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Rapport sur les options stratégiques pour lutter contre l’âgisme envers les personnes aînées au Canada

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Rapport sur les options stratégiques pour lutter contre l’âgisme envers les personnes aînées au Canada [PDF - 1,01 Ko]

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Le Québec contribue au Forum fédéral, provincial et territorial sur les aînés par le partage de son savoir-faire, d'information et de pratiques exemplaires. Cependant, il n'adhère ni ne participe aux approches intégrées au niveau fédéral, provincial et territorial dans le dossier des aînés. Le gouvernement du Québec entend s'acquitter pleinement de ses responsabilités à l'égard des aînés sur son territoire.

Remerciements

Préparé par Martine Lagacé, Ph. D., Linda Garcia, Ph. D., Tracey O'Sullivan, Ph. D. et Samantha Oostlander (Université d'Ottawa), Mélanie Levasseur, Ph. D. et Carine Bétrisey, Ph. D. (Université de Sherbrooke), et Margaret Gillis (Centre international sur la longévité du Canada et la Coalition canadienne anti-âgisme) pour le Forum fédéral, provincial et territorial (FPT) des ministres responsables des aînés. Il se peut que les opinions exprimées dans le présent rapport ne s'alignent pas sur la position officielle d'un des gouvernements participants.

Sommaire

En mars 2021, l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) a lancé un rapport mondial appelant à agir d'urgence pour « combattre l'âgisme, mieux le mesurer et en rendre compte plus efficacement afin de le montrer pour ce qu'il est: un fléau insidieux dont la société souffre.» Conscient des conséquences négatives de l'âgisme, les gouvernements, les associations de défense des droits des personnes âgées et les chercheurs ont recommandé ou mis en place une série d'initiatives visant à combattre l'âgisme, ou au moins à en réduire les conséquences négatives.

Ce rapport présente des stratégies, des approches et des pratiques exemplaires pour lutter contre l'âgisme envers les personnes aînées du point de vue des Canadiens et des chercheurs. Il est fondé sur une analyse croisée de 2 rapports du Forum fédéral, provincial et territorial (FPT) sur les aînés, soit a) Examen des répercussions sociales et économiques de l'âgisme; et b) Consultations sur les répercussions sociales et économiques de l'âgisme au Canada Rapport «Ce que nous avons entendu». Dans ce dernier, l'âgisme se reflète dans 5 domaines, à savoir la santé et les soins de santé, l'emploi et la main-d'œuvre, l'inclusion sociale, la sûreté et la sécurité, les médias et les médias sociaux. De plus, une recension des écrits de 30 publications scientifiques internationales (publiées sur une période de 5 ans de 2019 à 2023) a été effectuée afin de déterminer des stratégies de lutte contre l'âgisme.

Les objectifs du rapport sont les suivants:

  1. cerner, au moyen d'une analyse croisée, les initiatives antérieures ou existantes visant à lutter contre l'âgisme au Canada qui répondent aux préoccupations et aux attentes connexes des Canadiens;
  2. analyser les caractéristiques de ces initiatives;
  3. déterminer les pratiques exemplaires, fondées sur les résultats des objectifs 1 et 2, pour lutter contre l'âgisme envers les personnes aînées ailleurs dans le monde;
  4. élaborer un ensemble d'options et de recommandations stratégiques pour les initiatives les plus prometteuses visant à lutter contre l'âgisme envers les personnes aînées, en ce qui concerne les répercussions et l'efficacité dans les domaines de la santé et des soins de santé, de l'emploi et de la main-d'œuvre, de l'inclusion sociale, de la sûreté et de la sécurité, des médias et des médias sociaux.

Principales constatations des rapports du gouvernement

Au cours des consultations publiques menées par le Forum FPT sur les aînés sur les répercussions sociales et économiques de l'âgisme au Canada, qui ont eu lieu du 15 août au 31 octobre 2022, les participants ont fait de la santé et des soins de santé le domaine le plus important de la lutte contre l'âgisme. Les autres domaines étaient les suivants: l'inclusion sociale la sûreté et la sécurité l'emploi et la main-d'œuvre les médias et les médias sociaux se classant au dernier rang.

Du point de vue des Canadiens qui ont participé aux consultations publiques, les stratégies éducatives et intergénérationnelles, les stratégies liées à la technologie numérique et les initiatives des collectivités-amies des aînés sont considérées comme importantes pour lutter contre l'âgisme. Cela s'applique à tous les domaines (à savoir la santé et les soins de santé, l'emploi et la main-d'œuvre, l'inclusion sociale, la sureté et la sécurité, les médias et les médias sociaux). Les participants ont également souligné l'importance d'inclure la voix et le point de vue des personnes aînées dans l'élaboration de toute stratégie de lutte contre l'âgisme, précisément pour éviter les stéréotypes. Autrement dit, la lutte contre l'âgisme devrait toujours reposer sur une approche «rien sur moi sans moi».Footnote 1

Bien que de nombreuses associations qui défendent les droits des aînés et des groupes communautaires au Canada aient mis en place de nombreuses initiatives éducatives et intergénérationnelles portant sur l'âgisme, il manque de l'information sur l'efficacité de telles initiatives (c'est-à-dire: l'incidence de la diminution des attitudes âgistes). Comme il est indiqué à la section 4 du présent rapport, l'une des principales recommandations consiste à veiller à ce que ces initiatives comportent une composante d'évaluation de l'efficacité et de l'efficience. Dans l'état actuel des choses, le domaine de l'emploi et de la main-d'œuvre est le seul où les initiatives sont davantage fondées sur des données probantes et des données quantitatives ou qualitatives appuyant leur capacité de transformation.

Principales constatations tirées de la littérature scientifique

La littérature scientifique internationale suggère également des stratégies intergénérationnelles ou éducatives pour lutter contre l'âgisme, ou une combinaison des deux. Comme nous l'expliquons à la section 3 du présent rapport, de telles stratégies ciblent parfois le grand public, au moyen de campagnes médiatiques visant à sensibiliser la population à l'âgisme, par exemple, ou visent des groupes particuliers, comme les professionnels de la santé ou les employeurs.

Bien que de nombreux chercheurs aient suggéré des initiatives intergénérationnelles ou éducatives (ou une combinaison des deux) au cours de la dernière décennie, des études récentes soulignent l'importance de mettre en place de telles initiatives en tenant compte de l'incidence de facteurs tels que le genre et la culture sur l'expression et l'expérience de l'âgisme.

Les publications scientifiques portent sur la formation des futurs professionnels de la santé (médecins, infirmières, travailleurs sociaux, etc.) pour lutter contre l'âgisme. La formation pourrait comprendre des interventions éducatives, intergénérationnelles ou combinées. Étant donné que le thème de la santé et des soins de santé est considéré comme le plus important pour les Canadiens qui ont participé aux consultations du Forum FPT sur les aînés, la formation des futurs professionnels de la santé et des professionnels affiliés sur les stéréotypes et la discrimination fondés sur l'âge pourraient constituer une composante obligatoire et systématique de leur programme d'études.

Les politiques et les lois dans le domaine de l'emploi et de la main-d'œuvre sont souvent avancées dans la littérature scientifique comme options pour lutter contre l'âgisme, plus précisément pour s'attaquer à la composante comportementale de l'âgisme, à savoir la discrimination.

Des études antérieures indiquent que les femmes âgées sont plus à risque d'être victimes de discrimination fondée sur l'âge que les hommes plus âgés. Ces résultats appellent des initiatives qui tiennent compte des effets cumulatifs de la stigmatisation (à savoir le sexisme et l'âgisme).

Les recommandations stratégiques comprennent : évaluer les coûts économiques de l'âgisme; fournir des résultats fondés sur des données probantes pour les stratégies et initiatives pour lutter contre l'âgisme; s'attaquer à l'âgisme fondé sur le sexe; s'attaquer aux stéréotypes liés à l'âgisme par l'éducation; y compris le facteur âge dans les initiatives du gouvernement du Canada en matière de diversité et d'inclusionFootnote 2; et adapter les stratégies pour lutter contre l'âgisme à différents domaines et publics.

1. Introduction

1.1 L'ère de l'âgisme, où en sommes-nous?

L'âgisme est un concept multidimensionnel qui repose sur un modèle tripartite composé de dimensions cognitives affectives et comportementales. En d'autres termes, l'âgisme influe sur la façon dont on pense au vieillissement (par exemple, au moyen de stéréotypes), se sent au sujet du vieillissement et des personnes âgées (par exemple, les préjugés), et agit ou se comporte à l'égard du vieillissement et des personnes âgées (par exemple, la discrimination).

La recherche a montré que l'âgisme est un processus bidirectionnel, car les jeunes et les personnes âgées peuvent en être la cible. Cependant, au cours des 3 dernières décennies, beaucoup plus de recherches ont été menées sur l'âgisme envers les personnes âgées qu'à l'égard des jeunes adultesFootnote 3. C'est une préoccupation qui peut s'expliquer en partie par la relation ambivalente, sinon négative, avec le vieillissement et les personnes aînées qui prévalent dans les cultures occidentales. En ce sens, l'âgisme peut être considéré comme une forme unique de stéréotype, de préjugé et de discrimination puisque chaque personne peut en être la cible, car les groupes sociaux fondés sur l'âge ont des limites perméables, de sorte que les jeunes finiront par vieillir, s'ils vivent assez longtemps. Parmi les exemples de stéréotypes âgistes, mentionnons le fait de penser que la plupart (sinon la totalité) des personnes aînées sont incapables d'apprendre ou de changer, qu'ils manquent de vivacité intellectuelle, qu'ils perdent de la vigueur et qu'ils sont vulnérablesFootnote 4.

Howard Butler fût le premier à employer le terme «âgisme» en 1969. Depuis, beaucoup de progrès ont été réalisés pour comprendre ses sources la façon dont il s'opère, ses répercussions sur les personnes les organisations et la société en général et, surtout, les moyens par lesquels nous pourrions l'aborder ou nous y attaquer.

En mars 2021, l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) a lancé un rapport mondial appelant à agir d'urgence pour « combattre l'âgisme, mieux le mesurer et en rendre compte plus efficacement afin de le montrer pour ce qu'il est un fléau insidieux dont la société souffre. »Footnote 5 Le rapport souligne la prévalence de l'âgisme dans de multiples secteurs de la société, y compris en milieu de travail. Au Canada, par exemple, l'âgisme a été ciblé comme l'un des facteurs qui poussent les travailleurs âgés vers la retraite et le chômage à long terme.Footnote 6 Le rapport de l'OMS est arrivé à point nommé, faisant écho à des décennies de recherche qui démontrent que l'âgisme demeure une forme de discrimination avec des ramifications et des conséquences négatives.

Peu d'études ont porté sur les coûts économiques de l'âgisme, mais Levy et al. l'ont fait aux États-UnisFootnote 7. Leur étude s'appuyait sur la théorie de l'incarnation des stéréotypes (stereotype embodiment theory ou SET), selon laquelle les stéréotypes de l'âgisme sont intériorisés à un jeune âge et avec le temps, peuvent devenir des stéréotypes envers soi-même. À son tour, l'activation (consciemment ou inconsciemment) des stéréotypes envers soi-même entraîne des effets négatifs sur la santé. Par exemple, des études expérimentales ont montré que les participants plus âgés exposés à des stéréotypes d'âge négatifs ont une mémoire moins performante que ceux qui ne le sont pasFootnote 8. Dans l'étude de Levy et al. (2020), 3 prédicteurs de l'âgisme ont été utilisés pour évaluer leur incidence sur l'état de santé, soit la discrimination à l'égard des personnes âgées, les stéréotypes négatifs liés à l'âge, et les perceptions négatives de soi à l'égard du vieillissement. Ils ont ensuite cherché à calculer les dépenses excédentaires en soins de santé attribuables à l'âgisme (c'est-à-dire la mesure dans laquelle ces dépenses sont plus élevées chez les personnes ayant des scores élevés pour les 3 prédicteurs, comparativement à celles ayant de faibles scores)Footnote 9. Les résultats montrent que les Américains plus âgés (âgés de 60 ans et plus) présentant des niveaux élevés d'âgisme ont entraîné un coût sur 1 an de 63 milliards de dollars (US) en dépenses excédentaires en soins de santé pour 8 problèmes de santé majeurs (y compris les maladies cardiovasculaires et les maladies respiratoires chroniques). Parmi les 3 prédicteurs de l'âgisme, c'est la maladie cardiovasculaire qui a révélé le coût excessif le plus élevé.

Conscients des répercussions sociales et économiques négatives de l'âgisme, les gouvernements, les associations qui défendent les droits des personnes âgées et les chercheurs ont recommandé ou mis en place une série d'initiatives visant à lutter contre l'âgisme, ou du moins à en réduire les conséquences négatives. De telles initiatives sont non seulement opportunes, mais elles révèlent également que la discrimination fondée sur l'âge est maintenant à un point tournant: ses sources, sa prévalence et ses résultats ont été solidement documentés par des décennies de recherche et des expériences vécues par des personnes aînées. Il est maintenant temps de mettre l'accent sur des initiatives et des stratégies fondées sur des données probantes pour changer la façon dont les gens pensent, agissent et ressentent à l'égard du vieillissement. Le présent rapport vise à faciliter cela en ciblant et en proposant des stratégies, des approches et des initiatives prometteuses pour lutter contre l'âgisme envers les personnes aînées au Canada. Le rapport présentera également les meilleures pratiques pour lutter contre l'âgisme selon les chercheurs. Les 4 objectifs sont détaillés sous section 1.2.

1.2 Objectifs

  1. Cerner, au moyen d'une analyse croisée, les initiatives antérieures ou existantes visant à lutter contre l'âgisme au Canada qui répondent aux préoccupations et aux attentes connexes des Canadiens.
  2. Analyser les caractéristiques de ces initiatives.
  3. Déterminer les pratiques exemplaires, fondées sur les résultats des objectifs 1 et 2, pour lutter contre l'âgisme envers les personnes aînées ailleurs dans le monde.
  4. Élaborer un ensemble d'options et de recommandations stratégiques pour les initiatives les plus prometteuses visant à lutter contre l'âgisme envers les personnes aînées, en ce qui concerne les répercussions et l'efficacité dans les domaines de la santé et des soins de santé, de l'emploi et de la main-d'œuvre, de l'inclusion sociale, de la sûreté et de la sécurité, des médias et des médias sociaux.

1.3 Méthodologie

Pour atteindre ces objectifs, la première étape consistait à effectuer une analyse croisée de 2 rapports du Forum fédéral, provincial et territorial (FPT) sur les aînés, soit: Examen des répercussions sociales et économiques de l'âgisme; et Consultations sur les répercussions sociales et économiques de l'âgisme au Canada : Rapport « Ce que nous avons entendu ». Le premier rapport s'appuie sur les constatations tirées d'une recension des écrits de documents universitaires et non universitaires (produits par les gouvernements et les organisations qui représentent ou soutiennent les personnes aînées) sur les répercussions sociales et économiques de l'âgisme dans les domaines de la santé et des soins de santé, l'emploi et la main-d'œuvre, l'inclusion sociale, la sûreté et la sécurité, les médias et les médias sociaux. Au total, 258 documents, publiés entre 2014 et 2019, en français ou en anglais, ont été analysés. Les données du deuxième rapport ont été recueillies entre septembre et novembre 2022. Le deuxième rapport est un résumé de ce qui a été entendu lors des consultations sur l'âgisme. Au total, 8 tables rondes dirigées par le Forum FPT sur les aînés et 17 consultations dirigées par des intervenants ont eu lieu partout au Canada, ce qui a permis aux participants de discuter de l'âgisme dans les 5 domaines, soit la santé et les soins de santé, l'emploi et la main-d'œuvre, l'inclusion sociale, la sûreté et la sécurité, les médias et les médias sociaux. Un questionnaire sur l'âgisme a également été mis à la disposition des répondants du 15 août au 31 octobre 2022, et un total de 2920 réponses complètes ont été reçues.

Les 2 rapports contiennent une richesse d'information qui documente les expériences des Canadiens âgés en matière d'âgisme et les initiatives qu'ils priorisent pour lutter contre l'âgisme. L'analyse croisée de ces rapports visait à établir si et dans quelle mesure il y a harmonisation entre ce que les Canadiens âgés expriment face à l'âgisme et les stratégies et initiatives qu'ils envisagent pour lutter contre l'âgisme dans les domaines de l'emploi et de la main-d'œuvre, la santé et des soins de santé, l'inclusion sociale, la sûreté et sécurité; des médias et des médias sociaux. Les stratégies et les initiatives dans chaque domaine découlant de ces rapports sont décrites à la section 2.

En plus de l'analyse croisée des 2 rapports, l'équipe a effectué une analyse documentaire de 30 articles scientifiques internationaux (publiés au cours des 5 dernières années: 2019 à 2023)Footnote 10 axés sur les stratégies et les initiatives visant à lutter contre l'âgisme. L'analyse visait à examiner les différences et les similitudes entre les stratégies et les initiatives entreprises pour lutter contre l'âgisme au Canada et ailleurs dans le monde (notamment aux États-Unis, en France, en Belgique, en Allemagne, en Italie, en Suisse, dans les pays scandinaves et en Israël). Les résultats de l'analyse croisée des 2 rapports du Forum FPT sur les aînés et de l'analyse des documents scientifiques ont éclairé une série d'options stratégiques et de recommandations pour les initiatives les plus prometteuses pour lutter contre l'âgisme.

2. Stratégies et initiatives pour lutter contre l'âgisme au Canada du point de vue des Canadiens

Cette section présente les principales stratégies et initiatives visant à lutter contre l'âgisme au Canada qui découlent de l'analyse croisée des 2 rapports FPT: Examen des répercussions sociales et économiques de l'âgisme; et Consultations sur les répercussions sociales et économiques de l'âgisme au Canada : Rapport « Ce que nous avons entendu ». Les initiatives sont classées selon différents critères énoncés dans la section sur la méthodologie (c'est-à-dire l'importance et l'efficacité des domaines : l'emploi et la main-d'œuvre; la santé et les soins de santé; l'inclusion sociale; la sûreté et la sécurité; les médias et les médias sociaux).

Aperçu

Les 2 rapports indiquent que les stratégies éducatives, intergénérationnelles et numériques sont importantes pour lutter contre l'âgisme au Canada, et cela vaut pour tous les domaines (à savoir l'emploi et la main-d'œuvre; la santé et les soins de santé; l'inclusion sociale; la sûreté et la sécurité; les médias et les médias sociaux). Fait intéressant, les stratégies éducatives et intergénérationnelles sont également favorisées ailleurs dans le monde (voir la section 3). À l'exception du domaine du travail, les Canadiens qui ont participé aux consultations dirigées par le Forum FPT sur les aînés mentionnent rarement les options législatives et stratégiques. Enfin, un message important qui découle des rapports du Forum FPT sur les aînés est que toute intervention ou initiative visant à lutter contre l'âgisme, qu'elle soit éducative ou intergénérationnelle, doit inclure la voix et le point de vue des personnes âgées, précisément pour éviter les stéréotypes sur ces mêmes personnes. Autrement dit, la lutte contre l'âgisme devrait toujours reposer sur une approche «rien sur moi sans moi».

Stratégies d'éducation

Les campagnes de sensibilisation sur l'âgisme qui favorisent la représentation positive des personnes vieillissantes et aînées et sont décrites comme des outils efficaces pour s'attaquer aux stéréotypes négatifs et aux attitudes âgistes. Idéalement, de telles campagnes mobiliseraient un large éventail de partenaires, y compris des associations qui défendent les droits des aînés et des organismes sans but lucratif et communautaires. De plus, les campagnes de sensibilisation pourraient s'appuyer sur des champions antiâgistes de différents domaines (par exemple, des milieux de travail, des médias, de la santé, etc.) tout en évitant de promouvoir des personnes aînées «parfaites, extraordinaires et exceptionnelles», ce qui pourrait implicitement transmettre un message anti-vieillissement. Il est important de noter que les campagnes de sensibilisation doivent également être adaptées en fonction des domaines et des publics; en d'autres termes, une campagne unique et générique sur l'âgisme risque de passer à côté de certains groupes d'âge d'autres adultes ainsi que de différents besoins et de certaines capacités, en plus de miner les complexités de l'âgisme. Enfin, toute campagne de sensibilisation ne peut être conceptualisée et élaborée sans la collaboration des personnes aînées.

Stratégies intergénérationnelles

Dans les 2 rapports FPT sur les aînés, les stratégies souvent proposées pour lutter contre l'âgisme sont, les activités sociales, récréatives et bénévoles qui permettent aux générations plus jeunes et plus âgées d'établir des liens entre elles et le logement intergénérationnelFootnote 11 sont souvent proposées pour lutter contre l'âgisme. (Bien que dans ce dernier cas, peu d'initiatives de logement intergénérationnel aient été mises en place au Canada). Il est important de noter que les stratégies intergénérationnelles doivent s'appuyer sur les avantages mutuels (ou, à tout le moins, sur la perception des avantages mutuels) pour les jeunes et les personnes aînées et sur la reconnaissance des forces de chaque génération. Les activités intergénérationnelles unidirectionnelles où une génération est perçue comme un fournisseur et l'autre, comme un bénéficiaire passif, pourraient aggraver les stéréotypes et les attitudes fondés sur l'âge à l'égard des personnes aînées.

Voici quelques exemples de stratégies intergénérationnelles :

Il est important de noter que l'âgisme n'est pas seulement exprimé par les jeunes adultes. Il y a de plus en plus d'études qui documentent ce que Gilleard et Higgs (2010) ont conceptualisé comme «l'âgisme du quatrième âge». Cette forme d'âgisme se manifeste souvent au sein de générations de personnes aînées lorsque certains groupes sont jugés inférieurs ou inégaux en raison de la façon dont ils vieillissent. Dans une étude sur l'âgisme intragénérationnel, Lagacé et Firzly (2017) ont montré que les plus vieux sont perçus de façon négative et stéréotypée par les jeunes. Cependant, les études sur l'âgisme intragénérationnel restent rares et, par conséquent, les stratégies pour contrer ce phénomène n'ont pas encore été élaborées.

Stratégies de technologie numérique

Les stratégies liées à la technologie numérique recoupent les 5domaines. Par exemple, les Canadiens consultés considèrent que l'éducation liée à la technologie numérique pour les personnes aînées peut accroître la sensibilisation à la fraude et aux escroqueries (domaine de la sûreté et de la sécurité), favoriser la participation sociale (domaine de l'inclusion sociale) et la participation active aux médias et aux médias sociaux (domaine des médias et des médias sociaux). Cependant, les hypothèses sociétales selon lesquelles tout le monde a la capacité et la possibilité de participer par voie numérique peuvent contribuer à l'exclusion sociale des personnes aînées, car elles ont tendance à être plus touchées par le fossé numérique que les jeunes générations. La formation et les programmes liés aux technologies numériques peuvent aider à favoriser la participation et l'inclusion des personnes aînées dans les occasions virtuelles. De plus, les services publics pourraient fournir de l'information en format numérique et non numérique, dans la mesure du possible, afin de favoriser l'inclusion et l'accessibilité.

Initiatives amies des aînés

De plus, des initiatives particulières comme les collectivités-amies des aînés et les villes-amies des aînés sont mises en évidence comme étant des initiatives qui jouent un rôle important dans la diminution des attitudes âgistes. S'articulant autour de 8 secteurs clés (espaces et bâtiments extérieurs; transport; logement; participation sociale; respect et inclusion sociale; participation civique et emploi; communication et information; soutien communautaire et services de santé), l'initiative des collectivités-amies des aînés de l'OMS vise à aider les personnes aînées à demeurer actives et mobilisées au sein de leur collectivité. Compte tenu du fait que l'exclusion sociale est l'un des effets négatifs de l'âgisme, il n'est pas surprenant que les Canadiens perçoivent les collectivités-amies des aînés comme un moyen important de réduire l'âgisme et d'exprimer un appui solide à ce type de collectivités. De la même façon, les organismes sans but lucratif et les organismes communautaires dont les programmes favorisent l'inclusion sociale des personnes aînées sont également considérés comme essentiels pour lutter contre l'âgisme. Les rapports soulignent que les organismes sans but lucratif et les organismes communautaires offrent bon nombre des programmes de soutien social, éducatif, intergénérationnel et sur le vieillissement qui s'attaquent à l'âgisme. Cependant, selon les Canadiens consultés, les organismes communautaires pourraient recevoir plus de financement compte tenu de leur rôle important dans la promotion d'opinions positives sur le vieillissement et la lutte contre l'âgisme.

2.1 Lutter contre l'âgisme au Canada selon différents domaines

Lorsqu'on leur a demandé de prioriser les domaines où il est essentiel de s'attaquer à l'âgisme, les Canadiens qui ont participé aux consultations sur l'âgisme ont fait de la santé et des soins de santé le principal domaine, suivi de l'inclusion sociale; la sûreté et la sécurité; et l'emploi et la main-d'œuvre. Les médias et les médias sociaux arrivent au dernier rang. Il est intéressant de noter que le domaine de l'emploi et de la main-d'œuvre est relativement peu prioritaire pour les participants, bien que l'âgisme en milieu de travail est considéré comme un obstacle critique au maintien en poste des travailleurs âgés, ce qui, à son tour, pourrait partiellement combler la pénurie de main-d'œuvre au Canada (comme nous l'avons vu à la section 3). Cet écart pourrait s'expliquer en partie par le fait que la plupart des Canadiens qui ont participé aux consultations du Forum FPT sur les aînés étaient à la retraite.

Santé et soins de santé

Les Canadiens qui ont participé aux consultations dirigées par le Forum FPT sur les aînés affirment que la santé et les soins de santé sont le domaine prioritaire dans lequel il serait possible de lutter contre l'âgisme, particulièrement en investissant dans les services de santé et de soins de longue durée pour les personnes aînées. Toutefois, comme il est indiqué ci-dessous, les stratégies recommandées pour y parvenir ne visent pas directement l'âgisme, à l'exception de celles liées à la formation des soignants professionnels.

Par exemple, les Canadiens ont suggéré d'offrir plus de soutien à domicile et en milieu communautaire pour le vieillissement chez soi grâce à un plus grand nombre de services de soins à domicile. Lorsque le vieillissement à domicile n'est plus possible, les Canadiens consultés ont recommandé d'élaborer des modèles de logement et de soins novateurs comme solutions de rechange aux maisons de retraite et aux établissements de soins de longue durée. Le modèle de logement européen suivant a été présenté:

Les Canadiens qui ont participé aux consultations ont également suggéré de moderniser le système de santé afin de mieux répondre aux besoins des personnes aînées. Pour ce faire, les mesures suivantes ont été proposées:

Voici 2 exemples d'initiatives de ce genre entreprises en Ontario et au Québec:

Inclusion sociale

De nombreuses études scientifiques ont démontré que les attitudes âgistes constituent un obstacle à l'inclusion sociale des personnes aînées dans la société. Il n'est donc pas surprenant que l'inclusion sociale soit classée par les participants comme la deuxième priorité en importance pour lutter contre l'âgisme au Canada et que l'isolement social et la solitude soient les sujets liés à l'inclusion sociale les plus fréquemment abordés lors des consultations avec les intervenants. Les stratégies visant à remédier à l'isolement social des personnes aînées comprennent:

Sûreté et sécurité

La sûreté et la sécurité sont classées au troisième rang des priorités par les participants. Les 2 sujets les plus discutés liés à la sécurité des personnes aînées sont la violence faite aux aînés, les escroqueries et la fraude, où l'âgisme est perçu à la fois comme une cause et une conséquence. Les stratégies visant à assurer la sécurité des aînés comprennent:

Emploi et main-d'œuvre

Comme il a été mentionné précédemment, le domaine de l'emploi et de la main-d'œuvre est plutôt peu prioritaire en ce qui a trait à la lutte contre l'âgisme (il se classe au quatrième rang sur 5). Toutefois, il demeure le domaine pour lequel les Canadiens interrogés ont fourni la liste la plus détaillée de stratégies de lutte contre l'âgisme. Il est intéressant de noter que ces stratégies sont conformes à celles mentionnées dans un rapport antérieur (2021) du Forum FPT sur les aînés sur les travailleurs âgés et l'âgisme intitulé Travailleurs âgés : Étude et élimination des préjugés.

Les stratégies pour lutter contre l'âgisme en milieu de travail mettent l'accent sur l'embauche et le maintien en poste des travailleurs âgés, elles comprennent notamment:

À titre d'exemple, l'initiative « La compétence n'a pas d'âge », financée par le gouvernement du Québec, a été lancée en 2015 et vise à sensibiliser davantage les employeurs à la valeur ajoutée des travailleurs d'expérience, au moyen d'une série de campagnes dans les médias et sur le Web. Elle comprend également un programme visant à fournir des outils et des pratiques exemplaires pour lutter contre l'âgisme dans le contexte du travail (c'est-à-dire, par l'embauche, la participation et le maintien en poste de travailleurs expérimentés). À l'heure actuelle, 535 entreprises participent à «La compétence n'a pas d'âge».

Médias et médias sociaux

Les médias et les médias sociaux sont classés au cinquième rang des domaines prioritaires pour les participants. La façon dont les médias et les médias sociaux perpétuent l'âgisme est le sujet le plus souvent abordé dans ce domaine. Parmi les stratégies visant à lutter contre l'âgisme dans les médias et les médias sociaux, mentionnons:

2.2 Public cible des stratégies et initiatives pour lutter contre l'âgisme

Tant les documents scientifiques qui présentent des initiatives pour lutter contre l'âgisme que les consultations menées auprès des Canadiens sur les répercussions sociales et économiques de l'âgisme, ont identifié les publics cibles potentiels pour ces initiatives. Toutefois, les groupes de personnes identifiés sont vastes et on ne précise pas si de telles initiatives pourraient être adaptées à certains groupes d'âge ou à certains domaines (c'est‑à‑dire, emploi et main-d'œuvre, santé et soins de santé, inclusion sociale, sûreté et sécurité, médias et médias sociaux). Par conséquent, la population en général les jeunes adultes (y compris les étudiants), les personnes aînées, les futurs professionnels de la santé, les employeurs, les services de ressources humaines et les travailleurs âgés font partie des nombreux groupes mentionnés par les Canadiens qui pourraient être au centre de ces initiatives. Comme il est indiqué dans la section des recommandations du présent rapport, il est important que les options stratégiques visant à lutter contre l'âgisme reposent sur une approche granulaire qui tient compte de la nature contextuelle et différentielle de l'âgisme. Par exemple, les stratégies ciblant l'âgisme dans les domaines de la santé et des soins de santé pourraient être contextualisées pour les fournisseurs de soins de santé et les apprenants. Tandis que les stratégies ciblant l'âgisme dans les médias et les médias sociaux pourraient comprendre des campagnes de sensibilisation pour aborder les stéréotypes fondés sur l'âge dans le discours public.

2.3 Efficacité factuelle des stratégies et initiatives pour lutter contre l'âgisme

Les 2 rapportsFootnote 12 comprennent de multiples stratégies et initiatives de lutte contre l'âgisme entreprises par des organismes communautaires qui offrent des programmes et des services aux personnes aînées ou par des universitaires. Cependant, l'efficacité à réduire les attitudes et les comportements âgistes de la plupart d'entre elles n'a pas été évaluée de façon empirique. Dans une certaine mesure, l'emploi et la main-d'œuvre sont le seul domaine où les initiatives sont davantage fondées sur des données probantes et des données quantitatives ou qualitatives appuyant leur capacité de transformation. En somme, il est nécessaire d'élaborer davantage d'outils méthodologiques permettant d'évaluer l'efficacité des initiatives actuelles et futures en termes de réduction des attitudes et comportements âgistes. Il s'agit de l'une des principales recommandations du présent rapport (voir la section 4).

3. Stratégies et initiatives pour lutter contre l'âgisme du point de vue de la recherche

Cette section décrit les types de stratégies et d'interventions visant à lutter contre l'âgisme, comme l'ont suggéré des chercheurs ailleurs dans le monde. Plus précisément, une recension des écrits a été réalisée sur 30 articles scientifiques publiés au cours des 5 dernières années dans des pays comme les États-Unis, la France, la Belgique, l'Allemagne, Israël, l'Italie, la Suisse et les pays scandinaves (Danemark, Norvège, Suède, Finlande). Les principales stratégies et interventions sont d'abord décrites, puis classées selon les domaines de l'emploi et de la main-d'œuvre, de la santé et des soins de santé, de l'inclusion sociale, de la sûreté et la sécurité, des médias et des médias sociaux. (L'annexe 1 donne des exemples de telles stratégies et interventions internationales pour lutter contre l'âgisme.) Les publics cibles et les questions liées à la base de données probantes des stratégies suggérées sont également abordés.

Aperçu

Les interventions ciblant l'âgisme, comme les initiatives intergénérationnelles ou la sensibilisation à l'âgisme, ou une combinaison des deux, sont souvent abordées dans la littérature scientifique. De telles interventions semblent cibler soit le grand public au moyen de campagnes médiatiques de sensibilisation à l'âgisme, par exemple, soit certains groupes, comme les étudiants. Bien que de nombreux universitaires aient suggéré des initiatives intergénérationnelles ou éducatives (ou une combinaison des deux) pour lutter contre l'âgisme au cours de la dernière décennie, de récentes études ont permis de préciser les conditions et le contexte dans lesquels de telles initiatives peuvent réussir (voir les détails ci-dessous). Cependant, bien que ces interventions soient décrites en détail dans les articles scientifiques examinés, peu d'études ont mis à l'épreuve leur efficacité à réduire les attitudes âgistes (comment on se sent) et les comportements (comment on se comporte).

Dans les domaines de l'emploi et de la main-d'œuvre, ainsi que de la sûreté et de la sécurité, la littérature scientifique met davantage l'accent sur ce qui peut être fait du point de vue du droit souple pour lutter contre l'âgisme. Bien que la discrimination fondée sur l'âge soit de plus en plus incluse dans les lois souples (documents comme les accords, les traités ou les déclarations, qui ne sont pas juridiquement contraignants, mais qui fournissent des normes de comportement et qui existent habituellement à l'échelle internationale) et les documents d'orientation mondiaux, il faut en faire davantage pour s'attaquer aux formes subtiles d'âgisme, comme les stéréotypes paternalistes et bienveillants fondés sur l'âge véhiculés par le langage. Dans les pays où il existe des politiques et des lois qui s'attaquent directement à l'âgisme, il a été suggéré d'augmenter les sanctions pour la discrimination fondée sur l'âge afin de réduire ce type de discrimination dans les pratiques d'embauche des personnes âgées.

Enfin, il convient de noter que certaines études indiquent que les femmes aînées sont plus à risque d'être victimes de discrimination fondée sur l'âge que les hommes aînés en raison de l'intersection entre la discrimination fondée sur le sexe et l'âge, ce qui entraîne une plus grande vulnérabilité sociale (Sánchez-Izquierdo et al., 2022; Neumark, 2022). Selon les chercheurs, l'âgisme ne peut pas être considéré comme un problème qui touche un groupe homogène de personnes aînées, de sorte que des initiatives qui ciblent l'âgisme sexospécifique, par exemple, sont nécessaires pour s'attaquer à ce problème complexe. D'autres recherches sont nécessaires pour comprendre les répercussions intersectionnelles plus diversifiées du vieillissement, comme celles qui touchent les personnes qui s'identifient comme étant 2ELGBTQI+. Enfin, l'examen des variations dans la façon dont l'âgisme est vécu dans différents pays et cultures peut nous aider à mieux comprendre l'âgisme et comment ou pourquoi il persiste dans la société.

Interventions éducatives

Selon les études scientifiques, les interventions éducatives, que ce soit à l'école, à l'université ou dans la formation continue des professionnels, il est nécessaire de s'appuyer sur une représentation plus réaliste des personnes aînées et vieillissantes en déconstruisant les stéréotypes et les préjugés (Apriceno et Levy, 2023; Bétrisey et al., 2023; Burnes et al., 2019). Comme les croyances stéréotypées ouvrent souvent la voie à des comportements discriminatoires, les interventions éducatives pourraient se concentrer sur la lutte contre les racines de l'âgisme, à savoir les stéréotypes négatifs fondés sur l'âge (comme de personnifier les personnes aînées principalement en fonction de leurs limitations). Les interventions éducatives pourraient également s'appuyer sur la notion d'hétérogénéité de la population de personnes aînées (c'est‑à‑dire, la diversité des parcours de vieillissement) tout en soulignant les similitudes entre les générations plutôt que les différences. Enfin, les chercheurs soutiennent que les interventions éducatives pourraient viser à développer des compétences pour interagir avec les personnes aînées, fondées sur le respect et l'empathie.

Par exemple, les auteurs des récents examens systématiques sur les meilleures interventions pour réduire l'âgisme suggèrent que parmi les initiatives éducatives les plus prometteuses, il y a les simulations et les jeux de rôle, car ils peuvent mener les étudiants de premier cycle (en santé et sciences sociales) à faire preuve d'empathie envers les personnes aînées en se mettant à leur place. Les conférences sur le vieillissement, la promotion de la santé et le respect interpersonnel, ainsi que les discussions sur ce que signifie être une personne aînée sont également mentionnées comme des interventions éducatives efficaces pour réduire l'âgisme (Apriceno et Levy, 2023; Martinez-Arnau et al., 2022; et Bétrisey et al., 2024).

Interventions intergénérationnelles

De nombreuses études scientifiques examinent comment et dans quelle mesure les stratégies intergénérationnelles peuvent contrer l'âgisme. Fait intéressant, ces études décrivent également les conditions et le contexte nécessaires pour produire des résultats positifs. Précisément, les initiatives intergénérationnelles pourraient être fondées sur la réciprocité en vertu de laquelle les deux parties (jeunes et vieux) reconnaissent leurs forces réciproques. Les chercheurs mettent en garde contre les résultats contre-productifs des interventions intergénérationnelles qui positionnent principalement les personnes aînées comme bénéficiaires de soins ou de soutien et les jeunes adultes comme fournisseurs de soins ou de soutien, comme l'ont déclaré Bétrisey et al. (2024): «Comme le soutient Chonody (2015), l'interaction avec des personnes âgées en situation de handicap peut mener à un renforcement des stéréotypes et des préjugés (Holroyd et al., 2009; MacKnight et Powell, 2001), tandis que les personnes âgées en santé peuvent être considérées comme des exceptions, n'entraînant pas les effets souhaités.»

À cet effet, les chercheurs soulignent l'importance des 4 conditions essentielles pour les résultats intergénérationnels afin d'avoir une incidence positive sur les attitudes à l'égard du vieillissement et des personnes aînées. Ces conditions découlent de l'hypothèse du contact d'Allport (Allport, 1954; Pettigrew et Tropp, 2006) et sont les suivantes:

Les résultats des études indiquent également que les contacts intergénérationnels en personne et individuels sont plus efficaces pour changer positivement les attitudes à l'égard des personnes aînées que les contacts en groupe et en ligne (Apriceno et Levy, 2023). Enfin, les chercheurs considèrent que la programmation intergénérationnelle combinée à l'éducation est le moyen le plus efficace de réduire l'âgisme chez les jeunes et les adultes. Par exemple, dans une critique systématique et une méta-analyse comprenant 63 études, Burnes et al. (2019) ont constaté que la combinaison d'interventions éducatives et intergénérationnelles a considérablement amélioré les attitudes à l'égard du vieillissement, les connaissances sur le vieillissement et l'aisance avec les personnes aînées. Il est toutefois intéressant de noter que ces 3 types d'interventions n'ont pas eu d'effet significatif sur l'anxiété de soi liée au vieillissement (qui a été associée à une tendance à garder une distance physique et psychologique avec les personnes aînées).

3.1 Lutter contre l'âgisme selon différents domaines du point de vue de la recherche

Santé et soins de santé

Les chercheurs ont souligné le manque d'intérêt des infirmières, des travailleurs sociaux et des médecins à travailler avec des personnes aînées par rapport aux enfants, aux jeunes adultes et aux adultes. Qui plus est, il demeure difficile de sensibiliser les étudiants en soins de santé au sujet des personnes aînées et d'accroître leur intérêt professionnel pour la gériatrie (Bailey et Sudha, 2022). Ce manque d'intérêt pourrait être l'un des facteurs qui expliquent pourquoi les personnes aînées sont moins susceptibles de recevoir des tests de dépistage et des soins préventifs adéquats, sont plus souvent exclus des essais cliniques, et se voient plus souvent refuser des options de traitement, ce qui augmente leur risque de résultats négatifs pour la santé (Burnes et al., 2019).

Les publications scientifiques misent sur la formation des futurs professionnels de la santé (médecins, infirmières, travailleurs sociaux, etc.) pour lutter contre l'âgisme. La formation pourrait comprendre des interventions éducatives, intergénérationnelles ou combinées Étant donné que le thème de la santé et des soins de santé est considéré comme le plus important pour les Canadiens qui ont participé aux consultations du Forum FPT sur les aînés, une formation sur les stéréotypes et la discrimination fondés sur l'âge pourrait constituer une composante obligatoire et systématique du programme d'études des futurs professionnels de la santé. De plus, les résultats d'études empiriques suggèrent que les niveaux d'attitudes âgistes sont les plus élevés chez les étudiants en sciences de la santé et les professionnels de la santé et que la formation est efficace pour aborder ces attitudes envers les personnes aînées (Bétrisey et al., 2024).

Emploi et main-d'œuvre

Au Canada, toute personne qui travaille ou reçoit des services d'une entreprise ou d'une organisation réglementée par le gouvernement fédéral et qui est victime de discrimination, y compris de discrimination fondée sur l'âge, peut déposer une plainte officielle auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP).Footnote 13.La CCDP a été créée en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne et a le pouvoir de mener des recherches, de sensibiliser la population et de s'exprimer sur toute question liée aux droits de la personne au Canada. La Commission est également chargée d'appliquer la loi qui protège les Canadiens contre la discrimination fondée sur l'un ou l'autre des motifs énumérés, comme: la race, le sexe, l'incapacité et l'âge. De plus, la CCDP est habilitée en vertu de la Loi fédérale sur l'équité en matière d'emploi.Footnote 14

En plus de la Loi canadienne sur les droits de la personne, qui interdit la discrimination fondée sur l'âge, chaque province et territoire a sa propre loi sur les droits de la personne qui interdit également la discrimination fondée sur l'âge. Ces lois, qui varient d'une région à l'autre du Canada, font en sorte que les personnes ne sont pas victimes de discrimination dans des domaines comme l'emploi. Par exemple, dans des provinces comme l'Alberta, le Manitoba et la Nouvelle-Écosse, les plaintes sont traitées par une commission des droits de la personne qui décide, après enquête, si ces plaintes sont transférées à un processus décisionnel. D'autre part, dans des provinces comme l'Ontario et la Colombie-Britannique, les plaintes sont reçues directement par un tribunal administratif qui statuera sur celles-ci.

Considérant que la discrimination fondée sur l'âge n'est souvent pas prise au sérieux par rapport aux autres formes de discrimination, les chercheurs appellent à un renforcement des politiques et des lois, en particulier dans le domaine de l'emploi et de la main-d'œuvre. Par exemple, les travaux menés par l'économiste David Neumark et ses collègues portent sur les politiques et les lois (dans un contexte américain) visant à réduire l'âgisme, particulièrement en ce qui concerne les pratiques d'embauche des travailleurs âgés, où les femmes âgées sont particulièrement désavantagées par rapport aux hommes âgés. Dans 2 études expérimentales, Newmark et al., montrent que les lois sur la discrimination fondée sur l'âge aident à améliorer les résultats sur le marché du travail pour les travailleurs âgés et à les protéger contre la discrimination fondée sur l'âge: «En particulier, nous observons qu'il y a moins de discrimination envers les hommes âgés et les femmes âgées dans les États où la loi autorise des dommages plus importants dans les demandes de discrimination fondée sur l'âge et nous constatons qu'il y a moins de discrimination à l'égard des femmes âgées dans les États où la loi autorise des dommages-intérêts plus importants dans les demandes d'indemnisation pour discrimination fondée sur le handicap.» (Neumark et al., 2019, p. 398).

Cependant, des études soulignent également l'importance de la formation et des campagnes de sensibilisation en milieu de travail pour s'attaquer aux racines de l'âgisme, à savoir les stéréotypes négatifs ciblant les travailleurs âgés. Précisément, les chercheurs se concentrent sur la formation des employeurs et des agents des ressources humaines au sujet de l'âgisme qui peut avoir une incidence sur un employé dans tous les aspects de sa carrière (c'est-à-dire, du recrutement à la retraite). Par exemple, dans un examen systématique de l'âgisme en milieu de travail, dans toutes les études examinées, des preuves d'âgisme ont été observées dans divers aspects. Cela allait du processus d'embauche et de l'employabilité à l'évaluation rigoureuse du rendement des travailleurs âgés et à leur retraite éventuelle. Ces résultats soulignent le fait que l'âgisme touche les personnes tout au long de leur vie professionnelle (Cebola et al., 2021)Footnote 15.

Les initiatives intergénérationnelles en milieu de travail, comme les équipes de travail diversifiées sur le plan de l'âge et générationnel et le mentorat bidirectionnel, sont également proposées comme moyens efficaces de lutter contre l'âgisme en milieu de travail (à condition que ces initiatives s'appuient sur les 4 conditions de contact de groupe; voir le paragraphe Interventions intergénérationnelles de la présente section). Cependant, il faut investir dans la conception, la mise en œuvre et l'évaluation de telles interventions. Enfin, étant donné que les gestionnaires et les employeurs de haut niveau jouent un rôle important dans le façonnement de la culture en milieu de travail, les chercheurs estiment qu'il est impératif d'examiner le narratif et le langage que les gestionnaires et les employeurs utilisent pour parler des travailleurs âgés ou du vieillissement de la main-d'œuvre. Jusqu'à maintenant, les chercheurs réclament un cadre d'équité, de diversité et d'inclusion (EDI) en milieu de travail qui tient compte de l'âge, et plus précisément des travailleurs âgés.

Sûreté et sécurité

Les études examinées dans le cadre du présent rapport se penchent sur le domaine de la sûreté et de la sécurité sous l'angle des droits de la personne et principalement sous l'angle de la discrimination fondée sur l'âge (c'est-à-dire, moins sur les autres composantes de l'âgisme, à savoir les stéréotypes et les attitudes). À cet effet, les chercheurs soutiennent que la discrimination à l'égard des personnes aînées est plus souvent comprise dans les instruments internationaux ou les déclarations (loi souple), plutôt que dans les documents de droit contraignant (documents détaillant les obligations qui peuvent être légalement appliquées), notant que ce dernier prend du retard, car les traités fondamentaux sur les droits de la personne ont été créés il y a de nombreuses années. Cependant, que ce soit dans des lois contraignantes ou non, les chercheurs appellent à des actions en justice contre l'âgisme qui tiennent compte de ces 3 aspects: cognitif (stéréotypes); affectif (préjugés) et comportemental (discrimination); et suggèrent que ces 3 éléments pourraient être intégrés à une éventuelle convention future sur les droits des personnes aînées. Enfin, dans le domaine de la sûreté et de la sécurité, les chercheurs suggèrent de miser sur une «approche intégrée du vieillissement» (c'est-à-dire, un «processus et un effort multidimensionnel pour intégrer les enjeux du vieillissement dans tous les domaines stratégiques et à tous les niveaux stratégiques», Mikołajczyk, 2023, page 442). Il s'agit d'intégrer les intervenants pertinents dans les processus décisionnels dans le but d'adopter une approche plus équitable au profit de tous les groupes sociaux et d'âge (Mikołajczyk, 2023).

Médias et médias sociaux

Les articles examinés pour le présent rapport portent sur les campagnes dans les médias et les médias sociaux ciblant l'âgisme et son incidence sur les jeunes et les aînés, ainsi que sur les attitudes des employeurs à l'égard du vieillissement. Par exemple, Okun et al. (2022) ont examiné 3 campagnes de médias sociaux menées en Israël pendant la pandémie de COVID-19 au moyen d'une analyse qualitative des 2 sources d'information liées aux campagnes et des entrevues avec les organisateurs des campagnes. Ils ont constaté que de telles campagnes suscitaient des réactions positives de la part des personnes aînées et du public en général, et «une augmentation de la volonté des employeurs et des petites entreprises d'embaucher des personnes de plus de 60 ans» (Okun et al., 2022, page 17). Les résultats indiquent également que les personnes aînées qui ont participé à la création des campagnes ont exprimé un fort sentiment de satisfaction. Cependant, les résultats des campagnes n'ont pas été mesurés quantitativement.Footnote 16

3.2 Public cible des stratégies et initiatives pour lutter contre l'âgisme

Comme c'est le cas pour les Canadiens qui ont participé aux consultations du Forum FPT sur les aînés, les chercheurs ont ciblé différents publics vers lesquels les stratégies et les initiatives pourraient être axées pour lutter contre l'âgisme. Par conséquent, la population en général, les jeunes adultes (y compris les étudiants, en particulier les étudiants dans le domaine de la santé et des soins de santé), les personnes aînées, les professionnels de la santé, les employeurs, les agents des ressources humaines et les travailleurs âgés sont des exemples de publics sur lesquels des stratégies et des initiatives ont été élaborées, mais qui, souvent, n'ont pas été mises à l'essai.

3.3 Efficacité factuelle des stratégies et initiatives pour lutter contre l'âgisme

Les interventions éducatives, intergénérationnelles et combinées ont été mises à l'essai sur des échantillons plutôt petits de populations cibles, comme les étudiants du secondaire et de l'université. Les résultats des études examinées pour le présent rapport indiquent que les interventions combinées entreprises dans un contexte scolaire sont les plus efficaces pour déconstruire les stéréotypes âgistes et changer les attitudes des jeunes adultes (en particulier des jeunes femmes) à l'égard des personnes aînées. Par exemple, dans une étude menée par Nitschke et al. (2022), les étudiants d'une faculté de médecine dentaire en Suisse ont reçu une formation liée au vieillissement en plus d'avoir des contacts intergénérationnels avec des personnes aînées pendant leurs études. Les auteurs ont examiné les attitudes de ces élèves et ont constaté qu'ils ont su maintenir une perception positive du vieillissement pendant de nombreuses années. Ils ont attribué les perceptions positives à la combinaison de l'éducation et du contact intergénérationnel avec les personnes aînées. Toutefois, comme nous l'avons déjà mentionné, la formation des futurs professionnels de la santé par des interventions éducatives et intergénérationnelles tout en améliorant les attitudes à l'égard des personnes aînées, n'a aucun effet sur l'anxiété à l'égard de son propre vieillissement. D'autre part, il existe peu (voire pas du tout) de résultats fondés sur des données probantes sur l'efficacité des campagnes d'information et de sensibilisation sur l'âgisme. On peut en dire autant (mais dans une moindre mesure) des politiques et des lois. Un petit nombre d'études consultées dans le cadre du présent rapport ont fourni de l'information sur leur efficacité dans la lutte contre l'âgisme et ont généralement été décrites par rapport aux domaines de l'emploi et de la main-d'œuvre ainsi que de la sûreté et de la sécurité.

4. Recommandations stratégiques : stratégies, approches et initiatives prometteuses pour lutter contre l'âgisme

Les recommandations stratégiques suivantes sont fondées sur les constatations des sections 2 et 3, à savoir une analyse croisée de 2 rapports sur l'âgisme au Canada et une analyse documentaire de 30 documents scientifiques internationaux portant sur les options pour lutter contre l'âgisme.

Évaluer les coûts économiques de l'âgisme

L'âgisme envers les personnes aînées est répandu et demeure l'une des formes de préjugés les plus tolérées. Pourtant, aucune étude fondée sur des données probantes n'a été menée au Canada pour évaluer les coûts économiques des stéréotypes, des préjugés et de la discrimination à l'égard des personnes aînées dans différents domaines, comme la santé et les soins de santé, l'emploi et la main-d'œuvre (bien que cela ait été fait aux États-Unis et en France, entre autres). Il est plausible que l'argument relatif aux coûts économiques puisse s'avérer convaincant et faciliter l'adoption de stratégies et d'options politiques pour lutter contre l'âgisme. Par conséquent, la première recommandation découlant de ce rapport consiste à financer et à mener une étude pancanadienne sur les coûts économiques de l'âgisme, particulièrement dans les domaines de l'emploi et de la main-d'œuvre, ainsi que de la santé et des soins de santé.

Inclure des résultats fondés sur des données probantes dans les stratégies et les initiatives pour lutter contre l'âgisme

Comme il est indiqué dans le présent rapport, même si de nombreuses initiatives et de nombreux programmes locaux, provinciaux, territoriaux et fédéraux visant à lutter contre l'âgisme sont et ont été mis en place au Canada et à l'étranger au cours des 2 dernières décennies, très peu d'entre eux sont mis à l'essai en ce qui concerne les répercussions fondées sur des données probantes (c'est-à-dire, réduction des niveaux de stéréotypes, de préjugés et de discrimination). Par conséquent, toute initiative future visant à lutter contre l'âgisme pourrait inclure obligatoirement une méthodologie fondée sur des données probantes qui permet des indicateurs de rendement clés (IRC) ou des mesures du rendement à l'appui des programmes. Cela faciliterait la priorisation des stratégies (et des types de stratégies) pour lutter contre l'âgisme dans différents domaines comme la santé et les soins de santé, l'emploi et la main-d'œuvre.

Créer un répertoire d'outils et de ressources pour lutter contre l'âgisme

Pour faire suite au point précédent, la création d'un répertoire pancanadien est recommandée. Ce répertoire pourrait contenir des outils et des ressources (balados, ateliers, bases de données, guides de bonnes pratiques, etc.) pour aborder l'âgisme, comme la plateforme de la Décennie pour le vieillissement en bonne santé des Nations Unies (Décennie pour le vieillissement en bonne santé). Ce répertoire pourrait être accessible aux personnes aînées et aux fournisseurs de services de première ligne. À l'heure actuelle, et comme il a été mentionné précédemment dans le présent rapport, de nombreuses ressources et de nombreux outils pour lutter contre l'âgisme ont été mis au point aux niveaux fédéral, provincial et territorial; toutefois, ces ressources et outils doivent être recueillis et recensés dans un répertoire accessible et adapté aux personnes aînées.

Lutter contre l'âgisme genré

De plus en plus d'études indiquent que les femmes aînées sont plus à risque d'être victimes de discrimination fondée sur l'âge que les hommes aînés, surtout en milieu de travail et dans le contexte des soins, en particulier les soins de longue durée, car les femmes vivent généralement plus longtemps que les hommes. Elles ont donc besoin de plus de soins de longue durée. À ce titre, des stratégies particulières et multiniveaux (politiques, lois, programmes éducatifs et intergénérationnels) pourraient viser à reconnaître, à contrer et à réduire l'âgisme genré. Afin d'éclairer ces stratégies, il est important d'assurer une collecte uniforme et systématique de données sur le genre et l'âge. Ces données pourraient en fait être comprises dans les normes de données internationales et être requises pour les demandes de financement fédérales, provinciales et territoriales. D'autres recherches sont nécessaires pour comprendre les répercussions du vieillissement en fonction du genre, comme celles qui touchent les personnes qui s'identifient comme étant 2ELGBTQI+.

S'attaquer aux stéréotypes âgistes par l'éducation

Comme il est avancé dans la littérature scientifique et comme l'ont exprimé les Canadiens qui ont participé aux consultations du Forum FPT sur les aînés, l'apprentissage et la réflexion critique sur les stéréotypes âgistes, les préjugés et la discrimination pourraient faire partie des programmes scolaires, du primaire à l'école secondaire et à l'université. Il est bien documenté que la formation de stéréotypes sur le vieillissement commence à un jeune âge et se poursuit jusqu'à l'âge adulte. À leur tour, les stéréotypes peuvent se transformer en comportements discriminatoires ou être intériorisés (comme en témoignent les attitudes âgistes envers soi-même). Il est donc important de s'attaquer à la racine de l'âgisme par l'éducation des jeunes enfants, des adolescents et des jeunes adultes. Il pourrait s'agir d'intégrer des cours de sensibilisation à l'âgisme ainsi que des projets intergénérationnels dans les programmes d'études des écoles et des universités.

Centrer l'âge dans les efforts d'équité, de diversité et d'inclusion

L'âge ne fait pas encore partie de la conversation sur l'équité, la diversité et l'inclusion, ni de la pratique. Par exemple, bien que la main-d'œuvre canadienne reflète un certain niveau de progrès en ce qui concerne l'ethnicité, le sexe et l'orientation sexuelle, on ne peut en dire autant pour l'âge. Les travailleurs âgés se heurtent encore à des obstacles découlant de stéréotypes et de la discrimination fondée sur l'âge. Par conséquent, favoriser un milieu de travail inclusif, avec des considérations d'accessibilité, qui accueille les travailleurs âgés, peut sans aucun doute contribuer à réduire l'âgisme.

Adapter les stratégies pour lutter contre l'âgisme pour différents domaines et publics

Comme le souligne la littérature scientifique, l'âgisme est un processus à facettes multiples qui s'exprime de différentes façons, selon le contexte et le domaine, et selon les personnes (ou les groupes d'individus) qui en sont la cible. Il en va de même pour les résultats de l'âgisme. À l'heure actuelle, cependant, la plupart des stratégies et des initiatives pour lutter contre l'âgisme n'utilisent pas une approche différentielle en fonction de l'auditoire, ce qui réduit l'efficacité de l'intervention. Comme il est décrit ci-dessous, certaines stratégies et initiatives conviennent mieux à un domaine ou à un groupe particulier de personnes, tandis que d'autres pourraient s'attaquer à l'âgisme dans un domaine différent ou pour un public différent.

Santé et soins de santé

La question la plus pressante liée à l'âgisme dans les domaines de la santé et des soins de santé est, comme l'indiquent les publications scientifiques et comme l'expriment (et le vivent) les Canadiens âgés, la lutte contre les stéréotypes et les préjugés que les professionnels de la santé actuels et futurs peuvent avoir à l'égard des patients âgés, y compris la vulnérabilité, la dépendance et l'incompétence. Par conséquent, l'éducation des futurs professionnels de la santé sur l'âgisme pourrait être pleinement intégrée dans leurs programmes d'études. Comme l'ont suggéré des universitaires, l'éducation et la formation sur l'âgisme pourraient aussi augmenter le désir des futurs professionnels de la santé à travailler avec des personnes âinées ainsi que dans les domaines de la gériatrie. De plus, les campagnes de sensibilisation sur l'âgisme auxquelles participent actuellement les soignants professionnels sont fortement suggérées comme moyen d'améliorer l'interaction et la communication avec les soignants.

Emploi et main-d'œuvre

Selon les chercheurs et les Canadiens interrogés lors des consultations du Forum FPT sur les aînés, c'est dans ce domaine que les approches éducatives et intergénérationnelles combinées et les politiques sur l'âgisme sont les plus prometteuses.

Les employeurs et les gestionnaires de haut niveau (y compris les gestionnaires des ressources humaines) pourraient être en première ligne des campagnes de sensibilisation à la formation sur les stéréotypes implicites et explicites fondés sur l'âge, les préjugés et la discrimination qui peuvent avoir une incidence sur l'embauche, le perfectionnement professionnel et les pratiques de retraite. Ils pourraient également être mis au courant des coûts économiques de l'âgisme en milieu de travail (à condition que des études soient menées à cet effet). Les employeurs et les gestionnaires de haut niveau pourraient être responsables des pratiques d'embauche, de participation et de maintien en poste dans le milieu de travail en ce qui concerne l'âge, et plus précisément les personnes aînées.

Les employeurs pourraient également favoriser un climat de travail intergénérationnel et faciliter la création d'équipes diversifiées sur le plan de l'âge (en s'appuyant sur les 4 conditions d'Allport). Toutefois, comme il a été mentionné précédemment dans le présent rapport, les initiatives intergénérationnelles pourraient être évaluées en fonction de leur efficacité à changer les stéréotypes, les attitudes et la discrimination liés à l'âge. Les employeurs et les gestionnaires de haut niveau pourraient également adopter une langue de travail inclusive selon l'âge (dans leurs communications officielles). Ils donnent le ton en ce qui concerne le climat de travail et doivent transmettre une image positive des travailleurs âgés par la langue et la communication. Les efforts de diversité et d'inclusion en milieu de travail pourraient inclure l'âge et, par conséquent, faciliter une conversation sur l'âgisme ciblant les travailleurs âgés.

Inclusion sociale

L'inclusion sociale est un domaine croisé dans lequel l'âgisme pourrait être abordé en ce qui a trait à la façon dont les personnes aînées se sentent intégrées à la société et à la mesure dans laquelle elles se sentent intégrées. Les consultations menées auprès des Canadiens ont permis de déterminer 2 moyens importants de favoriser l'inclusion sociale, soit la technologie et les villes et collectivités-amies des aînés. Le fait d'assurer l'accès à la technologie et de fournir un soutien à la formation pour faciliter l'utilisation de la technologie par les personnes aînées (et le sentiment d'autonomie à cet égard) peut sans aucun doute contribuer à accroître le sentiment d'inclusion sociale et de participation. Le projet Villes et collectivités-amies des aînés de l'OMS est un autre moyen, selon les Canadiens, de favoriser l'inclusion sociale et de lutter contre l'âgisme.

Sûreté et sécurité

Dans le domaine de la sûreté et de la sécurité, les chercheurs proposent une approche intégrée du vieillissement, qui repose sur des efforts multidimensionnels pour intégrer les enjeux du vieillissement dans tous les domaines stratégiques et à tous les niveaux stratégiques. Pour ce faire, il faut intégrer les intervenants pertinents dans les processus décisionnels dans le but d'adopter une approche plus équitable qui profitera à tous les groupes sociaux et à tous les groupes d'âge. D'un point de vue juridique, il reste beaucoup à faire pour éradiquer l'âgisme, comme l'indique le Rapport mondial sur l'âgisme de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) (2021): «En droit international, il n'existe pas d'instrument juridique spécifique pour dissiper les préjugés et la discrimination à l'égard des personnes aînées et la plupart des instruments internationaux relatifs aux droits de la personne ne mentionnent pas explicitement l'âge comme motif de discrimination illicite» (page 104). Par conséquent, conformément aux travaux entrepris par le Groupe de travail à composition non limitée sur le vieillissement des Nations Unies, pour: «examiner le cadre international existant des droits de la personne des personnes âgées et cerner les lacunes possibles et la meilleure façon de les combler, notamment en examinant, s'il y a lieu, la faisabilité d'autres instruments et mesures», le rapport de l'OMS suggère que les politiques internationales et les garanties législatives contre la discrimination fondée sur l'âge pourraient être renforcées et mentionne également qu'une convention internationale pourrait être un élément susceptible de renforcer la législation et les politiques nationales. En plus de poursuivre les discussions sur la création éventuelle d'un instrument juridique international pour faire progresser la sûreté et la sécurité à long terme, Il serait possible d'obtenir des résultats à court terme grâce à des initiatives de sûreté et de sécurité axées sur la sensibilisation du public et la sensibilisation à la maltraitance envers les personnes âgées au moyen de campagnes multimodales. De plus, compte tenu du fait que la maltraitance découle souvent de proches parents ou de membres de la famille, il est important de réfléchir à la façon de s'assurer que des outils faciles et accessibles pour signaler la maltraitance envers les personnes aînées et des interventions efficaces pour y mettre fin sont en place. Enfin, il faut envisager de rendre obligatoire la formation sur la maltraitance envers les personnes aînées et sur les escroqueries et la fraude pour la police, les fournisseurs de soins de santé, les banquiers et les fournisseurs de services de première ligne.

Médias et médias sociaux

Les médias et les médias sociaux sont de puissants vecteurs de stéréotypes, et il est bien documenté que les personnes aînées sont sous-représentées ou représentées négativement dans les médias et les médias sociaux. Par conséquent, des campagnes de sensibilisation pourraient être mises en œuvre pour s'attaquer aux stéréotypes fondés sur l'âge, mais ces campagnes doivent tenir compte de la composition du public. Les personnes aînées ne forment pas un groupe homogène et les manifestations de l'âgisme diffèrent selon les sous-groupes de personnes âgées. Par exemple, les stéréotypes qui ciblent les personnes très âgées ont trait à la vulnérabilité et à l'absence de pouvoir, tandis que la génération du baby-boom est dépeinte comme étant égoïste et privant les jeunes générations de ressources et de possibilités. On ne saurait trop insister sur l'importance de faire participer les personnes aînées à la création de produits et de récits médiatiques.

5. Conclusion

Le but du présent rapport était d'établir des stratégies de lutte contre l'âgisme, à partir de l'analyse de 2 rapports du Forum fédéral, provincial, et territorial (FPT) sur les aînés et d'un examen de la littérature scientifique internationale récente. Parmi les constatations importantes qui ressortent de l'analyse, il y a la nécessité d'évaluer les nombreuses initiatives et les nombreux programmes menés au Canada en ce qui a trait à l'âgisme. En effet, bien qu'il existe de nombreuses initiatives de ce genre pour lutter contre l'âgisme, très peu ont été évaluées quant à leur efficacité à changer les attitudes négatives à l'égard du vieillissement. Il est tout aussi important d'estimer le coût de l'âgisme pour l'économie. Aucune étude pancanadienne n'a été menée à cet effet. De plus, il est important de se rappeler que l'âgisme ciblant les personnes aînées découle en grande partie d'une conception sociétale négative du vieillissement. Autrement dit, lutter contre l'âgisme signifie changer les croyances et les attitudes à l'égard du vieillissement. Évidemment, ce n'est pas une tâche facile et il n'y a pas de solution universelle. Toutefois, d'après l'analyse effectuée, les solutions possibles convergent aux niveaux éducatif, intergénérationnel (ou une combinaison des deux) et juridique. La première repose sur des campagnes de sensibilisation qui favorisent une image positive (mais réaliste) du vieillissement et, surtout, sur la contribution des personnes aînées à la société, indépendamment de leur état de santé et de leur situation socioéconomique. Les stratégies d'éducation pourraient également mettre l'accent sur la formation obligatoire des professionnels de la santé actuels et futurs ainsi que des employeurs sur les stéréotypes et la discrimination fondés sur l'âge. Les stratégies intergénérationnelles, qui favorisent les liens entre les jeunes et les aînés, sont un autre moyen important de lutter contre l'âgisme. Les activités sociales, récréatives, de bénévolat et d'apprentissage qui permettent aux générations de tisser des liens entre elles constituent un domaine à explorer dans le futur, y compris le logement intergénérationnel. Enfin, après des décennies de recherche sur l'âgisme démontrant son impact néfaste sur les personnes aînées (et sur la société en général), il est important d'examiner les lacunes potentielles en matière de protection dans les instruments législatifs internationaux visant à protéger les personnes aînées contre la discrimination, y compris les travailleurs âgés, et déterminer la meilleure façon de les traiter. Grâce à ces suggestions, il est possible de s'attaquer au problème de l'âgisme et de réduire au minimum ses répercussions.

Annexe 1: Exemples tirés de la littérature internationale sur l'âgisme

Éducation

Slijivic et al. (2022), ont exploré si l'empathie chez les jeunes était évoquée dans les récits numériques de personnes aînées en Australie. Un «salon d'écoute» a été aménagé dans une université où les étudiants pouvaient écouter et regarder des récits multimédias préenregistrés de personnes aînées. Les auteurs ont constaté que les participants avaient remarqué des changements positifs dans les attitudes à l'égard des aînés, peu importe leur attitude, avant de regarder l'histoire numérique.

Contact intergénérationnel

Tybjerg-Jeppesen et al. (2023) ont mené une enquête au Danemark pour comprendre le lien entre le climat de travail et le vieillissement auto-perçu, l'engagement au travail et l'intention de quitter. Un climat de travail intergénérationnel plus positif était lié à une meilleure perception du vieillissement, à une plus grande participation au travail et à une réduction de l'intention de quitter. Les initiatives qui visent à renforcer le climat intergénérationnel en milieu de travail peuvent être avantageuses pour tous les groupes d'âge. Cependant, il faut investir dans la conception, la mise en œuvre et l'évaluation de ces interventions.

En Suède, Kleijberg, Ahlberg, Hilton et Tishelman (2020) ont observé que les interactions réciproques entre les jeunes de 9 ans et les personnes âgées (80 ans et plus) impliquant des activités artistiques (par exemple, collage, sculpture, jeux) liées à la fin de vie dans les centres parascolaires et les organisations artistiques ont réussi à réduire les stéréotypes et les préjugés. Les jeunes étaient en mesure de voir les personnes âgées comme des personnes ayant leurs propres expériences de vie, peu importe le groupe d'âge auquel elles appartenaient. Les auteurs ont également observé qu'il pourrait être difficile de maintenir ces nouveaux contacts et activités intergénérationnels s'il n'y a pas de soutien de la collectivité.

En Italie, Santini, Tombolesi, Baschiera et Lamura (2018) ont utilisé «Let's Re-Generate», une intervention de 32 semaines avec diverses activités en petits groupes (par exemple, des séances d'apprentissage basées sur les arts manuels, l'autobiographie, les jeux, les jeux de rôles, la musique et le chant, etc.), permettant aux adolescents d'interagir à la fois avec des personnes aînées actives et plus fragiles. En favorisant la prise de conscience de l'hétérogénéité des personnes aînées, cette intervention a permis de réduire les stéréotypes, les préjugés et la discrimination manifestés par les jeunes.

Combinaison d'éducation et de contact intergénérationnel

Dans une étude menée par Nitschke et al. (2022), les étudiants d'une faculté de médecine dentaire en Suisse en ont reçu une formation liée au vieillissement en plus d'avoir des contacts intergénérationnels avec des personnes aînées pendant leurs études. Les auteurs ont examiné les attitudes de ces élèves et ont constaté qu'ils ont su maintenir une perception positive du vieillissement pendant de nombreuses années. Ils ont attribué les perceptions positives à la combinaison de l'éducation et du contact intergénérationnel avec les personnes aînées.

Annexe 2: RéférencesFootnote 17

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En plus de cette liste de 30 documents internationaux, nous avons également examiné la Plateforme Décennie de l'OMS (Décennie pour le vieillissement en bonne santé) pour connaître les initiatives internationales liées à l'âgisme.

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2025-10-09