Rapport consultatif sur la pérennité de la Police fédérale

Avant-propos du responsable du Groupe de travail du CCG sur la Police fédérale

Décembre 2023

À titre de membres d’un groupe de travail du Conseil consultatif de gestion (CCG), nous avons décidé d’explorer le programme de Police fédérale de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), ce qui nous a permis de mieux comprendre son importance considérable.

À l’instar de nombreux Canadiens, nous entendons parler presque chaque jour de cyberattaques, d’ingérence étrangère dans les institutions démocratiques, de menaces ciblant des politiciens et des journalistes, d’extrémisme violent à caractère idéologique, de réseaux de trafiquants de drogue qui s’étendent sur tous les continents, de blanchiment d’argent, et ainsi de suite. En tant qu’organisation fédérale d’application de la loi du Canada, la Police fédérale de la GRC remplit un rôle unique et assume souvent à elle seule la responsabilité de protéger le Canada, sa population et ses intérêts contre de telles menaces criminelles qui émanent de l’intérieur ou de l’étranger.

Il ne faut pas sous-estimer l’importance de la Police fédérale pour la sécurité des structures économiques, politiques et sociales du Canada, ainsi que sur la scène internationale. Néanmoins, au fur des années, la Police fédérale a est confrontée à une érosion marquée de sa capacité et a été forcée de faire plus avec moins. En même temps, elle est aux prises avec des défis en matière de gouvernance, de financement, de formation et de ressources humaines qui entravent la réalisation de son mandat. La pérennité de Police fédérale a atteint un stade critique.

Fermement convaincu que la pérennité de la Police fédérale est cruciale pour le Canada, le Groupe de travail du CCG a rédigé le présent rapport consultatif en se fondant sur les trois principes suivants, qui reposent sur la nécessité d’une stratégie efficace de communication à l’interne et à l’externe :

  1. Il est essentiel de définir clairement l’identité et la capacité de la Police fédérale, avec le soutien du ministre.
  2. Il est nécessaire de développer des structures qui soutiennent expressément l’identité et la capacité de la Police fédérale.
  3. Il est crucial que la Police fédérale dispose d’un personnel dûment formé qui possède les compétences nécessaires pour remplir le mandat moderne de la Police fédérale. 

Il est évident qu’une véritable transformation de la Police fédérale s’impose – non seulement pour la GRC à titre de service de police national du Canada, mais aussi pour le gouvernement du Canada – compte tenu des risques importants à la sécurité nationale, à la sécurité publique et à l’économie. En conséquence, le Groupe de travail s’engage à plaider en faveur de la pérennité de la Police fédérale auprès du ministre de la Sécurité publique, des Institutions démocratiques et des Affaires intergouvernementales, tout en encourageant fortement le commissaire à continuer d’apporter des changements majeurs et nécessaires, afin de renforcer le service de police fédéral du Canada dans un contexte où la criminalité est complexe et ne connaît aucune frontière.

Enfin, en tant que responsable du Groupe de travail, j’aimerais remercier sincèrement la GRC pour sa collaboration, et un grand merci à mes collègues du Groupe de travail Audrey Campbell, Randy Ambrosie et Maureen Kempston Darkes. L’élaboration du présent rapport consultatif n’aurait pas été possible sans leur expertise et le temps qu’ils ont consacré à cette initiative.

M. Douglas E. Moen
Responsable du Groupe de travail du CCG sur la Police fédérale

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Sommaire

Le programme de Police fédérale de la GRC est chargé d’assurer la sécurité du Canada, de sa population et de ses intérêts et de les protéger contre les menaces criminelles les plus graves qui émanent de l’intérieur ou de l’étranger. Cela inclut des enquêtes extrêmement complexes sur la sécurité nationale, les crimes organisés, les cybercriminalités et les crimes financiers, afin d’assurer la stabilité politique, économique et sociale du Canada.

Dans le contexte actuel de la criminalité et de l’environnement dans lequel la police fonctionne, la Police fédérale fait face à des demandes et attentes exponentiellement croissantes de la part du gouvernement et du public, alors que la détérioration des politiques et des ressources ne permet pas à la Police fédérale de remplir efficacement son mandat. Ces facteurs ont eu des répercussions importantes sur la pérennité de la Police fédérale et pourraient miner la crédibilité du Canada dans les sphères policières et politiques mondiales, aux yeux de ses alliés et de ses partenaires internationaux. Ce défi est particulièrement important puisque le gouvernement du Canada évalue le futur de la police à la lumière de plusieurs études et rapports sur l’avenir de la police, et parce que le renouvellement des contrats de prestation de services de police locaux et régionaux de 2032 approche.

Le présent rapport consultatif du Groupe de travail du CCG sur la Police fédérale s’inscrit dans la lignée de plusieurs autres études et recommandations concernant la Police fédérale, dont la plus récente est le rapport faisant la revue du mandat de la Police fédérale publié en novembre 2023 par le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement (CPSNR).

Il est important de souligner que la GRC et le ministre de la Sécurité publique, des Institutions démocratiques et des Affaires intergouvernementales ont une responsabilité distincte, mais commune à l’endroit de la Police fédérale et de sa transformation.

Se fondant sur des recherches et des entrevues, le Groupe de travail a formulé à l’Intention de la GRC les résultats et recommandations suivants, en ce qui concerne la modernisation de la Police fédérale : 

Principe fondamental 1 : À l’aide du soutien ministériel, il est nécessaire de définir clairement l’identité et la capacité de la Police fédérale

Résultat 1 : La Police fédérale a besoin de ressources adéquates et d’une identité distincte compte tenu des risques importants à la sécurité et à l’économie.

Résultat 2 : La Police fédérale bénéficiera d’un fort leadership soutenu pour prioriser un véritable changement. 

Principe fondamental 2 : Il est nécessaire de développer des structures qui soutiennent expressément l’identité et la capacité de la Police fédérale

Résultat 3 : La stratégie de transformation de la Police fédérale reposer sur des objectifs fondés sur des preuves qui sont communiqués à travers toute la GRC.

Résultat 4 : Certaines politiques pourraient entraver la dotation de la main-d’œuvre unique de la Police fédérale.

Résultat 5 : La Police fédérale  des ressources à consacrer à des fonctions de soutien pour assurer l’efficacité de ses processus de dotation et de la transformation de la main-d’œuvre.

Principe fondamental 3 : L’exécution du mandat de la Police fédérale requiert une main-d’œuvre spécialisée

Résultat 6 : La Police fédérale bénéficierait de structures de formation alternatives pour répondre précisément aux besoins et au rôle uniques du programme.

Dédicace

À tous les membres de la Police fédérale qui ont contribué, qui contribuent ou qui contribueront à assurer la sûreté et la sécurité du Canada, nous reconnaissons votre engagement à la fois au pays et à l’étranger.

Remerciements

En reconnaissant l’importance capitale de la vérité et de la réconciliation, le Groupe de travail du CCG sur la Police fédérale souligne avec respect le lien historique et actuel que les Premières Nations, les Inuits et les Métis du Canada entretiennent avec les terres sur lesquelles tous les Canadiens et toutes les Canadiennes vivent et dont ils et elles profitent. D’un océan à l’autre, nous sommes reconnaissants envers les Premières Nations, les Inuits et les Métis pour tous leurs apports et toutes leurs connaissances.

Le Groupe de travail remercie toutes les personnes qui ont transmis leurs connaissances, exprimé leurs points de vue et témoigné de leurs expériences pour que nous puissions mieux comprendre le programme de Police fédérale. Le Groupe de travail est reconnaissant au personnel de la Police fédérale et aux bureaux du dirigeant principal des Ressources humaines et du dirigeant principal des Finances, qui se sont rendus disponibles et qui lui a donné accès à de l’information. Le Groupe de travail souhaite remercier également l’équipe de la Gestion stratégique de la Police fédérale, qui lui a fourni de l’information réfléchie et du soutien opportun.

Objectif et portée

Le Groupe de travail du CCG sur la Police fédérale, qui a été formé en septembre 2022, est composé de quatre membres du CCG, notamment, Doug Moen (responsable du Groupe de travail), Audrey Campbell, Randy Ambrosie et Maureen Kempston Darkes. Le Groupe de travail s’est concentré sur les risques et défis liés à la gouvernance et aux Ressources humaines (RH) qui ont une incidence sur la pérennité de la Police fédérale. Il s’est efforcé de formuler des recommandations éclairées et fondées sur des preuves afin d’orienter la modernisation de la Police fédérale, tout en contribuant aux discussions et aux décisions actuelles sur l’avenir de la police au Canada. Le Groupe de travail souligne toute la complexité des enjeux sur lesquels il s’est penché et reconnaît que d’autres facteurs ayant une incidence sur la pérennité de la Police fédérale pourraient sortir du cadre du présent rapport.

Méthodologie

Depuis sa création, le Groupe de travail s’est réuni virtuellement et en personne à 25 reprises afin de mener des recherches approfondies et de nombreuses entrevues au sujet de la Police fédérale et de sa pérennité. Au cours de ses travaux, le Groupe de travail a recueilli des données quantitatives et qualitatives grâce à une étroite collaboration avec des parties intéressées de la GRC.

Le Groupe de travail a examiné un bon nombre de documents variés, contenant de l’information historique ou actuelle sur la Police fédérale, notamment des procès-verbaux, des documents de breffage, des évaluations et des rapports externes et internes, des documents de communication, des rapports d’analyse, des documents de recherche, des présentations et des ensembles de données. De plus, le Groupe de travail a réalisé 12 entrevues auprès de plusieurs parties prenantes afin de bien comprendre les défis, les expériences de travail et la culture, notamment auprès de hauts dirigeants de la GRC, d’employés de la Police fédérale et d’employés de la GRC actifs ou à la retraite tant au siège national que dans les divisions régionales.

Contexte

Située au sein de la GRC, la Police fédérale est un programme d’application de la loi qui a un mandat distinct et essentiel défini par plus de 250 lois et statuts fédéraux afin de veiller à la sécurité publique et d’assurer la sécurité du Canada, de sa population et de ses intérêts. La Police fédérale mène des enquêtes complexes et sophistiquées qui s’échelonnent sur plusieurs années et qui visent les plus graves et complexes menaces criminelles de portée fédérale ou internationale. En 2021 seulement, elle a réalisé 132 enquêtes fédérales majeures considérées comme prioritaires qui ont permis de porter 8 994 accusations contre 8 520 personnes en vertu du Code criminel ou d’autres lois fédérales.

Le mandat de la Police fédérale inclut :

Sécurité nationale :
voyageurs extrémistes canadiens, extrémisme violent à caractère idéologique, ingérence étrangère, terrorisme, espionnage, sabotage et protection des infrastructures essentielles;

Crime organisé et transnational :
groupes du crime organisé traditionnel, bandes de motards hors la loi, drogue, intégrité des frontières, migration irrégulière, armes illégales, traite de personnes et corruption;

Crime financier :
blanchiment d’argent, produits de la criminalité, manipulation des marchés financiers et fraudes;

Cybercrime :
rançongiciels, menaces persistantes avancées, programmes malveillants, vol d’identité, violation des droits de propriété intellectuelle et attaques ciblant des infrastructures; et

Autres programmes et services spécialisés :
enquêtes internationales sensibles (p. ex. crimes de guerre et corruption), police de protection, programme fédéral de protection des témoins, police internationale et programme des transporteurs aériens, ainsi que d’autres programmes et services.

La Police fédérale évolue dans un contexte criminel changeant, tout en étant confrontée à des attentes grandissantes en matière de leadership fédéral, de prestation de services, de capacité, et de reddition de comptes. Elle se charge de dossiers touchant des priorités et des formes de criminalité de haut niveau qui font l’objet de discussions politiques, telles que l’ingérence étrangère, le renforcement de la protection des politiciens, les cyberattaques ciblant des institutions clés, l’extrémisme violent à caractère idéologique, et d’autres dossiers. De plus, la Police fédérale répond régulièrement à de nombreuses évaluations et rapports sur la modernisation, comme les 11 évaluations externes et les deux rapports annuels soutenus par la GRC en 2021. Globalement, au fil des ans, la Police fédérale a connu une érosion importante de ses ressources humaines et financières (et donc, de sa capacité à remplir son mandat et à répondre aux attentes à son endroit), et sa pérennité a maintenant atteint un stade critique.

Ce stade critique de la pérennité de la Police fédérale affecte également le Canada à l’échelle internationale en ce qui concerne la sécurité, les services de police et la politique. La Police fédérale représente le Canada sur plusieurs plateformes mondiales et dans le cadre de plusieurs partenariats internationaux (comme le Groupe des cinq, une alliance internationale de renseignement), gère le programme canadien des missions de paix internationales ainsi que le programme d’INTERPOL et EUROPOL et collabore avec des services de police de l’extérieur du Canada pour contribuer à la paix, la sécurité et la stabilité dans le monde. Toutefois, l’affaiblissement généralisé de la capacité de la Police fédérale pourrait miner la crédibilité du service de police fédérale du Canada et ses enquêtes sur la scène internationale. Finalement, cela pourrait avoir une incidence sur le rôle et le statut du Canada sur la scène politique internationale, notamment sur sa capacité à faire avancer les dossiers prioritaires à l’échelle mondiale.

Situation actuelle

Le Canada se penche actuellement sur l’avenir de la police, à l’approche du renouvellement, en 2032, des ententes sur les services de police municipaux et régionaux offerts par la GRC. Les médias canadiens ont annoncé que les principaux acteurs tels que le premier ministre et l’ancien ministre de la Sécurité publique, pourraient être en train d’évaluer la possibilité de transformer le mandat de la Police fédérale à la GRC afin d’en faire un « FBI du Nord ». Toutefois, au moment de la rédaction du présent rapport, le gouvernement fédéral n’avait toujours pas annoncé cette transformation officiellement.

De récentes évaluations et rapports clés ont mis en évidence la nécessité de définir l’avenir de la police au Canada. Notamment en 2023, la Commission des pertes massives a recommandé qu’à la suite d’une évaluation de la GRC, Sécurité publique Canada et son ministre devraient établir des priorités claires pour la GRC en lui réservant les tâches propres à un service de police fédérale, et en identifiant les responsabilités qu’il serait judicieux de confier à d’autres organisations, ce qui pourrait engendrer une reconfiguration de la police au Canada. En outre, l’évaluation de la Police fédérale réalisée par le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement (CPSNR) a soulevé des questions au sujet du mandat et de l’orientation de la Police fédérale.

Le Groupe de travail du CCG sur la Police fédérale a été formé en septembre 2022 en raison des défis qui se posaient relativement à la pérennité de la Police fédérale et du discours au sujet de l’avenir de la police au Canada. Le Groupe de travail s’est efforcé de formuler des résultats de recherche et des recommandations fondées sur des données probantes afin de soutenir la modernisation de la Police fédérale, tout en faisant ressortir l’importance de la pérennité du ce programme pour la sécurité et la stabilité canadiennes et mondiales. Compte tenu de l’ampleur du sujet et des nuances qu’il comporte, le Groupe de travail s’attend à ce que le CCG puisse réexaminer la Police fédérale afin de formuler d’autres conseils ou recommandations dans l’avenir.

L'importance de la pérennité du programme de la Police fédérale

Bien que le mandat de la Police fédérale et son rôle à l’appui de la sécurité du Canada ne soient peut-être pas connus de tous, les difficultés qui entravent la pérennité de la Police fédérale comportent des risques évidents. Le manque de ressources à la Police fédérale a déjà commencé à avoir des répercussions visibles sur le Canada et sa population.

Même si la Police fédérale a actuellement pour mandat d’enquêter sur un éventail de crimes graves de nature financière et économique, le gouvernement du Canada a annoncé son intention de mettre sur pied l’Agence canadienne des crimes financiers (ACCF). Il est indiqué dans les budgets de 2022 et de 2023 qu’il est prévu que l’ACCF deviendra le principal organisme d’application de la loi du Canada qui réprimera les crimes financiers. Depuis, le gouvernement a affecté deux millions de dollars au ministère de la Sécurité publique aux fins de l’élaboration de modèles pour l’ACCF.

Puisque la Police fédérale est actuellement responsable de lutter contre des crimes graves et complexes, notamment les crimes financiers, la création de l’ACCF signalerait une réponse plus complète en matière d’application de la loi de la part du gouvernement. Cependant, les limites opérationnelles qui ont été imposées à la Police fédérale à cause de l’érosion de ses ressources financières et humaines l’empêchent d’intensifier sa concentration sur une forme de criminalité plutôt qu’une autre (p. ex. les crimes financiers), ce qui est encore exacerbé par d’autres priorités criminelles urgentes concurrentes (p. ex. la sécurité nationale).

En effet, la Commission Cullen de 2022 a fait remarquer que le manque d’efficacité des mesures d’application de la loi en matière de blanchiment d’argent en Colombie-Britannique était principalement au manque de ressources de la GRC, qui est aggravé par la réaffectation de ressources pour répondre à d’autres priorités fédérales.

Essentiellement, la Police fédérale a des ressources tout simplement insuffisantes pour s’attaquer à certaines formes de criminalité en répondant aux attentes envers l’organisation. Le programme de la Police fédérale a un mandat et des priorités élargis, et les coûts liés aux services de police augmentent, alors que les ressources humaines et financières qui lui sont octroyées diminuent. Malgré ses défis, la Police fédérale a mené d’innombrables enquêtes criminelles majeures qui ont été couronnées de succès, ce qui indique qu’avec de la formation, des structures et des ressources adéquates, elle pourrait croître, mieux veiller à l’application de la loi dans le monde criminel en constante évolution et s’adapter aux priorités changeantes du gouvernement.

Résultats de recherche et recommandations

Même si la Police fédérale joue un rôle unique et essentiel en ce qui concerne la sécurité publique au Canada dans le monde, il est évident que le manque de ressources ainsi que certaines politiques ont mis sa pérennité en péril, et ont limité sa capacité à exécuter son mandat et à suivre le rythme de l’évolution de l’environnement de la menace.

Il est important de souligner que bien que le commissaire et l’État-major supérieur de la GRC jouent un rôle capital dans la gestion de la Police fédérale, ce sont les directives ministérielles qui déterminent globalement l’identité, le mandat et la capacité de la Police fédérale. Par conséquent, les efforts de modernisation nécessiteront un leadership ministériel solide et engagé pour arriver à un vrai changement et à la pérennité de la Police fédérale.

Les résultats de recherche et les recommandations indiquées dans le présent rapport visent à permettre à la Police fédérale de faire face à plusieurs défis et risques importants, et reposent sur la nécessité d’une communication solide à l’interne et à l’externe.

Principe fondamental 1 : À l’aide du soutien ministériel, il est nécessaire de définir clairement l’identité et la capacité de la Police fédérale.

Résultat 1 : La Police fédérale a besoin de ressources adéquates et d’une identité distincte compte tenu des risques importants contre lesquels elle protège la sécurité nationale et publique ainsi que l’économie.

Le mandat de la Police fédérale est vaste comparativement à celui de ses multiples homologues aux États‑Unis, notamment le Federal Bureau of Investigation (FBI), la Drug Enforcement Administration (DEA), le Department of Homeland Security, le Secret Service, le US Marshalls Service, la US Border Patrol, la US Coast Guard et autres organisations.

Bien que ses homologues soient bien connus dans le monde entier, le rôle de la Police fédérale n’est ni bien connu ni bien compris par le public. Cela pourrait avoir contribué à la diminution des ressources qui sont octroyées à la Police fédérale depuis plusieurs années malgré les exigences croissantes qui lui sont imposées. Par exemple, à la suite des exercices de réduction des coûts du gouvernement de 2008 à 2012, la Police fédérale a vu son budget réduit de 150 millions de dollars et a continué de subir des pressions financières. Par conséquent, les ressources humaines de la Police fédérale ont été réduites, ce qui a eu une incidence importante sur ses capacités d’enquête, cela a imposé un fardeau trop lourd à ses employés, a mis sa pérennité en péril et, au bout du compte, a réduit sa capacité de remplir son mandat et d’avancer les priorités du gouvernement.

La Police fédérale évolue au sein de priorités politiques changeantes dans un contexte en constante évolution où la criminalité est de plus en plus complexe et où les criminels sont plus interconnectés que jamais. En présence d’un tel accroissement des attentes et d’une telle érosion des ressources, le Groupe de travail constate que pour assurer la pérennité de la Police fédérale, il est essentiel de définir clairement l’identité, le mandat et la capacité de la Police fédérale. Le gouvernement et la population du Canada doivent comprendre le rôle et les responsabilités uniques du service de police fédérale du Canada qui sont cruciaux pour la sécurité du pays, tel que son rôle dans la lutte contre la cybercriminalité, le crime organisé transnational, le terrorisme, les fraudes majeures intérieures ou internationales, l’ingérence étrangère, et autres crimes. Une communication rigoureuse est essentielle pour que la population canadienne comprenne les risques que représentent les obstacles à la pérennité de la Police fédérale, ainsi que l’importance de disposer d’une Police fédérale pleinement efficace.

En outre, il est important que le gouvernement du Canada considère le rôle de la Police fédérale ainsi que le stade critique qu’a atteint sa pérennité et ses efforts de modernisation lorsqu’il entreprendra d’autres exercices de réduction des dépenses dans le futur. Le Canada et ses partenaires dépendent les uns des autres pour lutter contre des menaces criminelles internationales complexes. La Police fédérale doit être reconnue comme il se doit et disposer des ressources nécessaires pour remplir son rôle de force de police fédérale du Canada. Ainsi, la Police fédérale sera mieux outillée pour être un partenaire légitime et précieux pour ses alliés internationaux (comme le Groupe des cinq) et soutenir les priorités du pays et le statut du Canada sur la scène internationale.

Recommandation 1a : La GRC devrait communiquer clairement au ministre de la Sécurité publique, des Institutions démocratiques et des Affaires intergouvernementales ainsi qu’à d’autres parties intéressées risques associés à une insuffisance de ressources dédiées à la Police fédérale.

La force et l’efficacité de la Police fédérale doivent être considérées comme de grandes priorités compte tenu des risques importants à la sécurité publique, la sécurité nationale et l’économie. Le programme de la Police fédérale de la GRC relève de la responsabilité du gouvernement du Canada sur le plan législatif et financier, contrairement à d’autres programmes de la GRC qui ont des ententes multi-juridictionnelles, telles que les Services de police contractuels et autochtones ou les Services de police spécialisés. Le ministre de la Sécurité publique, des Institutions démocratiques et des Affaires intergouvernementales (ci-après le « ministre ») a un rôle unique et déterminant à jouer pour définir l’identité, la capacité, l’avenir et la pérennité de la Police fédérale.

Dans le cadre de son évaluation, le CPSNR a réaffirmé la responsabilité du gouvernement fédéral à l’égard du programme de la Police fédérale et a fait remarquer que le seul secteur de la GRC dont le gouvernement fédéral est le seul responsable est la Police fédérale et qu’à ce titre, le gouvernement doit affirmer clairement que le mandat de la Police fédérale est une priorité et qu’il est en faveur d’une réforme à cet égard. Le CPSNR a également fait plusieurs recommandations à l’intention du gouvernement fédéral, notamment que le ministre de la Sécurité publique donne régulièrement des directives claires à la GRC en vue du renforcement de la Police fédérale, notamment à l’égard de la gouvernance, des contrôles financiers, des ressources humaines, du recrutement et de la formation ainsi que de la gestion de l’information.

Au bout du compte, les obstacles à la viabilité de la Police fédérale, le caractère limité des ressources et l’élargissement constant du mandat de la Police fédérale entraînent un bon nombre de risques pour la sécurité publique et sur les plans politique, social, économique et financier. Il importe de communiquer clairement ces risques au ministre, tout comme les répercussions qu’ils peuvent avoir sur la population canadienne, ainsi que la responsabilité distincte du gouvernement et du ministre à ce sujet. Par exemple, les exercices pangouvernementaux de réduction des coûts qui ont commencé en 2008 ont mené à des coupures de 150 millions de dollars dans le budget de la Police fédérale et à l’érosion conséquente de sa capacité à faire face à ses priorités croissantes, notamment dans le domaine de la criminalité financière. Devant la capacité limitée de la Police fédérale, le gouvernement a récemment accordé un montant de 2 millions de dollars pour définir le concept de l’Agence canadienne des crimes financiers (ACCF) afin de lutter contre les crimes économiques et pourrait devoir investir plusieurs millions de dollars supplémentaires pour financer la mise sur pied de cette agence. Il s’avère que toute réduction du budget de la Police fédérale entraîne des coûts ultérieurs pour le gouvernement et a des répercussions sur la sécurité publique au Canada.

La GRC devrait aussi faire part de ces risques à d’autres parties intéressées, comme les organismes centraux, les instances parlementaires et les comités sénatoriaux, afin de mieux faire comprendre la situation et d’élargir l’appui politique à l’égard de la pérennité de la Police fédérale. Il est essentiel que les plus hautes instances connaissent les attributions de la Police fédérale et les risques qui s’y rattachent et comprennent que l’affectation des ressources adéquates à la Police fédérale est dans l’intérêt du Canada et une responsabilité du pays.

Recommandation 1b : La GRC devrait développer un mécanisme de communication semestriel avec le ministre, afin de plaider régulièrement en faveur de la pérennité de la Police fédérale et de faire le point sur la situation à cet égard.

Le gouvernement du Canada a des responsabilités distinctes à l’égard de la Police fédérale, contrairement à d’autres programmes policiers de la GRC qui touchent plusieurs territoires de compétence. Par conséquent, le Groupe de travail s’appuie sur la recommandation 1a pour conseiller à la GRC de mettre sur pied un mécanisme de communication semestrielle avec le ministre, afin de discuter de la Police fédérale. Cette recommandation est cruciale puisque le ministre joue un rôle unique dans la définition de l’identité, de la capacité, de l’orientation et de l’avenir de la Police fédérale. En effet, le ministre a envers la Police fédérale et son identité une responsabilité qui va au-delà d’un engagement ponctuel. Par exemple, dans le cadre de l’exercice de réduction du budget du gouvernement en 2023, il aurait été dans les pouvoirs du ministre de faire valoir la nécessité de garantir un financement suffisant pour la Police fédérale malgré les compressions budgétaires. La Police fédérale offre aux Canadiens des services policiers uniques et essentiels qui doivent se poursuivre grâce à un financement suffisant, à défaut de quoi des risques pour la sécurité publique et sur les plans politique, social, économique et financier pourraient se matérialiser. En outre, restreindre la capacité de la GRC pourrait aussi limiter sa capacité à répondre aux attentes croissantes pour ce qui est de rendre des comptes au public et au changement en temps opportun.

De plus, le gouvernement du Canada revoit régulièrement ses priorités en matière de sécurité publique, notamment l’intensification de la lutte contre l’extrémisme violent à caractère idéologique ou la hausse de la demande de services de protection pour les élus et les dignitaires. Dans un contexte où le gouvernement cherche à conclure des partenariats internationaux et à lutter contre les menaces criminelles de compétence fédérale, la Police fédérale est souvent le principal responsable de la prise en charge de ces priorités. Cependant, le Groupe de travail a constaté que les obstacles à la pérennité de la Police fédérale et le manque de ressources nuisent considérablement à sa capacité de prendre pleinement en charge les dossiers prioritaires du gouvernement tout en répondant aux exigences de son mandat, qui peut parfois être extrêmement vaste.

La Police fédérale étant en pleine transformation, il est dans l’intérêt du ministre de s’assurer que les obstacles à la pérennité du programme s’aplanissent. Le ministre devrait également communiquer la vision du gouvernement à l’égard de la Police fédérale, ce qui aiderait cette dernière à accomplir son mandat et à s’attaquer aux dossiers prioritaires du gouvernement. En conséquence, le Groupe de travail recommande la mise sur pied d’un mécanisme de communication semestrielle qui consistera principalement à faire le point sur les démarches de la Police fédérale en faveur de sa pérennité et de sa modernisation.

Résultat 2 : La Police fédérale bénéficiera d’un fort leadership soutenu pour prioriser un véritable changement. 

Dans toute organisation, un fort leadership est crucial pour amener des changements importants, particulièrement à cause de la résistance prévisible au changement. De nombreux appels ont été lancés en faveur de changements à la GRC, comme en témoignent une myriade de rapports et d’enquêtes publics récents réclamant une foule d’ajustements, y compris des changements à la gouvernance, à la transparence et à la viabilité de la GRC. Parmi ces attentes, la GRC a fait part de sa volonté d’évoluer et de se moderniser en tant qu’organisation pour répondre à ces attentes. Le Groupe de travail tient à souligner l’importance du tout nouveau secteur de la Réforme, de la Reddition de comptes et de la Culture à l’appui d’un leadership continu en matière de réforme organisationnelle, de reddition de comptes et de changement culturel à la GRC.

Le Groupe de travail est convaincu que les dirigeants qui veulent insuffler un changement ne doivent pas être arrêtés par la résistance au changement, puisque tout changement organisationnel entraîne un certain mécontentement. Par exemple, l’adoption du modèle de rapport régional à la Police fédérale, qui propose une structure de gouvernance solide, a été reportée pour la deuxième fois en mars 2023, après qu’elle l’eut été pour la première fois en avril 2022. La nouvelle date prévue pour l’adoption du modèle de rapport régional n’a pas été annoncée. Un fort leadership est responsable de la recherche d’un changement fondé sur des données probantes, même s’il doit aller au-delà de certaine résistance au changement. 

Recommandation 2 : La GRC devrait reconnaître la transformation de la Police fédérale comme une priorité organisationnelle à inclure dans ses stratégies et plans organisationnels à venir.

Le Groupe de travail recommande que la GRC reconnaisse que la transformation de la Police fédérale est une priorité organisationnelle et affirme sa détermination à apporter un véritablement changement. En s’appuyant sur les efforts soutenus de la GRC en faveur de la réforme organisationnelle, le Groupe de travail recommande que la GRC tienne compte de la transformation de la Police fédérale dans ses prochaines stratégies et ses prochains plans organisationnels, notamment le Plan stratégique 2024‑2028, le Plan ministériel et d’autres documents semblables. Le Groupe de travail recommande également que des cibles et indicateurs publics clairs soient établis afin de mesurer la modernisation de la Police fédérale. Ces mesures permettront d’affirmer clairement que la transformation de la Police fédérale est une priorité pour l’organisation et que cette dernière rendra des comptes à son sujet.

Principe fondamental 2 :  Il est nécessaire de développer des structures qui soutiennent expressément l’identité et la capacité de la Police fédérale.

Résultat 3 : La stratégie de transformation de la Police fédérale devrait reposer sur des objectifs fondés sur des preuves qui sont communiqués à travers toute la GRC.

En 2021, la Police fédérale s’est dotée d’un Bureau de la transformation et a lancé une stratégie de transformation dans le but de devenir un chef de file mondial en quatre ans (de 2022 à 2025), avec l’appui additionnel du nouveau secteur de la Réforme, de la Reddition de comptes et de la Culture de la GRC. La stratégie de transformation de la Police fédérale vise à apporter des changements à la gouvernance, à la capacité, à la gestion des priorités opérationnelles, au financement, à la technologie et à la main-d’œuvre. Elle a donné lieu à l’élaboration de diverses initiatives, comme le modèle de rapport régional, la transformation des RH de la Police fédérale et l’amélioration de la conformité aux priorités du gouvernement du Canada et aux priorités opérationnelles les plus importantes. En soutien à la stratégie de transformation, la Police fédérale a retenu les services d’une firme externe pour élaborer plusieurs documents de base, dont une évaluation de la situation actuelle et une stratégie de gestion du changement.

Le Groupe de travail reconnaît que la stratégie de transformation est en cours, mais rappelle que la réussite d’un changement organisationnel dépend de la compréhension claire de l’objectif poursuivi et d’une démarche fondée sur des faits. En conséquence, il est essentiel que toute la GRC, ses cadres supérieurs, ses partenaires clés et les hauts fonctionnaires concernés, incluant le ministre, s’entendent sur ce que seraient idéalement la Police fédérale et ses capacités.

Recommandation 3a : La GRC devrait prioriser l’établissement des échéances et des jalons réalisables pour la transformation de la Police fédérale, incluant l’adoption du modèle de rapport régional.

Le Groupe de travail recommande à la GRC d’accorder un degré de priorité élevé à l’établissement et à la communication d’échéances et de jalons réalisables, notamment pour l’adoption du modèle de rapport régional. Les démarches amorcées pour l’établissement d’une vision, d’objectifs, d’échéances et de jalons clairs et réalisables doivent être achevées aussitôt que possible. De plus, les échéances, les jalons et la vision doivent être communiqués à toutes les parties intéressées et à tous les partenaires de façon à favoriser une vision unifiée d’une Police fédérale durable, ce qui contribuera à la mise en œuvre de la stratégie de transformation de la Police fédérale.

Le modèle de rapport régional de la Police fédérale est un élément crucial d’une structure de gouvernance solide. Il propose d’établir des centres régionaux dans quatre des plus grandes régions métropolitaines du Canada ainsi qu’une structure hiérarchique distincte qui permettra au personnel de la Police fédérale de se concentrer sur le mandat de la Police fédérale.   

92 % des 119 enquêtes considérées comme prioritaires en 2021 ont été menées dans seulement six des plus grands centres métropolitains du Canada. 

Actuellement, le personnel de la Police fédérale est réparti un peu partout au Canada, même s’il est clairement prouvé que les menaces criminelles ayant la plus forte incidence sur la sécurité de la population canadienne (p. ex. sur la sécurité nationale) se situent dans les grandes métropoles du Canada. Les employés de la Police fédérale mettent souvent de côté le mandat de la Police fédérale (p. ex. l’ingérence étrangère) pour s’attaquer à des enjeux régionaux ou locaux (p. ex. les gangs locaux) puisqu’ils ont une expertise et de l’expérience spécialisées, qu’ils travaillent à proximité des détachements et qu’ils relèvent en partie des commandants régionaux.   

À l’occasion de la réunion du CCG du 15 décembre 2022, le Groupe de travail a souligné l’importance du modèle de rapport régional pour assurer la pérennité de la Police fédérale. Le modèle de rapport régional devait au départ être mis en place en avril 2023, mais en mars 2023, l’État-major supérieur (EMS) de la GRC a repoussé cette date pour la deuxième fois afin de permettre l’achèvement du travail d’une firme externe. S’appuyant sur ses observations antérieures, le Groupe de travail recommande à la GRC d’établir de toute urgence des échéances concrètes pour la mise en place du modèle de rapport régional. La GRC doit également communiquer ces échéances à tous les partenaires et toutes les parties intéressées en exprimant clairement son appui à l’égard du modèle de rapport régional. Cette recommandation repose sur des faits prouvant que l’adoption du modèle de rapport régional est déterminante pour la pérennité de la Police fédérale et la capacité d’accomplir le mandat de cette dernière.

Recommandation 3b : La GRC devrait s’assurer que l’information sur les jalons clés de la transformation est communiquée de façon uniforme dans toute l’organisation.

Une solide stratégie de communication est déterminante pour qu’un changement soit couronné de succès. Des communications claires en temps opportun peuvent favoriser le consensus, dissiper les craintes et améliorer la responsabilisation et la transparence. Le Groupe de travail a constaté que la Police fédérale accorde de l’importance à la communication, mais se heurte à de nombreux obstacles de nature administrative ou processuelle qui entravent l’exécution d’une solide stratégie de communication.

Bien que la Police fédérale ait connu des succès dans d’autres domaines, tels que sa capacité à faire des comptes rendus à l’ensemble de son personnel, les changements apportés à la Police fédérale ont des répercussions plus ou moins marquées sur tous les autres programmes et divisions de la GRC. Par conséquent, le Groupe de travail recommande que la GRC soutienne la Police fédérale dans la transmission régulière et uniforme d’information sur les jalons clés de sa transformation dans toute l’organisation, y compris dans les divers secteurs d’activité et les régions. Le Groupe de travail recommande également que des comptes rendus soient faits et que de l’information soit publiée sur le site Web externe de la GRC pour faire en sorte que les parties intéressées externes (p. ex. les élus, les partenaires de la communauté de l’application de la loi et les citoyens) soient informées des changements apportés, tout en tenant compte du fait que certaines informations de nature délicate ne peuvent pas être divulguées au public.

Résultat 4 : Certaines politiques pourraient entraver la dotation de la main-d’œuvre unique de la Police fédérale.

La GRC compte trois catégories d’employés : les employés de la fonction publique, les membres civils et les membres réguliers. Les membres réguliers, qui représentaient environ 62 % de l’effectif de la GRC en 2021‑2022, jouent un rôle déterminant dans les enquêtes criminelles puisqu’ils sont habilités à arrêter et à appréhender des individus et à porter des accusations en vertu des dispositions pénales fédérales, entre autres. La GRC a depuis longtemps de la difficulté à recruter du personnel et à le maintenir en poste, particulièrement en ce qui concerne les membres réguliers. Conscient des défis liés au processus de recrutement en général, et non seulement à celui de la Police fédérale (p. ex. le processus de filtrage et de gestion des talents), le CCG continuera de donner des conseils au commissaire en ce qui a trait à la priorité organisationnelle qu’est le recrutement. Pour les fins du présent rapport consultatif, le Groupe de travail s’est concentré sur les défis les plus importants en matière de recrutement pour la Police fédérale, et ce, pour formuler les recommandations nécessaires visant à orienter le changement.

Le Groupe de travail a mené des recherches approfondies et de nombreuses entrevues afin d’évaluer les défis en matière de RH auxquels la Police fédérale est confrontée. Bien qu’il y ait certains documents de la GRC (p. ex. l’Analyse des lacunes et des besoins en matière de compétences de la police fédérale) et des efforts continus (p. ex. le développement du Programme de perfectionnement des recrues de la Police fédérale) pour identifier le type de compétences spécialisées dont la Police fédérale a besoin, le Groupe de travail a évalué certaines politiques et certains processus gouvernementaux et organisationnels qui constituent des obstacles à la dotation de l’effectif unique de la Police fédérale. Cela inclut, entre autres, les restrictions dans la possibilité de réaffecter des membres réguliers d’un secteur d’activité à un autre, des politiques et procédures empêchant le recrutement de nouveaux membres réguliers au sein de la Police fédérale et la rémunération non concurrentielle offerte au personnel hautement qualifié.

Cela a eu des répercussions importantes sur la Police fédérale, qui a vu son effectif de membres réguliers chuter de 1 000 membres – soit 24 % de son effectif de membres réguliers – en dix ans, c’est-à-dire entre 2011‑2012 et 2019‑2020, tout en devant faire face à des pertes totales cumulatives de 485 employés de 2013‑2014 à 2021‑2022. En raison de la réduction globale de la capacité de la Police fédérale et de l’érosion de la capacité d’enquête des membres réguliers, la Police fédérale a réaffecté des ressources à d’autres priorités du gouvernement (p. ex. les pressions croissantes pour que la Police fédérale offre des services de police de protection) parfois aux dépens de ses activités fondamentales.

Recommandation 4a : La GRC doit devrait explorer, en collaboration avec le Secrétariat du Conseil du Trésor, la possibilité de prévoir des primes à verser à des personnes hautement spécialisées de façon à ce que la Police fédérale puisse offrir une rémunération concurrentielle à ses employés.

De nos jours, les criminels et les organisations criminalisées se servent régulièrement d’outils technologiques et de systèmes perfectionnés pour commettre des crimes. La Police fédérale doit être en mesure de recruter des personnes hautement spécialisées pour mener des enquêtes complexes et accomplir son mandat dans le contexte actuel. Cependant, de telles personnes sont relativement rares sur le marché du travail et elles sont très sollicitées par de nombreuses entreprises privées ainsi que d’autres organisations de la communauté canadienne de la sécurité et du renseignement.

La Police fédérale, à l’instar d’autres programmes de la GRC dont le personnel doit posséder des compétences spécialisées, est particulièrement accablée sous le poids des processus en place, comparativement au secteur privé et à la communauté de la sécurité et du renseignement qui peuvent offrir des salaires beaucoup plus intéressants et d’autres avantages aux recrues potentielles. D’autres organisations gouvernementales de la communauté de la sécurité et du renseignement (p. ex. le Service canadien du renseignement de sécurité [SCRS] et le Centre de la sécurité des télécommunications [CST]) ont un statut d'employeur distinct qui leur permet, en dépit des politiques de RH et des taux de rémunération prévus par le Secrétariat du Conseil du Trésor, d’offrir des taux de rémunération et des primes qui sont plus concurrentiels par rapport à ce qui est offert au privé. La GRC, pour sa part, demeure assujettie aux politiques de RH et aux taux de rémunération du Secrétariat du Conseil du Trésor, ce qui place la Police fédérale dans une position unique et difficile en ce qui concerne le recrutement et le maintien en poste d’employés hautement spécialisés. Cela compromet, par conséquent, sa capacité à remplir pleinement son mandat. Cette difficulté a également été mentionnée dans le rapport final de 2010 du Conseil de mise en œuvre de la réforme à la GRC, qui recommandait que le gouvernement fasse de la GRC une organisation séparée du gouvernement dotée d’un statut d’employeur distinct afin de lui permettre de répondre aux exigences d’un service de police opérationnel.

Compte tenu des défis de longue date à cet égard, le Groupe de travail recommande que la GRC se penche avec le Secrétariat du Conseil du Trésor sur la possibilité de concevoir un cadre pour le versement de primes qui permettrait d’offrir une rémunération qui rivalise avec ce qui est offert ailleurs aux personnes ayant des compétences spécialisées. Cette démarche devrait comporter des consultations auprès des syndicats qui représentent les employés, étant donné que les processus d’approbation des primes passent par les négociations collectives. La GRC et la Police fédérale sont particulièrement pénalisées par les politiques de RH du Secrétariat du Conseil du Trésor, même si on les compare avec leurs homologues de la communauté de la sécurité et du renseignement (p. ex. le SCRC et le CST). Le Groupe de travail reconnaît que la mise en œuvre de cette recommandation est complexe, mais il est clair que la Police fédérale doit pouvoir offrir des primes pour être concurrentielle sur le marché du travail et arriver à recruter des employés qualifiés à l’appui d’enquêtes fédérales et internationales complexes et pour remplit le mandat de la Police fédérale.

Recommandation 4b : La GRC devrait analyser les processus et politiques qui pourraient entraver la dotation des postes à la Police fédérale, et prendre des mesures d’atténuation au besoin.

Le Groupe de travail a constaté qu’il existe un certain nombre de politiques et de procédures, tant organisationnelles que mandatées par le Conseil du Trésor, qui contribuent aux défis auxquels sont confrontées la Police fédérale en matière de main-d’œuvre. Le Conseil de mise en œuvre de la réforme à la GRC a déterminé que dans plusieurs cas, les règles imposées à la GRC par le Conseil du Trésor ne sont pas adaptées aux besoins d’un service de police opérationnel. S’appuyant sur d’autres données probantes, le Groupe de travail souligne la nécessité d’identifier quelles sont les politiques du Conseil du Trésor qui pourraient limiter la dotation à la Police fédérale, et de formuler des mesures d’atténuation au besoin (voir la Recommandation 4a, qui porte sur la nécessité d’ajouter des primes aux taux de rémunération prévus par le Conseil du Trésor).

Pour ce qui est des politiques organisationnelles, la Police fédérale compte sur la libération discrétionnaire des membres réguliers d’autres secteurs d’activité, particulièrement la police contractuelle, pour combler ses besoins en matière de capacité. Cependant, plusieurs conditions doivent être réunies pour qu’un membre régulier puisse être libéré de ses fonctions, incluant a) avoir passé au moins de trois à cinq ans aux services de police contractuels ; b) être remplacé par un autre membre régulier disponible; et c) ne pas être dans l’obligation de répondre à des besoins opérationnels urgents selon les directions établies par la gestion régionale. Comme la GRC est confrontée à des défis en matière de recrutement, les régions ont une capacité limitée de trouver des remplaçants et ainsi de libérer des membres réguliers de leurs fonctions pour qu’ils soient affectés à la Police fédérale. En pratique, le Groupe de travail a constaté que les politiques de la GRC sur la libération des membres réguliers de leurs fonctions accordent la préséance à la police contractuelle en raison des obligations contractuelles de l’organisation, mais au détriment de la Police fédérale. Pour sa part, le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement a conclu qu’à la GRC, la formation et le recrutement sont axés sur les obligations de police contractuelle prévues dans les ententes sur les services de police.

À cause des politiques organisationnelles, la GRC recrute actuellement trop peu de membres réguliers pour compenser les départs, dont le chiffre s’élève à environ 150 membres réguliers par année au cours des trois à cinq dernières années. Cela nuit d’autant plus à la croissance nécessaire de la Police fédérale, puisqu’en l’absence de nouvelles ressources, les secteurs de programme de la Police fédérale doivent tirer des ressources d’autres secteurs de programme de la Police fédérale. En conséquence, les lacunes ne sont pas comblées et les équipes opérationnelles en particulier fonctionnent en deçà de la masse critique de ressources nécessaires. La situation est insoutenable, et si le statu quo est maintenu, les problèmes comme la crise de ressources, les traumatismes liés au stress, l’épuisement professionnel des employés et la capacité limitée d’accomplir le mandat de la Police fédérale vont probablement s’aggraver. La GRC doit s’assurer que ses politiques organisationnelles se répercutent équitablement sur ses différents programmes, à défaut de quoi elle doit atténuer les effets de ses politiques en conséquence.

Le Groupe de travail recommande donc une analyse systématique et exhaustive des politiques de la GRC et du Secrétariat du Conseil du Trésor qui pourraient contribuer aux défis auxquels la Police fédérale est confrontée sur le plan des ressources. Il s’avère qu’en raison de ses besoins uniques, la Police fédérale peut être pénalisée indirectement et non intentionnellement par des politiques et processus qui ne tiennent ni compte du contexte opérationnel unique dans lequel elle évolue, ni des exigences qu’elle doit remplir. Par conséquent, le Groupe de travail recommande également que la GRC se serve de cette analyse pour modifier ses politiques organisationnelles et réviser ses objectifs de transformation et de modernisation de façon à combler les lacunes en se fondant sur des données probantes. 

Résultat 5 : La Police fédérale des ressources à consacrer à des fonctions de soutien pour assurer l’efficacité de ses processus de dotation et de la transformation de la main-d’œuvre.

Le terme « fonctions de soutien » désigne collectivement le personnel lié aux RH, à la gestion financière, à la dotation, au filtrage de sécurité ou d’autres fonctions similaires, qui rendent possible l’embauche, l’intégration et la formation des employés. À la GRC, le personnel qui assume des fonctions de soutien est à la disposition de tous les programmes de l’organisation. La pénurie actuelle de personnel de soutien à la GRC a eu des répercussions importantes sur les démarches de recrutement et de dotation à la Police fédérale et a ralenti les processus de dotation déjà longs, notamment à cause des retards dans les processus d’embauche, de filtrage de sécurité et d’intégration.

Ce défi est particulièrement important pour la police fédérale, car elle fait face à la concurrence du secteur privé et d’autres organismes de sécurité et de renseignement pour attirer les personnes rares et hautement qualifiées nécessaires à l’avancement d’enquêtes modernes complexes. Pendant le long processus d’embauche et d’intégration, il arrive souvent que des postulants acceptent d’autres offres d’emploi, ce qui empêche la Police fédérale d’avoir suffisamment d’employés pour répondre aux demandes variées qui connaissent une croissance exponentielle et d’accomplir son mandat. Les démarches de recrutement représentent pour les ressources déjà limitées un fardeau additionnel, étant donné que les efforts et le temps considérables qui sont consacrés au recrutement, à l’évaluation et au triage de sécurité des candidats ne portent pas leurs fruits.

En outre, le programme des RH de la GRC a présentement une capacité limitée de soutien stratégique à l’appui de diverses initiatives de transformation de main-d’œuvre, notamment celle de la Police fédérale. Cela peut faire en sorte que les initiatives de modernisation de la main-d’œuvre s’éternisent, tout en limitant l’orientation stratégique à l’appui de l’élaboration d’initiatives fondées sur des données probantes.

Par conséquent, le Groupe de travail souligne l’importance de chercher des pratiques de RH qui appuieront directement les besoins uniques et importants de la Police fédérale en matière de ressources, même dans un contexte où la GRC dans son ensemble a de la difficulté à recruter suffisamment. Étant donné qu’un programme de RH propre à la police fédérale peut créer un dédoublement involontaire des efforts et d’autres inefficacités, le groupe de travail encourage le modèle actuel de RH à élaborer de manière réfléchie, significative et responsable des avenues et des pratiques pour répondre aux besoins de la Police fédérale en matière de RH.

Recommandation 5 : La GRC devrait communiquer aux organismes centraux la nécessité d’investir dans les fonctions de soutien, et demander des fonds pour les fonctions de soutien et les Ressources humaines en vue de favoriser la dotation et les efforts de modernisation.

La recherche et les entrevues réalisées par le Groupe de travail ont révélé clairement que l’infrastructure interne de base doit être en place à la Police fédérale et à la GRC, pour que celles-ci puissent se doter d’une main-d’œuvre compétente et souple. Toutefois, il est évident que la Police fédérale a de la difficulté à obtenir des fonds pour ces fonctions de soutien essentielles, particulièrement dans le contexte d’austérité budgétaire actuel du gouvernement. Le Groupe de travail a remarqué qu’à l’occasion, la Police fédérale a reçu des fonds pour recruter des membres réguliers et d’autres employés à l’appui des priorités du gouvernement, sans financement réciproque ou supplémentaire destiné aux fonctions de soutien. Par conséquent, la Police fédérale se trouve dans une situation où elle a des fonds pour se doter d’employés supplémentaires, sans toutefois disposer des fonctions de soutien nécessaires pour recruter, embaucher, intégrer et former ces employés.

Étant donné que la GRC risque de continuer à être confrontée à des difficultés pour obtenir les fonds dont elle a besoin, le Groupe de travail estime qu’elle devrait communiquer avec les organismes centraux du gouvernement du besoin critique de financement réciproque des fonctions de soutien pour tous les investissements. La GRC devrait également s’assurer de mettre ce discours en contexte en expliquant sa réalité et ses défis en matière de recrutement et de RH en tant qu’organisation policière, plus précisément en ce qui concerne la Police fédérale.

Tel qu’il a été mentionné précédemment, les conditions particulières de la GRC et de la Police fédérale sont, entre autres, les défis en matière de recrutement et de main-d’œuvre, la rémunération qui n’est pas concurrentielle par rapport au secteur privé et à d’autres organisations gouvernementales de la sécurité et du renseignement, le processus d’intégration unique (p. ex. les vérifications de sécurité supplémentaires) en raison du mandat de la GRC, et la capacité limitée d’offre formation et de cheminements de carrière. Compte tenu de ces défis, le Groupe de travail recommande d’autant plus de demander des fonds destinés précisément aux fonctions de soutien à la dotation de postes à la Police fédérale et des ressources humaines qui seront consacrées aux initiatives de transformation de la main-d’œuvre. Cela permettra à la GRC de renforcer ses fonctions de soutien essentielles, comme les RH et la gestion des finances entre autres, ce qui aidera directement l’organisation à accomplir son mandat et à s’attaquer à diverses priorités gouvernementales en matière de sécurité grâce à une main-d’œuvre solide. De plus, le fait de consacrer des ressources humaines à la transformation de la main-d’œuvre permettra d’orienter les nombreuses initiatives de transformation en se fondant sur des données probantes.

Principe fondamental 3 : L’exécution du mandat de la Police fédérale requiert une main-d’œuvre spécialisée 

Résultat 6 : La Police fédérale bénéficierait de structures de formation alternatives pour répondre précisément aux besoins et au rôle uniques du programme.

Les membres réguliers sont une catégorie d’employés essentielle à la GRC qui représente sa capacité opérationnelle et d’enquête de première ligne. La stratégie de recrutement et de formation de la GRC consiste à former des membres réguliers généralistes qui sont essentiels pour accomplir les fonctions policières au quotidien dans les communautés uniques partout au Canada. Toutefois, puisque la Police fédérale a pour mandat d’enquêter sur les plus importantes menaces criminelles au Canada et de les réprimer, cet angle généraliste est peu avantageux pour répondre à ses besoins. Dans le contexte criminel actuel, la Police fédérale réprime des menaces complexes, notamment en matière de cybercriminalité et de criminalité financière, grâce à du personnel ayant une formation et des compétences hautement spécialisées. Toutefois, les processus généralistes de recrutement et de formation ne sont pas conçus dans le but de fournir à la Police fédérale des employés hautement spécialisés et dûment formés.

« J'ai hâte de travailler avec vous pour accélérer la réforme de la GRC au cours des deux prochaines années des façons suivantes: améliorer le recrutement à tous les niveaux pour être une meilleure réflexion des communautés qu'elle sert, surtout auprès des communautés autochtones et noires; recruter un plus grand nombre de membres avec les compétences nécessaires pour lutter contre les crimes sophistiqués. »

Lettre de mandat de la commissaire de la GRC du ministre Mendicino 

De même, le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement a observé que les stratégies de recrutement et de formation de la Police fédérale ne permettent pas de remplir le mandat de cette dernière. La Police fédérale peine à se doter d’une main‑d’œuvre qui possède les compétences, les études et l’expérience requises pour mener des enquêtes toujours plus complexes et spécialisées dans le contexte de la criminalité actuel.

Recommandation 6a : La GRC devrait demander des fonds pour les ressources humaines et les structures requises pour mettre en place une formation spécifique à la Police fédérale.

Conformément aux politiques et modalités actuelles de la GRC, les postulants qui sont recrutés reçoivent d’abord une formation de 26 semaines (le Programme de formation des cadets) à la Division Dépôt, puis acquièrent de l’expérience en tant que policiers à la GRC en étant encadrés pendant six mois par un mentor dans le cadre du Programme de formation pratique. Pendant cette période, les nouveaux policiers de la GRC accomplissent des tâches policières courantes sous la supervision d’un moniteur de formation pratique dans divers détachements un peu partout au Canada et offrent des services à l’échelle locale pendant un minimum de trois à cinq ans. Cette stratégie de recrutement, de formation et d’encadrement permet à la GRC de se doter de membres réguliers généralistes dont elle a réellement besoin et qui peuvent être affectés n’importe où au Canada pour assumer des fonctions policières courantes avec une grande efficacité.

Cependant, cette façon de faire ne prépare pas les membres réguliers à répondre aux besoins uniques de la Police fédérale, particulièrement en ce qui concerne les enquêtes spécialisées. De plus, les structures de formation organisationnelles en place ne permettent pas de tirer parti des compétences ou de l’expérience des cadets (p. ex. dans le domaine de la juricomptabilité) qui pourraient faire progresser des enquêtes complexes à la Police fédérale. Pour cette raison, la Police fédérale doit former et encadrer des membres réguliers de façon à répondre aux besoins uniques des enquêtes fédérales complexes en dehors du système de formation de la GRC.  

« Constatation 2.2 : Le programme du [Programme de formation des cadets] doit faire l’objet d’un examen complet garantissant qu’il tient compte de ce que sont les cadets aujourd’hui et qu’il les prépare à ce que doivent être des services policiers de l’ère moderne au Canada. »
- Groupe de travail sur la formation et l’éducation du CCG, 2022

Le Groupe de travail est conscient du travail considérable qui est accompli par la Police fédérale afin de pallier les lacunes en matière de formation. La Police fédérale a créé un programme d’orientation et a récemment amorcé l’élaboration de plusieurs séries de cours qui permettront aux membres réguliers et aux membres des autres catégories d’employés d’aiguiser leur esprit critique en vue d’accomplir différentes tâches à l’appui du mandat de la Police fédérale, notamment la police de protection, la police des frontières, les opérations secrètes et le renseignement, et plus encore. 

Le Groupe de travail recommande à la GRC de demander des fonds pour des fonctions et structures durables nécessaires pour la conception, l’élaboration, la mise en œuvre et l’offre de formation propre à la Police fédérale qui remplacera la formation générale actuelle ou qui viendra s’y ajouter. La demande de financement, qui reposera sur une évaluation des besoins éclairée par des données probantes, pourrait viser des investissements afin de se doter d’installations de formation et de ressources humaines aux compétences et connaissances spécialisées diverses (p. ex. des fonctions administratives et des spécialistes du domaine de la formation). Cela dit, le Groupe de travail conseille à la Police fédérale d’examiner toutes les options afin d’empêcher autant que possible la relocalisation prolongée des recrues pour des raisons de formation, puisque cela pourrait poser problème en ce qui a trait au recrutement de candidats chevronnés ou diversifiés. 

Recommandation 6b : La GRC devrait prioriser le recrutement et l’affectation directe de candidats à la Police fédérale à travers le Programme de perfectionnement des recrues de la Police fédérale, ainsi que d’autres initiatives.

La Police fédérale a travaillé d’arrache-pied à la modernisation de ses pratiques de RH et à l’élaboration ou l’amélioration de nombreux programmes. Plus précisément, le Groupe de travail tient à souligner les efforts acharnés de la Police fédérale pour combler d’importantes lacunes dans le domaine des RH, comme les politiques sur la libération des membres de leurs fonctions, en permettant l’entrée directe de nouvelles recrues à la Police fédérale dans le cadre du nouveau Programme de perfectionnement des recrues de la Police fédérale (PPRPF), un programme d’au moins deux ans qui consiste à transmettre des compétences policières et une formation de base, ainsi que de la formation à la Police fédérale. Après avoir été sélectionnés, les participants à ce programme reçoivent une orientation et une formation pendant une période de 15 semaines. Suite à leur graduation, ils reçoivent un encadrement axé sur les compétences et une formation en matière d’enquête ou d’autres cours spécialisés pendant un an ou deux, ce qui leur permet d’acquérir des compétences très spécialisées dans les domaines les plus complexes. Ce programme extrêmement novateur permet de contourner l’obligation actuelle d’attendre de trois à cinq ans avant de recruter des membres réguliers, qui doivent ensuite suivre une formation supplémentaire propre à la Police fédérale au fil du temps. Le Groupe de travail insiste sur le fait que le PPRPF est nécessaire parce qu’il comble des lacunes majeures en matière de recrutement et de formation qui ne peuvent présentement être comblées autrement et parce qu’il atténue les principaux problèmes qui nuisent à la pérennité de la Police fédérale.

Le Groupe de travail reconnaît également le Programme de recrutement de policiers d’expérience et le Programme des enquêteurs criminels civils qui visent à recruter respectivement des policiers canadiens chevronnés et des personnes hautement spécialisées (p. ex. des juricomptables) à la Police fédérale afin de faire avancer des enquêtes fédérales complexes.

Le marché du travail moderne a changé car, actuellement, de nombreux Canadiens accordent plus d’importance à une carrière enrichissante qu’à une carrière bien rémunérée. Les nombreuses initiatives de recrutement permettent à la Police fédérale de profiter de cette conjoncture unique pour recruter des membres qui veulent avoir un emploi utile et important, ou encore des personnes qui n’auraient habituellement pas envisagé de faire carrière dans la police, ou qui n’auraient pas su que leurs compétences pouvaient être mises à profit dans le milieu policier. Le Groupe de travail recommande que le travail à l’appui de ces initiatives novatrices de recrutement se poursuive et se voie accorder un degré de priorité élevé, dans le but d’amener des recrues chevronnées et hautement spécialisées directement à la Police fédérale, afin que des employés compétents et diversifiés enquêtent sur des crimes complexes à l’appui du mandat de la Police fédérale. Le Groupe de travail souligne les efforts déployés pour favoriser le recrutement à différents échelons, notamment pour des postes de dirigeants ou d’enquêteurs, et attend avec intérêt l’achèvement des travaux en cours.

Conclusion

Le Groupe de travail conclut que la Police fédérale doit disposer de ressources adéquates, car elle joue un rôle indispensable dans la sécurité au Canada et ailleurs dans le monde. Elle a la responsabilité d’assurer la stabilité des systèmes économique, politique et social et de les protéger contre les menaces criminelles intérieures et étrangères, notamment les menaces à la sécurité nationale, la cybercriminalité, le crime organisé et transnational et la criminalité financière et économique. Compte tenu de ce mandat crucial, la pérennité de la Police fédérale a une incidence sur l’ensemble du milieu policier et du milieu criminel du Canada.

De plus, en tant que partenaire essentiel pour plusieurs pays aux vues similaires, la Police fédérale se doit absolument d’être durable et efficace à l’appui de la politique et de la sécurité internationales. Plusieurs preuves solides indiquent que la Police fédérale est confrontée depuis longtemps à des défis complexes et imbriqués qui touchent, entre autres, son identité, sa gouvernance, ses ressources, ses politiques, ses structures, son recrutement et sa formation. La pérennité de la Police fédérale a atteint un stade critique, ce qui représente des risques pour la sécurité nationale du Canada, ainsi que pour la sécurité de sa population et ses intérêts.

Les événements qui marquent l’actualité, ainsi que le public, demandent que la police soit plus transparente, responsable de ses actes et ouverte au changement. Au fil des ans, de nombreuses évaluations, des rapports et enquêtes dont les plus récents incluent l’évaluation de la Police fédérale réalisée par le CPSNR et l’enquête publique de la CPM ont aussi recommandé la modernisation de la GRC.

Les résultats de recherche et recommandations du Groupe de travail du CCG sur la Police fédérale viennent fort à propos dans le contexte actuel d’évolution et de changement. Puisqu’elle est la seule à avoir été désignée pour enquêter sur les plus importantes menaces criminelles qui touchent plus d’un territoire de compétence et la seule à avoir la capacité de le faire, la Police fédérale est un élément clé dans les discussions sur l’avenir de la police et les appels à la modernisation et au changement. Toutefois, la GRC ne peut pas apporter seule les changements nécessaires. Après tout, les attributions de la Police fédérale sont au cœur du mandat de la GRC, de Sécurité publique Canada et du gouvernement du Canada. En conséquence, la modernisation de la Police fédérale n’incombe pas uniquement à la GRC, elle repose aussi sur la responsabilité du ministre d’établir l’orientation du rôle, de l’identité et du mandat de la Police fédérale.

Le Groupe de travail a constaté qu’en dépit des défis complexes auxquels elle est confrontée depuis plusieurs années, la Police fédérale n’a cessé de prouver qu’elle est extrêmement impressionnante et efficace. Malgré la diminution des ressources de la Police fédérale et la croissance constante des attentes qui sont nourries à son endroit, ses membres se surpassent pour assurer la sécurité de la population canadienne et réussissent, grâce à leurs enquêtes, à perturber des menaces criminelles majeures, non seulement au Canada, mais aussi sur la scène internationale. Si elle est dotée de la structure et des ressources voulues, la Police fédérale ne pourra que mieux réussir à remplir ses fonctions de base et à soutenir les priorités du gouvernement. Ainsi, le Groupe de travail attend avec intérêt la réponse et le plan d'action de la direction de la GRC au sujet de la mise en œuvre des recommandations sur la modernisation de la Police fédérale à la GRC.

Annexe A :  Réponse et plan d’action de la direction (modèle)

Réponse de la direction

[Insérer la réponse de la direction de la GRC]

Par exemple : Les cadres supérieurs de la Police fédérale ont pris connaissance du rapport et acceptent /acceptent en partie/rejettent les résultats de recherche et recommandations du Groupe de travail sur la formation et l’éducation du Conseil consultatif de gestion. Les recommandations feront avancer la modernisation du programme et aideront la GRC à atteindre son objectif stratégique, qui consiste à assurer la sécurité du Canada, grâce à des membres réguliers dûment formés pour assumer leurs fonctions opérationnelles.

Plan d'action

Action Plan
No Recommandation Réponse (acceptée, acceptée en partie ou rejetée)
Responsable/ Secteur de responsabilité Mesure prévue Date d'agenda
1a  La GRC devrait communiquer clairement au ministre de la Sécurité publique, des Institutions démocratiques et des Affaires intergouvernementales ainsi qu’à d’autres parties intéressées risques associés à une insuffisance de ressources dédiées à la Police fédérale.        
1b La GRC devrait développer un mécanisme de communication semestriel avec le ministre, afin de plaider régulièrement en faveur de la pérennité de la Police fédérale et de faire le point sur la situation à cet égard.        
2 La GRC devrait reconnaître la transformation de la Police fédérale comme une priorité organisationnelle à inclure dans ses stratégies et plans organisationnels à venir.        
3a La GRC devrait prioriser l’établissement des échéances et des jalons réalisables pour la transformation de la Police fédérale, incluant l’adoption du modèle de rapport régional.        
3b La GRC devrait s’assurer que l’information sur les jalons clés de la transformation est communiquée de façon uniforme dans toute l’organisation.        
4a La GRC doit devrait explorer, en collaboration avec le Secrétariat du Conseil du Trésor, la possibilité de prévoir des primes à verser à des personnes hautement spécialisées de façon à ce que la Police fédérale puisse offrir une rémunération concurrentielle à ses employés.        
4b La GRC devrait analyser les processus et politiques qui pourraient entraver la dotation des postes à la Police fédérale, et prendre des mesures d’atténuation au besoin.        
5 La GRC devrait communiquer aux organismes centraux la nécessité d’investir dans les fonctions de soutien, et demander des fonds pour les fonctions de soutien et les Ressources humaines en vue de favoriser la dotation et les efforts de modernisation.        
6a La GRC devrait demander des fonds pour les ressources humaines et les structures requises pour mettre en place une formation spécifique à la Police fédérale.        
6b La GRC devrait prioriser le recrutement et l’affectation directe de candidats à la Police fédérale à travers le Programme de perfectionnement des recrues de la Police fédérale, ainsi que d’autres initiatives.        

Annexe B : Liste d’acronymes

ACCF - Agence canadienne des crimes financiers

CCG - Conseil consultatif de gestion 

CPM - Commission des pertes massives

CPSNR - Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement

CST - Centre de la sécurité des télécommunications

DEA - Drug Enforcement Administration

DG - Direction générale 

EUROPOL - Office européen de police

FBI - Federal Bureau of Investigation

FVEY - Five Eyes (intelligence alliance)

GRC - Gendarmerie royale du Canada

INTERPOL - Organisation internationale de police criminelle

RH - Ressources humaines

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