Allocution de Michael Wernick, greffier du Conseil privé, à la Séance de réflexion annuelle des chefs des communications

Discours

Photo de groupe des chefs des communications
Séance de réflexion annuelle des chefs des communications - 10 octobre 2018

Le 10 octobre 2018
Michael Wernick, greffier du Conseil privé

Priorité au discours prononcé

Bonjour à tous. Tout d’abord, je tiens à remercier Ken [MacKillop, secrétaire adjoint du Cabinet, Communications et Consultations] de son leadership au sein de cette communauté et du travail qu’il a accompli pour organiser cette journée. Je souhaite aussi remercier Chantal [Maheu], qui a été une grande championne.

Nous avons de nombreuses conversations sur la communauté des communications, sa fonction et son rôle. Nous en avons parlé au Conseil de gestion, qui examine la fonction publique au sens large et qui est en quelque sorte une communauté de communautés.

Je veux passer à la partie questions-réponses le plus rapidement possible pour connaître vos réflexions, mais permettez-moi d’abord de vous transmettre quelques messages, pour vous donner une idée de ce qui se passe au centre. Dans mes nombreuses interactions avec les fonctionnaires, on me pose toujours des questions sur ce qui se passe dans la « salle des commandes ». Alors si cela peut ajouter à votre excellent programme, je suis heureux de vous donner ma perspective en abordant quelques sujets.

J’étais responsable de la fonction des communications du Bureau du Conseil privé sous le gouvernement de Paul Martin, il y a plus de dix ans. Dans le cercle de ceux qui ont vécu cette époque, on en parle souvent avec un sourire en coin, car c’était toute une montagne russe. Je ne pense pas que les choses ont beaucoup changé depuis. Les médias sociaux sont arrivés, et la façon dont les gens communiquent entre eux a changé.

Toutes sortes de choses se sont passées. Le paysage médiatique a changé, par exemple. Je suis sûr qu’Ed [Greenspon, président-directeur général du Forum des politiques publiques] vous parlera de la manière dont les gouvernements interagissent avec les citoyens et leurs publics. Nous observons une perturbation radicale des médias traditionnels, et cette transformation a toutes sortes de conséquences.

Vous vivez aujourd’hui dans un monde aussi intéressant qu’exigeant. Vous vous trouvez toujours à une intersection ou à une autre, ce qui pose une difficulté car il y a toujours un risque de se faire écraser dans les deux sens.

Vous êtes souvent participez souvent aux efforts déployés pour élaborer et façonner des politiques, ou vous contribuez à certains aspects de la prestation de services. La population canadienne et les gouvernements interagissent généralement par l’intermédiaire de guichets de services. Environ 85 % de ces interactions se font maintenant en ligne, 10 % par l’entremise de centres d’appels, et seulement 5 % en personne.

Vous jouez un rôle important dans les efforts de mobilisation des Canadiens, un thème sur lequel nous pourrons peut-être revenir plus tard au cours de notre discussion. Auparavant, nous assimilions les communications à la manière dont les gouvernements communiquent avec la population ou font passer leur message, et nous en parlions en ces termes. Cependant, les communications sont progressivement devenues une discussion à deux sens, un dialogue très interactif et itératif avec les citoyens, que ce soit pour un vaste public ou une micro-initiative ciblée.

Il y a de bonnes raisons qui expliquent cette évolution. Vous êtes souvent des acteurs dans le côté austère du gouvernement – conformité, application, accusations contre des personnes – et dans le rôle de l’État dans l’économie et la société. Les communications peuvent être difficiles pour ces aspects. Vous êtes près des processus de négociation et de toutes sortes de relations.

Vous vous trouvez également – et nous y reviendrons, parce que cela deviendra très clair au cours des douze prochains mois – à la frontière entre la fonction publique non partisane et les élus partisans, c’est-à-dire les personnes qui frappent aux portes et obtiennent le mandat de siéger au Cabinet et au pouvoir législatif pour prendre des décisions au nom de 36 millions de Canadiens. Vous êtes la fonction publique non partisane, la fonction publique axée sur les valeurs, qui est présente indépendamment du gouvernement au pouvoir et qui sert la population canadienne et les personnes qu’elle a choisi de porter au pouvoir.

Il ne faut pas prendre ce rôle à la légère. Cela a été érodé et corrodé dans de nombreux pays du monde. Nous vivons dans un pays où il y a toujours une presse libre. Nous avons des tribunaux indépendants. Nous avons un corps législatif dynamique. Nous avons des agents du Parlement qui demandent des comptes au pouvoir exécutif, et je ne vais pas me plaindre qu’il y en a trop, parce que, lorsqu’on voit ce qui se passe dans d’autres pays, lorsqu’on constate l’érosion des gouvernements démocratiques, les mots de la grande sage canadienne [Joni Mitchell] me reviennent : « You don’t know what you’ve got until it’s gone » (On est conscient de ce qu’on a seulement quand on le perd).

Je pense que nous devons continuer de défendre, génération après génération, la confiance dans un gouvernement démocratique et sa légitimité. Notre génération est en train de mener cette lutte – les politiciens comme les fonctionnaires. Notre façon de mobiliser les citoyens et de communiquer avec eux ne se limite pas aux enjeux quotidiens, ce dont nous aurions peut-être parlé il y a cinq ans.

Voilà ce qui est au cœur de la légitimité du gouvernement et du processus décisionnel démocratique. Il est important que les gouvernements écoutent, qu’ils fassent preuve d’empathie et s’assurent de comprendre les citoyens. Il ne suffit pas de simplement afficher un texte sur un site Web. Il faut aussi repenser les processus de mobilisation. Je ne fais plus beaucoup de consultations maintenant. La consultation implique qu’on présente parfois une pensée ou une idée à demi développée qu’on essaie de façonner et d’améliorer en mobilisant le public. Ce processus est difficile, et il peut être approprié par des parties prenantes ou influencé par des mouvements hyperpartisans. 

Cependant, même si les groupes de pression peuvent tenter de dominer la conversation et de la rediriger pour servir leurs intérêts, nous nous efforçons toujours de travailler avec les intérêts publics et nationaux dans un environnement très concurrentiel. Il est important que les gouvernements parlent de la même façon que la population. Nous devons utiliser un langage qui fait plus que communiquer des statistiques et des acronymes. Nous devons utiliser avec les citoyens le même langage qu’ils emploieraient pour parler des questions que nous voulons aborder avec eux.

Ce n’est pas toujours facile pour nous de le faire. Nous avons nos habitudes, soit de se prouver en parlant de finances et d’activités. Nous sommes doués pour parler de ce que nous faisons, mais pas pour expliquer pourquoi nous le faisons, quels sont nos objectifs et quels seront les effets sur la population. Et nous devons dire tout cela sans avoir l’air autoritaires ou paternalistes.

C’est difficile à naviguer. Il nous faut des mentalités et des ensembles de compétences différents. C’est probablement le plus grand défi culturel que nous avons à relever. Je vous recommande de lire le livre de David Johnston sur la confiance dans les institutions publiques, qui est paru la semaine dernière. C’est un excellent livre, et je sais que vous en discuterez aujourd’hui.

Quand les citoyens commencent à croire qu’on ne les écoute pas ou que personne ne se soucie vraiment de leurs besoins, on se retrouve avec un Brexit. On se retrouve avec Trump. On se retrouve avec des pays déchirés entre « nous » et « eux », où chacun cherche quelqu’un à blâmer. C’est un terrain dangereux.

Les enjeux sont importants, et nous devons aider à préserver un environnement que, fort heureusement, nous avons encore au Canada, un environnement où les citoyens considèrent les processus du gouvernement comme justes et légitimes. Si cela disparaît, tout ce que vous voyez au sud de la frontière peut se produire ici. Nous ne sommes absolument pas à l’abri d’une telle situation. Nous avons même déjà traversé de mauvaises périodes dans les politiques et les gouvernements canadiens.

Comme je l’ai déjà dit, il faut bien faire les choses, car les enjeux sont importants. La confiance sera également mise à rude épreuve au cours de la prochaine année d’élection, où nous aurons beaucoup d’occasions de parler à la population de politiques, de lois, de programmes et de services. Les principes de base de la résultologie sont au cœur de ces enjeux. Que cherchons-nous à accomplir? Comment le mesurons-nous et que ferons-nous avec la rétroaction recueillie? Ces principes demeureront pertinents gouvernement après gouvernement, peu importe quelles couleurs il porte.

Il y a beaucoup de place pour faire cela et présenter les résultats ou les objectifs d’une initiative ou d’une mesure donnée, ou pour expliquer ce que nous faisons avec un plan de protection des océans ou un plan de lutte contre la pollution. Dans la prochaine année, le discours sera de plus en plus partisan et politique à l’approche du moment où « les gants seront jetés », c’est-à-dire vers la fin du mois de juin de l’année prochaine. Voilà quand les candidats se livreront bataille pour obtenir un avantage politique, et nous devrons faire preuve d’une grande vigilance pour garder un ton objectif et non partisan et laisser les politiciens faire leurs discours politiques.

Pour éviter de franchir cette ligne, il peut être nécessaire de porter une attention constante à nos tournures de phrases ou à la manière dont les choses sont présentées. Le gouvernement actuel a été impeccable à cet égard. Je n’ai aucun reproche. Cependant, sous la pression d’une année électorale, avec des ministres nerveux qui tentent de se faire réélire par de courtes marges et qui doivent lutter dans un environnement de plus en plus combatif, prenez soin de bien lire les directives sur les principes d’un gouvernement ouvert et responsable. Vous pouvez les consulter en ligne.

Prenez soin de tenir un dialogue honnête avec le cabinet de votre ministre sur ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas, sur l’utilisation des ressources des contribuables à des fins partisanes, etc. Ce n’est jamais complètement noir ou blanc, mais il y a des critères de bon sens à respecter. Votre communauté devra prendre un peu de temps pour se pencher sur cette question d’ici l’été prochain.

Vous dirigez un groupe très important de fonctionnaires. La charge de travail est lourde, et elle ne s’allégera pas avec le temps. Nous aurons beaucoup à faire dans la prochaine année. Le gouvernement actuel est déjà très occupé et on sent réellement la pression : « il ne reste que dix mois ». Il ne reste qu’environ 110 jours de travail parlementaire. Il ne reste qu’une vingtaine de réunions du Cabinet.

La pression sera forte pour achever nos initiatives et les annoncer. Bref, ce sera un contexte où la pression sera très forte et il faudra travailler sans relâche jusqu’à l’été prochain. Puis, tout d’un coup, cette pression baissera rapidement et il nous semblera étrange de pouvoir rattraper notre souffle. Plusieurs d’entre nous avons déjà vécu cette expérience. Les politiciens disparaissent tous pour quatre mois, puis nous devons être prêts pour leur retour.

Il y a des enjeux précis dont il faut tenir compte durant la période de transition, qui débutera officiellement le 1er septembre, et sur la façon dont nous devons nous conduire pendant une campagne électorale. Le monde ne s’arrête pas. Si vous étiez là en 2015, vous vous souviendrez que nous étions en train de négocier l’Accord de partenariat transpacifique en pleine campagne électorale. Il nous fallait faire très attention, et qui sait à quoi le monde ressemblera en septembre et octobre prochain.

Toutes les questions de résilience, de bien-être au travail et de santé mentale, et la question de la main-d’œuvre insuffisante et épuisée, mais capable de se renouveler, de se ressourcer et d’acquérir des compétences et de les développer, tout cela est important. Il s’agit d’un élément clé de la fonction publique, sur lequel les responsables des politiques, des lois, des règlements et des services comptent beaucoup.

Ce sera une période difficile et je ne pense pas que les choses deviendront plus aisées à moyen terme, car le monde bouge plus vite qu’avant, mais les attentes en termes de cadence, de délais et de qualité restent indéniablement élevées. En fait, je ne crois pas que ce rythme ralentira.

Je parle régulièrement à tous les ministres pour discuter avec eux des évaluations du rendement de leurs sous-ministres, etc. Je dirais que les commentaires que j’ai reçus sur le rôle et la fonction des communications se sont constamment améliorés au cours des trois dernières années. Soit nous nous sommes adaptés, soit ils se sont adaptés à leur place au sein du gouvernement, ou peut-être un peu des deux. Le dialogue bidirectionnel sur ce que nous essayons d’accomplir a été très utile. Les ministres ne sont pas toujours tous heureux. Je suis sûr que vous l’avez ressenti, mais, dans l’ensemble, je pense qu’il existe un niveau élevé de confiance et de collaboration.

Le rôle et la fonction des communications est un élément important aux yeux du premier ministre et de son cabinet. Nous y consacrerons du temps au cours des prochaines semaines. Nous pouvons parler de tout autre sujet que vous souhaitez aborder – la cybersécurité est l’un de mes thèmes préférés – ou de toute autre chose qui vous préoccupe. Mais nous ressentons sans aucun doute l’arrivée de la ligne marquant les trois quarts de la course, alors que nous entrons dans cette dernière année de mandat à durée fixe.

Ce sera la deuxième fois que nous franchirons une étape qui dégage une espèce de chimie particulière, comme à la première année d’un nouveau mandat. Je pense que cela fera partie du plaisir et du défi associés à ces rôles que nous devrons assumer tout au long de la prochaine année.

Je serai très heureux maintenant de rester pour répondre à quelques questions et recevoir vos commentaires.

Merci.

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