Sommaire des dossiers de griefs - G-319

G-319

En mai 1997, le requérant a reçu la visite à son domicile d'une femme (la « plaignante ») qui l'avait déjà consulté au détachement au sujet de la possibilité de déposer une plainte concernant une agression sexuelle dont elle avait été victime de nombreuses années plus tôt alors qu'elle était adolescente. Ils ont eu des relations sexuelles lors de cette rencontre. Plusieurs semaines plus tard, la plaignante a déclaré au commandant du détachement du requérant qu'elle était désemparée lorsqu'elle s'était rendue au domicile du requérant et que ce dernier en avait profité pour la persuader d'avoir des relations sexuelles avec lui. À la suite de cette accusation, le requérant a été suspendu de ses fonctions avec solde et a fait l'objet d'une enquête en vertu du Code de déontologie. Le commandant a aussi recommandé la cessation de la solde et des indemnités du requérant. L'intimé a rejeté cette recommandation parce qu'il n'était pas convaincu de l'existence de preuves montrant clairement que le requérant avait fait preuve d'une inconduite grave. En mai 1998, le commandant a intenté des procédures disciplinaires officielles contre le requérant. Il lui a fait savoir qu'il chercherait à le faire congédier si le comité d'arbitrage de la GRC chargé de l'affaire concluait que l'allégation d'inconduite était fondée. Dans une décision publiée en mai 1999 à la suite d'une audience, le comité d'arbitrage a statué que le requérant avait violé le Code de déontologie de la GRC et lui a ordonné de démissionner de la Gendarmerie. Dans ses motifs de décision, le comité d'arbitrage a précisé que le requérant s'était « imposé » à la plaignante et qu'il l'avait « forcée à avoir des relations sexuelles » avec lui. Compte tenu de la décision du comité d'arbitrage, le commandant a ensuite formulé une deuxième recommandation pour faire cesser la solde et les indemnités du requérant. Cette fois-là , sa recommandation a été acceptée par l'intimé.

Conclusions du Comité

La GRC n'est pas habilitée par la loi à faire cesser la solde et les indemnités des membres suspendus de leurs fonctions parce que les règlements pertinents adoptés par le Conseil du Trésor (CT) n'énoncent pas les critères dont il faut tenir compte au moment de prendre une décision à cet égard. En permettant au CT de « prendre des règlements régissant la cessation de la solde et des indemnités des membres suspendus de leurs fonctions », la Loi suppose que le CT ne se contentera pas de définir quels officiers de la GRC peuvent exercer le pouvoir de faire cesser la solde et les indemnités des membres concernés. Comme c'est tout ce que les règlements prévoient, le Conseil du Trésor a violé la règle delegatus non potest delegare.

Il faut prendre une décision quant à la cessation du versement de la solde et des indemnités dans un délai raisonnable après que les renseignements pertinents au sujet des agissements d'un membre sont portés à l'attention de la Gendarmerie. Le commandant n'a pas réussi à établir qu'il avait agi à la première occasion offerte. Il est peu probable que le commandant n'ait appris que la veille de l'audience en quoi consistait la nature des preuves qu'allaient présenter les témoins qu'il avait l'intention de faire comparaître. Il se peut qu'il ait été au courant de ces preuves dès le mois de mai 1998, lorsque la décision a été prise d'intenter des procédures disciplinaires officielles contre le requérant et d'exiger son congédiement de la Gendarmerie. Il se peut aussi qu'il ait été informé à une date ultérieure. Les renseignements à ce propos ne figurent pas dans le dossier, mais il incombait au commandant de les fournir à l'intimé et de ne pas simplement se fier au fait qu'il venait de recevoir la décision du comité d'arbitrage qui confirmait que son évaluation de la gravité de l'inconduite du requérant était justifiée.

Même si on avait pu déterminer que le processus avait été mis en branle au moment opportun par le commandant, la conclusion du comité d'arbitrage voulant que le requérant ait forcé la plaignante à avoir des relations sexuelles avec lui ne reposait pas sur des preuves claires et convaincantes. Le commissaire en a parlé dans sa décision au sujet de l'appel concernant la décision du comité d'arbitrage. Par ailleurs, même si la décision de faire cesser le versement de la solde et des indemnités du requérant a été prise par l'intimé avant que le commissaire ne rende sa décision au sujet de l'appel, il aurait dû examiner les preuves plutôt que de se contenter d'accepter sans réserve les conclusions du comité d'arbitrage, surtout qu'il savait déjà que la Couronne avait décidé de ne pas déposer d'accusations criminelles contre le requérant. La politique de la Gendarmerie sur la cessation du versement de la solde et des indemnités semble laisser entendre que cette mesure n'est envisagée que si un membre doit faire face à des accusations criminelles graves. Enfin, la décision de faire cesser le versement de la solde et des indemnités du requérant était fondée sur une évaluation très imparfaite de la crédibilité de la plaignante.

Recommandation du Comité datée le 25 mars 2004

Le grief devrait être accueilli.

Décision du commissaire datée le 11 juillet 2004

Le commissaire a accueilli le grief. Pour ce qui est du Règlement sur la cessation de la solde et des allocations des membres de la GRC, il a déclaré qu'il n'était pas habilité par la loi à se prononcer sur sa validité. Par conséquent, pour les besoins de son analyse du bien-fondé du grief, il a présumé que le Règlement était valide. Le commissaire s'est dit d'accord avec le Comité externe selon lequel la décision de faire cesser la solde et les allocations n'avait pas été prise dans un délai raisonnable après que la GRC avait été mise au courant des renseignements pertinents au sujet des agissements du membre. Le commissaire a ordonné que la solde et les allocations soient versées au requérant à partir de la date de l'ordonnance de faire cesser la solde et les allocations, jusqu'à la date de son congédiement de la GRC.

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2022-07-07