Sommaire des dossiers de griefs - G-529

G-529

En 2005, la Gendarmerie a pris des mesures pour tester l’intégrité du requérant. Un sac contenant 575 $ a notamment été placé dans un véhicule que le requérant devait fouiller. Après la fouille, le requérant n’a pas remis immédiatement le sac et y a dérobé une somme de 100 $. Il a été suspendu avec solde et s’est vu signifier un avis d’intention de recommander la cessation de la solde et des indemnités. Il a contesté cette recommandation, après quoi des arguments en faveur et en défaveur de celle-ci ont été présentés. Le requérant a notamment avancé qu’il avait eu l’intention de remettre rapidement la somme de 100 $. Le répondant a ensuite délivré une ordonnance de cessation de la solde et des indemnités.

Le requérant a contesté l’ordonnance par voie de grief. Il considérait qu’elle allait à l’encontre des principes de justice naturelle et qu’elle lui occasionnait des difficultés financières excessives compte tenu de la situation pénible dans laquelle il se trouvait. De plus, il était d’avis que les critères liés à l’imposition de l’ordonnance n’avaient pas été remplis et qu’il avait fait l’objet d’un congédiement déguisé étant donné que l’ordonnance était en vigueur depuis si longtemps. Un arbitre de niveau I a rejeté le grief. Il a conclu que la décision d’ordonner une suspension sans solde était appropriée compte tenu des circonstances. Il a notamment fait valoir que le comportement du requérant était scandaleux; que d’autres membres ayant des problèmes de santé ne volaient pas; qu’il était possible d’imposer une ordonnance de cessation de la solde et des indemnités en cas d’infractions punissables par voie de déclaration sommaire de culpabilité, lesquelles comprenaient les contraventions au Code de déontologie; que la demande du requérant de faire preuve de compassion n’était guère pertinente, puisqu’il devait trouver un moyen de préserver l’intégrité de la Gendarmerie; et que l’ordonnance de cessation de la solde et des indemnités avait été délivrée à juste titre. Le requérant a remis sa démission en 2008.

Conclusions du CEE

Après avoir traité de plusieurs questions préliminaires, dont l’une l’ayant mené à conclure que le répondant ne semblait pas avoir respecté ses obligations en matière de communication prévues au paragraphe 33(3) de la Loi, le CEE a jugé que les motifs de l’arbitre de niveau I n’étaient pas valables. Premièrement, ils ne portaient pas directement sur les observations présentées dans le cadre du grief. La décision portait plutôt sur des observations formulées avant que l’ordonnance de cessation de la solde et des indemnités soit délivrée. Les parties ne pouvaient donc pas avoir la certitude que leurs observations avaient été prises en considération. Deuxièmement, les motifs comprenaient des erreurs manifestes. Il avait notamment été établi que le requérant avait clairement été impliqué dans une allégation, même si le répondant n’avait pas été en mesure de tirer la même conclusion. En outre, il avait été établi que les contraventions au Code de déontologie représentaient des infractions punissables par voie de déclaration sommaire de culpabilité. Bien que le requérant ait été déclaré coupable par procédure sommaire, la politique applicable prévoyait qu’il n’était pas possible d’imposer une ordonnance de cessation de la solde et des indemnités. Troisièmement, les motifs n’étayaient pas les principales conclusions. Ils étaient vagues et incomplets, et trahissaient un refus de tenir compte de certaines assertions du requérant. Il semble que l’arbitre de niveau I n’a pas tenu compte de la position du requérant quant aux difficultés excessives, à la compassion et à ses problèmes de santé.

Après avoir examiné les dispositions des politiques et la jurisprudence applicables en l’espèce, le CEE a conclu que le requérant n’avait pas commis d’actes [Traduction] « extrêmes » et « scandaleux » et qu’il n’était pas justifié d’imposer une ordonnance de cessation de la solde et des indemnités. Toutefois, il a aussi conclu que le requérant n’avait pas réussi à démontrer que la Gendarmerie avait agi de mauvaise foi, qu’elle avait délivré l’ordonnance de façon indue et que celle-ci équivalait à un congédiement déguisé.

Recommandations du CEE datées le 29 juin 2012

Le CEE a recommandé au commissaire de la GRC d'accueillir le grief et d'ordonner que la solde et les indemnités du requérant soient rétablies jusqu'au jour où il a remis sa démission. Il lui a aussi recommandé d'ordonner que le dossier du requérant soit révisé en vue d'apporter les ajustements nécessaires à sa pension, le cas échéant. De plus, étant donné que l'ordonnance de cessation de la solde et des indemnités représente une mesure des plus extrême, le CEE a recommandé au commissaire de la GRC d'ordonner que les règlements liés à son imposition soient révisés en vue d'ajouter deux éléments, s'ils n'existent pas déjà. Le premier serait de créer un mécanisme de surveillance conçu pour examiner les cas d'ordonnance à intervalles réguliers. Le deuxième serait de donner la priorité à ces cas à toutes les étapes du processus disciplinaire.

Décision du commissaire de la GRC datée le 15 janvier 2013

Le commissaire de la GRC a rendu la décision suivante, telle que résumée par son personnel :

[TRADUCTION]

Dans une décision rendue le 15 janvier 2013, le commissaire par intérim Steve Graham a rejeté le grief.

En ce qui concerne la question de savoir si le répondant a respecté son obligation en matière de communication de documents au cours de la procédure applicable au grief, un sujet que le CEE a traité dans son rapport, le commissaire a indiqué que le requérant n'avait pas demandé qu'une décision de niveau I soit rendue au sujet de la communication de documents, tout comme il n'avait pas indiqué, dans ses arguments, que la non-communication de documents posait problème. Par conséquent, le commissaire a conclu qu'il n'avait pas à statuer sur la question de communication de documents.

À l'instar du CEE, le commissaire a conclu que les motifs de l'arbitre de niveau I auraient pu être plus étoffés sur certaines questions. Toutefois, il a indiqué que l'arbitre n'avait pas à résumer ou à mentionner chaque argument d'une partie. Il a invoqué un arrêt récent de la Cour suprême du Canada, soit Labour Relations c. Driver Iron Inc., 2012 CSC 65, dans lequel la Cour a conclu qu'un tribunal administratif n'avait pas l'obligation d'examiner et de commenter, dans ses motifs, chaque argument soulevé par les parties. Le commissaire n'a pas retenu la recommandation du CEE selon laquelle le grief devrait être accueilli puisque les motifs de l'arbitre de niveau I étaient insuffisants. Il a déclaré qu'il accueillerait ou rejetterait le grief en se fondant sur la question de savoir si la décision du répondant de délivrer l'ordonnance de cessation du versement de la solde et des indemnités était « compatible avec la législation applicable et les politiques applicables du Conseil du Trésor et de la Gendarmerie royale du Canada » (Consignes du commissaire (griefs), DORS/2003-181, art. 17), et non sur celle de savoir si l'arbitre de niveau I avait commis une erreur en présentant des motifs insuffisants.

À l'instar du CEE, le commissaire a déclaré que l'arbitre de niveau I avait commis une erreur en concluant que les contraventions au code de déontologie représentaient des « infractions punissables par voie de déclaration sommaire de culpabilité ». Toutefois, contrairement à ce qu'a déclaré le CEE à ce sujet, le commissaire n'était pas convaincu que l'arbitre avait effectivement tenu compte du comportement décrit à l'allégation no 1 pour conclure que l'ordonnance de cessation du versement de la solde et des indemnités était une mesure appropriée. En outre, le commissaire a conclu que, même si l'arbitre avait tenu compte de l'allégation no 1 et commis ainsi une erreur (puisque l'ordonnance délivrée par le répondant concernait uniquement l'allégation no 2), sa décision finale n'aurait pas nécessairement été différente, puisqu'il avait lui-même conclu que l'ordonnance était justifiée étant donné que le requérant était manifestement impliqué dans la perpétration du comportement scandaleux décrit à l'allégation no 2. Par ailleurs, le commissaire n'a pas souscrit à la conclusion du CEE selon laquelle le grief devrait être accueilli étant donné les erreurs « manifestes » de l'arbitre de niveau I. Le commissaire a répété qu'il accueillerait ou rejetterait le grief en se fondant sur la question de savoir si la décision du répondant de délivrer l'ordonnance était « compatible avec la législation applicable et les politiques applicables du Conseil du Trésor et de la Gendarmerie royale du Canada ». Il a expliqué que, en tant que personne constituant le dernier niveau (c.-àd. le niveau II) de la procédure applicable aux griefs de la GRC aux termes du paragraphe 32(1) de la Loi, il procédait à un examen de novo du grief et statuait ainsi à nouveau sur l'ensemble du dossier.

Le commissaire n'a pas souscrit à la conclusion du CEE selon laquelle le requérant n'avait pas commis d'actes [Traduction] « extrêmes » et « scandaleux » et qu'il n'était pas justifié de délivrer une ordonnance de cessation du versement de la solde et des indemnités. Il a déclaré que le requérant avait volé, pour ce qu'il en savait, une preuve matérielle lors d'une fouille autorisée par la cour dans le cadre d'une enquête criminelle. Le requérant n'aurait pu simplement remettre l'argent le lendemain. Cet argent était une preuve matérielle et n'aurait pu donc être remis après avoir été dépensé ou dérobé. L'inconduite remettait en cause l'intégrité, l'honnêteté et la moralité du requérant, tout en compromettant son efficacité ainsi que l'intégrité de la GRC et du système de justice pénale. Le requérant possédait une vaste expérience (plus de 18 ans de service) et aurait dû savoir qu'il était important de préserver l'intégrité des éléments de preuve.

Le commissaire a conclu que le présent cas comportait des circonstances extrêmes où il aurait été peu approprié de continuer à rémunérer le requérant, et que la décision du répondant de cesser le versement de la solde et des indemnités du requérant était donc appropriée.

Détails de la page

Date de modification :