NC-105 - Harcèlement

Le présumé harceleur était le supérieur de l’appelant. Les deux membres ne s’entendaient pas bien au travail. Ils avaient des différends de longue date et ne partageaient pas la même vision de ce que devait être leur groupe de travail, ce qui a entraîné des conflits issus notamment de l’évaluation du rendement de l’appelant et d’une présumée rétrogradation déguisée. En 2018, l’appelant a déposé une plainte de harcèlement (la plainte) contre le présumé harceleur qui comprenait plusieurs motifs regroupés en trois principales allégations. À une date non précisée, l’appelant a aussi déposé un document supplémentaire mentionnant plusieurs autres allégations. Le présumé harceleur a présenté une réponse détaillée dans laquelle il niait catégoriquement les principales allégations formulées contre lui tout en admettant que l’appelant et lui entretenaient une relation de travail conflictuelle et en donnant sa version des faits. 

L’intimée a conclu qu’elle disposait de suffisamment de renseignements pour statuer sur la plainte (la décision). Elle n’a donc pas ordonné d’enquête. D’ailleurs, elle a déclaré que la plainte [traduction] « ne [pouvait] pas être réglée par le processus d’enquête » et a conclu que les comportements mentionnés « ne [constituaient] pas du harcèlement au sens de la définition énoncée dans la politique sur l’enquête et le règlement des plaintes de harcèlement ».  

Conclusions du CEE

Bien que l’appelant n’ait pas soulevé ce point en appel, l’équité procédurale devait être prise en considération puisque l’intimée n’avait pas donné à l’appelant l’occasion de répondre à la réponse du présumé harceleur à la plainte. De ce fait, le CEE a conclu que la décision avait été rendue en violation des principes d’équité procédurale. La violation du droit de l’appelant d’être entendu constitue une erreur irréparable qui ne peut être corrigée en appel. De plus, le CEE a conclu que la décision était manifestement déraisonnable parce qu’elle ne « [s’attaquait pas] de façon significative aux questions clés ou aux arguments principaux » soulevés dans le document supplémentaire. Même si l’intimée avait bel et bien ce document en sa possession, sa décision n’en fait aucunement mention. Sa décision en fait tout simplement abstraction et ne dit rien de son contenu. L’intimée n’a donc pas démontré qu’elle avait effectivement écouté l’appelant et qu’elle était attentive et sensible à la question qui lui était soumise. Enfin, le CEE a aussi conclu que la décision était manifestement déraisonnable parce que l’intimée n’avait pas suffisamment de renseignements pour parvenir à une conclusion. Plus particulièrement, aucune déclaration de témoin n’a été obtenue même si une liste de témoins figurait dans la plainte, et l’appelant lui-même n’a pas été interrogé en vue de recueillir plus de renseignements sur les différends de longue date. Ainsi, l’intimée ne s’est pas conformée au chapitre XII.8 du Manuel d’administration au cours du processus décisionnel. L’équité exige que tout plaignant puisse expliquer les détails de sa plainte au moyen d’un interrogatoire, d’une déclaration ou d’un document écrit par exemple, et qu’il ait l’occasion de répondre à la réponse du présumé harceleur à sa plainte.

Le CEE a recommandé d’accueillir l’appel et de renvoyer l’affaire en vue d’une nouvelle décision avec la directive d’ordonner à tout le moins une enquête de portée limitée sur la plainte. Au cours du processus d’enquête, l’appelant devrait être autorisé à répondre à la réponse du présumé harceleur à sa plainte et à tout autre document recueilli.

Décision de la commissaire de la GRC datée le 7 février 2023

La commissaire a rendu la décision suivante, telle que résumée par son personnel :

[Traduction]

L’appelant a déposé une plainte de harcèlement contre le présumé harceleur. L’intimée n’a pas ordonné d’enquête ni demandé à l’appelant de réfuter la réponse détaillée présentée par le présumé harceleur. Elle a conclu que l’allégation de harcèlement n’avait pas été établie.

L’appelant a fait appel de la décision de l’intimée au motif qu’elle avait été rendue en violation des principes d’équité procédurale. Il soutenait qu’une enquête sur son allégation était nécessaire et que certaines des allégations qu’il avait formulées n’avaient pas été examinées.

L’appel a été renvoyé devant le CEE qui, dans un rapport comprenant des conclusions et des recommandations, a recommandé d’accueillir l’appel au motif que la décision avait été rendue en violation des principes d’équité procédurale et qu’elle était manifestement déraisonnable. Le CEE a conclu que le défaut d’avoir mené une enquête ou d’avoir donné suite à la réponse du présumé harceleur constituait un manquement à l’équité procédurale, et que l’omission par l’intimée d’examiner certaines allégations et le défaut d’avoir mené une enquête ont privé l’intimée d’informations importantes, ce qui l’a menée à rendre une décision manifestement déraisonnable. Le CEE a recommandé d’ordonner une enquête et de renvoyer l’affaire à un nouveau décideur.

Après avoir examiné les faits de l’affaire, les dispositions législatives applicables et la jurisprudence pertinente, l’arbitre a souscrit aux conclusions du CEE et a accueilli l’appel. Il a ordonné de renvoyer l’affaire à un nouveau décideur et de mener une enquête d’une portée laissée à la discrétion du nouveau décideur.

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