Discours par la ministre Qualtrough à l’occasion de la Conférence Réaliser les droits 2017 : Droits de la personne et constitutionnalisme

Discours

Le 9 juin 2017 - Ottawa, Ontario

Sous réserve de modifications. Ce discours a été traduit en conformité avec la Politique sur les langues officielles du gouvernement du Canada et révisé aux fins d’affichage et de distribution conformément à sa politique sur les communications.

Bonjour à tous,

Je remercie le professeur Malhotra de cette belle présentation.

Je suis sincèrement heureuse d’être ici avec vous tous aujourd’hui et merci de m’avoir invitée à la conférence Réaliser les droits 2017.

Avant de commencer, j’aimerais souligner que nous sommes sur le territoire traditionnel des peuples algonquins.

Cette année, le thème des droits de la personne et du constitutionnalisme est très pertinent.

Lorsqu’il est question des droits de la personne et du constitutionnalisme, l’une des personnes les mieux renseignées sur le sujet au Canada est M. Roger Tassé, le père de la Charte canadienne des droits et libertés.

Comme plusieurs d’entre vous le savent sans doute, M. Tassé nous a quittés tout récemment. J’aimerais prendre un instant pour rendre hommage à ce grand homme qui a transformé le paysage des droits de la personne au Canada, et ce, pour le meilleur.

Il a cumulé une belle et longue carrière, notamment à titre de représentant du gouvernement dans le cadre des pourparlers sur l’Accord du lac Meech et sur l’Accord de Charlottetown.

C’est en1980 que M. Tassé a chapeauté une équipe d’avocats du ministère de la Justice responsables d’aider les dirigeants politiques à s’entendre au sujet de la Charte canadienne des droits et libertés.

Et en vertu de la Charte, il a été déclaré, en 1982, que la discrimination en raison d’une incapacité physique ou mentale était interdite. C’était la toute première fois qu’un pays garantissait un tel droit dans sa Constitution.

En revenant sur tout ce que le Canada a accompli depuis 150 ans pour venir en aide aux personnes handicapées, nous avons de quoi être fiers :

  • La Loi canadienne sur les droits de la personne a été adoptée en 1977.
  • En 1986, la Loi sur l’équité en matière d’emploi a vu le jour.
  • Depuis 1988, l’Office des transports du Canada est mandaté pour protéger le droit des personnes handicapées à un réseau de transport accessible.
  • Et en 1994, Gary Malkowski est devenu le premier parlementaire sourd élu au Canada et en Amérique du Nord, et le premier parlementaire sourd de toute l’histoire à s’adresser à un parlement en langue des signes.
  • En 2007, le Canada a été l’un des premiers pays à signer la Convention relative aux droits des personnes handicapées de l’ONU, qu’il a ratifiée en 2010. Et, bien sûr, nous avons entrepris l’an dernier notre ascension vers le Protocole facultatif.
  • En 2015, j’ai eu l’honneur de devenir la toute première ministre fédérale responsable des Personnes handicapées du Canada. En tant que Canadienne vivant avec un handicap, j’en suis très fière.

Je pourrais énumérer de nombreux autres exemples.

Et même s’il est vrai que de grandes avancées ont été réalisées, et que nous continuons de faire du chemin pour défendre les droits des personnes handicapées au Canada, l’histoire qui relate la façon dont nous avons traité ces citoyens est loin d’être flatteuse.

Nous parlons de stérilisation obligatoire, de lobotomies, d’institutionnalisation forcée, d’abus et de négligence, et ce n’est pas tout. Nous avons dépouillé des personnes de leurs droits et les avons éloignées de leur famille. Nous avons envoyé un message clair voulant que nous devions être réparés, que nos besoins sont coûteux et encombrants et que nous n’avons qu’à accepter le fait que notre inclusion coûtera trop cher.

J’ai rencontré plusieurs Canadiens encore aux prises avec les souvenirs de ces traumatismes.

Comme vous le savez, au Canada, l’invalidité a été historiquement abordée dans le cadre d’un modèle médical, où les individus étaient perçus comme les « destinataires » de gestes de charité, de traitements médicaux et de protection sociale.

Le premier ministre m’a donné le mandat de rehausser l’accessibilité et l’inclusion des Canadiens handicapés et pour ce faire, ce paradigme doit être fondamentalement transformé dans le cadre de politiques publiques. La base de ce nouveau paradigme sera la pleine citoyenneté, soit la reconnaissance des Canadiens handicapés à titre de membres à part entière de la société ayant des droits et des obligations et étant pleinement capables de participer aux activités économiques, sociales et civiles de leurs collectivités.   

De nos jours, près de 14 % des Canadiens de 15 ans ou plus affirment vivre avec une invalidité qui limite leurs activités quotidiennes. Ce nombre va continuer de croître au fur et à mesure que la population vieillit.

Seulement 49 % des personnes handicapées de 25 à 65 ans ont un emploi comparativement à 79 % de la population en général. De ce groupe, le revenu total des personnes handicapées est de 44 % inférieur à celui de la population en général. Cela doit changer.

Chacun d’entre vous sait que le Canada possède des lois très strictes contre la discrimination, des lois que les tribunaux et les cours de justice interprètent afin que les Canadiens handicapés profitent de protections variées.

Historiquement, je dirais que c’est grâce à nos mécanismes en matière de droits de la personne et à nos tribunaux que nous avons fait des avancées, grandes et petites, dans le domaine des enjeux et des droits des personnes handicapées.

Les personnes et les organisations qui ont inlassablement œuvré en ce sens méritent notre reconnaissance profonde.

Je pense notamment à Donna Jodhan, qui a intenté une poursuite contre le gouvernement du Canada concernant l’inaccessibilité de ses sites Web et qui a eu gain de cause.

Je pense aussi à Peter Hughes et à la Commission canadienne des droits de la personne, qui ont également eu gain de cause contre Élections Canada dans leur dossier sur l’inaccessibilité d’un bureau de scrutin.

Malgré les difficultés qu’ils soulèvent et le temps qu’il faut y consacrer, de tels dossiers établissent des précédents et ouvrent la voie à d’autres démarches du même ordre.

Nul ne doute que les Canadiens handicapés et leur famille ont vaillamment lutté pour faire reconnaître leurs droits. Et c’est grâce à leurs efforts et à ceux des intervenants de notre système judiciaire que le Canada a fait des progrès.

Pourrions-nous cependant être davantage proactifs pour assurer l’accessibilité et l’inclusion des Canadiens handicapés?

Bien que robustes, nos mécanismes en matière de droits de la personne sont surtout réactifs. Il nous faut attendre que quelqu’un soit victime de discrimination, se voit refuser un emploi ou un logement, ou encore un service… vous voyez ce que je veux dire.

Combien de temps Donna Jodhan a-t-elle dû se battre avant que ne change le processus du gouvernement du Canada?

Imaginez un acte juridique qui définirait des attentes à l’intention des employeurs, entreprises, décideurs et gestionnaires de programmes, y compris le gouvernement fédéral. Une loi qui établirait des normes en matière d’accessibilité dans tous les domaines de compétence fédérale. Une loi qui éliminerait les problèmes systémiques. Une loi qui reconnaîtrait les obligations qui nous incombent en vertu de la Convention relative aux droits des personnes handicapées des Nations Unies (CDPH). Une loi accompagnée de mécanismes d’exécution et de conformité robustes.

D’ailleurs, près de la moitié de toutes les plaintes pour discrimination déposées devant la Commission canadienne des droits de la personne concerne l’invalidité. Est-ce que cela changerait?

C’est ce que nous allons voir…

Depuis ma nomination au poste de ministre, je travaille avant tout à l’élaboration d’un nouveau projet de loi fédéral sur l’accessibilité qui nous permettra de freiner la discrimination avant même qu’elle ne se produise.

Grâce à cette loi, nous avons une occasion formidable de changer le cours de l’histoire canadienne.

Au cours de l’été de 2016, nous avons dirigé la plus vaste et accessible consultation du gouvernement du Canada sur l’invalidité au pays. Nous avons tenu des séances publiques dans 16 villes du pays, ainsi que 10 tables rondes d’experts portant sur des domaines de compétence fédérale.

Nous avons rencontré plus de 6 000 Canadiens et partenaires communautaires, en personne ou en ligne, afin de savoir ce que signifiait pour eux un Canada accessible. De plus, nous avons procédé de la manière la plus accessible possible afin que chacun puisse participer et s’exprimer sur la teneur de cette loi.

La semaine dernière était la Semaine nationale de l’accessibilité et nous avons publié un rapport, disponible en ligne, sur ce que nous avons appris. Ces leçons seront intégrées à l’élaboration de la loi.

Le fait qu’une nouvelle loi en matière d’accessibilité qui améliorera la qualité de vie des Canadiens handicapés pourrait être adoptée a suscité chez les participants beaucoup d’espoir et d’enthousiasme.

Le message des Canadiens, peu importe leur âge, leur sexe ou l’endroit où ils vivent, était sans équivoque sur un point : il est inacceptable que les Canadiens handicapés soient exclus de quelque aspect de la vie que ce soit. On me l’a dit haut et fort : les Canadiens handicapés n’acceptent pas d’être inclus après coup. Ils veulent l’être dès le début. À leurs yeux, les arrangements et les emménagements signifient qu’on les avait initialement oubliés.

Les participants aux consultations nous ont décrit les nombreux obstacles auxquels ils continuent d’être confrontés.

  • On m’a parlé d’obstacles physiques et technologiques qui empêchent les gens de se déplacer librement, d’utiliser des modes de transport et d’accéder à des renseignements de base.
  • On m’a parlé de projets et de services gouvernementaux qui excluent les personnes handicapées.
  • On m’a parlé des attitudes et des idées fausses que des Canadiens continuent d’avoir par rapport à ce que les personnes handicapées peuvent et ne peuvent pas faire.

Les Canadiens veulent une loi qui visera haut et qui reflétera les pratiques exemplaires actuelles à l’échelle du Canada et partout dans le monde. Ils sollicitent un énoncé plus vaste des principes qui encadreront la loi et qui reconnaîtront nos obligations en vertu de la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) des Nations Unies.

Les Canadiens veulent une loi qui uniformisera l’accessibilité partout au Canada.

Ils veulent une loi qui concerne tous les domaines de compétence fédérale et souhaitent que le gouvernement du Canada devienne un leader en matière d’accessibilité.

Les Canadiens handicapés veulent continuer de participer à l’élaboration et à la mise en œuvre de cette loi.

Ils veulent une loi accompagnée de mécanismes d’exécution et de conformité robustes.

Aucun consensus n’a été dégagé quant à l’enjeu le plus pressant en matière d’accessibilité, mais les problèmes couramment soulevés concernent l’embauche, l’accès aux bâtiments et espaces publics, l’information et les technologies des communications, l’approvisionnement, le transport aérien et ferroviaire et la prestation des programmes et des services.

Du même souffle, le monde des affaires a exprimé des doutes sur les nouvelles règles et réglementations, ainsi que le besoin d’obtenir de l’aide et des soutiens techniques. On m’a toutefois affirmé que les carottes et les incitatifs ne fonctionnent pas à eux seuls, même en présence d’analyse de rentabilité appuyant fortement l’inclusion des personnes handicapées.

D’autres administrations canadiennes et du monde entier m’ont appris que l’accessibilité va bien au-delà d’une loi donnée, que les changements de culture sont encore plus importants que les modifications légales.

Il nous faudra appuyer la nouvelle loi au moyen d’initiatives complémentaires qui favoriseront les changements de culture et soutiendront davantage les personnes handicapées et leurs collectivités.

Les entreprises auront aussi besoin de notre appui. J’ai réalisé pas mal de travail de fond auprès de partenaires industriels et j’aurai besoin de votre soutien pour continuer et réussir.

J’étudierai d’autres options de programmation qui favoriseront la pleine participation des personnes handicapées. Je songe précisément à une stratégie nationale sur l’emploi.

Nous devrons investir pour favoriser la diversification des effectifs et l’inclusion d’un groupe de Canadiens historiquement marginalisé.

Et j’insiste sur le fait que l’inaction sera beaucoup plus coûteuse, tant sur le plan financier qu’à l’égard de nos valeurs fondamentales de diversification et d’inclusion.

Je vais diriger la délégation canadienne à la Conférence des Nations Unies des États Parties au cours de  la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) qui aura lieu la semaine prochaine. Cette conférence constituera une excellente occasion d’entamer une discussion avec mes homologues des autres pays sur l’inclusion et la pleine participation des personnes handicapées, et nous permettra d’apprendre les uns des autres.

J’y discuterai de notre projet de loi sur l’accessibilité et de la façon dont le Canada compte illustrer son engagement envers la Convention.

Relativement à l’élaboration d’une nouvelle loi, j’y parlerai des travaux préliminaires réalisés par notre gouvernement au chapitre des politiques et de la programmation dans le but de supprimer les barrières. Je suis particulièrement fière de ce que nous accomplissons pour faire de l’accessibilité un objectif fondamental de nos investissements en infrastructure et de notre stratégie nationale sur le logement.

Je soulignerai quelques-uns des points saillants de la dernière année et demie, dont la ratification du Traité de Marrakech et notre engagement envers le Protocole facultatif de la CDPH.

Avant de conclure, j’aimerais remercier ceux d’entre vous qui ont participé à nos consultations sur l’accessibilité. J’aimerais aussi remercier la Commission canadienne des droits de la personne d’avoir collaboré avec le Bureau de la condition des personnes handicapées au moment où nous avons entamé l’ébauche de la présente loi. Je suis d’avis que la Commission sera un partenaire essentiel qui nous aidera à équilibrer notre loi sur l’accessibilité, la Loi sur l’équité en matière d’emploi et la Loi canadienne sur les droits de la personne. Je m’attends à recourir fortement à son expertise et à son expérience.

Pour conclure, j’aimerais répéter que le gouvernement du Canada s’engage à préserver et protéger les droits des personnes handicapées, et qu’il s’engage également à favoriser le plein épanouissement de ces personnes.

Cette année, nous célébrons le 150e anniversaire du Canada et c’est l’occasion parfaite de prendre le temps de réfléchir sur nos réalisations antérieures, mais aussi de regarder vers l’avenir et de mettre en pratique les leçons tirées.

L’édification d’un Canada accessible sera historique, mais ce processus prendra aussi du temps. Nous devons garder notre élan pour les générations à venir.

L’occasion unique nous est donnée de modifier le cours de l’histoire canadienne et mes collègues et moi-même sommes prêts à relever le défi.

En plus de supprimer des barrières, qu’elles soient physiques ou sociales, la présente loi enverra aussi un message percutant : le Canada dit non à la discrimination et oui à l’inclusion.

Merci encore de m’avoir accordé cette occasion de m’adresser à vous aujourd’hui.

Je vous souhaite à tous une bonne conférence!

Merci.

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2017-06-14