Sommaire des dossiers de griefs - G-635

G-635

Le requérant était le chef d’équipe d’une enquête sur des meurtres. Le tribunal saisi de l’affaire a interdit la divulgation de renseignements liés à l’enquête. À la fin de 2009, la Gendarmerie a appris que le requérant avait entretenu une relation inappropriée avec un témoin protégé. Peu après, la Gendarmerie a demandé officiellement à un autre service de police de mener une enquête criminelle et relative au code de déontologie sur les actes du requérant.

En avril 2010, le requérant a obtenu, sur demande, l’autorisation de recevoir des services juridiques aux frais de l’État (SJFE) pour une première consultation avec un avocat en vertu de la Politique sur les services juridiques et l’indemnisation du Conseil du Trésor (CT). En octobre 2010, des SJFE jusqu’à concurrence de 50 000 $ ont été approuvés pour le volet sur l’enquête criminelle. Celle-ci a pris fin à l’automne 2010. Le requérant a cessé de recevoir des SJFE en décembre 2010. En octobre 2011, une autre autorité approbatrice a rétabli les SJFE offerts au requérant, et ce, rétroactivement à avril 2010 et jusqu’à concurrence de 10 000 $, soit le montant maximal que pouvait autoriser cette autorité approbatrice.

En juin 2011, le requérant a été accusé de plusieurs infractions criminelles. En avril 2012, le requérant a demandé à obtenir des SJFE pour sa comparution au tribunal et son procès dans le cadre de la procédure criminelle.

Le commandant divisionnaire (CD) et l’agent des ressources humaines (ARH) du requérant ont recommandé au répondant de refuser de payer les SJFE dépassant le montant préalablement approuvé de 10 000 $ et de rejeter la demande de SJFE pour le procès. Le 22 novembre 2012, le répondant a rejeté la demande de SJFE du requérant pour le procès et a mis fin aux SJFE offerts au requérant.

Le requérant a contesté les décisions du répondant par voie de grief. Dans ses arguments, le requérant soutenait principalement que le répondant disposait de peu d’information et n’avait pas motivé sa décision. Le répondant a fait valoir que, puisque l’enquête criminelle menée par l’autre service de police avait abouti à des allégations criminelles et relatives au code de déontologie, la présomption initiale d’admissibilité aux SJFE prévue dans la Politique sur les services juridiques et l’indemnisation du CT avait cessé d’exister lors du lancement de l’enquête. Par conséquent, il incombait au requérant d’établir qu’il répondait aux critères d’admissibilité prévus dans la politique, ce qu’il avait toutefois décidé de ne pas faire. Le requérant a répliqué que l’interdiction de divulgation ordonnée par le tribunal l’empêchait de communiquer les renseignements prouvant son admissibilité et que les accusations criminelles en soi ne constituaient pas un motif pour le priver des SJFE.

L’arbitre de niveau I a rejeté le grief sur le fond. Elle a conclu que la décision du répondant n’était pas suffisamment motivée, mais que cette erreur avait été corrigée vu la communication de renseignements pendant la phase de règlement rapide et les arguments écrits du répondant. L’arbitre a déclaré qu’une fois que la présomption initiale d’admissibilité n’existait plus, il incombait au requérant d’établir qu’il répondait aux critères d’admissibilité. L’arbitre n’était pas convaincue que les renseignements que le requérant n’avait pu communiquer auraient changé quoi que ce soit à son admissibilité aux SJFE. Par conséquent, elle a conclu que son incapacité à utiliser ces renseignements ne constituait pas une circonstance exceptionnelle au sens de la Politique sur les services juridiques et l’indemnisation du CT.

Conclusions du CEE

Suffisance des motifs

Le CEE a déclaré que la Politique sur les services juridiques et l’indemnisation du CT n’indiquait pas explicitement que les refus aux SJFE devaient être justifiés par des motifs écrits, mais que selon l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 de la Cour suprême du Canada, les décideurs administratifs étaient tenus de présenter des motifs écrits si la décision revêtait une grande importance pour la personne concernée. Le CEE a indiqué que les décisions relatives aux SJFE revêtaient une importance considérable pour les membres de la GRC et a conclu que le répondant n’avait pas motivé sa décision. En outre, ni la communication de documents pendant la phase de règlement rapide ni les arguments écrits du répondant ne pouvaient corriger l’absence de motifs de la part du répondant.

Rejet de la demande de SJFE pour le procès

Le CEE a conclu que la décision du répondant contrevenait à l’article 6.1.4 de la Politique sur les services juridiques et l’indemnisation du CT selon lequel l’autorité approbatrice doit présumer que le membre demandeur a satisfait aux exigences de base d’admissibilité énoncées à l’article 6.1.5, « à moins ou jusqu’à ce qu’il y aient [sic] des renseignements contraires ». La présomption d’admissibilité ne cesse pas d’exister lorsque de graves accusations criminelles sont déposées; autrement, cela irait à l’encontre de l’objet même de la Politique sur les services juridiques et l’indemnisation du CT.

En l’espèce, le dossier comprenait peu de renseignements sur les actes du requérant. Le requérant a expliqué pourquoi il n’avait pas été en mesure de présenter des renseignements. Le répondant n’a contesté ni l’existence ni la portée de l’interdiction de divulgation ordonnée par le tribunal, et il ne s’est pas fondé sur d’autres éléments de preuve pour justifier sa décision. Le répondant a tenté plusieurs fois d’obtenir des éléments de preuve sur lesquels reposaient les accusations criminelles visant le requérant. Toutefois, le dossier n’indique pas clairement si ces renseignements ont été fournis au répondant avant qu’il rende sa décision. Si des éléments de preuve ont été fournis au répondant, il aurait dû tenir compte de ces renseignements dans sa décision. Or, le dossier indique que les renseignements à la disposition du répondant ne comprenaient pas suffisamment d’éléments de preuve fiables pour réfuter la présomption d’admissibilité.

Cessation des SJFE préalablement approuvés

Le CEE a conclu que la décision du répondant de mettre un terme aux SJFE préalablement approuvés et offerts au requérant allait à l’encontre de l’article 6.1.12 de la Politique sur les services juridiques et l’indemnisation du CT selon lequel il est possible de cesser la prestation des SJFE seulement si, après l’approbation initiale, il devient évident que le requérant n’a pas agi de bonne foi, dans les intérêts de l’État ou dans l’exercice de ses fonctions ou dans le cadre de son emploi. Le CEE a déclaré qu’il incombait au répondant de mentionner les renseignements permettant la cessation des SJFE conformément à l’article 6.1.12. Or, ces renseignements ne figurent ni dans la décision du répondant ni dans le dossier.

Le CEE recommande que l’arbitre de niveau II accueille le grief. À titre de mesures correctives, le CEE recommande de rétablir les SJFE préalablement approuvés et offerts au requérant rétroactivement au 10 décembre 2010 et d’autoriser les SJFE pour le procès du requérant dans le cadre de la procédure criminelle.

Décision du commissaire de la GRC

Le commissaire n’a pas encore rendu sa décision dans cette affaire.

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