Sommaire des dossiers de griefs - G-266
G-266
Au cours d'un exercice de tirs de qualification d'armes à feu, la requérante a aggravé une blessure qu'elle avait à l'épaule droite et a dû, par la suite, subir des interventions chirurgicales à deux reprises et s'absenter du travail pendant la plupart des deux ans qui ont suivi. De plus, elle n'était pas en mesure de remplir de fonctions opérationnelles durant ce temps. Le profil médical de la requérante a été examiné par le médecin-chef, qui a conclu que le membre ne satisfaisait plus aux exigences de santé minimales pour occuper un poste de gendarme aux services généraux et que sa condition n'était pas susceptible de s'améliorer dans un avenir rapproché. La GRC a donc entrepris le processus visant à déterminer si la requérante devait être renvoyée pour des raisons médicales. Après qu'on eut fait des démarches auprès de toutes les divisions de l'organisation, on a déterminé qu'il n'existait aucun poste à combler au sein de la GRC pour lequel la requérante était suffisamment qualifiée. Par ailleurs, un conseil médical est arrivé à la conclusion que, dans un avenir prévisible, la déficience de la requérante limiterait [traduction] « sa capacité d'appréhender des individus et, dans les circonstances, d'appliquer la contrainte nécessaire dans l'utilisation de son arme à feu ». L'intimé a alors transmis un avis de renvoi à la requérante.
Dans le grief qu'elle a présenté au niveau I, la requérante n'était pas en désaccord avec les conclusions du conseil médical, mais insistait qu'il existait d'autres postes pour les membres réguliers auxquels elle aurait pu être nommée. L'intimé a contesté cette affirmation en expliquant que la requérante n'avait pas assez d'expérience pour pouvoir occuper un autre poste pour membre régulier.
Le Comité consultatif sur les griefs a recommandé que le grief soit rejeté. En effet, se fondant sur l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans Ontario (Commission des droits de la personne) c. Etobicoke (Borough) [1982] 1 R.C.S. 202 ainsi que sur les conclusions et les recommandations du Comité externe d'examen dans le dossier 2000-94-001(G-173), le Comité consultatif sur les griefs a estimé que la GRC n'était pas tenue de trouver un nouvel emploi pour un membre qui, à cause d'une déficience, ne satisfaisait plus aux exigences de santé minimales s'appliquant aux gendarmes aux services généraux. L'arbitre du niveau I a rejeté le grief.
Conclusions et recommandations du Comité externe datées le 12 février 2002
Dans les deux dossiers (G-266 et G-267), le Comité externe d'examen était d'avis que le grief devrait être accueilli. Selon l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Committee) c. BCGSEU, [1999] 3 R.C.S. 3 (l'affaire Meiorin), il faudrait que la GRC puisse prouver qu'elle subirait une contrainte excessive si elle devait composer avec la situation du requérant. Or, aucune preuve n'a été présentée à cette fin dans l'un ou l'autre dossier. Les obligations que s'impose la GRC pour aider les membres ayant une déficience à trouver un autre emploi au sein de l'organisation ne correspondent pas à ce qu'exige l'arrêt Meiorin.
Décision intérimaire du commissaire datée le 21 août 2002
Le commissaire a convenu avec le CEE que rien n'empêchait la plaignante d'être représentée par un avocat de l'extérieur au cours du processus de règlement du grief et que, une fois que l'arbitre du niveau I a confirmé cette représentation, il aurait dû accepter l'observation de l'avocat. Pour ce qui est du retard dans le processus de règlement du grief attribuable aux mesures prises par la GRC à la suite du grief de recherche d'emploi déposé après la délivrance de l'avis d'intention de licenciement, le commissaire s'est aussi dit d'accord avec les conclusions du CEE. La plaignante n'avait pas l'intérêt requis pour déposer le grief en question.
Le commissaire a examiné soigneusement la question du renvoi pour des raisons médicales et l'obligation qui incombe à la GRC de répondre aux besoins des membres réguliers ayant des restrictions médicales. Un examen de la politique de la GRC a révélé que des efforts avaient été déployés pour intégrer des aspects des mesures d'adaptation à nos processus, mais que ces efforts ne répondaient pas encore à toutes les obligations prévues dans la loi. Le commissaire a décrit les principes d'adaptation destinés aux membres qui assument des fonctions de première ligne et à ceux qui n'en exercent pas qui devraient faire l'objet de recherches et être intégrés à une politique révisée pour répondre aux exigences de la Loi canadienne sur les droits de la personne et à l'arrêt Meiorin en ce qui concerne la discrimination à l'égard d'employés handicapés. Des questions relatives à la « masse critique », au caractère particulier de l'organisation, à ses mandats nombreux et variés, à son effectif grandement dispersé et à la tâche prépondérante d'assurer la sécurité du public et des membres réguliers de la GRC, étaient aussi des considérations importantes qu'a fait ressortir le commissaire. Ce dernier a également indiqué que l'élaboration d'une politique devrait reposer sur des consultations auprès des RDRF et de Travail Canada au sujet des mesures d'adaptation dans les postes opérationnels de première ligne, de manière à assurer la conformité avec le Code canadien du travail. Il faudrait aussi examiner les postes dans des domaines comme les services aux victimes, la lutte antidrogue et la liaison avec les écoles, afin de déterminer s'ils devraient être considérés comme des postes opérationnels de première ligne. De plus, le commissaire s'est dit d'accord avec le CEE pour affirmer que l'information pertinente concernant les mesures d'adaptation destinées aux membres atteints d'une déficience devrait être conservée et communiquée aux plaignants sans divulguer de renseignements médicaux personnels et confidentiels.
Après avoir examiné le dossier, le commissaire a conclu qu'il faudrait déployer d'autres efforts afin de répondre aux besoins de la plaignante à la suite d'un processus révisé en fonction de l'arrêt Meiorin. Tout en conservant sa compétence, le commissaire a confié de nouveau la question à l'officier responsable des ressources humaines dans la région pour une période de six mois, en l'enjoignant de superviser la mise en oeuvre de procédures visant à répondre aux besoins de la plaignante en conformité avec les principes décrits dans la décision du commissaire. À la fin de cette période de six mois, un rapport et tous les documents pertinents seront envoyés au commissaire qui, après avoir donné l'occasion à la plaignante de présenter ses observations, tranchera le grief.
Décision du commissaire datée du 3 décembre 2003
Le grief concernant le renvoi administratif pour raisons médicales a été accueilli. Le commissaire a fait remarquer que la gendarme occupait maintenant un poste qui avait été « remanié » pour répondre à ses besoins en matière de santé. Cependant, la gendarme a déclaré que le nouvel arrangement n'était pas satisfaisant pour elle sur le plan professionnel, qu'il ne présentait aucune possibilité de promotion et que les fonctions exercées ne lui permettaient pas de maintenir sa dignité. Par conséquent, selon elle, l'arrangement ne satisfaisait pas à l'obligation d'accommodement. Cependant, le commissaire était d'avis que la gendarme avait été accommodée adéquatement au moyen d'un processus conforme à la politique nationale de la GRC sur l'obligation de prendre des mesures d'adaptation pour les membres handicapés, qui a été élaborée à la suite des directives émises par le commissaire en août 2002.