Sommaire des dossiers de griefs - G-549

G-549

En 2009, le requérant a conduit un véhicule avec les facultés affaiblies alors qu'il n'était pas de service. Il a été impliqué dans une collision ayant causé des blessures légères à deux occupants du véhicule. Il s'est vu signifier un avis d'interdiction de conduire. Un mois plus tard, il a été arrêté de nouveau pour avoir conduit un véhicule avec un taux d'alcoolémie supérieur à la limite permise. Peu après, il a participé à un programme de traitement de l'alcoolisme, qu'il a suivi jusqu'à la fin. En juin 2010, le répondant a délivré une ordonnance de cessation du versement de la solde et des indemnités.

Le requérant a contesté l'ordonnance par voie de grief. Il considérait que le répondant, de par son grade et le poste qu'il occupait, n'était pas en mesure de délivrer l'ordonnance avec impartialité. Il estimait aussi que le répondant ne lui avait pas communiqué tous les documents pertinents. Selon lui, son comportement ne pouvait être considéré comme extrême et scandaleux – soit la norme requise pour délivrer une ordonnance d'après la politique pertinente – étant donné sa dépendance à l'alcool. L'arbitre de niveau I a conclu que l'inconduite du requérant était scandaleuse. Il a rejeté l'argument du requérant voulant que sa dépendance à l'alcool représentait une incapacité à prendre en considération. Le requérant a démissionné de la Gendarmerie avant que soit rendue la décision de niveau I.

Conclusions du CEE

Le CEE s'est penché sur des questions de procédure. Il a conclu que le présent cas ne soulevait aucune crainte raisonnable de partialité. Selon le processus applicable à l'ordonnance de cessation du versement de la solde et des indemnités, lequel a été établi par le législateur, tout officier de la Direction générale du même grade que le répondant pouvait délivrer une telle ordonnance. Ce processus prévoyait donc que les personnes habilitées à délivrer une ordonnance étaient des officiers investis d'autres responsabilités. En ce qui concerne les obligations du répondant en matière de communication, le CEE a conclu que les documents traitant d'exposés sur le processus applicable à l'ordonnance étaient, dans l'ensemble, sans rapport avec le présent grief, puisque le dossier du requérant devait être considéré isolément en vue de déterminer si les exigences des politiques avaient été respectées. Le CEE a également conclu que le répondant n'aurait pas été obligé de transmettre au requérant une copie d'un résumé des précédents en matière d'ordonnance dont il s'était servi pour rendre sa décision. Toutefois, le CEE a déclaré que le plein accès à ces précédents garantirait un traitement équitable aux membres visés par une ordonnance. Enfin, le CEE a indiqué que les motifs de l'arbitre de niveau I n'étaient pas valables, puisqu'ils ne tenaient pas compte de plusieurs considérations importantes soulevées par le requérant.

En ce qui concerne la délivrance de l'ordonnance en soi, le CEE a souligné que le critère prévu dans la politique pour conclure à l'existence d'un comportement scandaleux pouvait se décrire par les termes [Traduction] « choquant », « atroce » et « manifestement immoral ou offensant ». Il a indiqué que, pour déterminer si les circonstances d'une infraction s'avéraient scandaleuses, tous les facteurs influant sur le comportement en question devaient être pris en considération. En l'espèce, toutes les allégations découlaient du problème de dépendance à l'alcool du requérant. Le comportement du requérant était grave, mais on ne pouvait conclure qu'il s'agissait d'un comportement scandaleux si son incapacité était prise en considération.

Recommandations du CEE datées le 26 mars 2013

Le CEE a recommandé au commissaire de la GRC d'accueillir le grief et d'ordonner que la solde et les indemnités du requérant soient rétablies jusqu'au jour où il a remis sa démission. En outre, si l'ordonnance de cessation du versement de la solde et des indemnités a eu une incidence sur la pension du requérant, le CEE a également recommandé au commissaire d'ordonner le réexamen du dossier du requérant en vue d'y apporter les modifications nécessaires.

Décision du commissaire de la GRC datée le 30 août 2013

Le commissaire a rendu sa décision dans cette affaire, telle que résumée par son personnel :

[TRADUCTION]

Le commissaire par intérim s'est dit d'accord avec le CEE relativement aux questions de procédure. Il a conclu qu'il n'existait aucune crainte raisonnable que le répondant ait eu un parti pris. En outre, il n'a pas ordonné la communication de documents de présentation fournis à l'État-major supérieur (EMS) de la GRC concernant la procédure d'ordonnance de cessation du versement de la solde et des indemnités en général, puisque la question du présent grief était de savoir si le répondant avait oui ou non respecté la politique en vigueur (laquelle n'avait pas été modifiée). Le commissaire par intérim a également souscrit à la conclusion du CEE suivant laquelle le répondant n'aurait pas été obligé de transmettre au requérant une copie d'un résumé des précédents en matière d'ordonnance de cessation du versement de la solde et des indemnités, résumé dont il s'était servi pour rendre sa décision.

Le commissaire par intérim a également convenu que l'arbitre de niveau I n'avait pas tenu compte de plusieurs considérations soulevées par le requérant. Toutefois, étant donné qu'il procédait à un nouvel examen de l'affaire, le commissaire par intérim a déclaré qu'il pouvait la trancher en repartant à zéro et en l'examinant de manière exhaustive, notamment en tenant compte des questions n'ayant pas été prises en considération au niveau I.

Sur le fond, le commissaire par intérim a conclu que la politique sur les suspensions prévoyait que la suspension sans solde, que la Loi et la politique décrivaient comme une cessation du versement de la solde et des indemnités, était une mesure destinée à protéger l'intégrité de la GRC et de ses procédures. La politique sur les suspensions énonce des éléments garantissant l'équité procédurale à un membre pour lequel la Gendarmerie envisage de cesser le versement de la solde et des indemnités. Il s'agit d'une mesure temporaire, en ce qu'elle est appliquée seulement en attendant que l'affaire (qu'elle soit de nature criminelle ou disciplinaire) ayant donné lieu à la cessation de la solde soit réglée. En outre, la politique prévoit expressément que la cessation de la solde et des indemnités ne peut être ordonnée que dans des « circonstances extrêmes où il serait peu approprié de rémunérer le membre », lorsque le membre, par exemple, est « manifestement impliqué dans la perpétration d'un délit qui contrevient à une loi du Parlement ou au code de déontologie, et ce, dans des circonstances scandaleuses susceptibles de porter sérieusement atteinte à la bonne exécution de ses fonctions ».

À l'instar du répondant, le commissaire a conclu que les circonstances de l'espèce s'avéraient extrêmes et scandaleuses. Bien qu'il ait reconnu que la conduite malgré la suspension du permis constituait une infraction provinciale qui, prise isolément, était peu susceptible d'entraîner une suspension sans solde, le commissaire par intérim a déclaré que la conduite en état d'ébriété ne représentait pas une infraction criminelle mineure. Il a indiqué que la conduite en état d'ébriété, compte tenu des dangers extrêmes qu'elle comportait, était inexcusable et inacceptable pour tout membre de la société, et encore plus pour un membre de la Gendarmerie. La récidive de ce comportement rendait les choses encore plus troublantes. En l'espèce, les actes reprochés au membre étaient particulièrement graves, puisque le premier incident de conduite en état d'ébriété concernait une collision ayant causé des blessures aux passagers du véhicule du requérant, et que le deuxième incident était survenu seulement peu de temps après, alors qu'il était interdit au requérant de conduire. En outre, le requérant aurait injurié une policière du service de police concerné en la traitait de [Traduction] « chienne ». Le commissaire par intérim a indiqué que le requérant avait eu le temps de réfléchir aux conséquences de ses actes et de se rendre compte de la gravité de sa situation pendant un mois, mais qu'il avait récidivé malgré tout.

Le commissaire par intérim a déclaré que le requérant avait peut-être établi qu'il souffrait d'une déficience (alcoolisme), mais qu'il ne s'était pas acquitté du fardeau initial d'établir, selon la prépondérance des probabilités, une preuve prima facie de discrimination. En outre, le commissaire par intérim a rejeté la conclusion du CEE suivant laquelle l'alcoolisme du requérant atténuait le caractère extrême et scandaleux de son comportement. Il a conclu que le requérant n'avait présenté aucune preuve à l'appui de son affirmation voulant que son alcoolisme ait été un facteur déclencheur l'ayant amené à décider de conduire en état d'ébriété. Il a donc rejeté la conclusion du CEE selon laquelle le critère se décrivant par les termes « choquant », « atroce » et « manifestement immoral » (tels qu'énoncés dans le dossier G-353, une décision rendue par l'ancien commissaire Zaccardelli) n'avait pas été rempli étant donné l'alcoolisme du requérant.

Le commissaire par intérim a donc rejeté le grief.

Détails de la page

2022-07-07