NC-101 - Renvoi pour raisons médicales
L’intimé a ordonné de licencier l’appelante de la GRC parce qu’elle avait une déficience au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP). L’appelante a été très longtemps en congé de maladie, et l’intimé a tenté plusieurs fois de lui offrir des mesures d’adaptation. La GRC lui a offert plusieurs possibilités de retour progressif au travail, mais elle les a toutes rejetées pour une raison ou une autre. L’intimé a aussi tenté deux fois de muter l’appelante dans une grande région métropolitaine aux frais de l’État pour qu’elle puisse y travailler et obtenir ainsi les soins dont elle avait besoin. L’appelante a refusé pour des raisons personnelles sans rapport avec son contrat de travail.
L’appelante a été envoyée chez une médecin examinatrice indépendante (MEI), qui a émis l’avis qu’il était peu probable que l’appelante soit apte à retourner au travail à quelque titre que ce soit dans un avenir prévisible. Cet avis détaillé a été suivi d’un deuxième avis après examen de renseignements médicaux contradictoires fournis par le médecin et la psychologue clinicienne de l’appelante. Les rapports de la MEI n’ont pas changé en ce qui a trait au diagnostic et au pronostic, et le médecin-chef, après avoir examiné tous les renseignements médicaux contenus dans le dossier de l’appelante, a recommandé que le facteur O6 soit attribué en permanence à son profil médical et a conclu qu’elle n’était pas apte à retourner travailler à la GRC à quelque titre que ce soit dans un avenir prévisible.
L’appelante a reçu un avis d’intention de recommander son licenciement et a présenté des observations à cet égard par l’entremise de son avocat. Elle a notamment fait valoir que la GRC ne lui avait pas offert de mesures d’adaptation jusqu’au point de subir une contrainte excessive; que l’attribution du facteur O6 en permanence à son profil médical et son licenciement étaient manifestement déraisonnables au vu de la preuve dont disposait l’intimé; et que l’intimé n’avait pas tenu compte de nouvelles preuves médicales qu’elle avait fournies après la décision. L’appelante soutenait qu’il incombait à la GRC de lui rembourser les pertes qu’elle subirait en vendant sa résidence pour déménager au lieu de travail prévu choisi par la GRC. De plus, elle a déclaré qu’elle ne pouvait pas retourner à son lieu de travail actuel sans en expliquer la raison exacte à ses supérieurs. Enfin, l’appelante était difficile à joindre pendant et après le processus de licenciement et elle négligeait souvent de répondre aux communications de la GRC.
L’appelante a fait appel de la décision de la licencier pour cause de déficience. Elle a indiqué que l’intimé n’avait pas respecté les règles de justice naturelle et l’avait privée de son droit à l’équité procédurale en ne communiquant pas des renseignements médicaux auxquels il n’avait pas accès et en faisant fi de preuves médicales récentes et contradictoires; que la décision était erronée en droit parce qu’elle ne respectait pas la LCDP ni la politique de la GRC; et que la décision était manifestement déraisonnable et ne reposait pas sur tous les éléments de preuve.
Conclusions du CEE
Concernant l’équité procédurale, l’appelante soutenait que l’intimé aurait dû communiquer des notes échangées entre le médecin-chef et la MEI, ce qu’il n’a pas fait, puisqu’elles ne se trouvaient pas dans le dossier dont disposait l’intimé, qui a aussi indiqué qu’il n’avait pas accès au dossier médical de l’appelante. Deuxièmement, l’appelante a indiqué que l’intimé n’avait pas tenu compte de nouveaux renseignements médicaux présentés avant sa décision de la licencier. Par ailleurs, l’appelante affirmait que l’intimé n’avait pas pris la décision de la licencier : cette décision avait en fait été prise par le médecin-chef et la MEI. Elle soutenait donc que l’intimé ne pouvait, en droit, déléguer ce pouvoir. Enfin, l’appelante a aussi fait valoir que l’intimé n’avait pas voulu tenir compte de nouvelles preuves médicales qu’elle avait présentées après la décision, mais avant qu’elle soit signifiée, ce qui soulevait l’idée que l’intimé n’était pas functus officio.
Premièrement, le CEE a conclu que les renseignements médicaux présentés avant la décision avaient été examinés par la MEI et le médecin-chef et qu’il avait été établi qu’ils ne modifiaient pas la recommandation d’attribuer le facteur O6 en permanence au profil médical assorti des restrictions et des limitations d’emploi énoncées. L’intimé était en droit de se fier au profil médical donné. Deuxièmement, il n’était pas légalement tenu de faire des recherches à l’aveuglette et de se renseigner sur des documents qui pouvaient ou non avoir été produits et qu’il n’avait pas en sa possession. L’appelante a bien été avisée que les renseignements médicaux avaient été examinés par la MEI et le médecin-chef. Cela ne l’a nullement empêchée de présenter une défense pleine et entière.
Pour ce qui est de la délégation du pouvoir de l’intimé de licencier l’appelante, le médecin-chef et la MEI n’avaient pas le pouvoir légal de licencier la membre; ce pouvoir revenait à l’intimé.
Enfin, le CEE a conclu que, conformément au paragraphe 12(3) des Consignes du commissaire (exigences d’emploi), la décision est entrée en vigueur immédiatement lorsqu’elle a été signée et que l’intimé était functus officio pour ce qui est d’examiner d’autres preuves médicales après la décision.
Le CEE a examiné la LCDP et a cité de nombreuses dispositions de la politique de la GRC, notamment du Manuel du Programme de gestion de l’incapacité et des mesures d’adaptation, et a conclu qu’un fondement juridique justifiait le licenciement de l’appelante pour des raisons médicales et que cette politique était bel et bien conforme à la LCDP.
Quant à savoir si la décision était manifestement déraisonnable, le CEE a conclu qu’elle ne l’était pas. Il a conclu que l’appelante s’était vu offrir des mesures d’adaptation jusqu’au point de la contrainte excessive. Le fait que l’appelante a contrecarré les efforts de la GRC pour trouver une solution afin de l’aider, pour des raisons sans rapport avec le processus, est d’une importance capitale en l’espèce.
Le CEE a recommandé que la commissaire rejette l’appel.
Décision de la commissaire de la GRC datée le 18 novembre 2022
La commissaire a rendu la décision suivante, telle que résumée par son personnel :
[Traduction]
L’appelante est partie en congé de maladie en janvier 2014. En février 2015, elle a été jugée apte à exercer des fonctions opérationnelles dans un avenir prévisible, avec certaines restrictions et limitations. Toutefois, le 29 juillet 2015, elle a été jugée temporairement inapte à travailler à la GRC à quelque titre que ce soit.
En 2016, l’appelante a été mutée dans une région métropolitaine pour qu’elle soit plus près de ses professionnels de la santé; elle a obtenu deux ans pour mener à bien sa mutation, mais elle ne s’est jamais présentée à son nouveau lieu de travail parce qu’elle ne pouvait pas vendre sa maison sans subir d’importantes pertes.
Entre-temps, en 2017, le profil médical de l’appelante a été modifié pour permettre la reprise du processus de prise de mesures d’adaptation. L’appelante a refusé d’envisager des mesures d’adaptation offertes temporairement dans son détachement, car elle soutenait qu’elles nuiraient à sa santé. En juin 2018, elle a aussi rejeté des possibilités de retour progressif au travail hors de son détachement, lesquelles comprenaient un véhicule de la Gendarmerie, le temps de déplacement, les services de chenil et l’hébergement. Plus tard, en novembre 2018, une restriction l’empêchant de travailler à son détachement a été ajoutée à son profil médical.
Comme il était difficile de gérer les limitations et les restrictions de l’appelante, la GRC a ordonné un examen médical indépendant (EMI) en février 2020. À la suite du rapport d’EMI, le profil médical de l’appelante a été modifié pour indiquer qu’elle était définitivement inapte à retourner travailler à la GRC à quelque titre que ce soit. L’appelante a refusé d’être licenciée volontairement à la suite de l’examen, de sorte que l’intimé l’a ensuite licenciée pour raisons médicales, ce licenciement ayant pris effet le 16 juillet 2021.
L’appelante a interjeté appel en soutenant notamment que l’intimé n’avait pas établi que la GRC lui avait offert des mesures d’adaptation jusqu’au point de subir une contrainte excessive, qu’il n’avait pas tenu compte de tous les faits concernant son état de santé, qu’il avait rendu une décision entachée d’une erreur de droit et qu’il avait formulé des conclusions manifestement déraisonnables.
L’arbitre n’a pas été convaincu que la GRC avait manqué à son obligation de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de l’appelante. En outre, il a conclu qu’il n’y avait pas eu manquement à l’équité procédurale ni erreur de droit et que la décision n’était pas manifestement déraisonnable. L’appel a été rejeté.
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