Sommaire des dossiers de griefs - G-491

G-491

En 1996, le requérant a été accusé d'un certain nombre de crimes. La Gendarmerie a suspendu et a intenté des procédures disciplinaires, mais a choisi de rejeter la recommandation du commandant divisionnaire de faire cesser la solde et les allocations (ordonnance de suspension sans solde). Elle a permis au requérant de pleinement réintégrer ses fonctions en 1997 après que la cour l'a acquitté, et un comité de discipline a affirmé que les allégations contre lui étaient non fondées.

Le requérant s'est plus tard plaint de la manière dont la Gendarmerie l'avait traité. Il a cherché d'autres recours connexes, notamment des enquêtes, des excuses et une indemnité. Au cours des cinq années suivantes, ses préoccupations ont fait l'objet de différents griefs aux niveaux I et II ainsi que de tentatives de médiation. Certains des enjeux ont été réglés, d'autres non.

En 2002, la répondante a rejeté les autres allégations et demandes de recours du requérant. Elle a dit que la Gendarmerie avait agi de bonne foi, que la politique ne permettait pas de tels recours et que ceux-ci n'étaient pas du ressort de la GRC. Le requérant a présenté un grief, qui a donné lieu à des décisions préliminaires aux niveaux I et II. Au cours de cette période, d'autres questions ont été réglées. Une arbitre de niveau I a plus tard rejeté l'autre partie du grief. L'essentiel de son raisonnement était que la Gendarmerie avait agi de bonne foi, et qu'elle n'avait pas le pouvoir d'ordonner certains recours demandés. Le requérant a présenté un grief au niveau II concernant le refus de la répondante de présenter des excuses relativement à la recommandation de l'ordonnance de suspension sans solde, à la décision d'intenter des procédures disciplinaires et à celle de mener une enquête à l'interne. Il a également présenté un grief au sujet de la décision de refuser de lui verser des dommages et intérêts pour diffamation.

Conclusions du CEE

Le CEE a conclu qu'il avait l'autorisation légale d'examiner le grief parce que l'affaire portait sur la cessation de la solde et des allocations ainsi qu'à des arguments concernant des dispositions applicables de la Charte canadienne des droits et libertés. Il a également conclu que le requérant avait qualité pour agir. Il a mentionné que la répondante n'avait pas semblé avoir mené une enquête sur les allégations du requérant avant de les rejeter. Il a également noté que la répondante n'avait pas fait mention des renseignements qu'elle avait pris en considération afin d'expliquer les fondements de ses conclusions ou de donner suite aux demandes particulières du requérant. Par conséquent, il a estimé que la répondante n'a pas répondu de manière appropriée aux préoccupations du requérant. En outre, il a mentionné que le dossier n'était pas clair quant aux autres voies de recours.

Recommandations du CEE datée le 31 mars 2010

Le CEE a recommandé au commissaire de la GRC d'accueillir le grief et d'ordonner un examen des allégations du requérant, advenant qu'un tel examen n'ait pas été mené. En outre, il a recommandé au commissaire de déterminer s'il existe actuellement un mécanisme au sein de la GRC permettant aux membres de présenter des plaintes relativement au traitement qu'ils reçoivent au cours des enquêtes à l'interne, qu'elles soient menées par la GRC ou par un corps policier distinct agissant comme mandataire de la GRC, et selon lequel ces plaintes sont traitées sous tous les angles. S'il y a un tel mécanisme, on doit donc fournir un accès immédiat à ces renseignements à tous les membres. S'il n'y a pas de mécanisme, il recommande également au commissaire d'ordonner qu'on en élabore un.

Décision du commissaire de la GRC datée le 24 avril 2013

Le commissaire a rendu sa décision dans cette affaire, telle que résumée par son personnel :

[TRADUCTION]

Le commissaire a rejeté le grief.

Le grief portait sur le rejet de plusieurs mesures correctives exigées par le requérant auprès de la Gendarmerie, dont (i) des excuses de la part du commandant divisionnaire (CD) (de l'époque) relativement aux procédures disciplinaires officielles intentées contre lui et à la cessation de sa solde et de ses allocations; (ii) des excuses de la part des enquêteurs internes pour avoir apparemment mené une enquête tronquée ou n'en avoir pas mené du tout, ainsi que pour avoir apparemment fait preuve de mauvaise foi, omis de respecter son droit à l'assistance d'un avocat et fabriqué des preuves; (iii) une indemnisation pour diffamation étant donné qu'il avait été « étiqueté » à la GRC après que les membres de la Gendarmerie ont été mis au fait des allégations d'infraction au code de déontologie. En outre, le commissaire s'est penché brièvement sur deux autres mesures correctives : (iv) que des intérêts soient versés au requérant et (v) que la personne qui s'est plainte du comportement du requérant (la plaignante) fasse l'objet d'une enquête pour des allégations de parjure et que des accusations soient portées contre elle. Le requérant ne semblait plus réclamer ces mesures correctives au niveau II, mais le commissaire s'est néanmoins prononcé sur celles-ci afin de rendre une décision exhaustive. Le commissaire doutait que le requérant ait désigné le bon répondant. Toutefois, compte tenu du temps qui s'était écoulé depuis le dépôt du grief, il a décidé de trancher les questions de la qualité pour agir ainsi que le fond du grief. Le requérant avait présenté des arguments détaillés.

Excuses de la part du CD : Le commissaire a conclu que les préoccupations du requérant quant au comportement du CD auraient dû être soulevées ou prises en compte au moment où le CD avait pris les mesures. Lorsque le requérant a déposé son grief, au moins cinq ans s'étaient écoulés depuis lors. Le CD n'était pas le décideur dans le processus de cessation de la solde et des allocations du requérant. Le directeur du Personnel (DP) était autorisé à rendre la décision, ce qu'il a fait après avoir examiné les observations du CD et du requérant. Le CD avait le droit de faire part de son opinion et de sa recommandation, car son rôle correspondait à celui d'une partie à un litige. Quoi qu'il en soit, il a bel et bien transmis au DP les documents exigés par le requérant ainsi que les observations de ce dernier. Le DP a rendu une décision objective, et le requérant n'a subi aucune perte de solde ou d'allocations étant donné que la décision a été rendue en sa faveur. Par ailleurs, il n'est pas certain que le requérant avait qualité pour agir, puisque ses préoccupations quant aux actes du CD en vue d'aller de l'avant auraient dû figurer dans ses observations à l'intention du DP au cours de ce processus. S'il avait été insatisfait de la décision du DP, il aurait eu le droit de la contester par voie de grief. De même, au cours du processus disciplinaire officiel prévu à la partie IV de la Loi, le requérant aurait pu faire part de ses préoccupations quant aux actes commis par le CD (à titre d'officier compétent) lors des procédures disciplinaires officielles intentées contre lui. Il aurait pu présenter des arguments devant le comité d'arbitrage s'il avait voulu signaler qu'il faisait l'objet de poursuites abusives ou se plaindre du comportement du CD. Le commissaire a souligné que le fardeau de preuve requis pour une déclaration de culpabilité au pénal était très différent du fardeau dont l'officier compétent devait se décharger, lors de procédures disciplinaires officielles, pour prouver que le comportement d'un membre était scandaleux. En outre, les éléments des infractions criminelles reprochées au requérant diffèrent grandement des éléments de comportement scandaleux prévus dans le code de déontologie de la GRC. Le CD était partie aux procédures disciplinaires officielles et avait le droit de les intenter. Le commissaire a conclu que le requérant n'avait pas qualité pour présenter un grief dans lequel il exigeait des excuses de la part du CD. Il n'a pas souscrit au point de vue du CEE selon lequel le requérant ne disposait d'aucun moyen ni d'aucune procédure pour faire part de ses préoccupations.

Utilisation par le requérant de conseils protégés par le secret professionnel offerts par le représentant de l'officier compétent à l'officier compétent et de discussions en vue d'un règlement : Le commissaire a déclaré qu'il était préoccupant et tout à fait inapproprié que le requérant ait pu obtenir une copie d'un document dans lequel le représentant de l'officier compétent donnait des conseils au CD, car ces conseils étaient protégés par le secret professionnel, conformément au paragraphe 47.1(2) de la Loi, et n'auraient pas dû être communiqués au requérant. De même, le requérant n'aurait pas dû produire de renseignements sur des discussions en vue d'un règlement lors de procédures judiciaires ou administratives, ni sur des offres de règlement ayant pu être proposées. Les discussions et les offres en vue d'un règlement sont confidentielles et sous réserve de tous droits. En outre, un privilège de common law prévoit que les déclarations faites lors de négociations en vue de régler un litige sont exclues de la preuve.

Excuses de la part des enquêteurs internes : Le requérant n'a pas non plus cherché à se plaindre des actes des enquêteurs au moment où ils les ont commis. Il avait aussi d'autres recours à sa disposition. Le commissaire n'a pas souscrit au point de vue du CEE selon lequel le requérant ne disposait d'aucun moyen ni d'aucune procédure pour faire part de ses préoccupations au sujet des enquêteurs. Il aurait pu présenter une plainte à leur superviseur ou par l'intermédiaire de cette chaîne de commandement. La direction aurait été habilitée à prendre les mesures nécessaires, p. ex., dans le cadre du processus de gestion du rendement ou en ordonnant la tenue d'une enquête interne. Le requérant aurait également pu faire part de ses préoccupations à son représentant au cours des procédures disciplinaires officielles. Il disposait donc de ces options pour faire part de ses préoccupations selon lesquelles son droit à l'assistance d'un avocat n'aurait pas été respecté, des preuves auraient été fabriquées et l'enquête aurait été tronquée, non existante ou menée de mauvaise foi. Rien n'indique que le requérant a soulevé ces préoccupations. En outre, il n'a présenté aucune preuve à l'appui de ces allégations. De plus, la Charte canadienne des droits et libertés ne s'applique pas aux procédures disciplinaires intentées en vertu de la partie IV de la Loi, ni à l'enquête prévue dans celle-ci, puisqu'elles ne sont ni des procédures criminelles ni des procédures quasi criminelles, et que leurs conséquences ne sont pas de nature pénale, mais visent plutôt à corriger les comportements (réadaptation) et à préserver l'intégrité de la Gendarmerie (voir R. c. Wigglesworth, [1987] 2 RCS 541). Lorsqu'il a été questionné au cours de l'enquête interne, le requérant n'a pas été arrêté ni détenu au sens de l'article 10 de la Charte. Par conséquent, il n'a pas été privé de son droit à l'assistance d'un avocat garanti par l'alinéa 10b).

Diffamation : Pour prouver qu'il avait été victime de diffamation, le requérant devait démontrer (i) que les déclarations avaient été diffusées, c'est-à-dire qu'elles avaient été communiquées à un tiers; (ii) qu'elles portaient sur lui; (iii) qu'elles tendaient à entacher sa réputation aux yeux d'une personne raisonnable (Grant c. Torstar Corp., [2009] 3 RCS 640, au paragraphe 28). Or, il n'a pas fourni de preuves pour établir l'existence de ces trois éléments selon la prépondérance des probabilités. Il ressort du dossier que le requérant se préoccupait du fait que les membres de la Gendarmerie avaient appris que des allégations d'infraction au code de déontologie pesaient sur lui. Il n'a fourni aucune preuve démontrant que les allégations avaient été évoquées ou diffusées en tant qu'allégations établies ou prouvées. En outre, il ne s'est plaint d'aucun autre commentaire en particulier. Il est vrai que les enquêteurs internes menaient une enquête sur des allégations de comportement scandaleux dont la véracité pouvait seulement être établie par un comité d'arbitrage au terme d'une audience quasi judiciaire. La vérité est un moyen de défense contre une poursuite en diffamation. De plus, les déclarations produites en preuve dans un procès ou une instance quasi judiciaire bénéficient d'une immunité absolue, laquelle s'étend à l'ensemble des participants à l'instance, y compris au juge (ou au comité), aux avocats, aux parties, aux témoins ainsi qu'au contenu des documents produits en preuve (Brown, The Law of Defamation in Canada). Les déclarations aux policiers dans le cadre d'une enquête légitime sont protégées par une immunité absolue ou relative, cette protection s'étendant aussi aux policiers menant l'enquête (Evans v. London Hospital Medical College, [1981] 1 W.L.R. 184). La demande du requérant serait rejetée. Enfin, la procédure applicable aux griefs de la GRC n'est pas conçue pour permettre aux membres d'obtenir une indemnité pour diffamation. Aucun texte officiel n'autorise le versement de ce type d'indemnité. Les arbitres de griefs qui agissent en vertu des pouvoirs que leur confère la partie III de la Loi n'ont pas qualité pour ordonner le versement d'indemnités. Même s'il avait prouvé qu'il avait été victime de diffamation (ce qu'il n'a pas réussi à faire), il reste que le requérant n'a mentionné aucune politique ni aucune loi qui lui aurait permis d'obtenir une indemnité.

Intérêts : La GRC n'est pas habilitée à verser des intérêts au requérant. La Couronne est tenue de verser des intérêts seulement si un contrat ou une loi autorise le versement de ces intérêts, ce qui n'est pas le cas pour la Loi sur la GRC. Cette question a été réglée dans les dossiers G-421 et G-455, puis tranchée dans le même sens dans deux décisions récentes de la Cour fédérale : Busch v. Attorney General of Canada (22 mars 2012) et Beaulieu c. Le Procureur général du Canada (17 avril 2013). Par conséquent, si le requérant demandait toujours que des intérêts lui soient versés, sa demande serait rejetée.

Enquête sur la plaignante : Si le requérant réclamait toujours que la plaignante fasse l'objet d'une enquête ou que des accusations soient portées contre elle, sa demande serait rejetée. Comme l'indique le paragraphe 31(1) de la Loi, la procédure applicable aux griefs porte sur des décisions, des actes ou des omissions liés à la gestion des affaires de la Gendarmerie. Sa plainte ne se prête donc pas à un grief.

Examen : Contrairement au CEE, le commissaire ne considérait pas qu'il y avait lieu d'examiner les allégations du requérant ni de tenir une enquête. Après avoir conclu que la GRC disposait de mécanismes appropriés qui auraient pu être mis à contribution pour répondre aux préoccupations du requérant, le commissaire a décidé de ne pas approfondir cette question.

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