091 - Harcèlement

L’appelant et le défendeur ont eu de multiples échanges au fil de plusieurs mois. Certains de ces échanges portaient sur la santé déclinante de l’appelant et sa disponibilité au travail. Le défendeur aurait notamment culpabilisé l’appelant parce qu’il devait prendre un congé de maladie, aurait nui à son rétablissement, lui aurait dit qu’il était inapte au travail policier, l’aurait accusé d’avoir induit un médecin en erreur et aurait crié contre lui en présence d’autres membres.

L’appelant a déposé une plainte de harcèlement (la plainte). Il y décrivait brièvement cinq prétendus incidents de harcèlement. Il y mentionnait aussi l’inspecteur (insp. A) comme témoin. Le défendeur a déposé une réponse à la plainte et y a joint plusieurs documents à l’appui. Il a convenu que quelqu’un devrait s’entretenir avec l’insp. A, qui était présent lors d’un incident et en avait peut-être déjà examiné d’autres. L’insp. A a aussi remis des documents concernant un incident. L’intimée n’a pas ordonné d’enquête sur la plainte. De plus, l’appelant n’a pas été invité à fournir d’autres détails sur sa plainte ni à répondre aux renseignements présentés par le défendeur ou l’insp. A.

L’intimée a conclu que les prétendus incidents ne constituaient pas du harcèlement (la décision). L’appelant a interjeté appel. Il a indiqué qu’une enquête plus approfondie sur sa plainte s’avérait nécessaire et qu’il aurait pu fournir d’autres renseignements utiles. Il estimait aussi que la décision reposait sur des hypothèses erronées, des malentendus et des inexactitudes qu’une enquête aurait pu rectifier. En fin de compte, l’appelant a démissionné de la GRC.

Conclusions du CEE

Le CEE a conclu que la décision rendue était inéquitable sur le plan procédural. Si le décideur statue sur une plainte de harcèlement sans ordonner d’enquête, parce qu’il estime disposer de suffisamment de renseignements, le processus se doit d’être équitable. Le plaignant doit avoir l’occasion d’expliquer en détail sa version des faits et de répondre à celle du défendeur avant que la décision définitive soit rendue. En l’espèce, l’impossibilité pour l’appelant de compléter sa plainte (au moyen d’un interrogatoire ou d’une déclaration, par exemple) ou de répondre à la version des faits du défendeur ou aux documents de l’insp. A rendait le processus inéquitable sur le plan procédural. Le CEE a aussi conclu que la décision était manifestement déraisonnable parce qu’elle reposait sur des renseignements incomplets qui ne pouvaient l’appuyer à titre d’analyse rationnelle ou défendable. Outre l’interrogatoire de l’appelant, un entretien avec l’insp. A aurait permis à l’intimée d’examiner plus sérieusement les multiples aspects de la plainte. Deux autres témoins auraient aussi pu aider à faire la lumière sur ce qui s’était passé lors d’un incident. Le CEE a conclu que la réparation appropriée consistait à ordonner une enquête et à rendre une nouvelle décision après un examen sérieux de la plainte, même si l’appelant n’est plus membre. Ainsi, quelle que soit l’issue, la cause de l’appelant sera et sera réputée être examinée en profondeur et en toute équité.

Le CEE a recommandé que l’appel soit accueilli et que l’affaire soit renvoyée en vue d’une nouvelle décision avec la directive d’ordonner une enquête sur la plainte.

Décision de la commissaire de la GRC datée le 15 août 2022

La commissaire a rendu la décision suivante, telle que résumée par son personnel :

[Traduction]

L’appelant fait appel de la décision de l’intimée selon laquelle les allégations de harcèlement qu’il a formulées contre le défendeur n’avaient pas été établies. Il a accusé le défendeur d’avoir fait des remarques concernant son congé de maladie; de l’avoir empêché de quitter sa zone de service, de l’avoir critiqué et d’avoir crié contre lui; et d’avoir joint son père pour communiquer des renseignements de nature délicate.

L’appelant a déposé une plainte de harcèlement contre le défendeur. Il soutenait s’être senti humilié, rabaissé, diminué et menacé vu la façon dont le défendeur avait traité sa demande de congé de maladie. L’intimée a conclu que la plainte de l’appelant n’était pas fondée et qu’une enquête sur les allégations n’était pas nécessaire, puisque le comportement offensant ne constituait pas du harcèlement. Elle a rendu un rapport de décision dans lequel elle a conclu qu’il n’y avait pas eu harcèlement.

L’appelant a présenté une déclaration d’appel dans laquelle il affirmait que la décision avait été rendue en violation des principes d’équité procédurale et qu’elle était manifestement déraisonnable. Il a fait valoir qu’une enquête sur ses allégations s’avérait nécessaire parce qu’il n’y avait aucun fondement rationnel pour conclure qu’il n’y avait pas eu harcèlement sans cette enquête. Il soutenait aussi qu’il était inéquitable sur le plan procédural de ne pas lui donner l’occasion de répondre aux éléments de preuve et aux observations présentés par le défendeur en réponse à sa plainte.

L’appel a été renvoyé devant le Comité externe d’examen de la GRC (CEE) qui, dans un rapport comprenant des conclusions et des recommandations, a recommandé d’accueillir l’appel au motif que la décision était inéquitable sur le plan procédural, puisque l’intimée n’avait pas donné l’occasion à l’appelant de présenter des éléments de preuve et de recevoir des observations de la part du défendeur et d’autres parties, et que l’appelant n’avait pas non plus eu l’occasion de répondre à ces observations. En outre, le CEE a conclu que la décision était manifestement déraisonnable parce que les conclusions de l’intimée étaient dénuées de preuve ou de fondement rationnel et que celle-ci avait eu tort d’affirmer qu’une enquête n’était pas nécessaire dans les circonstances. Le CEE a recommandé d’ordonner une enquête et de communiquer avec les témoins mentionnés.

Après avoir examiné les faits de l’affaire, les dispositions législatives applicables et la jurisprudence pertinente, l’arbitre a souscrit aux conclusions du CEE et a accueilli l’appel. Il a ordonné une enquête sur la plainte de harcèlement.

Détails de la page

Date de modification :