Sommaire des dossiers de griefs - G-636

G-636

Le requérant, qui était gendarme depuis trois ans et demi, a répondu à un appel hautement prioritaire à risque élevé. Le répartiteur a émis une tonalité d'alerte après qu'une personne ayant composé le 911 a indiqué qu'un homme souffrant d'un traumatisme crânien avait tiré deux coups de feu sur un terrain de golf où travaillait son ex-épouse, après quoi il était parti avec sa camionnette.

Le requérant a été le premier agent à rencontrer le suspect. Il a intercepté la camionnette, est sorti de sa voiture de police banalisée et a ordonné plusieurs fois au suspect de sortir de son véhicule et de s'allonger au sol. D'après un témoin de la scène, le suspect mettait beaucoup de temps à obtempérer aux ordres du requérant. Un journaliste local a filmé une partie de l'arrestation sur vidéo. Dans la vidéo, d'une durée de 24 secondes, le requérant donne des ordres au suspect, ouvre la portière du conducteur du véhicule du suspect et donne un coup de pied à la tête du suspect en criant [Traduction] « couchez-vous » pendant que celui-ci s'agenouille sur le sol. Cette vidéo montrant le coup de pied a été diffusée dans des bulletins de nouvelles locales, provinciales et nationales. Le requérant a été suspendu avec solde et a ensuite été accusé de voies de fait causant des lésions corporelles.

Le répondant a autorisé deux demandes de services juridiques aux frais de l'État (SJFE) pour la première consultation du requérant avec un avocat et pour des comparutions au tribunal. Plus tard, le répondant a mis fin aux SJFE offerts au requérant après qu'une ordonnance de cessation du versement de la solde et des indemnités (ci-après l'« ordonnance de CVSI ») et une décision de cesser le versement de la solde et des indemnités (ci-après la « décision de CVSI ») ont été rendues contre le requérant. Celui-ci a déposé un grief contre la décision du répondant de mettre fin aux SJFE, faisant valoir qu'il répondait aux critères d'admissibilité.

L'arbitre de niveau I a écarté les arguments et les documents présentés tardivement par le répondant au niveau I et a conclu qu'il ne possédait pas suffisamment d'information pour déterminer si la décision du répondant de mettre fin aux SJFE respectait les politiques. Il a déclaré que le requérant n'avait pas établi ses prétentions et a rejeté le grief sur le fond.

Au niveau II, le requérant a présenté de nouveaux éléments de preuve issus de son procès au criminel pour montrer qu'il était admissible aux SJFE : la transcription d'un témoignage d'un expert en recours à la force faisant état de plusieurs problèmes, dont un manque de supervision pendant l'arrestation, des renseignements inadéquats transmis par le répartiteur pendant l'incident et une formation insuffisante sur les situations à haut risque. Les nouveaux éléments de preuve comprenaient aussi les motifs de la peine invoqués par le juge du procès, dans lesquels celui-ci a conclu que les policiers ayant répondu à l'appel croyaient que la personne recherchée avait tiré sur des gens au terrain de golf et qu'aucun élément de preuve ne montrait que le requérant avait agi sous l'effet de la colère ou par malveillance.

Conclusions du CEE

Questions préliminaires

Le CEE a conclu que l'arbitre de niveau I avait commis une erreur en écartant les arguments présentés par le répondant au niveau I. Les délais administratifs prévus au chapitre II.38 du Manuel d'administration de la GRC n'ont pas force de loi et ne peuvent empêcher un arbitre de niveau I ou le commissaire de tenir compte d'arguments présentés tardivement qui s'avèrent essentiels au bon règlement du grief.

Le CEE a également déclaré que la transcription du témoignage de l'expert en recours à la force et les motifs de la peine invoqués par le juge du procès étaient admissibles au niveau II. Ces deux éléments de preuve étaient postérieurs à la décision de niveau I, le répondant avait eu l'occasion de se prononcer sur leur admissibilité, la transcription comprenait de l'information liée à l'admissibilité du requérant aux SJFE et les motifs de la peine comprenaient une analyse importante pour le commissaire dans son examen du grief.

Fond du grief

Le CEE a conclu que la décision du répondant de mettre fin aux SJFE contrevenait à l'article 6.1.12 de la Politique sur les services juridiques et l'indemnisation du Conseil du Trésor (CT) selon lequel la prestation des SJFE cesse seulement si, « à tout moment pendant ou après les procédures, il devient évident » que le requérant ne répond pas aux critères d'admissibilité énoncés à l'article 6.1.5. Le répondant a mis fin aux SJFE en invoquant la décision de CVSI, qui ne comprenait pas une évaluation des critères d'admissibilité aux SJFE. L'ordonnance de CVSI et la prestation de SJFE visent chacun des objectifs différents et reposent sur des critères distincts. L'ordonnance de CVSI vise à protéger les intérêts de la Gendarmerie dans des circonstances extrêmes, tandis que les SJFE, qui peuvent être offerts à un membre devant répondre à des accusations au criminel, visent à préserver les droits de celui-ci. L'ordonnance de CVSI n'entre pas nécessairement en contradiction avec la prestation de SJFE et ne constitue pas, en soi, un motif pour y mettre fin. En l'espèce, la décision de CVSI ne comprenait aucune information, preuve ou analyse nouvelle justifiant la cessation des SJFE offerts au requérant. La vidéo du journaliste aurait peut-être suffi pour justifier l'ordonnance de CVSI, mais elle ne suffisait pas pour mettre fin aux SJFE offerts au requérant.

Le CEE a également conclu que le témoignage de l'expert en recours à la force et les motifs de la peine démontraient que le requérant répondait aux critères d'admissibilité de base énoncés à l'article 6.1.5 et qu'il fallait réexaminer et approuver les demandes de SJFE du requérant en vertu de l'article 6.1.13 de la Politique sur les services juridiques et l'indemnisation du CT.

Recommandation du CEE datée le 24 novembre 2016

Le CEE a recommandé au commissaire de la GRC d'accueillir le grief sur le fond et de rétablir les SJFE à l'intention du requérant.

Si le commissaire rejette la conclusion selon laquelle la décision du répondant de mettre fin aux SJFE offerts au requérant ne respecte pas les politiques applicables, le CEE lui recommande d'ordonner au répondant, en sa qualité d'autorité approbatrice, de réexaminer et d'approuver rétroactivement les demandes de SJFE du requérant, sur l'avis du comité consultatif sur les services juridiques.

Décision du commissaire de la GRC datée le 21 juillet 2017

Le commissaire a rendu la décision suivante, telle que résumée par son personnel :

[TRADUCTION]

Le requérant a présenté un grief contre la décision du répondant de mettre fin aux services juridiques aux frais de l'État (SJFE) qui lui étaient offerts. Le commissaire n'a pas souscrit à la conclusion du CEE selon laquelle la décision du répondant contrevenait à la politique applicable. Toutefois, il a conclu, à l'instar du CEE, que les nouveaux éléments de preuve présentés par le requérant suffisaient pour justifier le réexamen de son admissibilité aux SJFE. Le grief est accueilli.

Le commissaire a proposé que le requérant présente des arguments accompagnés d'une copie des frais juridiques déboursés et de tout autre document justificatif pertinent et nécessaire que devra examiner l'autorité approbatrice compétente, sur l'avis du comité consultatif sur les services juridiques.

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