Lettre au Commissaire Duheme sur la question de l’approvisionnement (octobre 2024)

16 octobre 2024

Commissaire Mike Duheme
Direction générale de la GRC
70 promenade Leikin
Ottawa (Ontario) K1A 0R2

 

Monsieur le Commissaire,

Au nom du Conseil consultatif de gestion (CCG) de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et en ma qualité de responsable du Comité permanent des finances et de l’administration (CPFA), je vous écris pour vous faire part de notre avis collectif sur les questions relatives aux processus d'approvisionnement à la GRC. Reconnaissant que la GRC doit fonctionner dans le cadre des normes et des règlements mis en place pour toutes les organisations du gouvernement du Canada, le CPFA a essayé de concentrer ses recommandations sur des éléments que la GRC peut traiter à l’interne, ou par le biais de consultations avec des partenaires.  

En mars 2024, la présidente du CCG vous a rencontré, ainsi que des membres de l'État-major supérieur (EMS), et l'acquisition de biens et de services essentiels aux opérations de la GRC a été identifiée comme une question récurrente. Dans une lettre qu'elle vous a adressée le 25 mars 2024, le CCG s'est engagé à étudier cette question, y compris la meilleure façon de la comprendre et de l'aborder. Depuis lors, le CPFA s’est efforcé d’acquérir une meilleure compréhension et connaissance des processus d’approvisionnement au sein de l'organisation.

Tout au long de l'été 2024, le CPFA a rencontré des hauts fonctionnaires de la GRC dans l'ensemble de l'organisation, et a reçu un aperçu contextuel des défis existants et des travaux en cours par rapport à ce sujet. Cela nous a permis de mieux comprendre les complexités liées à l’approvisionnement de biens et de services, en particulier au sein d'une organisation opérationnelle telle que la GRC. Ces consultations ont mis en évidence les domaines critiques dans lesquels la GRC pourrait bénéficier d'améliorations dans ses processus d’approvisionnement. Le CPFA reconnaît le cadre complexe qui commande la façon dont les activités d'approvisionnement doivent être menées au sein du gouvernement du Canada, et l'équilibre délicat entre le travail des professionnels de l'approvisionnement qui doivent s'assurer que les activités d'approvisionnement sont conformes au cadre d'approvisionnement du gouvernement fédéral tout en répondant aux besoins identifiés par les clients de la GRC. 

Le CPFA reconnaît également que l’équipe de Vérification interne, évaluation et examen de la GRC a prévu d'effectuer une évaluation des services d'approvisionnement et des services contractuels au cours de l'année fiscale 2024/25, comme indiqué dans le plan d’audit et d'évaluation axé sur les risques de l'organisation. Cela permettra d'approfondir et de poursuivre l'important travail sur cette question prioritaire. Bien que la GRC s'efforce d'apporter des améliorations en matière d'approvisionnement, de nombreuses initiatives n'en sont qu'à leurs débuts et les résultats à long terme sont attendus d'ici deux à trois ans. Pour répondre aux préoccupations immédiates, la GRC doit envisager des options à court terme qui peuvent être mises en œuvre rapidement jusqu'à ce que les réformes à long terme soient mises en œuvre.

Bien que le CPFA ne puisse pas se prononcer sur les exigences et les normes du gouvernement du Canada dans leur ensemble, notre examen met en évidence d'importantes inefficacités liées aux processus d'approvisionnement de la GRC qui entraînent des frustrations parmi les parties prenantes en raison de leur longueur et de leur complexité. Ces inefficacités entraînent des retards qui ont une incidence sur l'efficacité opérationnelle, mettent à rude épreuve les ressources et affectent le moral des employés. Les structures de gouvernance et d'approbation existantes sont considérées comme rigides et ne favorisent pas l'agilité nécessaire à la réalisation d'acquisitions en temps opportun.

Au cours de nos discussions avec les hauts fonctionnaires, le CPFA a identifié l'émergence de cinq (5) thèmes principaux : 1) Processus d'approvisionnement, prise en charge et gestion du cycle de vie ; 2) Ressources et recrutement ; 3) Formation en matière d'approvisionnement ; 4) Exemptions; et 5) Niveaux d'autorité déléguée. Nous avons résumé ci-dessous les principales informations que nous avons entendues, ainsi que nos recommandations pour chacun de ces thèmes.

THÈME 1 :  Processus d'approvisionnement, prise en charge et gestion du cycle de vie

Le processus d'approvisionnement de la GRC est actuellement alourdi par des processus non numérisés complexes et par des exigences d'approbation à plusieurs niveaux, ce qui entraîne des retards considérables. Cette complexité peut entraîner des inefficacités opérationnelles et des pressions financières. Par exemple, l'attribution de biens concurrentiels d'une valeur supérieure à 25 000 dollars peut prendre jusqu'à 52 semaines ou plus. La directive du Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT) sur la gestion des marchés publics et les exigences de conformité avec les accords commerciaux et d'autres initiatives socio-économiques compliquent encore les choses, car elles sont conçues pour un large éventail de ministères fédéraux et ne tiennent pas pleinement compte des besoins uniques d'un environnement opérationnel de services de police. L'évaluation des besoins et la planification des investissements peuvent également être retardées par des contraintes budgétaires. Une planification financière précoce est essentielle pour s'assurer que les fonds sont disponibles avant le début du processus.

La GRC a également des normes élevées en matière d'équipement afin de garantir la sécurité de ses membres, ce qui contribue à un processus d'approvisionnement déjà complexe et long. Actuellement, la GRC est perçue comme "réinventant la roue" en définissant les besoins et les exigences à partir de zéro, indépendamment du fait qu'un autre service de police ait déjà suivi le processus pour ce bien ou ce service spécifique et qu'il aurait répondu aux normes de la GRC.

Une bonne gestion du cycle de vie de l'équipement de police et d'autres biens par la GRC nécessite un processus administratif solide pour assurer le remplacement sans heurt des articles à la fin de leur cycle de vie.  Consciente des retards importants dus à une gestion inefficace du cycle de vie, la GRC a pris des mesures pour mieux gérer les normes et les cadres régissant l'ensemble du cycle de vie, comme l'élaboration du Programme des actifs des services de police et le Centre de décision en matière de gestion du matériel.  Cependant, on a l'impression qu'il y a encore des lacunes, en particulier lorsqu'il s'agit d'une compréhension commune de qui est responsable du suivi de la durée de vie des biens, car les retards dans le remplacement de l'équipement essentiel continuent d'affecter ceux qui travaillent sur la ligne de front.

Il existe un consensus sur le fait que le processus d'acquisition de biens et de services opérationnels de la GRC pourrait être amélioré. Pourtant, aucun retour d'information officiel sur la fonctionnalité du processus d'acquisition n'a été demandé aux clients. Un système d’évaluation du rendement est l'un des mécanismes permettant d'identifier les lacunes et les domaines à améliorer en fonction de l'expérience des utilisateurs, car ces données sont essentielles pour éclairer les changements fondés sur les faits et les solutions potentielles. Elles peuvent également être utilisées pour soutenir de futures initiatives et présenter des analyses de rentabilisation convaincantes.  

Recommandations :

THÈME 2 : Ressources et recrutement

La structure hiérarchique de la GRC en matière d'approvisionnement varie d'une région et d'une division à l'autre, ce qui entraîne des incohérences dans les structures hiérarchiques et les pratiques. Ce manque de normalisation contribue à l'inefficacité et complique le processus d'approvisionnement, certains agents d'approvisionnement relevant directement des commandants divisionnaires et d'autres directement du chef des services financiers, ce qui entraîne une application inégale des pratiques d'approvisionnement. En outre, le recrutement et la fidélisation d'agents d'approvisionnement qualifiés constituent un défi pour l'ensemble du gouvernement du Canada en raison des taux de rotation élevés, un nombre limité de talents qualifiés sur un marché du travail concurrentiel, de la concurrence pour le personnel bilingue et des différences de niveaux de classification par rapport à d'autres ministères fédéraux. Le maintien en poste des agents d'approvisionnement est essentiel pour la continuité des opérations.

Recommandations :

THÈME 3 : Formation en matière d’approvisionnement

Il est possible d'offrir une meilleure formation à toutes les parties prenantes impliquées dans les processus d’approvisionnement, telles que les professionnels de l’approvisionnement, les gestionnaires délégués, les centres de développement de politiques, les programmes opérationnels et le personnel administratif. Il existe actuellement un manque d'orientations/d'outils complets, facilement accessibles et bien documentés sur les politiques d’approvisionnement, afin de combler les lacunes existantes dans la connaissance reliée aux pratiques d’approvisionnement.

Recommandations :

THÈME 4 : Exceptions

Il peut être difficile d’appliquer les clauses d’exceptions dans des situations d’approvisionnement urgentes. Les exceptions existantes, telles que celles relatives à la sécurité nationale et aux situations d'urgence, font l'objet d'un examen minutieux. Cet examen minutieux peut parfois entraver la capacité à répondre rapidement à des situations critiques. Il est essentiel de présenter un dossier convaincant pour s'assurer que les procédures d’approvisionnement se déroulent sans délai. Cependant, ces exceptions peuvent ne pas répondre entièrement aux besoins uniques de la GRC, dans les situations où le seuil requis en vertu des exceptions relatives à la sécurité nationale et à l'urgence n'est pas atteint. Il s'agit d'une lacune qui peut mettre en péril la sécurité des Canadiens.    

Recommandations :

THÈME 5 : Niveaux d'autorité déléguée

Les niveaux actuels de délégation de pouvoir sont considérés comme restrictifs, en particulier dans les situations d'acquisition urgente ou de grande valeur. Cette limitation affecte la capacité à prendre des décisions sur l’approvisionnement en temps voulu, ce qui peut entraîner des retards et un manque d'efficacité, et entraver l'autonomie, y compris l'accès et/ou l'amélioration des logements des membres dans des zones géographiques spécifiques. Les niveaux d'autorité délégués n'ont pas suivi le rythme de l'inflation et de l'augmentation des biens sur le marché.

Recommandations :

La GRC est consciente des lacunes et des défis actuels liés à l’approvisionnement; c'est pourquoi elle en a fait une priorité essentielle. Toutefois, les parties prenantes ont le sentiment que les processus d'approvisionnement ne permettent pas d’acquérir des biens et des services dans des délais raisonnables. Le CCG encourage le haut fonctionnaire désigné pour les achats à accroître et à améliorer sa communication sur les initiatives actuelles et les plans futurs visant à améliorer le processus par le biais de mises à jour périodiques. Cela pourrait se faire sur une base mensuelle ou trimestrielle afin de tenir toutes les personnes concernées informées des progrès réalisés.

Nous reconnaissons que toutes les recommandations présentées ici ne relèvent pas uniquement de la compétence de la GRC et qu'elles nécessiteraient des changements dans le cadre d’approvisionnement du gouvernement fédéral. La GRC peut avoir besoin de développer et d'exploiter des relations avec des partenaires de différents niveaux du gouvernement et avec d’autres services de police afin de travailler avec eux de manière nouvelle et innovante pour atteindre les résultats souhaités. Cependant, en mettant en œuvre ces recommandations et en abordant les thèmes décrits, la GRC peut améliorer de manière significative sa capacité à offrir les biens et services nécessaires au maintien de l'ordre, à renforcer son efficacité opérationnelle et à mieux soutenir ses parties prenantes. Les changements proposés visent à rationaliser les processus, à combler les lacunes en matière de ressources et de formation, et à accroître la flexibilité afin de mieux répondre aux besoins de la GRC et à ses exigences opérationnelles.

Nous exprimons notre immense gratitude aux fonctionnaires que nous avons consultés et qui ont fait preuve d'une grande transparence et d'une grande connaissance, ce qui nous a permis de formuler les recommandations ci-dessus. Nous continuerons à suivre cette question et à nous tenir informés des travaux réalisés en réponse à nos conseils.

Cordialement,

M. Doug Moen
Responsable du Comité permanent des finances et de l'administration (CPFA),
Conseil consultatif de gestion pour la GRC

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