Sommaire des dossiers de griefs - G-272

G-272

Le grief concerne un avis de la GRC adressé au requérant et l'informant qu'il serait renvoyé par mesure administrative au motif que sa nomination résultait d'une « déclaration frauduleuse » de sa part en ce sens qu'il avait, lorsqu'on l'avait questionné au sujet de son passé, omis de mentionner à la GRC qu'il avait été impliqué dans diverses activités illicites lorsqu'il travaillait à l'atelier de débosselage exploité par sa famille.

La demande d'emploi du requérant auprès de la GRC a été examinée au début de 1995. L'examen consistait entre autres à déterminer si le requérant était « un citoyen de bonne réputation », car cela fait partie des exigences à remplir pour être nommé membre de la GRC, conformément au paragraphe 9.1(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada. On a donc fait passer au requérant ce qu'on appelle une « entrevue de sécurité », au cours de laquelle on lui a posé plusieurs questions afin de déterminer s'il avait déjà participé à un méfait grave. Le requérant n'a fourni aucune information qui aurait pu donner matière à préoccupation. Il a affirmé catégoriquement qu'il n'avait jamais commis de méfait. Cependant, peu après, la GRC a reçu une lettre de l'ancienne belle-soeur du requérant. Celle-ci portait des accusations graves selon lesquelles le requérant, son frére et son père avaient été impliqués dans diverses activités illicites, notamment la vente de véhicules volés, le recul d'odomètres et l'obtention de certificats d'inspection de sécurité pour des véhicules qui, en réalité, n'avaient pas été inspectés. La GRC a déterminé qu'il n'y avait pas lieu de faire enquête relativement à ces accusations, étant donné que l'une des personnes mentionnées comme référence aux fins de la vérification de la bonne réputation du requérant, elle-même membre de la GRC, avait déclaré avoir de bonnes raisons de croire que les faits allégués étaient fabriqués de toutes pièces.

Toutefois, en avril 1996, soit trois mois seulement après l'assermentation du requérant à titre de membre de la GRC, on a rouvert l'enquête après avoir reçu de nouvelles informations relatives à des activités suspectes mettant en cause des véhicules réparés par le requérant à l'atelier de débosselage de sa famille. La GRC a alors interrogé le requérant, qui a mentionné certaines des accusations portées contre lui, accusations qu'il affirmait être complètement fausses. La GRC a ensuite reçu d'un membre d'un autre corps de police une déclaration selon laquelle il avait inspecté un véhicule réparé par le requérant sur lequel la plaque portant le numéro d'identification du véhicule (NIV) n'était pas solidement fixée et sur lequel ne figuraient pas de numéro fédéral d'enregistrement, pas d'étiquette identifiant les pièces remplacées ni d'étiquette informative sur le chargement des autocaravanes, autant de facteurs laissant croire que le véhicule ou certaines de ses composantes avaient été volés et qu'on avait délibérément tenté d'occulter ce fait. En outre, on avait établi que la transmission provenait d'un véhicule volé. Un conseil de renvoi par mesure administrative (CRMA) a alors été constitué pour examiner la demande de renvoi faite par l'officier désigné et visant le requérant. Celui-ci a eu la possibilité de réfuter par écrit les arguments exposés dans l'avis d'intention de renvoi, mais le CRMA lui a refusé l'audience qu'il demandait au motif que ses conclusions ne justifiaient pas qu'on évalue la crédibilité des témoins, comme on doit le faire pour les parties. Dans sa réfutation, le requérant a mis en doute la crédibilité de la belle-soeur et des deux autres témoins dont les déclarations écrites faisaient partie de la preuve présentée par la GRC. Au sujet du véhicule qu'il avait réparé et sur lequel ne figuraient pas les étiquettes d'identification requises, le requérant a déclaré qu'il n'avait pas remarqué ces irrégularités.

Le CRMA a reconnu que, en ce qui a trait à la plupart des accusations, la preuve s'avérait déficiente et qu'il pouvait seulement conclure que les activités du requérant semblaient « suspectes ». Cependant, il a déterminé que trois des accusations avaient été établies en raison de la prépondérance des probabilités. Tout d'abord, le CRMA était convaincu que le requérant avait obtenu des certificats d'inspection pour des véhicules qui n'avaient pas été inspectés comme il se devait. Le fondement de cette conclusion était que le requérant n'avait pas « précisément nié » le fait. Ensuite, le CRMA croyait que le requérant avait pris part à des discussions concernant le remplacement de plaques de NIV et le recul d'odomètres. Cette fois encore, il se fondait sur le fait que le requérant n'avait pas « précisément nié » la chose. Enfin, le CRMA a conclu qu'il y avait suffisamment de preuves pour établir que le requérant aurait dû savoir que le véhicule qu'il avait réparé avait quelque chose d'irrégulier. Tout en reconnaissant que le fardeau de la preuve incombait à la GRC, le CRMA a conclu que cette dernière avait, relativement au véhicule en cause, établi une « solide preuve prima facie » que le requérant n'avait pas réussi à réfuter. Le CRMA a déterminé que cette preuve constituait une « preuve de faits similaires » aux fins de l'évaluation des éléments de preuve concernant les autres accusations de méfait liés à des véhicules et des pièces volés. Le CRMA a déclaré que le principe de la preuve des faits similaires permettait de conclure que l'argument de coïncidence ne tenait pas et que l'origine suspecte de certains véhicules et de certaines pièces de rechange ne pouvait être attribuée à une malchance dont la famille du requérant aurait été victime.

L'officier compétent qui avait émis l'avis de renvoi a accepté sans réserve les conclusions du CRMA, et l'arbitre de premier niveau également, ce dernier ayant aussi déterminé que le refus du CRMA de tenir une audience ne constituait pas une injustice et que, étant donné que les événements en cause dans cette affaire s'étaient produits avant l'entrée du requérant dans la GRC, une telle audience était moins justifiée que s'ils étaient survenus après. L'arbitre a également cité de la jurisprudence traitant des critères que les commissions de licenciement et de rétrogradation de la GRC doivent prendre en compte lorsqu'ils déterminent s'il y a lieu de tenir une audience.

Le 17 septembre 2002, le CEE a émis ses conclusions et recommandations. Dans ses conclusions, le Comité externe a jugé que trop de questions cruciales restaient sans réponse parce qu'on n'avait pas tenu d'audience. Il précisait qu'on avait beaucoup plus de soupçons que de preuves quant à l'éventuelle implication du requérant dans des méfaits graves. Si le CRMA avait tenu une audience, le requérant aurait été davantage en mesure de se défendre relativement à l'allégation de déclaration frauduleuse. Il aurait pu contre-interroger les témoins qui l'accusaient d'actes criminels et rencontrer les membres du CRMA, et ceux-ci auraient mieux pu évaluer sa crédibilité. Le requérant aurait également eu l'occasion d'appeler des témoins afin de réfuter toute allégation de malhonnêteté et de corruption à son sujet.

Contrairement à ce que le CRMA a soutenu, l'affaire soulevait une grave question de crédibilité, tant en ce qui concerne le requérant qu'au sujet des témoins qui avaient fourni des éléments de preuve contre lui. Même si elle concernait des actes censément posés avant que le requérant intègre la GRC, le fait que le requérant perdait son emploi s'il était trouvé coupable de fausse déclaration constituait une raison impérieuse pour tenir audience.

Il ne suffisait pas que la GRC fasse la preuve que des activités suspectes avaient eu cours à l'atelier de débosselage de la famille du requérant. Elle devait également prouver que le requérant était au courant de ces activités et n'avait rien fait pour les faire cesser ou avait fermé les yeux sur elles, choses que la preuve présentée n'établissait pas de façon claire et probante. Le seul élément de preuve établissant un lien entre le requérant et les méfaits graves dont il était question résidait dans les témoignages de trois personnes dont la crédibilité avait été mise en doute sans qu'aucune d'elle ne soit contre-interrogée par le requérant. Enfin, le Comité externe a souligné que le CRMA avait mal interprété le principe de la « preuve de faits similaires » et en avait fait une application non conforme à celles permises.

Le Comité a examiné la possibilité de convoquer une audition dans cette affaire. Cependant, compte tenu du délai de plus de 5 ans qui se serait écoulé, le Comité ne voulait pas prolonger davantage le processus. En conséquence, le Comité a recommandé que le grief soit accueilli.

Le 13 février 2003, le commissaire a rendu sa décision, comme suit :

Le commissaire s'est dit d'accord avec la recommandation du CEE d'accueillir le grief et de rejeter l'avis de renvoi sans transmettre l'affaire à un nouveau conseil de renvoi par mesure administrative. Toutefois, les motifs invoqués par le commissaire étaient axés sur la pertinence du renvoi par mesure administrative au motif d'une nomination irrégulière dans les circonstances de cette affaire. Il a conclu que, aux termes de l'article 34 du Règlement de la GRC (1988), le renvoi du requérant aurait été possible dans le délai de deux ans compte tenu du fait que sa nomination découlait d'une erreur d'ordre administratif (enquête sur la fiabilité incomplète). Après la période de deux ans, toutefois, on n'avait pas d'autre choix que de justifier le renvoi par une « déclaration frauduleuse ». Comme la Gendarmerie connaissait réellement les faits que, selon elle, le requérant avait omis de divulguer pendant le processus de sélection préliminaire et avant son embauche, elle ne pouvait pas prétendre que sa nomination était « fondée » sur la déclaration trompeuse.

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