Sommaire des dossiers de griefs - G-204
G-204
Ce grief portait sur le versement rétroactif de la prime au bilinguisme. Par suite de la décision rendue par la Cour fédérale dans l'affaire Gingras, la GRC a décidé de verser la prime aux membres qui y avaient droit mais qui ne l'avaient pas reçue. En l'espèce, la GRC a informé un membre bilingue que le versement de la prime au bilinguisme lui avait été refusé pendant un certain temps. Au cours de cette période, le membre avait été affecté à un détachement situé dans une région unilingue pour laquelle aucun effectif bilingue du service (EBS) n'avait été identifié. La GRC avait refusé la prime au membre, estimant que le Conseil du Trésor n'en avait prévu le versement qu'aux membres qui étaient dans une unité comportant un EBS.
Le membre a présenté un grief relativement à la décision de la GRC. Le membre a fait observer qu'il avait fourni des services en français au détachement et il a également noté qu'il avait été tenu, par suite d'une mesure administrative, de fournir des services en français dans un détachement voisin où un EBS avait été identifié, mais auquel aucun membre bilingue n'était affecté. En outre, le membre a souligné qu'il avait été identifié comme personne ressource bilingue dans les suppléments du Manuel d'administration divisionnaire.
Un comité consultatif sur les griefs (CCG) a recommandé que le grief soit accueilli, mais seulement pour la période pendant laquelle le membre avait fourni des services bilingues à un détachement voisin comportant un EBS. Le CCG a conclu que, en raison de cette mesure administrative, le membre faisait effectivement partie d'un détachement comportant un EBS au cours de cette période.
L'arbitre du niveau I a convenu que, pour les motifs donnés par le CCG, le membre avait été dans une situation très semblable à celle de faire partie d'un EBS lorsqu'il avait fourni des services en français au détachement voisin. Il a accueilli le grief. Cependant, en raison des critères du Conseil du Trésor, il a déclaré que la réparation qu'il pouvait offrir se limitait à demander à la Sous-direction des langues officielles d'informer le Conseil du Trésor des circonstances de l'espèce, afin que celui-ci puisse déterminer si le membre avait droit à la prime.
L'officier responsable (off. resp.) de la Sous-direction des langues officielles a refusé de mettre en oeuvre la réparation prévue par l'arbitre du niveau I. Il a souligné que la GRC avait déjà informé le Conseil du Trésor de questions connexes, qui lui avait répondu de façon ferme qu'il était impossible de s'écarter des règles d'admissibilité établies. En réponse à la décision de l'off. resp. des Langues officielles, le membre a présenté le grief au niveau II, soutenant qu'il n'avait pas reçu la réparation accordée au niveau I.
Le grief a été renvoyé au Comité. Après réception du grief, le Comité a invité les parties à présenter des arguments supplémentaires sur une lettre du sous-secrétaire du Conseil du Trésor, Direction des Langues officielles et de l'équité en emploi qui était censée exposer les critères d'admissibilité au versement rétroactif de la prime. Le Comité demande si la lettre représentait ou était fondé sur un instrument du Conseil du Trésor modifiant ou complétant formellement, pour le fins de son utilisation dans la GRC, la politique du Conseil du Trésor publiée qui s'appliquait à la ensemble de la fonction publique relativement à la prime au bilinguisme. L'officier compétent a présenté des arguments, déclarant que ce n'était pas le cas. Il a affirmé que la lettre reprenait et expliquait plutôt certaines décisions prises par le personnel de la GRC et du Conseil du Trésor.
Le 13 janvier 1998, Le Comité a formulé ses conclusions et recommandations. Pour ce qui est du refus, par l'off. resp. des Langues officielles, de mettre en oeuvre la décision rendue au niveau I, il s'est reporté à ses conclusions et recommandations formulées dans le dossier G-90. Dans cette affaire, il avait indiqué que, dans des circonstances exceptionnelles où, de l'avis de la GRC, une décision arbitrale était clairement irrégulière et pouvait menacer la bonne administration de la GRC, celle-ci pouvait refuser de la mettre en oeuvre. Dans un tel cas, la GRC était néanmoins tenue de renvoyer le grief au niveau I pour que celui-ci rende une décision finale. Le Comité était disposé à appliquer la procédure suivie dans le dossier G-90 à l'espèce et à considérer le dossier comme renvoyé à juste titre au niveau II pour faire l'objet d'un examen complet.
Quant au bien-fondé, le Comité a jugé que, selon le dossier et les arguments dont il était saisi, rien n'indiquait que les critères énoncés dans la lettre du sous-secrétaire du Conseil du Trésor étaient, ou étaient fondés sur une politique réelle du Conseil du Trésor. Cette lettre et une autre lettre d'un autre fonctionnaire semblaient plutôt provenir de membres du personnel du Secrétariat du Conseil du Trésor. Le Comité a souligné qu'un sous-secrétaire du Conseil du Trésor n'est pas membre de ce dernier et que, quel que soit le pouvoir détenu par un tel fonctionnaire, celui-ci n'a pas compétence pour abroger ou modifier une politique du Conseil du Trésor par la voie d'une simple lettre.
Le Comité a examiné la politique applicable effectivement adoptée par le Conseil du Trésor. Un principe important est ressorti. Le Conseil du Trésor a prévu qu'il revenait à chaque institution fédérale, et non au Secrétariat du Conseil du Trésor, d'identifier les exigences linguistiques des postes. Le Comité a jugé que la GRC n'avait pas suivi la politique du Conseil du Trésor relativement à l'identification des postes. L'admissibilité à la prime était déterminée par le fait que le membre occupait ou non un poste bilingue. Aux fins du versement prévu par la politique visant la prime au bilinguisme dans les secteurs comportant un EBS, dans les cas où les exigences linguistiques de chacun des postes n'avaient pas été identifiées au préalable, on aurait dé examiner rétrospectivement les postes qui devaient être identifiés comme ayant été bilingues. Conformément à la politique du Conseil du Trésor, l'identification des postes bilingues devait être effectuée par la GRC. Toutefois, au lieu d'examiner les postes qui, de fait, étaient bilingues au cours de la période en cause, la GRC s'était sentie liée par les critères du Secrétariat du Conseil du Trésor qui visaient à identifier les titulaires de poste qui devaient recevoir la prime.
Le Comité a recommandé d'accueillir le grief. Il a recommandé que la GRC exerce son jugement - selon sa connaissance de la façon dont la GRC organise son lieu de travail - relativement aux membres à identifier comme ayant occupé un poste bilingue. La GRC devait examiner lesquels de ses membres elle obligeait à fournir des services bilingues pour s'acquitter des obligations qu'elle croyait avoir en matière de langues officielles. Ainsi, en l'espèce, la question de l'admissibilité du membre à la prime au bilinguisme devrait être renvoyée au centre décisionnel administratif compétent afin d'être réexaminée en fonction du meilleur jugement de la GRC.
Le Comité a reconnu que, malgré son analyse, le Commissaire pouvait être en désaccord avec sa démarche et conclure que la GRC ne s'était pas sentie liée par les critères énoncés par le personnel du Secrétariat du Conseil du Trésor. Une telle conclusion serait difficile à étayer, mais si elle était rendue, elle n'influerait pas sur la conclusion finale. S'il était jugé que la GRC a adopté les critères comme s'il s'agissait de sa façon de déterminer les postes bilingues, il serait également possible et nécessaire de conclure que la GRC elle-même n'a pas tenu compte de ses propres politiques et méthodes. Le Comité a noté que le grief serait accueilli pour les mêmes motifs essentiellement que ceux donnés ci-dessus.
À titre subsidiaire, le Comité a recommandé que, si le Commissaire concluait que la GRC était tenue d'appliquer les critères énoncés par le sous-secrétaire du Conseil du Trésor, il était néanmoins possible et nécessaire de conclure que l'interprétation, par la GRC, de ces critères était fausse, du moins pour un motif : il était possible et nécessaire de conclure, contrairement à la décision de la GRC, qu'un membre lié à un EBS en application d'une mesure administrative fait effectivement partie de l'EBS aux fins de l'admissibilité, selon les critères énoncés par le sous-secrétaire du Conseil du Trésor.
Le 17 juin 1998, le commissaire a rendu sa décision. Le Commissaire a souscrit à la recommandation du Comité. Il a accueilli le grief et ordonné le réexamen de l'admissibilité du membre à la prime au bilinguisme en fonction de l'analyse fournie par le Comité.