Sommaire des dossiers de griefs - G-318

G-318

Lors de deux incidents séparés survenus en 1993, des témoins ont vu le requérant et son épouse en train d'avoir des relations sexuelles dans un véhicule stationné dans un lieu public. À la suite de ces incidents, le requérant n'a fait l'objet d'aucune accusation criminelle ni mesure disciplinaire. Deux ans plus tard, toutefois, il a été réprimandé parce qu'il avait eu des relations sexuelles avec son épouse dans un véhicule arrêté à un feu rouge. C'est à peu près à cette époque que le requérant a commencé à consulter un psychologue et à suivre des traitements pour un trouble sexuel, lesquels se sont poursuivis pendant une période de sept ans. En mai 1999, le requérant a fait l'objet d'une allégation selon laquelle il aurait commis une action indécente dans un endroit public. Toutefois, le requérant a nié cette allégation. En mai 2001, il a encore fait l'objet d'une plainte concernant une action indécente. Après l'enquête menée par le service de police municipal sur cette plainte, le requérant a été accusé d'avoir commis délibérément une action indécente dans un endroit public en présence de plusieurs personnes. Il s'agit d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. Le requérant a immédiatement communiqué ces renseignements à son commandant. Il a alors fait l'objet d'une enquête en vertu du Code de déontologie. Un mois plus tard, le requérant a été suspendu de ses fonctions avec solde en attendant le résultat de l'enquête, puis, trois semaines plus tard, le commandant a recommandé la cessation de sa solde et de ses indemnités. L'intimé a accepté la recommandation parce qu'il avait conclu que le requérant avait « commis un acte qui est inacceptable dans notre société et qui est contraire à la loi ». Il a aussi déclaré que « l'accumulation de plusieurs incidents de nature semblable est un facteur qui contribue à la prise d'une décision dans cette affaire ».

Dans ses observations présentées au niveau I, le requérant s'est plaint que la décision d'ordonner la cessation de sa solde et de ses indemnités avait été prise pour le forcer à démissionner de la Gendarmerie. Il a également soutenu que le commandant avait attendu trop longtemps avant d'amorcer le processus visant à faire cesser sa solde et il a nié avoir été impliqué dans les deux incidents invoqués par le commandant. Le requérant s'est plaint que d'autres membres accusés d'infractions criminelles comme la conduite avec les facultés affaiblies avaient continué à toucher leur solde et leurs indemnités. L'arbitre au niveau I a rejeté le grief parce qu'il estimait que la décision de l'intimé avait été conforme à la politique de la Gendarmerie. Il était convaincu que le retard dans la mise en branle du processus n'était pas déraisonnable étant donné que le commandant n'avait pas suffisamment de renseignements à sa disposition en mai 2001 pour justifier la recommandation de faire cesser la solde et les indemnités du requérant. Les renseignements pertinents n'ont été obtenus qu'au cours des semaines suivantes. Au niveau II, le requérant a soutenu que l'intimé avait fait preuve de parti pris parce qu'il avait été influencé dans sa décision par les incidents survenus en 1993 et en 1995 dont il était au courant depuis plusieurs années.

Conclusions du Comité

La GRC n'est pas habilitée par la loi à faire cesser la solde et les indemnités des membres suspendus de leurs fonctions parce que les règlements pertinents adoptés par le Conseil du Trésor (CT) n'énoncent pas les critères dont il faut tenir compte au moment de prendre une décision à cet égard. En permettant au CT de « prendre des règlements régissant la cessation de la solde et des indemnités des membres suspendus de leurs fonctions », la Loi suppose que le CT ne se contentera pas de définir quels officiers de la GRC peuvent exercer le pouvoir de faire cesser la solde et les indemnités des membres concernés. Comme c'est tout ce que les règlements prévoient, le Conseil du Trésor a violé la règle delegatus non potest delegare.

Le commandant a pris du temps avant d'amorcer le processus en raison, du moins en partie, d'une décision prise en vue de recueillir des renseignements additionnels sur l'incident survenu en mai 1999. Le commandant a admis plus tard que la responsabilité de cet incident ne pouvait pas être attribuée au requérant. Cependant, il est vrai que certains renseignements pertinents au sujet de l'incident survenu en mai 1999 n'ont été connus que plus tard et que le retard dans la mise en branle du processus ne semble pas déraisonnable. Le délai de six mois qui s'est écoulé avant que l'intimé ne rende sa décision était nécessaire pour permettre aux parties de formuler des observations relativement à la recommandation du commandant. Aussi, le fait que l'intimé était peut-être déjà au courant d'incidents antérieurs n'aurait pas été en soi suffisant pour faire apparaître une crainte raisonnable de partialité.

Toutefois, l'évaluation faite par l'intimé des éléments de preuve à l'appui de la recommandation comportait des lacunes graves. Il n'a pas réussi à justifier adéquatement sa conclusion voulant que la conduite du requérant s'inscrive dans la catégorie des « circonstances scandaleuses » à l'égard de laquelle la politique de la Gendarmerie permet la cessation du versement de la solde et des indemnités. Plus précisément, l'intimé n'a pas tenu compte d'une disposition de la politique de la Gendarmerie qui stipule que « la cessation du versement de la solde et des indemnités ne s'applique pas à une déclaration sommaire de culpabilité, à une violation d'une loi provinciale ou à une infraction mineure au Code criminel ».

Recommandation du Comité datée le 25 mars 2004

Le grief devrait être accueilli.

Décision du commissaire datée le 11 juillet 2004

Pour ce qui est de la conclusion du Comité externe voulant que le Règlement sur la cessation de la solde et des allocations des membres de la GRC soit nul et non avenu, le commissaire a déclaré qu'il n'était pas habilité par la loi à se prononcer sur ce sujet; seul un tribunal compétent pourrait prendre une décision en la matière. Par conséquent, pour les besoins de son analyse du bien-fondé du grief, il a présumé que le Règlement était valide. Toutefois, il a conclu que le grief était théorique, parce que le requérant avait conclu une entente avec la GRC au sujet de la reprise du versement de sa solde et de ses allocations avec effet rétroactif.

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