Sommaire des dossiers de griefs - G-324

G-324

Au cours de l'été de l'an 2000, le requérant a accepté d'être coordonnateur de la sécurité pendant la visite du pape Jean-Paul II prévue à Toronto en juillet 2002. La nomination du requérant a été approuvée par le commandant divisionnaire, qui savait que ce dernier allait atteindre l'âge de la retraite d'office (60 ans) en novembre 2001. Le commandant divisionnaire pensait toutefois qu'il serait possible de faire approuver une prolongation de son service ou de le réembaucher comme contractuel après son départ à la retraite afin qu'il puisse être disponible jusqu'à la fin de la visite papale. Cependant, le commandant divisionnaire a été remplacé peu de temps après, et son remplaçant a décidé en mai 2001 qu'un autre membre prendrait la place du requérant. Le nouveau commandant divisionnaire a expliqué ainsi sa décision au requérant : 1) il était dans l'intérêt de la Division de confier cette responsabilité à un officier qui pourrait acquérir de l'expérience qui lui serait utile lors d'événements futurs; 2) le commandant divisionnaire souhaitait éviter d'engager les coûts qui seraient associés au maintien en poste du requérant après la date prévue de sa retraite; 3) le commandant divisionnaire était inquiet de l'état de santé du requérant, qui, peu de temps auparavant, avait appris qu'il souffrait d'un cancer de la prostate et qui avait dû s'absenter du travail pendant plusieurs mois pour se faire soigner. Le commandant divisionnaire avait d'abord prévu de procéder à la nomination du remplaçant du requérant sans concours; toutefois, la Section du perfectionnement et du renouvellement des cadres et des officiers s'est interposée et a ordonné la tenue d'un concours ouvert aux officiers aux grades d'inspecteur et de surintendant. Le requérant a présenté sa candidature, mais celle-ci n'a pas été prise en considération parce que le commandant divisionnaire avait déjà déclaré qu'il ne voulait pas qu'il occupe le poste. Le candidat retenu à la suite du concours était le même membre que le commandant divisionnaire avait d'abord souhaité nommer sans tenir de concours. Le requérant a ensuite déposé un grief pour contester son exclusion du concours et la nomination qui s'en était suivie. Peu après, il a présenté une demande pour faire prolonger son service au sein de la Gendarmerie au-delà de son 60e anniversaire de naissance, comme le prévoit le Règlement sur la pension de retraite de la Gendarmerie royale du Canada lorsque les besoins opérationnels de la Gendarmerie le justifient. Le commandant divisionnaire et le directeur général, Perfectionnement et renouvellement des cadres et des officiers, ont présenté leurs observations par écrit au dirigeant principal des Ressources humaines, dans lesquelles ils ont recommandé le rejet de la demande du requérant. Le dirigeant principal des Ressources humaines s'est dit d'accord avec eux et a informé le requérant que sa demande avait été rejetée. Peu avant la date de son départ à la retraite, le requérant a déposé une plainte de harcèlement contre le commandant divisionnaire, le directeur général, Perfectionnement et renouvellement des cadres et des officiers, et le dirigeant principal des Ressources humaines. Dans sa plainte, le requérant a dit qu'il avait été remplacé comme coordonnateur de la sécurité, qu'il avait été exclu du concours organisé pour pourvoir son poste et qu'on avait rejeté sa demande de prolongation de service. Le requérant a soutenu qu'il avait fait l'objet de discrimination fondée sur l'âge. Plusieurs mois plus tard, une décision faisant suite au grief a annulé les résultats du concours et ordonné que le requérant reçoive une compensation financière. Pour ce qui est de la plainte de harcèlement, le décideur a jugé qu'elle était en partie recevable parce que le commandant divisionnaire avait fait preuve de discrimination à l'endroit du requérant sur la base d'une perception d'incapacité physique lorsqu'il avait invoqué de l'incertitude au sujet de son état de santé pour le remplacer comme coordonnateur de la sécurité. Cependant, il a rejeté toutes les autres allégations. Un grief à l'encontre de cette décision a été rejeté au premier niveau au motif que le requérant n'avait pas la qualité pour agir, ayant pris sa retraite de la Gendarmerie une dizaine de mois avant la publication de la décision en question.

Conclusions du Comité externe

Le requérant avait la qualité pour agir, car il était membre de la GRC lorsqu'il a déposé la plainte à l'encontre de la décision contestée. L'interprétation littérale de la Loi sur la GRC faite par l'arbitre de niveau I n'était pas conforme à l'intention initiale du législateur.

Pour ce qui est du bien-fondé de la décision contestée, le décideur avait eu raison de déclarer que le commandant divisionnaire avait fait preuve de discrimination en invoquant l'état de santé du requérant pour le remplacer comme coordonnateur de la sécurité. Cependant, le commandant divisionnaire avait aussi fait preuve de harcèlement, car les circonstances entourant le remplacement du requérant et le refus d'envisager sa candidature au concours subséquent étaient à la fois embarrassants et humiliants pour le requérant. Même si le commandant divisionnaire était peut-être investi du pouvoir discrétionnaire de remplacer le requérant, surtout compte tenu du fait que ce dernier aurait atteint l'âge de la retraite d'office bien avant la visite papale, il aurait dû agir de manière à respecter la dignité du requérant et il aurait dû le faire pour des raisons valables. Il semble plutôt que le commandant divisionnaire était surtout motivé par le désir d'accorder un traitement de faveur à un autre membre. Toutefois, les allégations à l'encontre des deux autres officiers nommés dans la plainte sont jugées irrecevables. Il ne semble pas qu'ils aient délibérément fait un usage abusif de leurs pouvoirs. Ils auraient plutôt mal interprété les procédures à suivre pour la tenue du concours et le traitement de la demande du requérant qui souhaitait faire prolonger son service. Ils auraient dû porter cette question à l'attention du commissaire. La décision de relever de ses fonctions le requérant à la date de l'âge de la retraite d'office n'est pas assimilable à du harcèlement parce qu'elle a été prise en conformité avec des dispositions réglementaires qui étaient présumées valides.

Recommandation du Comité externe datée du 12 juillet 2004

Le grief devrait être rejeté.

Décision du commissaire datée du 1er octobre 2005

Le commissaire de la GRC a rendu a décision dans cette affaire, telle que résumée par son personnel :

[TRADUCTION] Pour ce qui est de la question de la qualité pour agir, le commissaire a statué que le grief représentait tout simplement un maintien de la plainte de harcèlement déposé par le requérant au moment où il était toujours membre actif de la GRC. Cette plainte a déclenché une succession d'événements qui ont finalement mené à la présentation d'un grief au niveau II. Cela s'inscrit dans la même veine de pensée qu'a adoptée le commissaire dans G-321 et G-332. C'est pourquoi le commissaire en a conclu que le requérant avait qualité pour déposer un grief.

Pour ce qui est de la communication de documents demandée par le requérant, après examen du dossier, le commissaire était d'avis qu'il existait suffisamment de documentation pour permettre un examen du bien-fondé du grief.

Puisqu'aucune décision n'a été rendue au niveau I au sujet du bien-fondé du grief, le commissaire a dû décider s'il devait lui-même trancher la question du bien-fondé ou la renvoyer au niveau I. Il en a conclu que le requérant avait eu amplement l'occasion d'établir le bien-fondé de sa cause et qu'il existait suffisamment de renseignements pour prendre une décision éclairée. En outre, le renvoi de l'affaire au niveau I en retarderait énormément le règlement. C'est pourquoi le commissaire n'a pas renvoyé le grief au niveau I et en a examiné le bien-fondé. Au chapitre du bien-fondé, le commissaire partage l'avis du répondant, à savoir qu'il n'y a pas eu harcèlement, et souscrit aux recommandations du CEE. Il a donc rejeté le grief pour absence de fondement.

Le commissaire a également étudié l'allégation du requérant selon laquelle le traitement de la plainte de harcèlement n'était ni indépendant ni impartial et allait à l'encontre des principes de justice naturelle. Il estime qu'il aurait été préférable d'investir du pouvoir décisionnel un sous-commissaire d'une autre région afin d'éviter toute crainte de partialité. Toutefois, il a estimé que la situation n'a pas donné lieu à une décision finale partiale. Il en a conclu que la plainte avait été traitée de façon juste et impartiale.

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