Pour l'innovation inclusive : Nouvelles idées et nouveaux partenariats pour des collectivités plus fortes
De : Emploi et Développement social Canada
Titre officiel : Recommandations du Groupe directeur chargé de la co-création de la stratégie d'innovation sociale et de finance sociale
Sur cette page
- Sommaire
- 1. Introduction
- 2. Que sont l'innovation sociale et la finance sociale?
- 3. Écosystèmes canadiens d'innovation sociale et de finance sociale : avancées et défis
- 4. Innovation sociale et finance sociale en contexte autochtone
- 5. Recommandations en vue d'instaurer une approche intégrée à l'appui de l'innovation sociale et de la finance sociale
- 6. Conclusion
- Annexe – Processus de consultation du public et des partenaires
Formats substituts
Pour l'innovation inclusive : Nouvelles idées et nouveaux partenariats pour des collectivités plus fortes [PDF - 4.0 Mo]
Les formats en gros caractères, braille, MP3 (audio), texte électronique, et DAISY sont disponibles sur demande en commandant en ligne ou en composant le 1 800 O-Canada (1-800-622-6232). Si vous utilisez un téléscripteur (ATS), composez le 1-800-926-9105.
Sommaire
L'avenir du Canada s'annonce prometteur. Nos collectivités sont des endroits où il fait bon vivre, travailler, et s'amuser. Notre économie est vigoureuse et affiche de bons résultats. Notre population est diversifiée, qualifiée et résiliente.
Pourtant, malgré cette prospérité, nos collectivités sont confrontées à des défis sociaux et environnementaux persistants – l'insécurité en matière de logement, la crise des opioïdes, les changements climatiques, et bien d'autres encore – qui menacent notre bien-être individuel et collectif. Ces problèmes ne font pas que nuire à la croissance économique; ils accentuent les inégalités, exercent une pression onéreuse sur nos services publics et engendrent un coût humain important, autant sur le plan individuel qu'au niveau de la cohésion sociale.
Bien que d'importants progrès aient été réalisés dans certains domaines, de nombreux problèmes sociaux complexes persistent, malgré tous les efforts qu'ont déployés les collectivités et les gouvernements du Canada. Cet état de fait s'explique parce que nous nous en sommes tenus à une conception étroite de la société, selon laquelle le secteur privé génère la richesse nécessaire pour améliorer la qualité de vie, tandis que le secteur à but non lucratif vient en aide à des personnes qui se retrouvent dans des situations vulnérables, tout en contribuant à la vie communautaire dans des domaines comme les arts et les sports. Plusieurs gouvernements ont conservé cette façon de comprendre la croissance économique, en cherchant d'abord à stimuler l'innovation dans le secteur privé. Or, le secteur privé ne peut résoudre tous les problèmes de la société. Notre société est en meilleure santé lorsque tous les secteurs travaillent de concert et lorsque le secteur public reconnaît le rôle que jouent les organismes à but non lucratif et les coopératives au chapitre de la croissance économique – une croissance économique qui est inclusive et améliore la qualité de la vie dans les collectivités.
Heureusement, une prise de conscience collective s'est amorcée. Les entreprises privées réalisent qu'elles peuvent elles aussi aider à relever les défis sociaux, économiques et environnementaux, tout en étant en mesure de maintenir, et même d'accroître leurs profits. Les organismes à but non lucratif investissent dans la recherche et le développement et créent des entreprises viables pour accroître l'impact de leurs missions. Les particuliers utilisent leur pouvoir d'achat pour trouver des produits et des occasions d'investissement qui créent une plus grande valeur sociale. Des intervenants de tous les pans de la société s'éloignent de leurs rôles traditionnels, arrimant entrepreneuriat et mission sociale pour ouvrir de nouveaux horizons à l'avantage de leurs collectivités. Nous arrivons à un tournant, à l'aube d'un changement de paradigme, qui a le potentiel de transformer pour le mieux la façon dont notre société s'organise pour aborder les défis complexes auxquels le monde tout entier est confronté.
Le moment est venu pour le gouvernement du Canada d'investir dans l'innovation sociale et la finance sociale
Partout au monde, du Royaume-Uni à la Corée du Sud, les gouvernements tirent avantage de cette énergie pour poser les gestes qui s'imposent au regard des problèmes sociaux, économiques et environnementaux complexes qui inquiètent leurs citoyens. Ils investissent pour faire la promotion de l'innovation sociale, c'est-à-dire la création et la mise à l'échelle de solutions qui aident les collectivités à relever un défi ou à réaliser leurs aspirations plus efficacement qu'auparavant. Ils accélèrent la croissance de la finance sociale – ce qui consiste à faire des investissements destinés à engendrer des retombées sociales ou environnementales en sus du rendement financier – afin de mobiliser des capitaux privés et philanthropiques pour s'attaquer à des défis sociaux et environnementaux pressants.
Le gouvernement du Canada peut se servir des leviers à sa disposition pour engendrer un changement similaire au pays. Ces leviers sont nombreux; chaque année, le gouvernement fédéral verse des subventions et des contributions totalisant plus de 40 milliards de dollars, à quoi s'ajoutent les achats de biens et de services atteignant près de 20 milliards. En plus, il établit un cadre politique et réglementaire dans lequel les organismes de bienfaisance, les organismes à but non lucratif ainsi que de nombreuses entreprises mènent leurs activités. Le moment est venu pour le Canada de recourir à ces leviers pour faire croître l'innovation sociale et de la finance sociale dans les collectivités du pays, au risque d'accuser du retard au sein de la communauté internationale.
En 2017, le gouvernement du Canada a mis sur pied le Groupe directeur sur la co-création pour orienter l'élaboration d'une stratégie canadienne d'innovation sociale et de finance sociale. À la suite d'un processus de consultation des Canadiennes et des Canadiens qui s'est échelonné sur une année, nous présentons aujourd'hui nos recommandations au gouvernement.
Notre vision est celle d'un avenir meilleur pour le Canada, où les collectivités en santé s'épanouissent selon un modèle qui s'inscrit dans le développement durable et où les personnes, en particulier celles qui se retrouvent dans des situations vulnérables, ont accès à de bons emplois et à des logements sécuritaires et abordables; c'est aussi un avenir qui se caractérise par la réconciliation avec les peuples autochtones, par des communautés de langue officielle en situation minoritaire dynamiques, par une diversité vivifiante et par une véritable inclusion sociale et économique. Nous croyons que cet avenir est à portée de main et que le gouvernement du Canada peut aider à le bâtir plus rapidement en mettant en œuvre les recommandations qui sous-tendent la présente stratégie.
Seule une vision d'ensemble peut créer les conditions nécessaires pour l'innovation sociale
D'un océan à l'autre, des particuliers et des organisations de tous les secteurs de la société se réunissent pour former des réseaux relationnels, ou des écosystèmes, à l'intérieur desquels ils travaillent pour rendre leurs collectivités plus inclusives grâce à l'innovation sociale et à la finance sociale. Nous parlerons des organismes à vocation sociale pour désigner les divers organismes faisant partie de ces écosystèmes qui comprennent les organismes de bienfaisance, les organismes à but non lucratif, les coopératives ainsi que les entreprises privées qui se consacrent à une mission sociale ou environnementale.
Nous croyons que le gouvernement a un rôle essentiel à jouer pour soutenir ces écosystèmes en comblant les principales lacunes associées à six domaines d'intervention interreliés :
- Les compétences et les capacités, afin que les organismes à vocation sociale et les participants à des activités à vocation sociale disposent des connaissances et des ressources nécessaires pour adopter des approches d'innovation sociale et de finance sociale;
- Le financement, pour que les organismes à vocation sociale et les participants à des activités à vocation sociale disposent des ressources financières requises afin de concevoir, de mettre à l'essai, d'adopter et de développer des solutions novatrices aux problèmes sociaux, économiques ou environnementaux;
- L'accès aux marchés, pour permettre aux organismes à vocation sociale de trouver des acheteurs pour leurs biens et leurs services;
- Un cadre politique et réglementaire habilitant, qui crée les conditions propices à l'épanouissement des organismes d'innovation sociale et de finance sociale et des organismes à vocation sociale;
- Le développement des données et des connaissances, afin que les organismes à vocation sociale et les bailleurs de fonds puissent collaborer en se fondant sur les solutions les plus efficaces, mettre au point de meilleurs biens et services, puis en mesurer l'impact et évaluer les progrès réalisés;
- Les efforts de sensibilisation et de mobilisation visant à stimuler l'intérêt et à renforcer le soutien en vue de faire progresser les approches d'innovation sociale et de finance sociale.
Le présent rapport contient 12 recommandations à l'intention du gouvernement pour appuyer l'essor de l'innovation sociale et de la finance sociale au Canada.
Figure 1. Nos recommandations
Recommandation 1 : Légiférer un engagement à long terme envers la promotion de l'innovation sociale et de la finance sociale au Canada.
Recommandation 2 : Mettre sur pied et financer un Conseil multisectoriel permanent sur l'innovation sociale pour conseiller le gouvernement du Canada.
Recommandation 3 : Créer un bureau permanent de l'innovation sociale.
Recommandation 4 : Améliorer l'accès des organismes à vocation sociale aux programmes fédéraux de soutien à l'innovation, de formation et de développement des entreprises et des compétences.
Recommandation 5 : Établir, sur une base interministérielle, un programme de soutien aux écosystèmes d'innovation sociale.
Recommandation 6 : Lancer une initiative de capitalisation de la finance sociale.
Recommandation 7 : Agir dans le but de s'assurer que les programmes fédéraux de subventions et contributions appuient et encouragent l'innovation sociale.
Recommandation 8 : Intégrer des lignes directrices, des outils et des activités de formation en matière d'approvisionnement social aux mesures prises par le gouvernement pour mettre de l'avant un plan d'approvisionnement durable et cohérent.
Recommandation 9 : Résoudre les problèmes juridiques et réglementaires qui empêchent les organismes de bienfaisance et les organismes à but non lucratif de tirer profit de l'innovation sociale et de la finance sociale.
Recommandation 10 : Mener une série d'essais de réglementation contrôlés selon l'approche du « bac à sable » pour explorer et tester de nouveaux modèles de réglementation.
Recommandation 11 : Mettre en œuvre une initiative de développement et de partage des données et des connaissances en innovation sociale.
Recommandation 12 : Coordonner une campagne nationale de sensibilisation sur l'innovation sociale et la finance sociale.
Une stratégie qui produit des résultats concrets pour les Canadiens
Une fois mises en œuvre dans leur entièreté, ces recommandations se traduiront par des progrès tangibles en vue de l'atteinte des Objectifs de développement durable, c'est-à-dire les 17 objectifs que notre pays s'est engagé à atteindre dans le cadre du Programme de développement durable à l'horizon 2030 des Nations Unies.
L'expérience acquise dans d'autres pays est révélatrice des progrès qui peuvent être réalisés. Aux États-Unis, une étude a montré que 300 intermédiaires de finance sociale ont conduit, à eux seuls, à la création de 63 000 emplois permanents, à la construction ou à la préservation de près de 160 000 logements locatifs abordables et à la création de près de 32 000 places en garderie pour les personnes à faible revenu dans des collectivités vulnérables, et ce, en l'espace de 10 ansNote de bas de page 1. Les 400 millions de livres sterling consacrées à la finance sociale par le Royaume-Uni ont permis de mobiliser un montant supplémentaire de plus de 666 millions de livres de capital privé et philanthropique, et il a ainsi été possible de mettre plus de 1,1 milliard de livres à la disposition des organismes à vocation sociale qui s'emploient à améliorer les résultats dans des domaines tels que l'emploi chez les jeunes, les énergies renouvelables et l'intégration des réfugiésNote de bas de page 2.
Voilà le genre de résultats que peut donner un accroissement de la capacité en matière d'innovation sociale et de finance sociale : des approches, des ressources et de nouveaux outils mobilisés afin de réaliser des progrès face aux défis persistants auxquels sont confrontées les collectivités.
Figure 2. Approches d'innovation sociale et de finance sociale face aux défis persistants des collectivités
Logement
De nouveaux modèles de finance sociale pourraient servir à accélérer la construction de logements prévus dans la Stratégie nationale sur le logement.
Jeunes
Des organismes à vocation sociale pourraient être formés sur l'utilisation de méthodes de R D afin de concevoir de meilleurs services pour les jeunes.
Réconciliation
Des investisseurs qui ont à cœur les enjeux sociaux pourraient offrir du financement aux entrepreneurs autochtones en vue de relever les défis liés par exemple à l'insécurité alimentaire et à la production d'énergie propre.
Personnes handicapées
Des organismes à vocation sociale innovateurs pourraient démarrer plus d'entreprises en vue d'offrir des emplois et de la formation aux personnes handicapées.
La démarche à entreprendre est complexe, mais porteuse d'un futur meilleur
La façon dont ces recommandations seront mises en œuvre est toute aussi importante que leur contenu.
Le gouvernement du Canada doit tirer parti du travail déjà en cours dans tous les secteurs et toutes les régions du pays lorsqu'il met sur pied sa stratégie. Différents regroupements, dont ceux des mouvements coopératifs, de l'économie sociale, de l'entreprise sociale et du développement économique communautaire, sont des vecteurs cruciaux de l'innovation sociale et de la finance sociale à travers le pays. La stratégie doit s'appuyer sur ces efforts et en accélérer la réalisation, plutôt que de chercher à réinventer la roue.
Le gouvernement doit s'assurer que les règles du jeu sont équitables en ce qui concerne le soutien que reçoivent différents secteurs de la société pour appuyer leur innovation et leur croissance. Le gouvernement doit approfondir sa compréhension de l'innovation pour aller au-delà des entreprises conventionnelles et de la technologie et saisir l'importance de l'apport des organismes à but non lucratif, des coopératives et des mutuelles à la société canadienne, y compris grâce à l'innovation. Il doit s'affranchir des cloisonnements perçus entre les structures et les motivations du secteur à but non lucratif, du secteur privé et du secteur public. Les partenariats intersectoriels sont essentiels pour le type de changement systémique que nous espérons encourager.
Nous croyons que l'innovation sociale et la finance sociale peuvent servir à donner suite de manière tangible aux engagements du gouvernement du Canada en matière de réconciliation avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis – mais nous pensons également que l'innovation sociale et la finance sociale en milieu autochtone doivent être dirigées par les Autochtones eux-mêmes. Nos recommandations reconnaissent que les collectivités autochtones doivent participer à la conception des mesures découlant de la stratégie et en tirer parti. De plus, le gouvernement doit prendre l'engagement de mobiliser les organisations autochtones pour appuyer, y compris dans le cadre de partenariats, les initiatives d'innovation sociale et de finance sociale dirigées par les Autochtones, à leur rythme et en tenant compte de l'orientation des dirigeants communautaires.
Pour que la stratégie donne de bons résultats, il est impératif qu'elle soit mise en œuvre selon une démarche pangouvernementale véritablement intégrée, c'est à dire qui englobe la totalité des ministères et des organismes fédéraux concernés.
Cette stratégie présente au gouvernement du Canada une occasion inédite de repenser son approche à l'égard des défis les plus complexes de notre époque, en apportant aux collectivités les nouveaux outils et les nouvelles connaissances dont elles ont besoin pour obtenir les meilleurs résultats sociaux, économiques et environnementaux. Le moment est venu pour le gouvernement de poser des gestes concrets et de démontrer son appui à l'innovation sociale et à la finance sociale. Grâce à des investissements judicieux, nos collectivités seront prêtes à réaliser leurs aspirations et à instaurer un avenir plus inclusif, prospère et ancré dans le développement durable.
1. Introduction
Le Canada est une terre d'innovateurs. Notre pays a une riche tradition d'innovation à des fins sociales et environnementales, que l'on pense aux peuples autochtones dont les sociétés ont prospéré grâce à l'interdépendance de leur culture et à leur ingéniosité, aux caisses populaires établies au tournant du 20e siècle pour assurer l'accès au crédit dans leur région ou encore aux premiers réseaux de bénévoles et de donateurs qui ont fait leur apparition pendant la Première Guerre mondiale pour recueillir les fonds à l'appui de leurs collectivités.
Aujourd'hui, plus que jamais, nous devons tirer parti de cet esprit novateur. Les défis sociaux, économiques et environnementaux complexes auxquels fait face notre pays – l'itinérance, les changements climatiques, l'emploi des jeunes et la crise des opioïdes, pour ne nommer que ceux-là – exigent de la créativité et des solutions transformatrices. Si nous voulons faire mieux, il nous incombe de travailler différemment.
Figure 3. Défis sociaux et environnementaux urgents que doivent relever les collectivités canadiennes
Dans un rapport paru en 2017, la Brookings Institution concluait que, si les tendances se maintiennent, le Canada risque de n'atteindre aucun des 17 objectifs de développement durable dans le cadre du Programme de développement durable des Nations UniesNote de bas de page 3. Les statistiques officielles nous apprennent notamment que :
- Plus de trois millions de familles canadiennes vivent dans la pauvreté et les taux de faible revenu sont en moyenne beaucoup plus élevés dans le cas de certains groupes, dont les chefs de famille monoparentale, les immigrants récents, les Autochtones vivant hors réserve et les personnes handicapéesNote de bas de page 4
- Près de 750 000 Canadiens vivent dans une famille dont le principal soutien économique entre dans la catégorie des travailleurs pauvresNote de bas de page 5
- 570 000 Canadiens n'ont pas un accès fiable à de l'eau potableNote de bas de page 6
- Les émissions totales de gaz à effet de serre n'ont diminué que de 2 % entre 2005 et 2015Note de bas de page 7.
Le Canada a les moyens nécessaires pour résoudre de tels problèmes : de bonnes idées et une population talentueuse et diversifiée qui souhaite bâtir une société plus inclusive. À travers le pays, les collectivités tirent parti de ces actifs pour s'attaquer aux défis sociaux et environnementaux qui les confrontent et bon nombre d'entre elles ont déjà obtenu des résultats inspirants. Nous avons maintenant besoin d'un plan ambitieux pour aider toutes les collectivités à bâtir leurs forces et à exploiter pleinement leur capacité d'innovation. Les défis sociaux et environnementaux auxquels elles sont confrontées n'attendront pas. Nous non plus ne pouvons pas nous permettre d'attendre.
Le temps est venu d'élaborer une stratégie canadienne d'innovation sociale et de finance sociale
En juin 2017, le gouvernement du Canada a nommé les 17 membres de notre Groupe directeur; nous formons un groupe diversifié ayant pour mandat de guider l'élaboration d'une stratégie d'innovation sociale et de finance sociale pour le Canada. Aujourd'hui, après un an de travaux et de consultations, nous formulons des recommandations à l'intention du gouvernement pour l'aider à s'acquitter de son engagement. Nous croyons que le temps est venu pour le gouvernement de prendre des mesures et d'investir dans les collectivités afin que, ensemble, nous puissions obtenir les meilleurs résultats sociaux et environnementaux dans l'intérêt des Canadiens.
L'innovation sociale et la finance sociale sont des outils nécessaires si l'on veut réaliser des progrès en vue de résoudre les problèmes complexes auxquels fait face le pays. L'innovation sociale renvoie à de nouvelles idées qui, une fois adoptées, améliorent le bien-être d'une collectivité. Bien qu'elles puissent maintenant paraître banales, des idées comme l'assurance maladie et le recyclage étaient au départ des innovations sociales qui ont transformé les systèmes d'antan. Des innovations plus récentes comme la microfinance, le commerce équitable et les sites d'injection supervisés sont en train de refaçonner les systèmes de nos jours. La finance sociale, quant à elle, est la pratique consistant à faire des investissements qui visent à engendrer, outre un rendement financier, des retombées sociales ou environnementales. Il s'agit d'une source importante de soutien financier pour le développement et l'expansion de l'innovation sociale. Autrement dit, l'innovation sociale consiste à innover pour le bien social et environnemental, souvent par l'entremise d'un soutien issu de la finance sociale. C'est au moyen de ce genre d'innovation que nous rendons nos collectivités, notre pays et notre monde plus inclusifs et plus durables.
Le gouvernement du Canada a un rôle essentiel à jouer afin d'appuyer l'innovation sociale
D'un océan à l'autre, on observe des particuliers et des organisations de tous les secteurs de la société formant des réseaux et des partenariats, qu'on appelle des écosystèmes, à l'intérieur desquels ils travaillent pour rendre leurs collectivités plus inclusives et plus durables au moyen de l'innovation sociale et de la finance sociale. On peut penser, par exemple, à un partenariat entre les services sociaux et les organismes gouvernementaux qui échangent leurs données pour réduire la pauvreté infantile. Il peut aussi s'agir d'une collaboration entre le secteur philanthropique et le secteur privé pour prévenir l'hypertension artérielle chez les aînés ou pour améliorer la situation des Canadiens qui sont confrontés à des obstacles à l'emploi. Par l'entremise de ces efforts collectifs, ces écosystèmes et beaucoup d'autres qui leur ressemblent utilisent les pratiques d'innovation sociale et de finance sociale pour améliorer notre pays.
Figure 4. L'innovation sociale crée de meilleurs résultats à Prince Albert, en Saskatchewan
En 2010, la ville de Prince Albert, en Saskatchewan, enregistrait une hausse de son taux de criminalité ainsi qu'une montée vertigineuse du budget des services de police et des coûts d'incarcération. Comme le déclarait le chef de police de l'époque, Dale McFee : « ce n'est pas en multipliant les arrestations qu'on allait régler ce problème »Note de bas de page 8
La communauté de Prince Albert s'est mobilisée pour trouver une façon différente d'agir, en s'inspirant de l'expérience de l'Écosse. La solution a consisté à adopter un modèle de carrefour de la sécurité communautaire (« Hub Model for Community Safety ») : la police et les organismes de services sociaux travaillant ensemble et mettant en commun les données disponibles afin d'offrir un soutien intégré aux personnes et aux familles qui présentent d'importants facteurs de risque. Lors de la mise en œuvre de ce modèle, les partenaires ont fait bien attention d'offrir leurs services selon une approche qui prévienne toute stigmatisation de la pauvreté, de la santé mentale et des problèmes de toxicomanie.
Trois ans après la mise en œuvre du modèle à Prince Albert, en 2011, on constatait que les crimes ont diminué de 37 %, ce qui a permis de réaliser des économies estimées à 3,2 millions de dollarsNote de bas de page 9. Depuis, cette innovation sociale qu'on surnomme le « modèle de la Saskatchewan » a été reprise dans 16 autres municipalités et régions de la province et dans 65 autres au Canada et aux États-Unis. L'expérience de Prince Albert démontre ce que l'on peut réaliser lorsque les partenaires collaborent et mettent à profit de nouveaux outils pour relever un défi social persistant.
Le rôle du gouvernement du Canada consiste à soutenir ces écosystèmes en utilisant les principaux leviers à sa disposition.
Ces leviers sont nombreux. Le gouvernement du Canada établit le cadre politique et réglementaire dans lequel les organismes de bienfaisance et de nombreuses entreprises exercent leurs activités. Il accorde des milliards de dollars en subventions et en contributions assorties de modalités qui dictent la mesure dans laquelle elles peuvent être utilisées de manière novatrice. Le gouvernement peut stimuler l'investissement privé et alimenter la demande du marché par ses décisions d'achat. Il appuie la recherche universitaire et publie les statistiques officielles. Il peut agir à titre de rassembleur au niveau national pour aider les innovateurs des différentes régions du pays à apprendre les uns des autres et à élargir le champ d'application des idées qui se sont révélées efficaces ailleurs. Et, surtout, le gouvernement a aussi la capacité de faire des investissements stratégiques au niveau de l'ensemble des programmes fédéraux afin de favoriser l'innovation à l'appui du bien social.
Le gouvernement doit d'abord uniformiser les règles du jeu en matière d'innovation sociale
Récemment, le gouvernement a annoncé des investissements sans précédent pour rationaliser les mesures de soutien à l'innovation destinées au secteur privé. Malgré l'impact positif que ces investissements dans l'innovation commerciale et technologique peuvent avoir sur l'économie dans son ensemble, ceux-ci ne permettront pas de relever les défis socio-économiques persistants, comme l'itinérance chronique, la pauvreté infantile et l'inégalité des revenus. En l'absence de soutien destiné à l'innovation sociale, les investissements dans l'innovation technologique ne constituent pas seulement une occasion ratée; ils engendrent des risques pour la société. Une croissance économique qui n'est pas assortie de progrès sociaux équivalents risque d'accentuer les inégalités et de contribuer à la dégradation de l'environnement.
Pour relever ces défis, nous devons opter pour une approche différente. Le gouvernement doit élargir sa compréhension de l'innovation pour aller au-delà des entreprises conventionnelles et de la technologie. Il doit faire des investissements stratégiques similaires pour soutenir l'innovation à des fins sociales et environnementales.
Notre plaidoyer en faveur de règles du jeu équitables repose sur la conviction que le Canada ne réalisera pas de progrès significatifs pour résoudre nos problèmes sociaux et environnementaux les plus complexes et les plus profondément enracinés s'il se cantonne dans des approches et des outils traditionnels. Le gouvernement aura toujours un rôle à jouer dans la prestation et l'amélioration des services publics. Cependant, les pressions croissantes qui s'exercent sur les budgets gouvernementaux nous obligent à concevoir des solutions créatives pour maximiser l'impact des investissements publics.
Nous ne pouvons résoudre nos problèmes les plus urgents sans établir de partenariats entre tous les secteurs
Pour mettre de l'avant une vision plus inclusive de l'innovation, il faut faire intervenir tous les secteurs.
Le gouvernement doit tout d'abord prendre en compte l'importante contribution que le secteur à but non lucratif, qui comprend les organismes de bienfaisance, les organismes à but non lucratif, les coopératives et les mutuelles, apportent à la société canadienne. Non seulement fournissent-ils des services essentiels qui améliorent la qualité de vie des Canadiens, mais ils constituent également des vecteurs d'innovation qui font un apport important à l'économie. Ces secteurs sont des partenaires essentiels du gouvernement et leur rôle ne se borne pas à celui d'agents de prestation de services. Il faut reconnaître cette réalité et investir en conséquence.
Le secteur privé doit également faire partie de cette réflexion. Jamais les dirigeants des grandes sociétés n'ont fait valoir publiquement de façon aussi forte la nécessité pour les entreprises de faire un apport à la société. Bien que la collaboration intersectorielle soit essentielle pour que se réalisent les changements systémiques comme ceux que nous voulons mettre en branle, nous sommes conscients que des divergences peuvent exister dans le secteur privé sur le plan des priorités et des motivations. Il faut donc s'assurer que nos efforts aient comme objet ultime l'intérêt public. Ceci est nécessaire pour que les collectivités tirent parti de l'importance de plus en plus grande que le secteur privé accorde à sa participation dans des initiatives d'innovation sociale et de finance sociale.
Le secteur public doit aussi faire évoluer la culture qui prévaut au sein de ses institutions. Au lieu de continuer de mettre l'accent sur les programmes de subventions à court terme, qui ne visent que les symptômes de problèmes plus complexes, nos gouvernements doivent travailler à l'élaboration de solutions évolutives, capables de s'attaquer à la véritable cause des problèmes. Ils doivent éliminer les cloisonnements perçus entre les structures et les motivations des différents secteurs – organismes de bienfaisance, organismes à but non lucratif et secteur privé –, et établir des partenariats avec les organismes qui se consacrent à des missions sociales et environnementales, quelle que soit leur structure organisationnelle.
Une occasion pour le Canada de se démarquer sur la scène internationale
Le Canada a beaucoup à apprendre de ses pairs internationaux sur le rôle que les gouvernements nationaux et supranationaux peuvent jouer afin de stimuler l'innovation qui vise à améliorer la qualité de vie dans les collectivités. Le Canada a également tiré des leçons de ses premières expériences dans ce domaine, leçons dont d'autres pourraient profiter.
Figure 5. Le mouvement mondial pour appuyer l'innovation sociale et de la finance sociale
Les gouvernements et les organisations internationales des quatre coins du monde ont commencé à faire des investissements ambitieux pour renforcer les collectivités au moyen de l'innovation sociale et de la finance sociale.
En 2012, le gouvernement du Royaume-Uni s'est engagé à verser plus de 400 millions de livres sterling à même les fonds non réclamés de comptes bancaires pour capitaliser Big Society Capital (BSC), le tout premier fonds national de finance sociale. Depuis, BSC a pris des engagements dépassant les 434 millions de livres sterling et a mobilisé plus de 666 millions de livres de capitaux privés pour le financement social; il a ainsi dégagé plus de 1,1 milliard de livres à l'intention d'organismes à vocation socialeNote de bas de page 10 BSC constitue l'une des initiatives prises par le gouvernement du Royaume-Uni pour stimuler la finance sociale; ces initiatives comprennent notamment les capitaux de démarrage pour les fonds de finance sociale, l'établissement d'intermédiaires pour appuyer le renforcement des capacités et l'instauration d'un crédit d'impôt pour les investissements en finance sociale.
L'innovation sociale et la finance sociale constituent également une priorité pour les institutions de l'Union européenne. La Commission européenne a intégré l'innovation sociale aux initiatives phares et aux paramètres de financement d'Europe 2020, sa stratégie décennale visant à soutenir l'économie du continent grâce à une croissance intelligente, durable et inclusive. Cela a conduit à des initiatives clés, comme la création d'un réseau européen d'organismes d'innovation sociale et à l'établissement du Social Impact Accelerator, un fonds de finance sociale doté de 243 millions d'euros.
En 2017, le gouvernement de la Corée du Sud a mis sur pied un groupe de travail et a créé un organe permanent pour le conseiller sur des politiques pouvant permettre de stimuler l'innovation sociale au niveau interministériel, l'accent étant mis sur la mobilisation citoyenne et sur le recours aux nouvelles technologies. Le gouvernement sud-coréen a aussi annoncé la constitution d'un fonds de finance sociale doté de 300 milliards de wons à même des comptes bancaires inactifs, dans la foulée de l'expérience britannique. Les bonifications des crédits d'impôt ont aussi été mises de l'avant pour accélérer la croissance de la finance sociale.
D'autres gouvernements, entre autres l'Espagne (2011), la Belgique (2012), le Mexique (2012), le Portugal (2013), la France (2014), la Thaïlande (2016) et la Tunisie (2018), de même que le Québec (2013), ont adopté des lois-cadres pour reconnaître et promouvoir les organismes à vocation sociale. Bien que ces lois soient adaptées au contexte et à la terminologie propre à chaque pays, elles ont en commun de reconnaître que les organismes à vocation sociale constituent un vecteur clé de l'innovation sociale et de la croissance inclusive.
La stratégie proposée est une occasion pour le Canada d'être un chef de file en matière d'innovation sociale, de faire preuve de leadership et de respecter ses engagements pris dans le cadre du Programme de développement durable des Nations Unies, un cadre d'action mondial englobant 17 objectifs en vue d'éradiquer la pauvreté et de bâtir une planète saine.
Les initiatives d'innovation sociale et de finance sociale autochtones doivent être dirigées par les Autochtones
Nous avons rencontré des membres et des groupes autochtones provenant de différentes régions du Canada pour prendre connaissance de leurs points de vue dans l'optique de l'élaboration de la stratégie. Grâce à ces entretiens, nous avons pu prendre connaissance d'exemples de réussite en matière d'innovation sociale dans les collectivités autochtones. Les praticiens issus des Premières Nations, Inuits et Métis à qui nous avons parlé ont exprimé un optimisme prudent quant aux possibilités offertes par les pratiques d'innovation sociale et de finance sociale pour obtenir les meilleurs résultats sociaux et environnementaux dans les domaines qu'ils jugent prioritaires et pour promouvoir le renforcement des capacités et le transfert du savoir dans les collectivités autochtones et de collaborer avec les collectivités en s’adaptant à leur rythme. On nous a également dit que la terminologie utilisée pour véhiculer le message de l'innovation sociale et de la finance sociale ne concorde pas toujours avec celle qui est privilégiée dans les collectivités. Ces praticiens jugent nécessaire d'adapter le langage de l'innovation sociale et de la finance sociale aux perspectives culturelles autochtones. On nous a signalé que certains aspects de l'innovation sociale et de la finance sociale, notamment la possibilité d'un rôle accru associé aux capitaux privés et philanthropiques, soulèvent des risques pour les collectivités autochtones. On a rappelé par ailleurs que le gouvernement s'est engagé à instaurer des relations renouvelées – de nation à nation, de gouvernement à gouvernement et entre les Inuits et la Couronne – en se fondant sur la reconnaissance du droit des peuples autochtones à l'autodétermination, à l'autonomie gouvernementale et à construire leurs nations.
Les participants ont affirmé que les collectivités autochtones doivent collaborer à la conception et tirer parti des mesures découlant de la stratégie. Leur partcipation s’impose en particulier dans les domaines du renforcement des capacités et des compétences, du financement et du capital, du partage des connaissances et de la mobilisation. De plus, le gouvernement doit prendre l'engagement de mobiliser les organisations et collectivités autochtones pour appuyer, y compris dans le cadre de partenariats, les initiatives d'innovation sociale et de finance sociale dirigées par les Autochtones, en respectant le rythme établi par les collectivités autochtones et en suivant les conseils des leaders des communautés.
Nos recommandations
Le présent rapport présente des recommandations visant à doter les collectivités d'outils et de connaissances dont elles ont besoin afin de résoudre plus efficacement les problèmes sociaux, économiques et environnementaux auxquels elles sont confrontées.
Ces recommandations découlent, en grande partie, du processus d’engagement grande échelle entrepris à l'automne 2017, qui comptait plus de 60 séances de mobilisation en personne, deux processus en ligne et des activités de sensibilisation auprès de plus de 15 000 Canadiens et de plus de 400 intervenants, sans oublier une analyse des activités en cours grâce au soutien des administrations municipales, provinciales et territoriales.
La façon dont ces recommandations seront mises en œuvre sera tout aussi cruciale que leur contenu. Les recommandations devraient être mises en œuvre de concert afin de créer un ensemble cohérent de mesures de soutien pour les collectivités. L'innovation sociale et la finance sociale sont par ailleurs de puissants outils de promotion de la diversité et de l'inclusion. Pour qu'il soit possible d'exploiter pleinement ce potentiel, les groupes sous-représentés doivent participer activement à la mise en œuvre des recommandations, notamment les personnes ayant connu la pauvreté, les femmes, les communautés de langue officielle en situation minoritaire, les immigrants, les réfugiés, les membres des minorités visibles, les personnes handicapées, les aînés et les jeunes. De plus, il est impératif que la stratégie adopte une approche pangouvernementale qui implique la participation de tous les ministères et agences fédéraux concernés. La stratégie doit aussi s'appuyer et renforcer les écosystèmes d'innovation sociale et de finance sociale qui existent déjà et ne pas réinventer la roue.
Figure 6. L'innovation sociale et la finance sociale comme moyens pour faire progresser l'égalité entre les sexes
Les femmes sont le moteur de nombreux secteurs et mouvements qui pratiquent depuis longtemps l'innovation sociale et la finance sociale. Elles représentent environ 75% de la main-d'œuvre et occupent 71% des postes de direction dans le secteur canadien des organismes de bienfaisances et des organismes à but non lucratifNote de bas de page 11 Au sein de l'économie sociale du Québec, les femmes représentent 71 % de la main-d'œuvre et 50 % des membres des conseils d'administrationNote de bas de page 12.
Une étude récente démontre le rôle actif des femmes dans la création et l'expansion d'organismes à vocation sociale qui produisent des revenus, ce qui n'est pas toujours le cas dans le secteur privé. Une personne ayant participé à l'étude a observé que « dans le choix d'entreprendre en économie sociale, il y a une question de valeur (…) si l'on prend la mission de notre entreprise, il y a l'idée d'être un acteur dans le milieu et d'offrir quelque chose à notre communauté (…) On contribue ainsi au développement de notre région, pas juste sur le plan économique, mais aussi sur le plan social. »
Malheureusement, il existe toujours un écart salarial marqué entre les hommes et les femmes dans plusieurs de ces secteurs et certaines des femmes travaillant dans ces secteurs doivent surmonter des difficultés de nature plus générale ayant trait à la valeur que la société accorde à leur travail. Une vision plus inclusive de l'innovation aiderait à réduire ces inégalités.
Notre vision est celle d'un avenir meilleur pour le Canada où les collectivités en santé s'épanouissent selon un modèle qui s'inscrit dans le développement durable et où les personnes, en particulier celles qui se retrouvent dans des situations vulnérables, ont accès à de bons emplois et à des logements sécuritaires et abordables; c'est aussi un avenir qui se caractérise par la réconciliation avec les peuples autochtones, par des communautés de langue officielle en situation minoritaire dynamiques, par une diversité vivifiante et par une véritable inclusion sociale et économique. Ce fut un grand privilège de pouvoir établir des liens avec des innovateurs des treize provinces et territoires qui travaillent avec acharnement pour faire de cette vision de l'avenir une réalité. Ces personnes et ces organisations ont déjà réalisé de grands progrès, en dépit de contraintes importantes. Lorsque vous prendrez connaissance des nombreux exemples d'innovation sociale présentés dans ce rapport, nous vous encourageons à imaginer ce qui pourrait être accompli si le gouvernement fédéral exerçait un rôle de partenaire déterminant et solidaire.
2. Que sont l'innovation sociale et la finance sociale?
Définir l'innovation sociale et la finance sociale
Pour bien des gens, l'innovation sociale et la finance sociale sont de nouveaux concepts. Pour d'autres, il s'agit de nouvelles façons de décrire de vieilles approches. Dans tous les cas, il importe de souligner que ces termes n'ont rien d'abstrait; en effet, ils renvoient à des activités concrètes et mesurables qui ont un impact positif dans nos collectivités, qu'il s'agisse de services à l'appui de personnes se trouvant dans une situation précaire, de l'investissement de capitaux privés dans des projets communautaires ou de la vente et de l'achat responsable de biens et de services. Selon nous, ces termes – innovation sociale et finance sociale – portent un message important sur les défis qui se posent et sur les possibilités qui s'offrent au Canada, tout comme l'ont fait des concepts comme ceux du développement durable et de la réconciliation lorsqu'ils ont commencé à être utilisés.
L'innovation sociale
Figure 7. Définition de l'innovation sociale
Innovation sociale Une réponse à un problème social ou environnemental, qui peut prendre n'importe quelle forme, par exemple, un programme ou un service ou encore une façon différente de structurer les organisations, et qui, une fois adoptée, donne de meilleurs résultats que les approches existantes. Les innovations sociales ont des effets transformationnels et donnent lieu à des améliorations dans des organisations, des communautés, des régions ou des systèmes.
Les Canadiens sont bien conscients de la valeur des innovations commerciales et technologiques ainsi que de leur rôle dans l'amélioration de la productivité au sein de l'économie. L'innovation sociale est un concept similaire qui se réfère à l'application d'idées, de méthodes et de pratiques nouvelles qui engendrent une valeur sociale, plutôt qu'une valeur strictement commerciale. L'innovation sociale peut prendre différentes formes, par exemple de nouveaux modes de conception des services sociaux ou de nouvelles méthodes de collaboration entre organisations. La figure 8 donne une idée des différentes formes que peut prendre l'innovation sociale.
Figure 8. Différents types d'innovation sociale
L'innovation sociale peut prendre les formes suivantes :
- Nouveaux programmes, services ou modèles d'intervention : plusieurs organismes de services sociaux sont en train de revoir leur mode de fonctionnement afin d'obtenir de meilleurs résultats. Ces organismes ont commencé à faire un plus grand usage de données, à collaborer avec de nouveaux types de partenaires, y compris des entreprises privées, et à mettre l'accent sur la prévention, entre autres méthodes. C'est ce genre d'approche qui a été utilisée pour élaborer Racines de l'empathie, un programme d'enseignement créé en Ontario et maintenant offert dans le monde entier. Ce programme a démontré sa capacité d'accroître l'empathie chez les enfants; il a pour but de mettre fin aux cycles intergénérationnels de violence et de mauvaises pratiques parentales.
- Pratiques ou processus créatifs : Les laboratoires d'innovation sociale sont des espaces, parfois hébergés dans des administrations publiques ou dans des établissements d'enseignement supérieur, où des particuliers et des organisations se réunissent pour collaborer sur des défis complexes, souvent au moyen de techniques particulières comme la pensée conceptuelle ou l'utilisation de données comportementales. On peut mentionner à titre d'exemple l'Energy Futures Lab, mis sur pied par Natural Step Canada en collaboration avec Suncor Énergie, le Banff Centre, le Pembina Institute et le gouvernement de l'Alberta. Fort de la participation de plus de 70 organisations, ce laboratoire réunit des innovateurs et des influenceurs en vue de trouver ensemble des solutions aux défis énergétiques actuels et futurs en Alberta.
- Structures organisationnelles ou partenariats innovateurs : Les plateformes collaboratives constituent une forme innovatrice de gouvernance dans le secteur des organismes de bienfaisance et des organismes à but non lucratif qui peuvent avoir des retombées bénéfiques sur les collectivités. Il s'agit d'entités constituées en personne morale que l'on met sur pied pour offrir un point d'attache légal et pour fournir des services de soutien communs à des entités non constituées en personne morale qui réalisent des projets communautaires et qui pourraient avoir du mal à mener leurs activités en raison des exigences juridiques et redditionnelles associées à la création d'un organisme de bienfaisance autonome. Les plateformes collaboratives facilitent le lancement de projets novateur, appuient les chefs de file locaux, encouragent la prise de risques et contribuent au renforcement des capacités au niveau des collectivités. Ainsi, la plateforme collaborative de Tides Canada héberge plus de 50 projets qui mettent de l'avant des solutions conçues par les collectivités pour relever différents défis complexes. Parmi ces projets, on retrouve des initiatives de gestion et de conservation de l'environnement ainsi que de développement de systèmes alimentaires locaux durables et sécuritaires.
L'innovation sociale va au-delà de l'amélioration des services. Pour qu'un nouveau programme, un service remanié ou un partenariat entre des organisations soit considéré comme une innovation sociale, il doit y avoir un impact transformateur sur l'organisation, la collectivité ou la région qui l'adopte. L'innovation sociale a ainsi le potentiel de perturber – pour le mieux – des systèmes complexes tels que le système du logement ou de la santé. L'importance de l'innovation sociale tient au fait qu'elle donne lieu à des progrès mesurables face aux défis sociaux et environnementaux complexes qui confrontent nos collectivités. C'est pour cette raison que, tout comme pour l'innovation technologique, nous devons veiller à mettre en place les conditions requises pour promouvoir l'innovation sociale dans les collectivités.
Figure 9. Changements systémiques rendus possibles par l'innovation sociale
Le Winnipeg Boldness Project est un projet de recherche développement qui vise à améliorer les perspectives dans le domaine du développement de la petite enfance dans le quartier de Point Douglas, à Winnipeg. Grâce à l'utilisation d'un outil d'innovation sociale – le laboratoire social –, ce projet réunit des chefs de file de la collectivité, des entreprises et des résidents pour élaborer conjointement des solutions en vue d'assurer l'évolution des systèmes en place, solutions qui sont ensuite testées avec l'aide de familles du quartier. On vise à reproduire les idées prometteuses et à les appliquer à plus grande échelle afin de les intégrer définitivement au sein de la communauté et d'en étendre les retombées. Le projet est financé principalement par le gouvernement du Manitoba et la Fondation McConnell, et il bénéficie aussi du soutien de Centraide Winnipeg et de la Fondation Richardson.
La Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec est un syndicat qui représente 75 000 professionnelles en soins infirmiers et cardiorespiratoires au Québec. Elle appuie des projets pilotes visant à faire l'essai de modèles innovateurs de prestation de soins de santé abordant des défis sociaux complexes. Par exemple, la FIQ a appuyé la Coopérative de solidarité SABSA de la ville de Québec qui a élaboré un modèle reposant sur les services d'infirmières pour offrir des services de proximité et des services de soins de santé communautaires à des personnes vivant dans des situations vulnérables et marginalisées vivant dans des quartiers défavorisés. L'efficacité de ce modèle a été reconnue et SABSA a conclu un partenariat officiel avec le ministère provincial de la Santé.
La finance sociale
Figure 10. Définition de la finance sociale
La finance sociale réfère à des investissements visant à créer un impact social ou environnemental mesurable, en sus du rendement financier.
La finance sociale diffère de l'investissement responsable en ce sens que ceux qui font et qui reçoivent des investissements de finance sociale ont l'intention de créer des retombées sociales et environnementales tangibles grâce à leurs activités. La figure 11 illustre la relation entre les différentes formes d'investissement, notamment la finance sociale, l'investissement à impact et l'investissement responsable.
Le marché canadien de la finance sociale est diversifié; on y retrouve des organisations de différents types dont les priorités varient tout autant et couvrent un vaste continuum. Certains investisseurs en finance sociale cherchent à obtenir des taux de rendement comparables à ceux du marché tout en faisant en sorte que leurs investissements créent des répercussions sociales ou environnementales positives. D'autres investisseurs sont prêts à accepter des rendements inférieurs afin de maximiser les impacts sociaux ou environnementaux de leurs investissements; les investissements constituent pour eux des outils afin d'engendrer des retombées positives dans les collectivités. Certains intermédiaires créent des fonds ou des produits de financement social qui chevauchent différents segments du continuum d'investissement présenté à la figure 11, en utilisant des approches de cumul de capital pour permettre à des investisseurs appartenant à différentes catégories de participer au même fonds ou projet. Un fil conducteur s'étend sur l'ensemble de ce continuum diversifié : l'exercice délibéré du pouvoir de la finance dans le but d'engendrer une valeur sociale et environnementale.
Figure 12. Finance sociale – Un large éventail d'outils, de produits et de projets d'investissement
Une variété d'outils financiers sont utilisés pour faire des investissements en finance sociale, depuis les titres d'emprunt privés jusqu'aux prises de participation dans des sociétés fermées ou cotées en bourse, en passant par les instruments semblables à des obligations et par les mécanismes de financement axé sur les résultats, comme les obligations à impact social. En voici quelques exemples :
- Les fonds d'investissement, qu'ils soient indépendants ou constitués par des institutions financières, qui investissent dans des organismes à vocation sociale par voie de prêts ou d'acquisition d'actions. Le Réseau d'investissement social du Québec, par exemple, a investi plus de 28 millions de dollars dans 841 entreprises d'économie sociale depuis sa création, en 1997, ce qui a permis de créer et de préserver près de 10 000 emplois dans des secteurs aussi variés que le commerce de détail, les services alimentaires et les soins de santé. En Colombie Britannique, Rhiza Capital investit, sous forme d'acquisition d'actions ordinaires et privilégiées, dans des entreprises commerciales à vocations multiples (économique, sociale, culturelle, environnementale, etc.), et elle fait aussi des investissements afin d'appuyer des entrepreneurs sociaux émergents et en plein essor aux quatre coins du Canada.
- Les intermédiaires de la finance sociale émettent des obligations ou proposent d'autres outils de placement aux investisseurs. On peut prendre l'exemple de CoPower, une plateforme où les investisseurs canadiens de toute taille peuvent se procurer des obligations vertes, les « Green Bonds », qui servent à financer tout un éventail d'initiatives axées sur les énergies propres et l'efficacité énergétique, par exemple, des projets d'énergie solaire, d'améliorations exoénergétiques d'appartements en copropriété et d'énergie géothermique résidentielle dans l'ensemble du Canada. À Toronto, le Centre for Social Innovation a émis une obligation communautaire qui a servi à financer l'achat d'un bâtiment neuf de 64 000 pieds carrés, ce qui a été possible grâce au soutien de 227 investisseurs.
- Les parts ordinaires ou privilégiées émises à l'intention d'investisseurs par des coopératives, comme la Peace Energy Cooperative, qui ont contribué à financer la construction d'un parc d'éoliennes produisant 102 mégawatts d'électricité à Bear Mountain (Colombie Britannique).
- Des investisseurs privés, des administrations publiques et des organismes de services sociaux établissant des partenariats au moyen d'obligations à impact social (OIS). Les OIS sont des accords contractuels où les investisseurs acceptent de fournir, dès le départ, les fonds requis pour exécuter un projet, tandis qu'un bailleur de fonds, en général une administration publique, s'engage à rembourser les investisseurs si le projet atteint des cibles de rendement négociées au préalable. Les OIS peuvent servir à promouvoir l'innovation en matière de prestation de services ainsi qu'à donner lieu à une baisse des coûts pour les gouvernements, mais peuvent aussi provoquer une forte opposition parmi certains intervenants. La première OIS au Canada, le Sweet Dreams Project, a été lancé en 2014; les participants étaient l'organisme de service EGADZ, le gouvernement de la Saskatchewan, la Conexus Credit Union ainsi que des investisseurs privés, Wally et Colleen Mah. L'objectif de ce projet, qui s'étend sur une période de cinq ans, consiste à éviter à 22 enfants de Saskatoon d'être placés en famille d'accueil.
Le marché de la finance sociale réunit trois types d'intervenants :
- Du côté de la demande on retrouve les organisations qui sont à la recherche d'investissements, comme les organismes de bienfaisance, les organismes à but non lucratif, les coopératives et les mutuelles, ainsi que les entreprises privées qui se consacrent à une mission sociale ou environnementale;
- Du côté de l'offre, on retrouve les organisations ou les investisseurs qui cherchent à créer un impact social, comme les fondations, les investisseurs institutionnels, les fonds de pension, et les particuliers, par exemple les ménages canadiens qui cherchent à créer un impact social et environnemental grâce à leur épargne;
- Enfin, les intermédiaires établissent un lien entre la demande et l'offre; il peut s'agir, par exemple, d'intermédiaires financiers comme les organismes de crédit communautaire ou encore les coopératives de crédit, les institutions financières autochtones et les banques à charte.
Figure 13. Taille du marché canadien de la finance sociale
Les estimations de la taille du marché de la finance sociale au Canada sont fondées sur des sondages et comprennent probablement certains actifs d'investissement socialement responsable ne correspondant pas à la définition de la finance sociale utilisée dans le présent rapport (se reporter à la figure 11). Néanmoins, ces chiffres donnent une indication de l'intérêt des investisseurs à mobiliser leurs capitaux d'une façon qui engendre des retombées sur les collectivités :
- D'après les estimations de la valeur du marché basées sur l'offre et les produits, les actifs de la finance sociale sous gestion oscillaient entre 1,6 milliard et 2,2 milliards de dollars en 2012Note de bas de page 13 À titre comparatif, la valeur des actifs d'investissement responsable au Canada la même année était estimée à 600 milliards de dollars (ce montant atteignait 1,5 billion de dollars à la fin de 2015)Note de bas de page 14.
- Selon les estimations de l'Association pour l'investissement responsable, les actifs de la finance sociale sous gestion au Canada à la fin de 2015 s'élevaient à 9,3 milliards de dollarsNote de bas de page 15.
- Un rapport de 2016 recensait 812 millions de dollars d'actifs de finance solidaire sous gestion, et ce, uniquement au QuébecNote de bas de page 16 Cette estimation peut aider à mettre en contexte les estimations antérieures en termes de portion des actifs sous gestion qui est imputable au financement axé sur l'impact d'abord ou au financement consacré au développement communautaire (se reporter à la figure 11) à l'échelle nationale; il faut toutefois signaler que la finance sociale au Québec a bénéficié du soutien du gouvernement provincial.
La finance sociale a le potentiel de mobiliser des milliards de dollars de capitaux privés et philanthropiques pour s'attaquer à des enjeux sociaux et environnementaux, ce qui servirait en retour à créer de nouvelles sources de revenus pour les organisations afin de concevoir et de déployer à grande échelle des projets qui améliorent le bien-être des communautés. La finance sociale est une innovation sociale en soi, car elle peut restructurer les marchés financiers pour mettre à profit le pouvoir du capital afin d'obtenir des résultats sociaux; elle constitue également une source clé de soutien financier pour le développement et l'expansion de l'innovation sociale au Canada.
Figure 14. Différentes approches en finance sociale qui impliquent différents niveaux de risques et de rendements
En 2016, l'Association pour l'investissement responsable a mené une enquête auprès de 87 intermédiaires et investisseurs actifs sur le marché canadien de la finance sociale et elle a constaté que 65 % visaient un rendement concurrentiel, c'est-à-dire égal ou supérieur au taux du marchéNote de bas de page 17 Parmi ce groupe, 96 % ont indiqué que le rendement de leurs investissements avait atteint ou dépassé leurs attentes. Les risques, le rendement et le manque de projets d'investissement viables sont les trois principaux facteurs qui, selon les investisseurs, font en sorte qu'il n'y a pas davantage d'investissements.
Qui est impliqué?
L'un des principes clés qui sous-tend nos recommandations est qu'aucun secteur ou organisme ne peut résoudre à lui seul des problèmes sociaux ou environnementaux complexes – chacun a un rôle à jouer en vue de produire de meilleurs résultats dans sa collectivité. La force de l'innovation sociale et de la finance sociale est de rassembler des particuliers et des organisations du secteur des organismes de bienfaisance et des organismes à but non lucratif, du secteur privé et du secteur public dans le but de co-créer de meilleures solutions aux défis qui comptent le plus du point de vue des collectivités.
Différents regroupements, dont ceux des mouvements coopératifs, de l'économie sociale, de l'entreprise sociale, et du développement économique communautaire, sont des vecteurs cruciaux de l'innovation sociale et de la finance sociale à travers le pays. Les particuliers et les organisations qui œuvrent dans ces mouvements – qui ne sont pas mutuellement exclusifs – ont souvent été à l'avant-plan des efforts en vue de relever les défis sociaux, économiques et environnementaux auxquels font face les collectivités canadiennes. Nous apprécions à leur juste valeur les travaux en cours dans les régions et nous respectons le choix et l'utilisation de termes et de concepts spécifiques qui correspondent aux collectivités, aux besoins et aux priorités des mouvements en question. Les recommandations formulées dans le présent rapport, si elles sont mises en œuvre, aideront ces mouvements à unir leurs forces et à étendre la portée et l'incidence de leurs activités.
Figure 15. Mouvements et réseaux pratiquant l'innovation sociale au Canada et à l'étranger
- Coopératives et mutuelles : Les coopératives sont des associations autonomes de personnes qui s'unissent volontairement pour donner suite à leurs aspirations et à leurs besoins économiques, sociaux et culturels communs par l'entremise d'une entreprise détenue conjointement et contrôlée démocratiquement. Environ 18 millions de Canadiens sont membres des quelque 9 000 coopératives et mutuelles non financièresNote de bas de page 18. En 2017, les 286 caisses de crédit hors Québec ont déclaré un actif consolidé totalisant 223,7 milliards de dollarsNote de bas de page 19. Les premiers mouvements coopératifs au Québec, en Nouvelle-Écosse et dans les Prairies étaient des précurseurs en matière d'innovation sociale et de finance sociale et ils continuent de faire un énorme apport à leurs collectivités.
- Secteur des organismes de bienfaisance et des organismes à but non lucratif : On estime à 170 000 le nombre d'organismes de bienfaisance et d'organismes à but non lucratif au Canada; ces organismes offrent de l'emploi à deux millions de personnes et leur apport à l'économie se chiffre à plus de 8 % au PIB canadienNote de bas de page 20. Étant donné que ces organismes se consacrent au bien public plutôt qu'à la production d'avantages privés – puisqu'ils servent leurs collectivités dans des domaines comme la santé, les arts et la culture, les loisirs, les services sociaux et l'environnement –, ils ont tout naturellement adopté des pratiques d'innovation sociale et de finance sociale.
- Développement économique communautaire : Ce mouvement englobe des organisations et des gens à travers le Canada qui se sont engagés à renforcer leurs collectivités en créant des possibilités économiques permettant d'améliorer les conditions sociales et environnementales, en particulier pour les personnes les plus défavorisées. L'approche du développement économique communautaire repose sur la prise en compte de l'interdépendance, de la complexité et de l'évolution constante des enjeux économiques, environnementaux et sociaux, ainsi que sur la conviction que les solutions doivent provenir des collectivités locales.
- Économie sociale : L'économie sociale comprend toutes les activités économiques menées par des organismes à but non lucratif, des coopératives et des mutuelles en conformité avec certains principes clés, dont la mission de servir les membres ou de promouvoir un objectif social – plutôt que de générer des profits – l'exercice d'une gouvernance démocratique par les membres et l'indépendance par rapport à l'État. Au Québec, l'économie sociale comprend plus de 7 000 organisations qui génèrent des revenus d'environ 40 milliards de dollars ainsi que 215 000 emploisNote de bas de page 21.
- Entreprise sociale : Différentes régions et collectivités au Canada utilisent des définitions similaires, mais néanmoins distinctes, de l'entreprise sociale. Selon une définition fréquemment utilisée à l'échelle du pays, une entreprise sociale est une entreprise, à but lucratif ou non, qui se consacre à une mission sociale, culturelle ou environnementale et qui procède à la vente de biens et de services, dont la plus grande partie des bénéfices nets tirés de ces activités est affectée à sa mission, tandis qu'une partie limitée des bénéfices fait l'objet d'une distribution aux actionnaires et aux propriétaires. Le Sondage sur le secteur des entreprises sociales a recensé 7 000 entreprises sociales sans but lucratif détenues ou exploitées au Canada en 2014 (ce chiffre n'inclut pas le Québec)Note de bas de page 22. Les répondants ont déclaré des revenus de 1,2 milliard de dollars et environ 15 000 emplois équivalents temps plein.
Nos recommandations visent également à rendre possible l'établissement de nouvelles formes de partenariat entre les différents secteurs, y compris les secteurs privé et public. Le secteur privé souhaite participer plus activement aux initiatives visant à améliorer les conditions de vie dans les collectivités. En témoigne l'essor des entreprises qui déclarent une mission sociale ou environnementale et qui sont parfois appelées entreprises à vocation sociale ou entreprises socialement responsables. Une autre indication à cet égard est le nombre croissant de sociétés qui vont au-delà des formes traditionnelles de responsabilité sociale des entreprises et qui intègrent des volets sociaux et environnementaux à leur façon de faire. De même, les organisations du secteur public, tous paliers de gouvernement confondus, mettent à l'essai de nouveaux outils et de nouvelles techniques, à la fois pour stimuler l'innovation sociale dans les collectivités et pour accroître leur capacité de partenariat par-delà les cloisonnements organisationnels.
Sauf dans les cas où il convient de nommer des secteurs bien précis pour clarifier les recommandations, nous parlerons dans ce rapport des « organismes à vocation sociale » et des « participants à des activités à vocation sociale » pour faciliter la lecture et respecter les préférences terminologiques régionales et sectorielles. Nous réalisons cependant que ces expressions peuvent présenter certaines limitations techniques et nous recommandons, par conséquent, de consulter le Conseil de l'innovation sociale (recommandation 2) avant que cette formulation soit reprise dans les lois, les politiques, les programmes ou les communications officielles du gouvernement du Canada.
Figure 16. Définitions
Organismes à vocation sociale : Ensemble des organisations ayant pour mission de promouvoir des objectifs sociaux ou environnementaux. L'univers des organismes à vocation sociale chevauche le secteur des organismes de bienfaisance et des organismes à but non lucratif (ce qui inclut les organismes de bienfaisance enregistrés, les organismes sans but lucratif constitués en société et les coopératives sans but lucratif), le secteur privé (notamment les coopératives soumises à l'économie de marché et les entreprises privées qui se consacrent à l'avancement d'une cause sociale ou environnementale) et des entités hybrides comme les entreprises à contribution communautaire en Colombie-Britannique et les entreprises d'intérêt communautaire en Nouvelle-Écosse.
Participants à des activités à vocation sociale : Cette expression englobe à la fois les personnes qui dirigent des projets ou y participent en vue de produire de meilleurs résultats sociaux ou environnementaux, par exemple, des entrepreneurs sociaux, des bénévoles et des fonctionnaires et des organisations, comme des entreprises privées et des organismes gouvernementaux dont la mission principale n'est pas nécessairement de s'attaquer à un problème social ou environnemental, mais qui participent néanmoins à une initiative ou à un projet d'innovation sociale ou de finance sociale.
3. Écosystèmes canadiens d'innovation sociale et de finance sociale : avancées et défis
On trouve à la grandeur du Canada des organismes à vocation sociale, issus de différents secteurs de la société, qui se réunissent et constituent des écosystèmes en mettant en commun leurs ressources, en lançant des initiatives de collaboration et en échangeant des compétences et des connaissances dans le but de renforcer leurs collectivités. Certains des écosystèmes ainsi constitués se rassemblent dans le contexte de leur usage commun d'une approche ou d'un outil particulier, comme la finance sociale ou l'entreprise sociale; d'autres se concentrent sur l'amélioration des conditions sociales et économiques dans une collectivité donnée, région ou province; d'autres encore regroupent des organismes à vocation sociale dont les activités portent sur le même enjeu social ou environnemental persistant à l'échelle du pays.
Figure 17. L'écosystème d'économie sociale du Québec
L'économie sociale est un vecteur socioéconomique du Québec. Des réseaux diversifiés d'organisations et des particuliers soutiennent la croissance et favorisent la contribution de ce secteur au développement des collectivités. Son écosystème repose sur des structures de concertation et de représentations qui coordonnent les efforts de différentes composantes, dont les suivantes :
- Concertation nationale :Le Chantier de l'économie sociale et le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité (CQCM) concertent et représentent des structures de gouvernance réunissant des intervenants de l'écosystème. Pour cette raison, la loi sur l'économie sociale, une loi-cadre votée en 2013, reconnaît le Chantier de l'économie sociale et le CQCM comme interlocuteurs privilégiés du gouvernement du Québec. De nos jours, l'économie sociale du Québec repose sur plus de 7 000 organisations collectivement détenues et gérées qui génèrent des revenus d'environ 40 milliards de dollars et 215 000 emplois.
- Recherche et transfert de connaissances : Des organisations comme le Centre de recherche sur les innovations sociales (CRISES) et Territoires innovants en économie sociale et solidaire (TIESS) travaillent en collaboration avec des établissements d'enseignement supérieur et des réseaux de soutien à l'économie sociale de tout le Québec. Ces collaborations s'appuient sur le succès des alliances de recherche universités-communautés (ARUC) : celle en économie sociale (2000-2010) et de celle sur le développement territorial et la coopération (2008-2012).
- Services aux entreprises : Des regroupements sectoriels (actifs dans des secteurs aussi diversifiés que la foresterie, le logement et les soins à domicile), des groupes-conseils spécialisés et des municipalités fournissent des services de développement des affaires aux entreprises d'économie sociale.
- Formation et éducation : le Comité sectoriel de main-d'œuvre pour l'économie sociale et l'action communautaire travaille de concert avec les responsables de différents programmes collégiaux et universitaires de premier cycle et de cycles supérieurs afin d'offrir des formations spécialisées aux travailleurs, aux gestionnaires et aux membres des conseils d'administration des entreprises d'économie sociale.
- Financement : CAP Finance est un réseau d'institutions financières unissant leurs forces afin de promouvoir et développer la finance solidaire et le capital de développement du Québec auprès des intervenants et du grand public. L'originalité de CAP Fiance réside dans la complémentarité de ces institutions financières et dans la volonté d'adopter des pratiques relevant de la finance socialement responsable. En plus de travailler à développer l'expertise des professionnels du Réseau, CAP Finance est un joueur clé dans l'écosystème de la finance solidaire du Québec puisqu'il inclut un large éventail d'intervenants actifs dans toutes les régions et dont les opérations s'étendent de ce secteur.
De nos jours, l'économie sociale du Québec repose sur plus de 7 000 organisations qui génèrent des revenus d'environ 40 milliards de dollars et 215 000 emplois.
Ces écosystèmes ne sont pas apparus par hasard. Tout comme les entreprises conventionnelles ont besoin de certaines conditions pour devenir rentables, comme cadre réglementaire favorable et un environnement d'investissement prévisible, les organismes à vocation sociale ont besoin de conditions et de services de soutien adéquats pour stimuler l'innovation. Les conditions requises pour soutenir les écosystèmes d'innovation sociale et de finance sociale peuvent être regroupées en six domaines d'action interreliés :
- Les compétences et les capacités, afin que les organismes à vocation sociale et les participants à des activités à vocation sociale disposent des connaissances et des ressources nécessaires pour adopter des approches d'innovation sociale et de finance sociale;
- Le financement, pour que les organismes à vocation sociale et les participants à des activités à vocation sociale disposent des ressources financières requises afin de concevoir, de mettre à l'essai, d'adopter et de développer des solutions novatrices aux problèmes sociaux, économiques ou environnementaux;
- L'accès aux marchés, pour permettre aux organismes à vocation sociale de trouver des acheteurs pour leurs biens et leurs services;
- Un cadre politique et réglementaire habilitant, qui crée les conditions propices à l'épanouissement des organismes d'innovation sociale et de finance sociale et des organismes à vocation sociale;
- Le développement et le partage des données et des connaissances, afin que les organismes à vocation sociale et les bailleurs de fonds puissent collaborer en se fondant sur les solutions les plus efficaces, mettre au point de meilleurs biens et services, puis en mesurer l'impact et évaluer les progrès réalisés;
- Les efforts de sensibilisation et de mobilisation visant à stimuler l'intérêt et à renforcer le soutien en vue de faire progresser les approches d'innovation sociale et de finance sociale.
Ces composantes doivent être réunies pour créer des écosystèmes qui encouragent l'innovation et maximisent sa portée et son impact. Par exemple, les organismes à vocation sociale doivent posséder les compétences requises et être en mesure d'accéder aux données dont elles ont besoin pour tirer le maximum du financement qui leur est fourni afin de les aider à innover. Pour qu'il y ait des occasions d'investissement en finance sociale, il doit exister un cadre politique et réglementaire qui permet aux organismes à vocation sociale de générer des revenus ainsi que des marchés sur lesquels ces organismes peuvent vendre leurs biens et services.
De nombreux écosystèmes d'innovation sociale et de finance sociale fonctionnent déjà bien et apportent des avantages tangibles dans leurs collectivités. Toutefois, nous avons appris lors de nos consultations que, même dans les écosystèmes florissants, il existe des lacunes importantes et des occasions manquées, et ce, dans chacun des six domaines d'action. Le gouvernement du Canada a un rôle à jouer pour combler ces lacunes et pour favoriser une démarche intégrée afin d'appuyer les écosystèmes existants.
La suite de la présente section contient une description des possibilités et des défis auxquels font face les organismes à vocation sociale relativement à chacun des six domaines d'action.
3.1 Capacités et compétences
Ce n'est pas d'hier que les participants à des activités à vocation sociale font preuve de connaissances et de compétences spécialisées pour répondre aux besoins des collectivités qu'elles servent. À titre d'exemple, les employés de première ligne qui s'emploient à lutter contre la pauvreté et l'itinérance mettent en pratique leurs connaissances en matière de travail social, de toxicomanie et de santé mentale pour bien comprendre les forces et les besoins des populations auxquelles ils apportent un soutien au quotidien. D'autres organismes à vocation sociale mettent à profit leur sens des affaires pour produire des résultats financiers impressionnants tout en servant leurs collectivités.
Les organismes à vocation sociale doivent également développer les compétences qu'ils possèdent déjà pour tirer parti des possibilités offertes par l'innovation sociale et la finance sociale. Une pratique efficace de l'innovation sociale et de la finance sociale requiert un ensemble très particulier de compétences, combinant souvent des disciplines distinctes, entre autres les sciences et la technologie, les affaires et les finances et le travail social. De nouvelles méthodes, comme la recherche-développement sociale, la pensée conceptuelle (ou le « design thinking »), l'analyse des données, la mesure des impacts et la littératie numérique, deviennent de plus en plus importantes pour les organismes à vocation sociale. Outre le perfectionnement des compétences, les organismes à vocation sociale doivent aussi renforcer leur capacité à l'interne. Lors de nos consultations, nous avons appris que plusieurs organismes à vocation sociale cherchent à disposer d'une plus grande capacité pour exécuter les premières étapes du processus d'innovation et d'expérimentation et veulent aussi établir de nouveaux partenariats pour le transfert des connaissances. Les praticiens issus des Premières Nations, Inuits et Métis nous ont aussi dit que les lacunes en matière de capacités et de compétences étaient particulièrement marquées dans le contexte des collectivités autochtones.
Figure 18. L'innovation sociale et la finance sociale exigent de nouvelles compétences
La recherche-développement (R-D) dans le domaine social donne un exemple des nouveaux types de compétences et de capacités dont peuvent tirer profit les organismes à vocation sociale. La R-D sociale est un domaine de pratique qui permet aux organismes à vocation sociale de découvrir et de produire des prototypes de nouvelles approches générant un impact social. Ce domaine se compose, en grande partie, d'organismes de services à but non lucratif qui combinent divers types de connaissances – sociologie, recherche sur le terrain, développement économique communautaire, conception et technologie, etc. – afin de mettre à l'essai de nouvelles idées pour améliorer les résultats atteints dans leur collectivité.
InWithForward a recours à la R-D sociale pour travailler avec des fournisseurs de services sociaux et des personnes se retrouvant dans des situations marginalisées dans différentes régions du Canada en vue d'élaborer des interventions qui donnent de meilleurs résultats. Dans le cadre d'un projet, l'organisme a mené pendant trois mois des travaux ethnographiques poussés sur le terrain, ce qui a été suivi de six mois de prototypage à partir de l'expérience acquise, puis d'une année d'essais bêta avec des adultes ayant des déficiences cognitives dans le but de contrer l'isolement social. Ces efforts ont abouti à la plateforme d'apprentissage Kudoz, qui permet à des personnes ayant une déficience intellectuelle de faire des expériences nouvelles dans leur collectivité. L'un des participants, Aaron, a eu une formation en scénarisation avec un acteur et en rédaction de textes d'humour avec un humoriste local. Selon Aaron : « J'ai toujours eu envie de faire de l'impro, mais je ne savais pas comment. Maintenant, je suis un cours et j'ai obtenu un engagement rémunéré! »
Malheureusement, les organismes à vocation sociale qui souhaitent renforcer leurs capacités et enrichir leurs compétences doivent surmonter des obstacles de taille pour y arriver. Ces organismes, qui ont habituellement des ressources très limitées, ont du mal à dégager les moyens financiers requis pour assurer la formation de leur personnel. Il s'agit d'un obstacle majeur, particulièrement pour les organismes œuvrant dans les collectivités rurales et éloignées ainsi que dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire, qui comptent beaucoup sur les bénévoles. Une solution de rechange consiste à embaucher des professionnels qui possèdent déjà ces compétences. Cependant, cette solution aide peu à renforcer la capacité des organismes à plus long terme, et représente souvent une solution trop coûteuse, surtout s'il faut faire appel à des professionnels hautement rémunérés, comme des programmeurs et des concepteurs.
Figure 19. De nouveaux intermédiaires aident les organismes à vocation sociale à se doter de la capacité requise pour pouvoir innover
Par l'entremise de ses modules d'atelier et de ses services d'encadrement, Innoweave aide les organismes à vocation sociale à découvrir, à évaluer et à adopter des approches d'innovation sociale et de finance sociale. Ses modules de formation portent sur des sujets variés, comme le lancement d'une entreprise sociale, la tenue d'évaluations dans une optique de développement, les activités à impact collectif et l'adoption de méthodes de finance axée sur les résultats. Shawn Bayes, directeur général de l'Elizabeth Fry Society of Greater Vancouver, a mentionné : « Innoweave nous a permis de voir les choses sous un jour nouveau et nous a aidés à nous concentrer davantage sur ce que nous sommes, sur ce que nous voulons accomplir et sur les changements systémiques qui sont nécessaires. Cette évolution nous a aidés à dialoguer avec les bailleurs de fonds et les donateurs sur les véritables résultats de nos travaux. » Les activités d'Innoweave sont financées par la Fondation McConnell. Le programme compte aussi sur des partenariats de financement avec d'autres fondations, des gouvernements provinciaux et plusieurs ministères fédéraux, dont Emploi et Développement social Canada.
Même si tout un éventail d'outils et de mesures de soutien font leur apparition dans divers secteurs et écosystèmes régionaux pour aider les organismes à vocation sociale à accroître leurs capacités et leurs compétences, d'autres mesures sont nécessaires en guise de complément et pour tirer pleinement parti de ces efforts. À titre d'exemple, les intermédiaires, c'est-à-dire, les organisations qui fournissent un soutien, des outils et des ressources à d'autres organisations et aux innovateurs, fournissent souvent des espaces physiques et virtuels –accélérateurs, laboratoires, plateformes d'apprentissage en ligne, etc. – qui servent à créer des liens entre les organisations, à faciliter la collaboration et à favoriser l'acquisition de nouvelles compétences. Toutefois, la plupart des intermédiaires ont de la difficulté à obtenir un financement durable qui leur permettrait d'élargir la portée de leurs activités et de leur impact auprès des organismes à vocation sociale.
Figure 20. Les incubateurs et accélérateurs universitaires et collégiaux aident les étudiants à acquérir de nouvelles compétences
Les collèges et les universités constituent un carrefour naturel pour de nombreuses disciplines et domaines dont les idées stimulent l'innovation sociale et l'entrepreneuriat social, qu'il s'agisse des affaires et du commerce, des sciences de la santé en passant par l'anthropologie et les arts de la scène. Ils aident ainsi les étudiants de tout le pays à acquérir les compétences nécessaires pour participer à l'innovation sociale et à la finance sociale.
Les innovateurs de la Social Ventures Zone (SVZ) de l'Université Ryerson se penchent sur certains des problèmes sociaux et environnementaux les plus urgents de la planète. Grâce à un espace de travail conjoint, à des services d'encadrement et de formation ainsi qu'à l'établissement de liens avec les collectivités et entre pairs, les initiatives de la SVZ ont permis d'aborder des enjeux allant du gaspillage d'aliments à la pauvreté en milieu urbain, en passant par la sécurité alimentaire dans le Nord et le développement international. Au fil de ces travaux, les entreprises participantes ont mobilisé des millions de dollars de capitaux de démarrage, et la SVZ a été à même d'aider plus d'une centaine d'entrepreneurs à accroître leurs compétences et à enrichir leurs connaissances afin de pouvoir donner suite à des défis sociaux.
Le Centre for Changemaking and Social Innovation du Georgian College réunit des professeurs, des étudiants et des organismes à vocation sociale dans le but de répondre à des enjeux complexes et d'engendrer une évolution sociale positive. Son objectif est d'amener la prochaine génération d'artisans du changement à utiliser leurs compétences entrepreneuriales pour apporter un changement bien réel dans leur collectivité. Cela passe par des projets dirigés par les étudiants, des recherches, des ateliers et un programme d'études novateur. Le Georgian College est le premier collège canadien à être désigné collège transformateur par Ashoka U, un réseau de plus de 40 collèges et universités à travers le monde, soulignant ainsi son rôle de chef de file en innovation sociale dans le contexte de l'enseignement supérieur. « Nos étudiants pensent qu'ils peuvent changer le monde et nous sommes du même avis », déclare la directrice du Centre, Suzie Addison-Toor.
Le Centre Pond-Deshpande (CPD) de l'Université du Nouveau-Brunswick fait partie du réseau international de la Fondation Deshpande, et il est l'un des partenaires du Réseau de recherche sur les politiques sociales du Nouveau Brunswick. Il agit comme catalyseur pour appuyer et renforcer la culture d'innovation et d'entrepreneuriat au Nouveau-Brunswick et dans la région. Le CPD estime que le fait de combiner des idées innovatrices et un savoir contextuel approfondi et pertinent peut permettre aux gens de la région de concevoir des solutions durables à des défis sociaux, environnementaux et économiques complexes ainsi que de lancer des initiatives aux vastes retombées, qui seront rentables tout en ayant des répercussions favorables au niveau régional et même mondial.
Les subventions, qui constituent une importante source de revenus pour la plupart des organismes à vocation sociale, permettent rarement aux bénéficiaires d'investir dans leur propre capacité et dans le développement de leurs compétences, car de telles activités sont souvent assimilées à des « frais généraux » qui ne profitent pas directement aux collectivités. C'est le cas de beaucoup de programmes fédéraux de subventions et de contributions, dont le financement accordé à court terme et en fonction de projets donnés, qui ne constituent pas un moyen vraiment approprié d'aider les organismes à vocation sociale à acquérir les compétences et les capacités dont ils ont besoin à long terme afin de relever les défis complexes qui se posent à eux.
Les mesures fédérales pour le soutien de l'innovation, du développement des entreprises et de la formation pourraient venir en aide aux organismes à vocation sociale. Cependant, bien que la plupart de ces programmes soient assortis de critères assurant une large admissibilité, les recherches donnent à penser que, dans la pratique, ils ont tendance à viser principalement les entreprises conventionnelles à but lucratif et que les organismes à vocation sociale y ont rarement ou difficilement accès.
Figure 21. Données d'enquête sur les défis auxquels font face les entreprises sociales au chapitre des compétences
- 47 % des entreprises sociales sans but lucratif interrogées en Ontario en 2015 ont indiqué que le manque de compétences à l'interne constituait leur principal défiNote de bas de page 23
- Seulement 33 % des entreprises sociales interrogées en Nouvelle-Écosse en 2016 estimaient disposer de ressources humaines adéquates. L'accroissement des compétences en affaires des administrateurs et des gestionnaires se classait au deuxième rang des domaines prioritaires d'action pour les répondants (après l'accès aux marchés de consommation)Note de bas de page 24.
Certaines initiatives de soutien fédérales, comme le Programme de financement des petites entreprises du Canada ainsi que la Banque de développement du Canada, ne sont pas ouvertes aux organismes à but non lucratif. De plus, dans le cas des organismes à vocation sociale qui ne tirent pas de revenus de la vente de biens et de services, il n'existe carrément aucun soutien fédéral comparable aux services-conseils, aux possibilités de réseautage et de collaboration ou encore aux subventions à l'embauche qu'offre le Programme d'aide à la recherche industrielle du Conseil national de recherches du Canada.
3.2 Financement et capitaux
Programmes de subventions et de contributions
Les subventions représentent une importante source de financement pour les organismes à vocation sociale qui cherchent à mettre à l'essai des innovations en vue de produire de meilleures perspectives pour les collectivités. Au Canada, de plus en plus de gouvernements, de fondations et de sociétés testent des pratiques de financement ayant pour but de favoriser l'innovation dans la façon dont on répond à divers enjeux, dont l'itinérance, les services d'aide à l'intégration et l'emploi chez les jeunes. Par exemple, le gouvernement du Canada expérimente actuellement des approches de financement axées sur les résultats, de prix et défis ainsi que de microsubventions. Les obligations à impact social – formule de financement axée sur les résultats – ont fait l'objet d'essais pilotes dans le monde entier à titre de moyen de mobiliser des capitaux privés afin d'obtenir de meilleurs résultats sociaux.
Figure 22. Pratiques de financement innovatrices pour le renforcement des capacités d'innovation dans les collectivités
L'initiative Ensemble pour le développement social des communautés francophones et acadiennes du Canada fait appel au modèle d'intermédiaire – une pratique de financement innovatrice – en vue d'encourager l'innovation sociale dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire de tout le Canada. L'initiative vise à produire de meilleures perspectives pour les aînés, les aidants, les jeunes et les familles francophones en situation vulnérable. Elle est appuyée par Emploi et Développement social Canada.
La Fédération des aînées et aînés francophones du Canada (FAAFC), qui regroupe 12 associations d'aînés francophones au Canada, remplit le rôle d'intermédiaire pour l'initiative. En partenariat avec l'Alliance des femmes de la francophonie canadienne, la Commission nationale des parents francophones et la Fédération de la jeunesse canadienne-française, la FAAFC a comme tâche d'assurer le renforcement des capacités et d'appuyer l'établissement de partenariats. Elle fournit également des fonds à des organismes de plus petite taille qui auraient autrement de la difficulté à se prévaloir de possibilités de financement au niveau national ou à attirer des capitaux privés.
Depuis son lancement à l'automne de 2016, l'initiative Ensemble, qui compte 29 projets, a eu des retombées sur environ 114 000 francophones au pays, ce qui inclut la prestation directe de services à plus de 11 350 citoyens dans plus de 80 collectivités francophones du Canada. Au cours de ses dix-huit premiers mois d'existence, elle a mobilisé des investissements additionnels de 3,5 millions de dollars. Un modèle similaire et tout aussi fructueux a été mis à l'essai dans les collectivités anglophones du Québec.
Lors de nos consultations, nous avons beaucoup entendu parler de la façon dont la réforme des pratiques d'octroi des subventions fédérales pourrait contribuer davantage à stimuler l'innovation sociale dans les collectivités. Nous avons appris que les organismes à vocation sociale veulent consacrer plus de temps à l'essai de nouvelles idées pour s'acquitter de leurs missions et moins de temps à se conformer à des processus fastidieux de demandes de financement et de production de rapports. Ils veulent pouvoir modifier les modalités de leurs ententes de financement au fil des progrès réalisés, tirer des leçons des erreurs passées et tirer parti de l'expérience acquise ailleurs. Ils souhaitent conclure des ententes de financement à plus long terme qui tiennent compte du temps et des ressources nécessaires à l'innovation ainsi que des avantages que cela peut apporter. Ils veulent compter sur un financement qui couvre le coût réel de leurs programmes, incluant des aspects comme l'évaluation, la technologie et le renforcement des capacités. Les organismes veulent des programmes de subventions et de contributions qui sont accessibles aux collectivités rurales et éloignées et qui tiennent compte de la situation particulière des communautés de langue officielle en situation minoritaireNote de bas de page 25. De nombreux groupes et particuliers autochtones avec qui nous avons parlé nous ont dit que les pratiques de financement rigides empêchent les collectivités de mettre en œuvre les solutions qu'elles savent être nécessaires dans leur situation.
Somme toute, les organismes à vocation sociale souhaitent établir des relations de financement fondées sur la confiance et le respect mutuels – des relations qui reflètent l'immense apport que les organismes à vocation sociale font chaque jour pour aider le gouvernement à atteindre ses objectifs.
La nécessité de mener une réforme des pratiques d'octroi de subventions gouvernementales représente depuis longtemps une priorité pour les bénéficiaires de subventions. En 2006, un Groupe d'experts indépendant sur les programmes de subventions et de contributions du gouvernement fédéral a recommandé des mesures pour rendre l'exécution de ces programmes plus efficiente tout en assurant une plus grande responsabilisation. Ces recommandations, dont beaucoup avaient trait à la nécessité de réduire la paperasserie, demeurent pertinentes et devraient être mises en œuvre.
Finance sociale
La finance sociale offre aux organismes à vocation sociale de nouvelles possibilités d'accès au capital. Elle peut permettre de réacheminer des capitaux privés et philanthropiques importants vers des projets d'investissement qui cherchent à générer un impact social ou environnemental positif. On peut déjà observer de nombreux exemples de fonds de finance sociale et d'ententes qui créent à la fois des résultats positifs pour les collectivités en plus d'un rendement financier pour les investisseurs. Dans le cadre de nos discussions, nous avons pu constater le bon bilan des institutions financières autochtones en matière de prêts de développement et d'initiatives de développement des entreprises et nous avons appris qu'il est possible d'accroître l'incidence de ces activités en y injectant des capitaux.
Figure 24. Exemples de fonds de finance sociale canadiens
Le Social Enterprise Fund (SEF) aide les entreprises sociales de l'Alberta à combler leurs besoins de financement. Le Jasper Place Wellness Centre (qui a pour but de combler les besoins de l'une des collectivités d'Edmonton ayant à surmonter certaines difficultés) a tiré parti des prêts du SEF afin d'acheter des camions et des bennes pour ses activités d'enlèvement de débris, de même que du matériel pour ses activités de recyclage de matelas qui connaissent une forte croissance, sans oublier un emprunt hypothécaire pour acquérir un terrain pour l'aménagement d'un nouveau carrefour alimentaire communautaire.
Situé au Cap-Breton (Nouvelle-Écosse), New Dawn Enterprises a tiré parti du programme provincial des Community Economic Development Investment Funds (CEDIF) – qui fait la promotion de l'investissement dans les petites collectivités. Ce programme offre aux collectivités, aux entreprises et aux organisations la possibilité de mobiliser des capitaux privés grâce à un crédit d'impôt provincial généreux; cela fournit aux investisseurs l'occasion d'appuyer des entreprises locales innovatrices et axées sur la croissance.
Depuis 2004, les sociétés participant au CEDIF de New Dawn – soit trois sociétés qui se consacrent à la mobilisation de fonds en misant sur le CEDIF – ont investi plus de 13 millions de dollars au Cap Breton. Des fonds ont été investis dans des sociétés en démarrage ou déjà bien établies dont le siège social et les activités sont situés sur l'île. Parmi les entités qui ont bénéficié d'investissements, on peut mentionner la Big Spruce Brewery, Live Ship, Nova Stream, Protocase, Advanced Glazings, Marcato Digital et Media Spark. Pour bon nombre de ces sociétés, il s'est révélé ardu d'obtenir des capitaux de démarrage ou d'expansion sur les marchés financiers concentrés dans le centre du Canada et aux États Unis. Les fonds mobilisés par New Dawn grâce au CEDIF constituent pour elles une solution de rechange disponible au niveau local.
Cela dit, il y a aussi certains obstacles à la croissance de la finance sociale au Canada. On manque d'intermédiaires spécialisés qui comprennent les modèles d'affaires des organismes à vocation sociale et qui sont en mesure d'évaluer le profil de risque de ces organismes en plus de les aider à hausser leur degré de préparation en vue des investissements. Par ailleurs, même s'ils portent un intérêt à la finance sociale, certains investisseurs pourraient être réticents à engager des capitaux, parce qu'il n'y a pas suffisamment de données sur les résultats obtenus antérieurement pour permettre de faire clairement la distinction entre les risques perçus et les risques réels. Cette situation se traduit par un marché où l'adéquation entre l'offre et la demande est sous-optimale et par une absence d'activités de finance sociale dans certaines régions. Les organismes à vocation sociale, en particulier ceux à but non lucratif, ont de la difficulté à trouver des produits qui répondent à leurs besoins. Pour leur part, les investisseurs sont frustrés de l'absence de possibilités d'investissement immédiat, de sorte que des milliards de dollars qui pourraient servir à répondre à des besoins sociaux et environnementaux pressants sont utilisés ailleurs.
Figure 25. Incidence du soutien gouvernemental de la finance sociale aux États-Unis
Aux États-Unis, différentes initiatives fédérales ont favorisé la croissance d'institutions de financement du développement communautaire (IFDC), c'est à dire des institutions financières privées qui offrent des prêts responsables et abordables à des personnes disposant d'un faible revenu ou d'un patrimoine restreint et à d'autres personnes et collectivités dans des situations vulnérables. Parmi ces initiatives, on note la Community Reinvestment Act (Loi sur le réinvestissement communautaire), qui incite les banques à travailler en partenariat avec les IFDC, le CDFI Fund du gouvernement fédéral et le New Markets Tax Credit Program (programme de crédit d'impôt pour les nouveaux marchés). Apparues d'abord à l'échelle locale, les IFDC forment maintenant un segment robuste de l'industrie des services financiers. On recense actuellement plus d'un millier d'IFDC actives dans tous les États et qui gèrent des actifs de plus de 100 milliards de dollars. Une étude datant de 2014 a démontré comment un sous-ensemble de 333 IFDC avaient créé plus de 63 000 emplois, construit ou préservé près de 160 000 logements locatifs abordables et créé près de 32 000 places en garderie au cours d'une période de 10 ans pour les personnes à faible revenu vivant dans des situations vulnérables (de 2003 à 2012)Note de bas de page 26.
Certains gouvernements, tant au Canada qu'à l'étranger, ont pris des mesures pour surmonter ces obstacles et pour engendrer un effet catalyseur sur la croissance du financement social, notamment des initiatives de capitalisation, des incitatifs fiscaux et des mesures réglementaires qui encouragent ou obligent les investisseurs et les grands intermédiaires, comme les banques, à affecter des capitaux au financement social. En 2018, le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a publié un rapport intitulé Le rôle du gouvernement fédéral dans un fonds de financement social, où il conseillait au gouvernement de tirer des leçons de l'expérience acquise par d'autres pays et d'affecter des fonds à la création d'un fonds de finance sociale.
3.3 Accès aux marchés
Les organismes à vocation sociale qui génèrent des revenus, y compris les entreprises sociales, contribuent à la croissance économique. On retrouve de tels organismes dans presque toutes les collectivités du Canada et pratiquement dans tous les secteurs de l'économie, ce qui inclut les biens de consommation, les aliments et les boissons, les services de conseil en gestion, les soins de santé, la construction, les services d'entretien de bâtiments, les énergies renouvelables et le logement abordable. Outre la valeur économique qu'ils créent, ces organismes aident à réaliser des progrès dans l'atteinte d'objectifs sociaux ou environnementaux qui servent à créer des collectivités plus fortes et plus saines pour les Canadiens. Par exemple, de nombreux organismes à vocation sociale apportent un soutien à des personnes confrontées à de multiples obstacles à l'emploi, en leur offrant les possibilités d'emploi et de formation dont ils ont besoin pour réintégrer le marché du travail. Les revenus générés par les activités entrepreneuriales aident les organismes à vocation sociale à accroître leur viabilité financière dans un environnement où les subventions et les dons sont de plus en plus rares. Cette source de revenus peut également être moins restrictive que d'autres et offrir aux organismes à vocation sociale plus de souplesse dans l'utilisation des fonds en vue de répondre aux besoins de leurs collectivités.
Figure 26. Les organismes à vocation sociale engendrent une valeur à la fois sociale et économique
Atira Property Management est une entreprise sociale qui offre des services de gestion immobilière aux promoteurs et aux propriétaires de bâtiments, aux investisseurs et à d'autres fournisseurs de logements coopératifs et sans but lucratif de la région métropolitaine de Vancouver. Cette entreprise à but lucratif est la propriété exclusive de l'organisme de bienfaisance enregistré Atira Women's Resource Society, un organisme de femmes luttant contre la violence, qui offre un hébergement à court ou à long terme à des femmes et à des enfants victimes de violence, de même que des programmes auxiliaires de soutien, par exemple des services de consultation psychologique, des services de conseils juridiques, des sites de prévention des surdoses réservés aux femmes, des services axés sur le logement et des services de garderie accrédités. Grâce à Atira Property Management, des centaines de femmes ainsi que d'hommes devant surmonter d'importants obstacles à l'emploi sont en mesure de trouver du travail. La firme Ernst and Young a réalisé deux évaluations d'Atira qui démontraient que, pour chaque dollar de revenus d'Atira Property Management, la valeur sociétale globale créée dans la région de Vancouver en 2013 et en 2016 se chiffrait à 3,69 $ et à 4,13 $, respectivement. Ainsi que l'a dit un employé : « Il ne s'agit pas seulement de toucher une paye. Le but est aussi de faire un effort supplémentaire pour aider les gens et améliorer leur quotidien. »
STR8 UP est un organisme de bienfaisance enregistré qui est établi à Saskatoon et qui offre des services de proximité, de la formation et d'autres programmes et mesures de soutien destinés aux personnes qui s'adonnent ou se sont adonnées à des activités de criminalité urbaine et qui souhaitent revenir dans le droit chemin. En 2017, STR8 UP a lancé STR8 UP Works, une entreprise sociale qui offre aux membres de STR8 UP une occasion de participer à des programmes d'emploi de transition dans des domaines comme l'aménagement paysager, la construction et le nettoyage. Tous les bénéfices tirés de STR8 UP Works servent à couvrir le coût des programmes. Jorgina Sunn, qui a été membre d'un gang de rue par le passé et qui travaille maintenant avec STR8 UP, fait part de son parcours dans le but d'aider d'autres personnes : « Je suis en voie de guérison. Je me sens plus saine. Je fais ce que je peux pour prendre soin de moi-même. Je fais de mon mieux. »
Établie à Charlottetown, UpStreet Craft Brewing était au départ une petite entreprise qui a connu une croissance rapide et en est venue à être un membre important de la collectivité. Elle embauche des jeunes du coin, cède les céréales qu'elle a utilisées à des agriculteurs locaux pour l'alimentation de leur bétail et a fait des dons totalisant près de 30 000 $ à des groupes communautaires locaux. En 2016, cette société à but lucratif certifiée B Corp a reçu un prix de Startup Canada destiné aux entreprises sociales en raison de son impact sur la collectivité.
Les gouvernements et les autres grands acheteurs sont idéalement placés pour aider les organismes à vocation sociale à faire croître leurs entreprises. Par exemple, les achats de biens et de services du gouvernement du Canada au nom des ministères et organismes fédéraux s'élèvent à environ 19,8 milliards de dollars par année.Note de bas de page 27. Ces décisions d'achat pourraient être mises à profit pour créer une plus grande valeur sociale et économique dans les collectivités. En tant que plus important acheteur de biens et de services canadiens, le gouvernement du Canada possède un très grand pouvoir d'achat. Il a la possibilité d'agir à titre de « premier acheteur » et de stimuler la croissance des organismes à vocation sociale par ses décisions en matière d'approvisionnement, tout comme les gouvernements du monde entier l'ont fait avec des produits qui étaient bien souvent jugés non viables au départ, comme le papier recyclé et les voitures électriques. À l'heure actuelle, toutefois, les organismes à vocation sociale sont désavantagés lorsqu'ils participent aux processus d'approvisionnement des gouvernements et des grandes sociétés. Ces organismes sont souvent de petite taille et ne sont pas en mesure de participer à des processus d'approvisionnement à grande échelle. Même si les petites et moyennes entreprises à but lucratif font face à des difficultés semblables, elles peuvent du moins compter sur l'aide du Bureau des petites et moyennes entreprises de Services publics et Approvisionnement Canada.
Figure 27. L'approvisionnement social crée des emplois dont on a grand besoin
En 2014, Logement Manitoba s'est associé au gouvernement du Manitoba pour mener des tests portant sur l'approvisionnement social en concluant des contrats avec cinq entreprises sociales afin de réaliser des projets de rénovation de ses logements sociaux. Selon un rapport sur le rendement social des investissements, chaque dollar investi dans le projet pilote a créé une valeur sociale et économique de 2,23 $. « Des sommes importantes allaient être dépensées pour réparer des ensembles d'appartements. On a alors demandé à notre entreprise, BUILD, si elle était en mesure d'effectuer ces rénovations. Nous avons donc créé Manitoba Green Retrofit pour exécuter ce travail », a déclaré Shaun Loney, fondateur et ancien directeur général de BUILD Inc., l'une des entreprises sociales à qui l'on a fait appel pour les travaux. Établie à Winnipeg, BUILD a offert une formation axée sur l'emploi et sur les aptitudes à la vie quotidienne à plus de 800 personnes, principalement des Autochtones vivant en milieu urbain et des réfugiés. Comme le dit Art Ladd, l'actuel directeur général de BUILD Inc. : « Les gouvernements maximisent la valeur de chaque dollar de fonds publics investi lorsqu'ils ont recours à des pratiques d'achat ou d'approvisionnement social. »
Des gouvernements du monde entier ont commencé à utiliser le terme « approvisionnement social » pour désigner la pratique consistant à tirer parti des dépenses d'approvisionnement dans le but de créer une valeur sociale – non seulement pour aider les organismes à vocation sociale à améliorer leur accès aux marchés, mais aussi pour s'assurer que leurs décisions d'achat correspondent à leurs objectifs sociaux. L'Écosse et le Royaume-Uni, la France, la Finlande et l'Australie ont mis à l'essai des initiatives d'approvisionnement social qui ont donné de très bons résultats. Au Canada, il y a aussi des exemples de municipalités, de gouvernements régionaux et d'autres grandes institutions qui font l'essai de l'approvisionnement social. Ainsi, l'Ontario, la Colombie-Britannique, le Manitoba, la Nouvelle Écosse, Vancouver, Montréal et Toronto ont récemment élaboré des politiques visant à faire en sorte que les achats publics dans ces administrations procurent des avantages tangibles aux collectivités.
Figure 28. Le mouvement de l'approvisionnement social au Canada
Espace québécois de concertation sur les pratiques d'approvisionnement responsable (ECPAR) aide les organisations à intégrer des pratiques d’approvisionnement responsable et de développement durable dans leurs chaînes d’approvisionnement. ECPAR propose tout un éventail d’outils et de services, comme des critères et des lignes directrices en matière d’achats durables, un outil de calcul des coûts totaux de propriété, et des possibilités de réseautage entre acheteurs et fournisseurs de produits durables. Aéroports de Montréal, Hydro Québec et Desjardins sont au nombre de ses membres.
Les ententes sur les retombées locales (ERL) constituent une approche d'approvisionnement social utilisée par de nombreux acheteurs, dont des gouvernements, pour s'assurer que les collectivités locales bénéficient des investissements dans l'infrastructure et d'autres grands projets de développement économique. Les retombées peuvent prendre différentes formes, par exemple des possibilités d'emploi et d'apprentissage pour les populations défavorisées, des logements abordables, la promotion des entreprises sociales locales et une viabilité environnementale accrue. Au moment de la préparation du présent rapport, le Parlement étudiait un projet de loi d'initiative parlementaire (projet de loi C-344) qui habiliterait le gouvernement à recueillir de l'information sur les retombées locales engendrées par ses fournisseurs. En date de mai 2018, Infrastructure Canada avait signé huit ententes bilatérales intégrées avec des provinces et des territoires (Ontario, Nouveau Brunswick, Nouvelle Écosse, Colombie Britannique, Alberta, Nunavut, Yukon et Territoires du Nord-Ouest) en vue d'intégrer une exigence de prise en compte des changements climatiques et des mesures axées sur les avantages en matière d'emploi pour les collectivités aux programmes pertinents qui s'inscrivent dans le Plan Investir au Canada, doté de 180 milliards de dollars.
Le gouvernement du Canada est déjà conscient de l'utilité de tirer parti des dépenses d'approvisionnement pour réaliser des progrès dans l'atteinte des objectifs sociaux et environnementaux. Il a ainsi élaboré la Stratégie d'approvisionnement auprès des entreprises autochtones (SAEA) pour appuyer le renforcement des capacités de ces entreprises particulières. Services publics et Approvisionnement Canada est également en train de prendre acte du mandat confié à son ministre consistant à appuyer des pratiques d'approvisionnement écologique et social. C'est dans cette optique que le ministère étudie actuellement la possibilité de recourir davantage aux ERL dans le cadre des contrats d'infrastructure.
Cependant, jusqu'à présent, les initiatives d'approvisionnement social se sont limitées à accroître la diversité des fournisseurs en soutenant les petites et moyennes entreprises dirigées par des femmes. Bien que ces initiatives soient louables, il y a eu peu d'élan en vue de participer à des initiatives d'approvisionnement social. Le gouvernement a l'occasion de coordonner ses initiatives d'approvisionnement existantes et d'en lancer de nouvelles afin de maximiser les retombées socioéconomiques des dépenses fédérales. De nombreux spécialistes travaillant dans les collectivités des Premières Nations, des Inuits et des Métis à qui nous avons parlé ont également fait part d'un grand intérêt à améliorer l'expansion des marchés des entreprises autochtones en améliorant la SAEA.
3.4 Cadre politique et réglementaire
Des lois, des règlements et des lignes directrices clairs et habilitants sont nécessaires pour appuyer l'innovation sociale, la finance sociale et l'entreprise sociale. Ces « règles du jeu » déterminent en grande partie la capacité des organismes à vocation sociale d'atteindre leurs objectifs sociaux et environnementaux. Malheureusement, nous avons constaté lors de nos consultations que les règles actuelles, en particulier celles créées par la Loi de l'impôt sur le revenu à l'égard des organismes de bienfaisance enregistrés et des organismes sans but lucratif constitués en sociétéNote de bas de page 28, limitent – notamment parce qu'elles sont sources de confusion – la capacité des organismes à innover, à tirer un revenu de l'entrepreneuriat social, à collaborer avec d'autres secteurs et, finalement, à parvenir à de meilleurs résultats dans leurs collectivités. Les organismes sont plutôt obligés de consacrer une importante somme de temps, d'argent et d'énergie à s'assurer qu'elles se conforment à toutes les règles.
Figure 29. Les organismes sans but lucratif et la Loi de l'impôt sur le revenu
L'Agence du revenu du Canada (ARC) a lancé en 2009 un examen triennal portant sur les organismes sans but lucratif qui a mis en lumière un certain nombre de situations où les activités de tels organismes n'étaient pas exclusivement consacrées à des buts non lucratifs. Cet examen a aussi montré que de nombreux organismes sans but lucratif estiment devoir réaliser des bénéfices pour assurer l'essor de leurs programmes et préserver leurs immobilisations. L'opinion courante était que, tant que les bénéfices sont affectés aux fins de l'organisation, la source des fonds ne devrait pas importer. L'Agence du revenu du Canada estime toutefois que les bénéfices doivent être complémentaires et découler d'activités menées dans le but d'atteindre les objectifs de bienfaisance de l'organisme. La réalisation de bénéfices ne peut être, ou devenir, un but de l'organisme, même si ces bénéfices servent à financer des activités reliées à des objectifs non lucratifs.
Ces opinions divergentes quant au rôle des activités génératrices de bénéfices des organismes de ce secteur ressortent des constatations de ce projet d'examen de 2009 et persistent toujours entre plusieurs organismes sans but lucratif et l'Agence du revenu du Canada.
Bien qu'il ait été question de beaucoup de dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu et de directives administratives de l'Agence du revenu du Canada lors de nos consultations, les enjeux juridiques et réglementaires suivants sont ressortis du lot :
1. Activités commerciales complémentaires et non complémentaires des organismes de bienfaisance enregistrésNote de bas de page 29 : Des restrictions s'appliquent aux types d'activités que peuvent mener les organismes de bienfaisance enregistrés, et ce, même si les bénéfices sont réaffectés à leur mission. Certains organismes de bienfaisance mettent en place une structure juridique complexe pour se conformer aux règles. Toutefois, le coût associé à l'établissement de ces structures à titre de solution de rechange est prohibitif pour la plupart des petits organismes de bienfaisance, et détourne l'utilisation de ressources qui pourraient être affectées à des activités liées à la mission caritative des organismes. La violation des règles peut avoir de graves conséquences, par exemple des amendes et la perte de statut d'organisme de bienfaisance, risque qui inhibe les activités entrepreneuriales dans le secteur. Les particuliers que nous avons consultés étaient d'avis que les règles devraient encourager les organismes de bienfaisance à générer des revenus afin de promouvoir leurs missions, peu importe que l'activité commerciale soit ou non complémentaire de ces fins.
Figure 30. Exemples de défis associés aux règles sur les activités commerciales complémentairesNote de bas de page 30
Prenons l'exemple d'un organisme de bienfaisance enregistré qui offre un soutien à des fondations au Canada et qui souhaite établir un fonds d'investissement d'impact visant des enjeux importants pour la collectivité. L'organisme veut tirer parti des fonds investis par les fondations, c'est à dire réunir les fonds et les investir au nom de ces dernières. De cette manière, l'organisme de bienfaisance sert de passerelle pour les personnes et entités qui envisagent la finance sociale pour la première fois ainsi que pour les organismes de trop petite taille pour atteindre les seuils d'investissement exigés pour les fonds plus importants. Un gouvernement provincial s'est engagé à fournir un capital de premier risque, ce qui assurera une certaine protection des ressources de bienfaisance.
Avant de lancer cette initiative, l'organisme de bienfaisance demande l'opinion de l'Agence du revenu du Canada. Malheureusement, ce modèle d'investissement innovateur ne correspond pas aux critères stricts qui s'appliquent aux activités commerciales complémentaires. Du fait des règles de l'Agence du revenu du Canada, l'organisme n'a d'autre solution que d'établir une entité organisationnelle séparée qui devra comporter un conseil d'administration indépendant, un personnel distinct et une comptabilité distincte. L'organisme de bienfaisance conclut qu'il serait trop coûteux d'établir une nouvelle structure, surtout si l'on considère que le fonds n'était pas censé générer des bénéfices, de sorte qu'il abandonne complètement l'idée.
2. Production de revenus par des organismes sans but lucratif : Les organismes sans but lucratif ne sont pas non plus autorisés à avoir un but lucratifNote de bas de page 31. L'Agence du revenu du Canada a interprété cette exigence de façon assez étroite, de sorte que, à l'heure actuelle, un organisme sans but lucratif ne peut pas prévoir des bénéfices dans son budget, même si ces bénéfices sont réaffectés à sa mission. Cela empêche les organismes sans but lucratif dédiés au bien public de mettre sur pied une entreprise sociale ou d'utiliser une telle entreprise pour diversifier leurs sources de revenus.
3. Régie et contrôle : Les organismes de bienfaisance enregistrés doivent exercer une régie et un contrôle de leurs ressources, le but étant de s'assurer que ces ressources demeurent à l'intérieur du secteur et sont à la disposition des bénéficiaires des œuvres de bienfaisance. Les règles de régie et de contrôle des ressources de bienfaisance limitent les activités que les organismes de bienfaisance peuvent mener avec des entités qui ne sont pas des donataires reconnusNote de bas de page 32 pour atteindre leurs objectifs, même lorsque cette collaboration serait la façon la plus efficace d'obtenir des résultats. Ces règles empêchent également les organismes de bienfaisance de soutenir d'autres organismes au moyen d'investissements assortis de taux inférieurs à ceux du marché, même si ces investissements peuvent concourir à leur mission. Les règles posent particulièrement problème lorsqu'elles exigent d'organismes non autochtones qu'elles exercent des fonctions de régie et de contrôle à l'égard de bénéficiaires autochtones. En outre, les règles relatives aux investissements liés à des programmes au niveau fédéral chevauchent celles des provinces et des territoires et elles peuvent ne pas concorder avec ces dernières, ce qui crée de la confusion et accroît le fardeau administratif.
Figure 31. Exemples de défis entourant les règles relatives aux bienfaits d'intérêt privéNote de bas de page 33
Exemple 1 : Un petit atelier de réparation automobile a besoin d'aide pour trouver de bons employés. Il a trouvé un organisme de bienfaisance enregistré local qui offre une formation de préparation à l'emploi à des Canadiens qui se retrouvent dans une situation vulnérable. Bien que l'organisme de bienfaisance soit autorisé à offrir de la formation à ces personnes, il ne peut pas fournir des services de placement directement aux employeurs. La raison en est que l'Agence du revenu du Canada pourrait assimiler de telles activités à un bienfait d'intérêt privé pour l'employeur qui n'est pas nécessaire à la poursuite d'une fin caritative, ce qui n'est pas permis aux termes des règles actuellesNote de bas de page 34. Par conséquent, l'atelier de réparation automobile ne peut pas collaborer avec l'organisme de bienfaisance pour trouver de bons employés, même si ce genre de partenariat est plus efficace en vue de créer des possibilités d'emploi pour les Canadiens en situation vulnérable que les programmes traditionnels de préparation à l'emploi.
Exemple 2 : Un organisme de bienfaisance enregistré est informé que son statut est en cours d'examen parce que son objectif consiste à appuyer des entrepreneurs au Canada. Or, les lignes directrices de l'Agence du revenu du Canada précisent que la « promotion de l'entrepreneuriat en aidant les entrepreneurs à présenter des idées nouvelles et novatrices sur le marché du travail » constitue une fin qui ne relève pas de la bienfaisance, sauf dans le cas d'activités dans des régions défavorisées sur les plans économique et socialNote de bas de page 35. L'organisme de bienfaisance reçoit des fonds gouvernementaux. Cela veut dire que, d'une part, le gouvernement du Canada accorde des ressources pour appuyer ces activités, mais qu'il oblige, d'autre part, l'organisme à mener ces activités sans pouvoir déroger au modèle des organismes de bienfaisance.
4. Règles relatives aux bienfaits d'intérêt privé : Les règles actuelles qui empêchent l'utilisation de ressources de bienfaisance pour offrir des bienfaits d'intérêt privé préservent l'intégrité du modèle des organismes de bienfaisance et font en sorte que les ressources de bienfaisance servent uniquement à l'apport de bienfaits d'intérêt public. Toutefois, dans certains cas, un organisme de bienfaisance qui crée un bienfait d'intérêt public pourrait parallèlement conférer des bienfaits d'intérêt privé. Un tel scénario est plus susceptible de se produire lorsqu'un organisme de bienfaisance mène des activités qui se rapportent à l'innovation sociale, à la finance sociale et à l'entreprise sociale, où la démarcation entre secteur privé et secteur public est plus difficile à discerner. Les directives administratives permettent uniquement aux organismes de bienfaisance d'entreprendre des activités qui ne donnent lieu qu'à des bienfaits d'intérêt privé accessoires, c'est-à-dire nécessaires, raisonnables et proportionnels aux bienfaits d'intérêt public obtenus. Cependant, dans certains cas, par exemple les programmes d'entrepreneuriat et d'emploi, les bienfaits d'intérêt public et d'intérêt privé sont si étroitement liés qu'il est difficile de déterminer si les bienfaits d'intérêt privé sont véritablement accessoires. Étant donné qu'il n'existe pas de critère quantitatif pour mesurer les bienfaits d'intérêt privé par rapport à ceux d'intérêt public, les personnes et entités que nous avons consultées ont dit souhaiter que l'on fournisse des exemples ou des scénarios clairs pour expliquer comment l'Agence du revenu du Canada applique les règles relatives aux bienfaits d'intérêt privé, afin que les organismes de bienfaisance puissent s'y référer lorsqu'ils exercent des activités d'innovation sociale et de finance sociale.
Figure 32. La complexité des règles a un effet dissuasif sur l'innovationNote de bas de page 36
Un organisme de bienfaisance enregistré de grande taille exploite une entreprise sociale qui vend des matériaux et fournitures de maison et de construction qui, sinon, seraient envoyés à la décharge. Les fonds produits par l'entreprise sociale soutiennent les projets de construction de l'organisme de bienfaisance, qui peut ainsi fournir ses services à un plus grand nombre de Canadiens ayant besoin de logements abordables. Du fait que son modèle d'affaires était aussi nouveau, l'organisme de bienfaisance a d'abord dû suivre un long processus d'examen avec l'Agence du revenu du Canada, le but étant de s'assurer qu'il respectait la réglementation. Étant bien établi, l'organisme de bienfaisance a pu dégager les ressources financières et humaines requises pour satisfaire à ces conditions. Il demeure que le coût et les exigences du processus d'examen dépassent les capacités des organismes de bienfaisance de plus petite taille et exercent un effet dissuasif important sur l'innovation.
Des groupes et des membres des Premières Nations avec qui nous avons parlé nous ont dit que certaines dispositions de la Loi sur les Indiens peuvent créer des obstacles au développement social et économique dans leurs collectivités. De plus, le manque de cohérence entre les politiques fédérales qui définissent les « organisations autochtones » a eu des conséquences négatives sur le développement autochtone.
Dans l'ensemble, les personnes et organisations que nous avons consultées estimaient que le cadre politique et réglementaire applicable aux organismes à vocation sociale est indûment restrictif et met trop l'accent sur les activités de conformité. Ces intervenants préconisaient plutôt l'établissement d'un cadre politique et réglementaire qui autorise les activités axées sur la mission et qui puisse s'adapter à la façon dont les organismes à vocation sociale relèvent les défis environnementaux, sociaux et économiques complexes auxquels nous faisons face. Les organismes souhaitent aussi plus de clarté et de transparence dans l'application des règles actuelles.
Si l'on veut appuyer l'innovation sociale et la finance sociale, il ne suffit pas de réécrire les règles et d'en créer de nouvelles. À l'heure actuelle, il n'existe aucune tribune permettant au gouvernement et aux organismes à vocation sociale, y compris les organismes de bienfaisance et sans but lucratif, de discuter de questions d'intérêt commun.
De plus, il existe peu de mécanismes permettant de s'assurer que les connaissances et les intérêts des organismes à vocation sociale sont pris en compte au niveau des ministères et des politiques du gouvernement selon une démarche cohérente et collaborative. Selon les participants à nos consultations, le gouvernement doit établir avec ces organismes de nouvelles relations qui rendent compte de l'apport essentiel de ce secteur à l'économie et au bien-être des Canadiens.
Figure 33. Profils des dons au Canada
Il peut être surprenant d'apprendre que les dons des particuliers et des entreprises ne représentent que 13 % des revenus du secteur des organismes de bienfaisanceNote de bas de page 37. Selon de nouvelles données de la Fondation Rideau Hall et d'Imagine Canada, la valeur totale des dons déclarés par les Canadiens stagne depuis 2007, tandis que « les organismes de bienfaisance doivent compter sur une proportion toujours plus réduite de la population pour recueillir des fonds »Note de bas de page 38 Le secteur sans but lucratif de base, qui exclut les hôpitaux, les universités et les municipalités, tire plus de 45 % de ses revenus de la vente de biens et de servicesNote de bas de page 39. Des recherches nous apprennent que la vente de biens et de services est la seule source de revenus du secteur qui devrait augmenter avec le temps, contrairement aux subventions et aux donsNote de bas de page 40. Dans ce contexte, il est essentiel pour la viabilité financière du secteur que l'on trouve des solutions aux problèmes juridiques et réglementaires qui empêchent les organismes de bienfaisance et les organismes sans but lucratif de générer de nouvelles sources de revenus.
Le moment est tout indiqué pour se pencher sur le cadre politique et réglementaire entourant l'innovation sociale et la finance sociale. Le gouvernement du Canada a déjà déterminé que la modernisation du cadre juridique et réglementaire régissant les organismes de bienfaisance et les organismes sans but lucratif doit être une priorité, ayant confié ce mandat aux ministres des Finances, de la Justice et du Revenu national. En 2017, le Groupe de consultation sur les activités politiques des organismes de bienfaisance a publié ses recommandations, dont certaines se rapportent directement à la finance sociale et à l'entreprise sociale. Également, le Sénat a récemment mis sur pied un comité spécial sur le secteur de la bienfaisance, qui poursuit ses travaux de collecte de données probantes sur la situation du secteur auprès de témoins variés. La stratégie d'innovation sociale et de finance sociale fournit une excellente occasion de tirer profit des progrès déjà réalisés dans le cadre de ces initiatives.
3.5 Développement et partage des données et des connaissances
Pour être solides, les écosystèmes d'innovation sociale doivent miser sur des données probantes à l'égard des solutions et les approches liées aux problèmes sociaux et environnementaux les plus efficaces, ainsi que sur la façon d'obtenir de bons résultats sur le terrain. Cela exige à la fois que soient disponibles des données exactes et récentes, que soient effectuées des recherches pratiques et des évaluations et que soient transférées les connaissances acquises par les organismes à vocation sociale au fil de leur expérience acquise au quotidien. Cette base de connaissances est fondamentalement complexe, car elle est de nature pluridisciplinaire et couvre à la fois les secteurs des organismes sans but lucratif et des organismes de bienfaisance, des affaires et de la finance.
Les lacunes actuelles sur le plan des travaux de recherche menés et des données produites par des spécialistes et des chercheurs, de même que le manque de moyens d'adapter et de partager ce savoir précieux, inhibent considérablement l'essor des écosystèmes d'innovation sociale au Canada. Durant nos consultations, nous avons appris que des modèles efficaces de partage des connaissances ont été élaborés, mais qu'il faut faire davantage pour assurer l'interrelation des réseaux et de l'infrastructure du savoir existants, combler les lacunes et renforcer les liens entre les divers écosystèmes d'innovation sociale du Canada.
Données sur l'innovation sociale
Les écosystèmes d'innovation sociale ont besoin de divers types de données pour croître et innover. D'abord et avant tout, il faut disposer de données d'enquête de portée nationale pour comprendre et décrire les écosystèmes d'innovation sociale au Canada. Ces données de base servent à établir des repères essentiels pour établir une politique reposant sur une assise factuelle en vue de soutenir l'innovation sociale. En outre, ces ressources sont cruciales pour pouvoir comprendre la croissance des organismes à vocation sociale, leurs besoins de financement et les enjeux sociaux auxquels ils répondent, de même que pour en faire le bilan.
Figure 34. Lacune statistique critique concernant un secteur clé de l'économie canadienne
Le gouvernement n'a pas mené d'enquête nationale sur la taille du secteur des organismes de bienfaisance et sans but lucratif depuis 2002 et la publication de données économiques sur le secteur a cessé en 2007. Pourtant, ce secteur est un moteur crucial de l'innovation sociale et il affichait une production économique de 135 milliards de dollars en 2002, ce qui équivalait à 8,1 % du PIBNote de bas de page 41.
À l'heure actuelle, les importantes lacunes dans les données limitent notre capacité d'intégrer un processus de prise de décisions fondées sur des faits pour l'élaboration de politiques nationales et communautaires, et aussi de fonder ces politiques sur des données fiables, d'autant plus que les enquêtes fédérales et les comptes satellites sont inactifs depuis au moins une décennie. Heureusement, des enquêtes sur les entreprises sociales sont maintenant menées à l'échelle nationale et régionale et fournissent des renseignements importants (voir la figure 35).
Figure 35. Enquêtes récentes sur les entreprises sociales au Canada
Un certain nombre d'enquêtes récentes donnent un aperçu important de la situation actuelle des entreprises sociales au Canada :
- Selon le sondage national sur le secteur des entreprises sociales au Canada de 2016, on comptait plus de 7 000 entreprises sociales au Canada (en excluant le Québec). Les 1 350 entreprises sociales ayant répondu au sondage ont indiqué offrir de la formation à 116 000 personnes, fournir des services à plus de 5,48 millions de personnes et faire appel à 116 000 volontaires (2013 to 2014).
- Mapping the Social Shift : Nova Scotia's Social Enterprise Sector Survey Report : selon cette enquête, les entreprises sociales de la Nouvelle Écosse comptaient plus de 5 000 employés et avaient accumulé des revenus de 179 millions de dollars en 2016.
- Pour la première fois, les entreprises sociales seront incluses dans l'Enquête sur le financement et la croissance des petites et moyennes entreprises du gouvernement du Canada, ce qui permettra d'effectuer les premières comparaisons nationales portant sur le secteur des entreprises sociales par rapport aux petites et moyennes entreprises traditionnelles. Les résultats doivent être publiés par Statistique Canada en 2018.
- Selon l'édition de 2015 de l'Enquête nationale du CSMO-ÉSAC : Les Repères en économie sociale et en action communautaire – Panorama du secteur et de sa main-d'œuvre (enquête triennale sur l'effectif de l'économie sociale du Québec, incluant les coopératives), publiée par le Comité sectoriel de main d'œuvre pour l'économie sociale et l'action communautaire, le secteur de l'économie sociale emploie 284 170 personnes et un budget de fonctionnement sectoriel de 7 658 023 800 $, en hausse de 16.5 % et de 15 %, respectivement, par rapport à 2012.
Le gouvernement du Canada recueille aussi une énorme quantité de données administratives sur les organismes qui présentent une demande de financement, sur leurs activités et sur leurs résultats. Toutefois, ces données administratives sur le financement sous forme de subventions et de contributions ne comprennent pas, pour le moment, de renseignements sur le recours à l'innovation sociale, à la finance sociale ou à l'entreprise sociale dans le cadre de leurs projets. Il est donc difficile de savoir ce que fait exactement le gouvernement pour soutenir les écosystèmes d'innovation sociale. Cela limite aussi la mesure dans laquelle le gouvernement peut comparer l'efficacité d'approches innovatrices à celle des pratiques en place. Un simple changement apporté à la collecte de données relatives aux programmes afin d'inclure des catégories correspondant à l'innovation sociale et à la finance sociale, de concert avec un suivi des organismes à vocation sociale, rendrait les données administratives nettement plus utiles à l'appui des politiques, de l'évaluation et de la reddition de comptes.
Figure 36. Laboratoire de données sur les enfants et les jeunes
PolicyWise est un organisme de bienfaisance enregistré établi en Alberta qui travaille en partenariat avec des universités, des organismes de services sociaux et le gouvernement de l'Alberta. Son objectif consiste à améliorer le bien-être des enfants et des familles en produisant, en menant, en habilitant et en mobilisant des travaux de recherche et d'évaluation à l'appui de politiques et de pratiques fondées sur des données probantes. Son laboratoire de données sur les enfants et les jeunes (« Child and Youth Data Lab ») permet de combiner différentes données administratives publiques en matière de santé et de services sociaux dans le but de promouvoir la prestation efficace de services rattachée à des enjeux variés, par exemple la violence familiale, la santé mentale, le développement de la petite enfance et l'ensemble des troubles causés par l'alcoolisme fœtal.
En accord avec les engagements du gouvernement du Canada en matière de gouvernement ouvert, la diffusion publique de données administratives fédérales viendrait appuyer le travail des organismes à vocation sociale. Les chercheurs, notamment, ont besoin de données communautaires désagrégées au niveau le plus granulaire possible.
Mesure de l'impact
Les données et les recherches disponibles sur la mesure de l'impact ou des retombées doivent être plus complètes et de meilleure qualité pour que l'on sache quelles innovations et organisations sociales donnent de meilleurs résultats que les approches plus traditionnelles. La mesure de l'impact est un domaine encore tout jeune, mais nous savons que des travaux sont menés par des coalitions d'intervenants, de chercheurs et de gouvernements, au Canada et à l'échelle internationale, pour mettre au point des méthodes améliorées afin d'utiliser des paramètres de mesure communs. On observe aussi l'émergence rapide de technologies de traitement des données, telles que l'intelligence artificielle, qui laissent présager l'apparition de méthodes plus rapides et plus efficaces pour évaluer les retombées ou les effets. Le Canada accuse un retard par rapport aux chefs de file en la matière sur la scène internationale, comme l'Écosse et le Royaume-Uni, qui élaborent des politiques et des cadres nationaux de mesure de l'impact. De nombreux investisseurs estiment que, pour pouvoir appuyer la croissance du marché de la finance sociale afin d'assurer un financement social plus durable, il faut disposer de données comparables sur les impacts et les résultats, de manière à pouvoir faire les vérifications préalables et produire des rapports. Dans son rapport publié en 2014, le Groupe de travail sur l'investissement social du G7, dont faisait partie le Canada, indiquait que l'on ne peut assurer l'efficacité des investissements à impact social si cet impact n'est pas mesuré.
Nos consultations ont cependant donné lieu à un débat animé sur la question de la mesure comparable des impacts. Certains répondants ont dit vouloir des cadres de mesure de l'impact communs et solides, par exemple des indicateurs communs pour mesurer l'apport de l'innovation sociale en vue de l'atteinte des Objectifs de développement durable des Nations Unies. Les investisseurs et les bailleurs de fonds que nous avons consultés souhaitent, pour leur part, que l'on dispose de données comparables sur les retombées des interventions et les organisations innovatrices.
Figure 37. Mesure de l'impact à l'appui des Objectifs de développement durable
Le Centre d'innovation communautaire de Carleton collabore avec le gouvernement de l'Ontario et d'autres partenaires pour élaborer une approche commune de mesure de l'impact applicable aux entreprises sociales de l'Ontario et fondée sur deux des Objectifs de développement durable des Nations Unies. Ce projet a pour but de mettre au point et de tester un processus commun, des normes de données et des outils que les entreprises sociales pourront utiliser pour faire part, en leurs propres termes, des retombées de leurs activités, tout en contribuant à la mesure agrégée des impacts à l'échelle sectorielle dans la province.
En revanche, de nombreux organismes à vocation sociale et chercheurs pensent qu'il est plus utile d'adapter les évaluations pour aider les organisations à améliorer leurs résultats, point de vue partagé par des promoteurs internationaux de premier plan, dont l'OCDE. Certains répondants ont exprimé des préoccupations à l'idée que les paramètres normalisés puissent faire dévier la mission des organismes ou donner lieu à une baisse du financement dans le cas de problèmes ou de résultats difficiles à mesurer.
La stratégie d'innovation sociale et de finance sociale mise de l'avant par le gouvernement doit tenir compte de la validité de ces deux points de vue divergents. La stratégie ne peut pas imposer des mesures de l'impact communes à quiconque. Toutefois, elle devrait appuyer une mesure et une évaluation adaptées pour aider les organismes à vocation sociale à innover afin d'améliorer leurs résultats. La stratégie constitue en outre un outil de choix pour faire progresser la mesure de l'impact en tant que domaine en appuyant des projets pilotes et des travaux de recherche en collaboration sur des cadres de mesure communs utilisés sur une base volontaire et qui rendent compte de l'apport de l'innovation sociale et de la finance sociale aux résultats sociaux. Dans la mesure du possible, les paramètres de mesure rattachés aux Objectifs de développement durable, comme l'élimination de la pauvreté, devraient être incorporés aux projets pilotes et aux travaux de recherche menés en collaboration.
Échange des connaissances
Dans le domaine de l'innovation sociale et de la finance sociale, les connaissances sont, pour la plupart, développées et acquises par les praticiens œuvrant sur les premières lignes. Les chercheurs, pour leur part, sont en mesure de systématiser ces connaissances pour en tirer davantage d'enseignements. La recherche appliquée, quant à elle, qui inclut des partenariats entre la collectivité et le milieu universitaire, est un aspect essentiel en vue de mieux comprendre ce qui donne de bons résultats en matière d'innovation sociale – et de savoir pourquoi. Nos consultations ont révélé que les spécialistes ont souvent du mal à trouver et à percevoir la pertinence des travaux de recherche universitaire existants dans l'optique de leurs projets. Il a aussi été mentionné qu'il faudrait établir davantage de partenariats de recherche entre spécialistes travaillant sur le terrain et universitaires et que l'apport des spécialistes et des clients à la recherche devrait être reconnu à sa juste valeur et rétribué en conséquence.
Figure 38. L'échange de connaissances fondées sur la pratique engendre de meilleurs résultats au niveau international
Le Forum mondial de l'économie sociale de 2016 (GSEF 2016), tenu à Montréal, a donné naissance au Centre international de transfert d'innovations et de connaissances en économie sociale et solidaire (CITIES), une initiative de partage de connaissances et de renforcement des capacités qui réunit des administrations municipales, des établissements d'enseignement et des organisations de soutien à l'économie sociale du Canada, de l'Espagne et de la Corée du Sud. CITIES offre des mesures de soutien concrètes aux partenaires qui cherchent à tirer des leçons de l'utilisation d'approches d'innovation sociale et de finance sociale à l'étranger, notamment au moyen de synthèses des connaissances, d'activités de transfert, de missions d'étude, et de services consultatifs.
Le Conseil de recherches en sciences humaines et le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie accordent la priorité aux recherches sur l'innovation sociale qui sont menées en partenariat. Il s'agit d'une pratique prometteuse; cependant, nous aimerions également que de nouveaux fonds soient injectés dans la recherche universitaire pour inciter plus de chercheurs à concentrer leurs travaux sur les écosystèmes d'innovation sociale du Canada.
3.6 Sensibilisation et mobilisation
Les écosystèmes d'innovation sociale et de finance sociale sont plus efficaces lorsque les individus et les organismes déterminés à améliorer leur collectivité – qu'il s'agisse d'organismes de bienfaisance à but non lucratif, de grandes sociétés, de fonctionnaires ou de citoyens – sont au courant des approches novatrices qui existent et qu'ils peuvent utiliser pour engendrer des retombées sociales.
Sensibilisation
Il est encourageant de voir que les Canadiens commencent à manifester un intérêt croissant pour de nouvelles façons de créer un impact social et environnemental. Plusieurs consommateurs font usage de leur pouvoir d'achat afin d'appuyer des marques qui sont associées à des pratiques de travail équitables et à une approche saine et durable de la gestion de l'environnement. Les investisseurs canadiens, en particulier ceux appartenant à la génération Y, sont adeptes du financement collectif et s'intéressent de plus en plus aux possibilités d'investissement responsable. De nombreuses fondations de bienfaisance ont pris publiquement l'engagement de réserver 5 %, 10 % ou même, dans certains cas, 100 % de leur portefeuille d'actifs à des investissements de finance sociale. De grandes sociétés privées font, pour leur part, des déclarations audacieuses sur la nécessité pour les entreprises de faire un apport à la société dans le cadre de leurs activités à but lucratif.
Malheureusement, la grande majorité des Canadiens savent toujours très peu de choses au sujet de l'innovation sociale et de la finance sociale. C'est le cas également de nombreuses organisations ayant pourtant un rôle important à jouer dans l'établissement d'écosystèmes efficaces d'innovation sociale et de finance sociale, par exemple des organismes du secteur public à tous les paliers de gouvernement. Bien qu'il soit encourageant de constater que des fondations investissent des fonds dans la finance sociale, leur nombre demeure faible, surtout si l'on considère qu'il y a au Canada environ 10 000 fondations publiques et privées qui détiennent des actifs dont la valeur combinée dépasse les 70 milliards de dollarsNote de bas de page 42. Il existe des défis semblables entourant la sensibilisation à l'entreprise sociale et à l'innovation sociale de façon plus générale, ce qui donne lieu à des occasions ratées pour les Canadiens de créer des retombées grâce à leurs dons, à leur bénévolat et à leurs habitudes d'achat.
Figure 39. La sensibilisation à la finance sociale progresse
Il y a des signes encourageants qui révèlent un intérêt croissant pour de nouvelles façons de créer un impact social ou environnemental au Canada. L'Association pour l'investissement responsable a mené des sondages qui ont révélé que les investisseurs canadiens faisant partie de la génération Y manifestent un intérêt beaucoup plus marqué pour la finance sociale (et les investissements responsables de façon générale) que les membres des générations précédentes. Par contre, Purpose Capital a constaté à la suite d'une étude que le niveau de sensibilisation à la finance sociale dans le secteur financier était généralement très peu élevé, en particulier chez des professionnels clés, comme les conseillers financiers et les gestionnaires de patrimoineNote de bas de page 43.
Une plus grande sensibilisation des investisseurs et des professionnels de la finance à l'égard de la finance sociale pourrait servir à mobiliser d'importants capitaux privés afin de produire un impact social et environnemental. Par exemple, selon un rapport récent de la Banque CIBCNote de bas de page 44, les membres de la génération des baby boomers devraient hériter de plus de 750 milliards de dollars d'actifs au cours de la prochaine décennie – ces capitaux pourraient être mobilisés et utilisés pour s'attaquer à des enjeux sociaux et environnementaux urgents.
Mobilisation
La sensibilisation n'est pas suffisante pour créer le changement en elle-même. Les personnes qui veulent prendre part à un travail à vocation sociale ont également besoin d'espaces et d'occasions d'agir pour mettre en pratique leur nouveau savoir, établir des liens avec d'autres personnes et travailler à des projets et à des initiatives tangibles. Dans l'ensemble du Canada, on retrouve des réseaux qui se mobilisent pour mettre en commun des connaissances, de même que des espaces, des événements et des conférences où les participants à des activités à vocation sociale se réunissent pour apprendre les uns des autres et pour collaborer sur des questions d'intérêt commun.
Bien qu'il existe d'excellents réseaux actifs au Canada de nos jours, ce que nous avons entendu lors de nos consultations est que l'innovation sociale survient à l'intérieur de zones circonscrites et que les groupes et secteurs actifs ne sont pas bien interconnectés. Certains organismes et particuliers, notamment la National Impact Investment Practitioners Table et Innovation sociale Canada – filiale nationale de l'entité internationale Social Innovation Exchange, ou SIX – ont mené des travaux en vue d'établir et de relier des réseaux nationaux à l'appui de l'innovation sociale et de la finance sociale.
Figure 40. Un réseau international d'entrepreneurs sociaux
Ashoka appuie les entrepreneurs sociaux depuis les années 1980. Au terme d'un processus d'évaluation rigoureux, les Fellows Ashoka deviennent membres à vie d'un réseau de pairs et de partenaires en constante expansion. On compte actuellement plus de 3 300 Fellows Ashoka dans 90 pays. Ashoka offre à ces derniers un soutien pouvant prendre différentes formes (ressources financières, renforcement des capacités, soutien communautaire) afin que leurs innovations portent leurs fruits et contribuent directement à l'amélioration du quotidien de millions de gens. Il y a 50 Fellows Ashoka au Canada. Leurs efforts ont aidé à faire reculer la pauvreté et à constituer une plateforme qui vient appuyer des personnes vivant dans des situations vulnérables et marginalisées, sans oublier la réduction des émissions de carbone, le renforcement des activités de conservation, l'amélioration de la santé et la défense des droits de la personne. À titre d'exemple, l'une des Fellows Ashoka du Canada est Candice Lys, qui a obtenu ce titre en 2017 et qui est cofondatrice de FOXY (Fostering Open eXpression among Youth), organisme qui utilise de multiples plateformes (théâtre, médias, photographie) pour enseigner la sexualité aux jeunes Autochtones des territoires du Canada. Barb Steele, directrice générale d'Ashoka Canada, indique que le réseau des Fellows Ashoka du Canada offre un moyen d'étendre la portée des innovations sociales au niveau tant national qu'international.
Nous avons également entendu dire que d'autres mesures pourraient être prises pour amener le secteur privé à prendre part au dialogue en cours. Les entreprises du secteur privé ont fait un apport très important à l'innovation sociale grâce au financement d'entreprises sociales, à la responsabilité sociale et aux activités philanthropiques, aux partenariats avec des organismes de bienfaisance et des organismes sans but lucratif et à des initiatives d'intégration en milieu de travail.
Figure 41. Approche en réseau en vue d'atteindre les Objectifs de développement durable
Durant nos consultations, des représentants de nombreux secteurs nous ont dit qu'ils travaillaient à l'atteinte des 17 Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies et qu'ils y voyaient une occasion de collaboration intersectorielle. Des entreprises et des institutions canadiennes participent aux activités menées à l'appui des ODD par l'entremise du réseau canadien du Pacte mondial des Nations Unies. Ce réseau aide les entreprises et les organisations canadiennes à prendre et intégrer des mesures en vue de l'atteinte des ODD grâce à différents programmes et initiatives, notamment des enquêtes sur les ODD, les SDG Leadership Awards, le Canadian SDG Business Forum, des activités de reddition de comptes et de formation, des tables rondes d'apprentissage par les pairs et des groupes de travail, ainsi que des webinaires d'éducation.
Alliance 2030, dont la direction est assurée par Fondations communautaires du Canada en collaboration avec différents partenaires, est un réseau national d'organisations se consacrant à des enjeux liés entre autres à la mobilisation des jeunes, à la diversité et à l'inclusion, à la protection de l'environnement et à la réconciliation; ce réseau se concentre dorénavant sur l'objectif consistant à aider le Canada à réaliser des progrès en vue de l'atteinte des ODD.
Il existe aussi des possibilités de partager des connaissances et de travailler en collaboration à l'échelle internationale. Le Canada a beaucoup à apprendre et à partager de l'expérience acquise par d'autres États qui ont été des précurseurs dans la mobilisation et le soutien de l'innovation sociale et de la finance sociale.
4. Innovation sociale et finance sociale en contexte autochtone
Dans le cadre de notre processus d’engagement, nous avons rencontré des personnes et des groupes faisant partie des collectivités des Premières Nations, des Inuits et des Métis et nous avons tenu des discussions exploratoires avec des organisations politiques afin de prendre connaissance de leur perspective en vue de l'élaboration de la stratégie d'innovation sociale et de finance sociale. Les deux membres autochtones du Groupe directeur ont aidé à orienter ce dialogue.
Potentiel de l'innovation sociale et de la finance sociale en contexte autochtone
Grâce à ce dialogue, nous avons appris l'existence d'une myriade d'initiatives passées et en cours dirigées par des Autochtones, dans le cadre desquelles des outils et des partenariats novateurs ont contribué à améliorer la qualité de vie au sein des collectivités. Il existe également de nombreux exemples de nouveaux partenariats auxquels participent des personnes et des groupes des collectivités des Premières Nations, des Inuits et des Métis de concert avec des collectivités non autochtones, et qui reposent sur des approches d'innovation sociale et de finance sociale.
Figure 42. Exemples d'initiatives d'innovation sociale axées sur des enjeux Autochtones
Aki Energy est une entreprise sociale active dans les collectivités des Premières Nations du Manitoba et qui travaille à élaborer et à mettre en œuvre des solutions durables en matière d'énergie et d'alimentation. En appuyant des ménages vivant dans les réserves à faire la transition vers l'énergie géothermique et l'énergie solaire, cette entreprise à but non lucratif cherche à rendre les collectivités autosuffisantes en matière d'électricité tout en offrant aux jeunes des possibilités locales de formation et d'emploi dans le cadre de projets d'énergie renouvelable. Aki a conclu avec Manitoba Hydro un partenariat reposant sur une entente novatrice selon la formule « pay as you save » (paiements fondés sur les économies), et elle investit les revenus de son entreprise énergétique dans des exploitations agricoles biologiques locales qui aident à régler les problèmes de nutrition et de sécurité alimentaire dans les collectivités éloignées.
Pinnguaq, qui signifie « jeu » en inuktitut, est une entreprise technologique à but non lucratif qui est basée à Pangnirtung, au Nunavut, et qui a démarré en 2012, avec pour but d'offrir des expériences de jeu dans les langues autochtones. Depuis, Pinnguaq a eu réussi à intégrer des approches basées sur le jeu à une vaste gamme d'applications qui ont des retombées sur le tourisme, l'éducation et le développement économique, par exemple, Te(a)ch, un programme d'études conçu au Nunavut pour enseigner l'informatique et le développement de jeux vidéo. En 2017, Pinnguaq a reçu les prix Startup Canada de la meilleure entreprise sociale (dans le Nord du Canada) et de la meilleure entreprise sociale (à l'échelle du pays).
La Fédération des coopératives du Nouveau-Québec et Arctic Co-operatives Limited figurent parmi les plus importantes entreprises Autochtones du monde. Ces deux coopératives sont les plus grands employeurs d'Autochtones de leurs régions, exception faite des administrations publiques, ainsi que les principaux fournisseurs de services essentiels comme la nourriture, la livraison de carburant, et l'hébergement. Ces entreprises sont des vecteurs d'autodétermination, d'innovation et de diversification économique au sein de leurs collectivités.
Toutefois, les personnes auxquelles nous avons parlé ont aussi souligné que les définitions courantes de l'innovation sociale et de la finance sociale sont rarement connues dans les collectivités autochtones, ce qui produit comme résultat que le langage que nous utilisons risque de créer de la confusion et de constituer un obstacle. Ce manque de clarté a notamment été souligné lors de nos discussions sur le potentiel de mobilisation de capitaux pour la finance sociale en vue de relever des défis sociaux et économiques. On a fait remarquer qu'il est nécessaire d'améliorer la connaissance de la finance sociale, surtout en ce qui a trait aux différentes façons dont les investisseurs et les intermédiaires, comme les banques et les institutions financières autochtones, peuvent affecter divers types de capitaux à l'appui du développement des communautés. Certains des praticiens avec qui nous avons dialogué étaient également d'avis qu'une initiative ou un programme doit remettre en question l'ordre établi et engendrer des améliorations transformationnelles pour être véritablement considéré comme étant une innovation sociale. Des participants à nos discussions ont fait valoir qu'il s'agissait d'une occasion pour les collectivités autochtones d'adapter le langage de l'innovation sociale et de la finance sociale à leurs perspectives culturelles et de faire en sorte que le processus se déroule à leur propre rythme.
Figure 43. L'innovation en tant que valeur autochtone
Le slogan du premier Sommet sur l'innovation autochtone, tenu à Winnipeg en 2015, était « L'innovation est une valeur autochtone ». Lors de ce sommet, le sénateur Murray Sinclair a rappelé aux 300 personnes présentes, pour la plupart des Autochtones, que l'innovation n'est pas seulement une question de nouveauté – elle vise également à intégrer le passé au présent pour nous aider à relever les défis actuels des collectivités.
En dépit de ces défis d'ordre sémantique, les particuliers et groupes autochtones à qui nous avons parlé ont exprimé un optimisme prudent quant au potentiel de l'innovation sociale et des pratiques de finance sociale en vue de produire de meilleurs résultats sociaux et environnementaux à l'égard des enjeux qu'ils jugent prioritaires. Bon nombre d'entre eux nous ont dit que certaines des principales caractéristiques de l'innovation sociale et de la finance sociale, dont la combinaison des objectifs sociaux, économiques et environnementaux ainsi que l'importance des partenariats, concordent avec les valeurs culturelles autochtones. Nous avons également entendu dire que les pratiques d'innovation sociale et de finance sociale peuvent créer des espaces où Autochtones et non Autochtones ont la possibilité d'apprendre les uns des autres en travaillant côte à côte pour renforcer les capacités et promouvoir le transfert du savoir dans les collectivités autochtones.
Écosystèmes autochtones d'innovation sociale et de finance sociale
La majorité des particuliers et des groupes autochtones qui travaillent à des initiatives novatrices pour résoudre des problèmes sociaux et environnementaux se reconnaissaient dans les six domaines d'intervention que notre groupe directeur a utilisés pour structurer le processus d’engagement auprès des intervenants – à quoi il faut ajouter les défis rattachés au contexte particulier de ces particuliers et groupes.
On nous a déclaré que les lacunes en matière de capacités et de compétences sont particulièrement marquées dans les milieux autochtones et que de nombreuses organisations et personnes qui voudraient participer à l'innovation sociale et à la finance sociale en sont incapables à cause de leurs ressources limitées et l'urgence de leurs autres priorités. Plusieurs praticiens ont souligné que l'établissement de partenariats où le transfert de capacités est un objectif bien défini était l'un des principaux facteurs de réussite des efforts de développement des communautés. On nous a dit que les pratiques de financement rigides qui sont associées aux subventions et contributions fédérales empêchent les collectivités de mettre en œuvre les solutions qu'elles savent pourtant être nécessaires. Il a été précisé que les institutions financières autochtones ont besoin de capitaux additionnels pour pouvoir étendre leurs activités de soutien des entreprises et de prêt à l'appui du développement. On a fait part d'un grand intérêt à améliorer l'accès aux marchés pour les entreprises autochtones dans le but de contribuer à la prospérité des collectivités autochtones, notamment en améliorant la Stratégie d'approvisionnement auprès des entreprises autochtones mise en œuvre par le gouvernement. Une autre observation entendue est qu'il est difficile de se retrouver dans l'environnement juridique et réglementaire actuel, notamment la Loi sur les Indiens et les politiques entourant la définition des « organisations autochtones », et que cet environnement fait obstacle au développement des collectivités. Enfin, au chapitre du partage des connaissances et de la sensibilisation, les participants à nos séances de dialogue ont souligné la nécessité de mener des initiatives de transfert de connaissances dont la direction serait confiée aux Autochtones.
Défis pour les collectivités autochtones
Dans le cadre de notre dialogue, des groupes et des particuliers autochtones ont exprimé des messages importants concernant les défis propres aux collectivités autochtones et les risques que les pratiques d'innovation sociale et de finance sociale pourraient créer pour ces collectivités.
D'abord, on a rappelé que le gouvernement s'est engagé à instaurer des relations renouvelées – de nation à nation, de gouvernement à gouvernement et entre les Inuits et la Couronne – en se fondant sur la reconnaissance du droit des peuples autochtones à l'autodétermination. Les spécialistes travaillant dans les collectivités des Premières Nations, des Inuits et des Métis nous ont dit que, pour s'acquitter de cet engagement, il faut que les initiatives d'innovation sociale et de finance sociale autochtones soient dirigées par des Autochtones et qu'elles ne cherchent pas à reproduire des approches qui existent déjà ou qui sont mises de l'avant dans le reste de la société canadienne. Un autre avis exprimé est que le gouvernement du Canada devrait prendre l'engagement de continuer à consulter les organisations autochtones nationales, en respectant le rythme déterminé par ces dernières, aux fins d'envisager d'éventuelles collaborations de nation à nation dans ce domaine.
Également, de nombreux groupes et particuliers autochtones à qui nous avons parlé ont fait part de profondes préoccupations concernant le rôle accru que pourraient remplir les entreprises et les organisations philanthropiques au sein des collectivités autochtones, dans la foulée de l'adoption de pratiques d'innovation sociale et de finance sociale. Les praticiens travaillant dans les collectivités des Premières Nations, des Métis et des Inuits accueillent favorablement l'idée de mettre à contribution de nouvelles sources de capitaux privés et philanthropiques ainsi que les possibilités de renforcement des compétences et des connaissances avec des partenaires non autochtones, mais ils ont réitéré que le développement des communautés doit se faire selon les priorités des peuples autochtones, conformément aux principes d’autonomie gouvernementale et de renforcement de la nation.
Enfin, de nombreux groupes et particuliers autochtones nous ont demandé pourquoi les groupes autochtones devraient consacrer leurs ressources limitées à l'innovation sociale et à la finance sociale en l'absence d'une quelconque indication du gouvernement que ce domaine sera dorénavant une priorité. Certains estiment que l'innovation sociale est simplement un thème qui est au goût du jour, ou craignent que la stratégie ne fasse qu'occasionner une réaffectation de fonds de programmes existants, ce qui pourrait accroître la lourdeur des processus de présentation des demandes de subventions fédérales et des exigences en matière de reddition de comptes qui s'y rattachent. Les praticiens travaillant dans les collectivités autochtones à qui on a posé ces questions espèrent que le gouvernement est vraiment déterminé à y donner suite de facon officielle.
Prochaines étapes
Les membres du Groupe directeur demeurent convaincus que l'innovation sociale et la finance sociale peuvent servir à donner suite de manière tangible aux engagements du gouvernement en matière de réconciliation et de renouvellement des relations avec les peuples autochtones. Les collectivités autochtones doivent participer à la conception des nouveaux programmes et des nouvelles mesures découlant de ces recommandations et elles doivent en tirer parti, surtout sur le plan du renforcement des capacités et des compétences, du financement et des capitaux, du partage des connaissances et de la mobilisation.
Le gouvernement doit prendre l'engagement de mobiliser et les organisations autochtones nationales pour mener d’eventuelles collaborations de nation à nation dans ce domaine en tenant compte de leur rythme à elles.
Entretemps, le gouvernement devrait réserver des fonds en vue de mener un exercice d'évaluation des besoins et de recensement des activités en matière d'innovation sociale et de finance sociale, dont la direction serait confiée à des organismes autochtones. Une telle initiative devrait viser à mieux définir les lacunes propres au contexte autochtone, à adapter le langage et les définitions en fonction de la culture autochtone et à repérer des projets prometteurs conçus par les Autochtones pour renforcer les capacités, les partenariats intersectoriels et le partage des connaissances au moyen d'approches d'innovation sociale et de finance sociale. La conception et la mise en œuvre devraient être confiées aux collectivités des Premières Nations, des Inuits et des Métis. Considérant le grand intérêt entourant le renforcement des capacités et le partage des connaissances, le financement de cette initiative pourrait être accordé grâce à l'une des deux nouvelles initiatives recommandées dans notre rapport, soit le Programme de soutien aux écosystèmes d'innovation sociale (recommandation 5) et l'initiative de développement et de partage des données et des connaissances en innovation sociale (recommandation 11).
5. Recommandations en vue d'instaurer une approche intégrée à l'appui de l'innovation sociale et de la finance sociale
Le gouvernement a un rôle stratégique à remplir pour soutenir le développement des écosystèmes d'innovation sociale et de finance sociale. Nous recommandons la mise en œuvre de douze mesures qui, ensemble, serviraient à réaliser tout le potentiel de l'innovation sociale pour relever les défis sociaux et environnementaux les plus pressants du Canada.
Le gouvernement du Canada maximisera les retombées s'il a recours à un processus d'investissement intégré dans tous les domaines d'action. Si une initiative de financement n'est pas assortie de mesures de soutien du renforcement des capacités, il sera probablement difficile de trouver des occasions d'investissement prêtes à recevoir du financement ou d'investir dans les collectivités isolées où l'accès au capital est pourtant le plus ardu. Par ailleurs, un plan d'amélioration de l'approvisionnement social n'aura aucune incidence si des obstacles réglementaires et législatifs empêchent les organismes de bienfaisance et les organismes à but non lucratif de participer au marché.
Nous croyons fermement que la stratégie ne parviendra pas à atteindre ses objectifs si elle n'est pas mise en œuvre selon une approche véritablement intégrée à l'échelle du gouvernement. C'est pourquoi notre première série de recommandations met l'accent sur les structures de gouvernance et administratives à l'appui de la stratégie, le but étant de créer une approche horizontale à l'échelle du gouvernement du Canada.
Pour donner de bons résultats, les mesures que nous recommandons doivent être conçues et mises en œuvre en tenant compte des principes suivants :
- Reconnaissance : Les organismes à vocation sociale contribuent de façon importante à l'économie ainsi qu'à la santé et au bien-être des Canadiens. Les recommandations tiennent également compte des efforts déjà déployés au niveau des régions, des provinces et des territoires pour faire progresser l'innovation sociale et la finance sociale.
- Complémentarité : Les recommandations rendent compte et tirent parti des connaissances et des efforts actuels des régions, des provinces et des territoires ainsi que des collectivités.
- Subsidiarité : Il est préférable que les décisions soient prises par l'autorité compétente qui est la plus à même de répondre à l'enjeu ou au problème, que ce soit au niveau local, régional ou national.
- Données probantes : Les recommandations sont fondées sur des données probantes et sur les meilleurs travaux de recherche et résultats d'évaluation disponibles.
- Orientation vers l'action concrète : Les recommandations reposent sur une ouverture à la prise de risques intelligents dans tous les secteurs.
- Co-création : Le gouvernement mise sur la collaboration et sur la co-création avec les personnes les plus touchées par les recommandations.
- Démarche intersectorielle : La démarche adoptée est inclusive et exige que le secteur des organismes de bienfaisance et à but non lucratif, les coopératives et les mutuelles, le secteur privé et le secteur public collaborent entre eux par-delà les cloisonnements existants et mettent l'accent sur les résultats. Aucun secteur ne peut à lui seul obtenir de tels résultats transformationnels.
Enfin, nous réitérons que tout projet ou initiative découlant de ces recommandations et qui touche principalement les collectivités autochtones devrait être dirigé par des personnes et des groupes autochtones. Dans la section précédente, nous avons recommandé de prévoir des fonds pour procéder à une évaluation des besoins en ce qui a trait aux activités d'innovation sociale et de finance sociale dirigées par les Autochtones, ce qui permettrait de mieux définir les lacunes propres au contexte autochtone.
5.1 Structures de gouvernance et administratives
Recommandation 1 - Légiférer un engagement à long terme envers la promotion de l'innovation sociale et de la finance sociale au Canada
Nous recommandons que le gouvernement s'engage à appuyer l'innovation sociale et la finance sociale par voie législative. L'approche législative servira à soutenir la stratégie d'innovation sociale et de finance sociale dans son entier et à établir le cadre politique nécessaire pour que le gouvernement puisse instaurer les mécanismes, les mesures et les règlements qui permettront d'appuyer les écosystèmes d'innovation sociale et de finance sociale au pays et de favoriser leur essor. Ce faisant, la loi qui est adoptée ou modifiée dans ce but institutionnalisera une nouvelle relation entre le gouvernement et les organismes à vocation sociale, ces derniers étant reconnus à titre de partenaires cruciaux dans la création de la richesse et l'amélioration de la qualité de vie. Dans le cadre de cette loi, le gouvernement tiendra également compte, aux fins de la prise de toutes ses décisions, des impacts sociaux, et non pas seulement des impacts économiques et environnementaux. L'élaboration d'un tel cadre législatif fédéral devrait être dirigée par le Bureau de l'innovation sociale que nous proposons de mettre sur pied (recommandation 3).
Cette recommandation s'inspire de la législation adoptée par d'autres gouvernements, dont celui du Québec, qui s'est révélée être un élément clé aux fins de créer une culture d'innovation et de mettre de l'avant des politiques, des programmes et des outils à l'appui des initiatives d'innovation sociale dans les collectivités. Voici des composantes clés que devrait comporter une telle législation :
- La reconnaissance de l'importance des organismes à vocation sociale au Canada et de leur contribution à l'économie, à la qualité de vie et à l'innovation en général;
- La prise en compte systématique de l'impact social pour amener tous les ministères et organismes gouvernementaux à tenir compte de l'impact social et des avantages du point de vue des collectivités dans le cadre de leurs processus décisionnels;
- L'engagement d'élaborer et de mettre en œuvre une stratégie nationale afin de promouvoir le développement d'écosystèmes d'innovation sociale et de finance sociale, de faire le suivi des progrès associés à la stratégie et d'en rendre compte régulièrement au Parlement, de concert avec la tenue d'un examen quinquennal;
- La création d'un Conseil multisectoriel de l'innovation sociale (recommandation 2).
Le gouvernement pourrait envisager de modifier les lois existantes pour atteindre l'objectif consistant à prendre en compte les impacts sociaux de manière plus explicite. Les projets de loi C-57 et C-69, qui sont à l'étude à la Chambre des communes, constituent deux exemples de mesures prises par le gouvernement pour enchâsser dans la loi cette approche plus globale. Le projet de loi C 57 vise à modifier la Loi fédérale sur le développement durable afin d'étendre à davantage de ministères et d'organismes gouvernementaux l'exigence d'examen du processus décisionnel dans une perspective environnementale, économique et sociale, tandis que le projet de loi C 69 édicte la Loi sur l'évaluation d'impact, qui établit notamment un processus d'évaluation des effets environnementaux, sanitaires, sociaux et économiques de projets désignés.
Recommandation 2 – Mettre sur pied et financer un Conseil multisectoriel permanent sur l'innovation sociale pour conseiller le gouvernement fédéral.
Le gouvernement du Canada devrait établir un conseil permanent de l'innovation sociale. Ce conseil devrait être créé par voie législative (recommandation 1). Il servirait à institutionnaliser une relation de collaboration entre les organismes à vocation sociale et le gouvernement du Canada. Il conseillerait le gouvernement du Canada à propos de la manière dont ses programmes et ses politiques peuvent appuyer les écosystèmes d'innovation sociale et de finance sociale et il pourrait superviser la mise en œuvre d'une stratégie fédérale. Le Conseil serait appuyé par le Bureau de l'innovation sociale (recommandation 3).
Il doit s'agir d'un conseil multisectoriel, comprenant des représentants du secteur des organismes de bienfaisance et des organismes à but non lucratif, du mouvement coopératif et du milieu universitaire, des secteurs privé et public, ainsi que du mouvement syndical et des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Conformément au principe de reconnaissance énoncé précédemment, les personnes que le gouvernement choisit pour siéger au Conseil doivent avoir des liens avec les réseaux appuyant les organismes à vocation sociale de leur région ou secteur ou, du moins, avoir une bonne connaissance de ces réseaux. Les organismes à vocation sociale actifs dans les écosystèmes d'innovation sociale et de finance sociale devraient participer au processus de sélection pour s'assurer que cet objectif est atteint. Le gouvernement devrait également choisir des membres possédant une vaste expérience au sein de la collectivité, c'est-à-dire qui travaillent ou ont travaillé au niveau local avec des personnes se trouvant dans une situation vulnérable.
Recommandation 3 – Créer un Bureau permanent de l'innovation sociale.
Nous recommandons que le gouvernement établisse dans la fonction publique fédérale un Bureau permanent de l'innovation sociale qui remplira cinq fonctions clés au sein de la structure de gouvernance globale de la stratégie d'innovation sociale et de finance sociale :
- Soutenir le Conseil de l'innovation sociale et coordonner ses activités (recommandation 2);
- Mettre sur pied des initiatives phares, notamment le Programme des écosystèmes d'innovation sociale (recommandation 5) et la campagne nationale de sensibilisation (recommandation 12), en collaboration avec les ministères et organismes concernés;
- Mener des activités de coordination, de partage de renseignements et de sensibilisation à l'intérieur de la fonction publique fédérale;
- Travailler à renforcer la participation du Canada aux réseaux internationaux en place, comme le Groupe de travail interinstitutions des Nations Unies sur l'économie sociale et solidaire, le Forum mondial des entreprises sociales et le Global Steering Group on Social Impact Investment (voir la figure 44);
- Offrir un accès à l'administration fédérale selon une formule de guichet unique à l'intention des organismes à vocation sociale qui participent à des activités d'innovation sociale et de finance sociale.
Le Bureau de l'innovation sociale jouera un rôle crucial dans l'établissement des processus et des relations nécessaires pour que les ministères et organismes participant à la mise en œuvre de la stratégie s'engagent à adopter une vision commune. Il doit être structuré de manière à favoriser et à rendre possible une collaboration interministérielle véritable et robuste.
Figure 44. Participation du Canada à des réseaux internationaux
Le Canada tire de grands avantages des espaces internationaux voués à l'innovation sociale et à la finance sociale, et il a tout intérêt à maintenir et même à accroître sa participation à de tels espaces, comme le Forum mondial sur l'économie sociale- GSEF, le Forum mondial des entreprises sociales, le Groupe de travail interinstitutions des Nations Unies sur l'économie sociale et solidaire, différentes tribunes de l'OCDE dont le Programme pour la création d'emplois et le développement économique au niveau local (LEED), le Social Innovation Exchange (SIX) et le Global Steering Group on Social Impact Investment (qui a succédé au Social Impact Investment Taskforce créé par le G7 sous la présidence du Royaume-Uni en 2013).
Ces tribunes ne reposent pas sur la formule propre aux conférences traditionnelles; elles ont mené à l'établissement de partenariats importants par-delà les frontières en vue d'améliorer les résultats sociaux et environnementaux dans les collectivités. Par exemple, au sein du Global Steering Group on Social Impact Investment, le personnel des fonds en finance sociale financés en partie par une instance gouvernementale, dont le Big Society Capital du Royaume Uni, ont échangé des données et des leçons apprises avec des participants de pays qui travaillent à établir des institutions similaires, dont l'Australie, le Japon et le Portugal. Ce type d'échanges entre spécialistes est essentiel pour s'assurer que les pays qui lancent des initiatives de capitalisation évitent les écueils auxquels d'autres se sont heurtés, de manière à produire dès le départ des résultats utiles pour les collectivités. Le Canada devrait participer pleinement à ce dialogue.
À cette fin, le gouvernement pourrait envisager des modèles organisationnels innovateurs pour le Bureau, par exemple, répartir son personnel dans plusieurs ministères et unités qui mènent des activités reliées à l'innovation sociale (comme l'Unité de l'impact et de l'innovation du Bureau du Conseil privé, la Direction des partenariats de développement communautaire et de lutte contre l'itinérance d'Emploi et Développement social Canada et les programmes d'Innovation, Sciences et Développement économique qui offrent des services de soutien aux petites et moyennes entreprises) pour maximiser la portée des activités de sensibilisation ainsi que la coordination et la collaboration interministérielles et interdisciplinaires. Le Bureau devrait également tirer parti des pratiques d'embauche novatrices actuellement à la disposition de la fonction publique, comme les « agents libres », les échanges et l'approche fondée sur le nuage de talents, pour doter le Bureau d'un éventail dynamique de fonctionnaires d'expérience, de praticiens externes et d'experts. Enfin, le Bureau devrait disposer de ressources proportionnelles à ses responsabilités.
5.2 Capacités et compétences
Recommandation 4 – Améliorer l'accès des organismes à vocation sociale aux programmes fédéraux de soutien à l'innovation, de formation et de développement des entreprises et des compétences.
Étendre les mesures fédérales en soutien à l'innovation aux organismes à vocation sociale est une première étape cruciale que le gouvernement doit franchir de toute urgence pour accélérer le développement des écosystèmes canadiens d'innovation sociale et de finance sociale. De nombreux programmes fédéraux existants sont déjà en mesure d'appuyer l'élaboration et l'adoption d'innovations qui améliorent le bien-être des collectivités. Toutefois, ces programmes sont axés sur les entreprises à but lucratif conventionnelles ou sur l'innovation technologique et ils ne sont pas adaptés aux organismes à vocation sociale, ni mis en valeur auprès de ces organismes.
La vision à long terme du gouvernement devrait être de faire en sorte que les mesures de soutien à l'innovation qu'il finance et met en œuvre– qu'il s'agisse du financement direct, du soutien d'initiatives de mentorat, des activités d'apprentissage intégré en milieu de travail pour les étudiants, des services d'expert-conseil, etc. – soient entièrement accessibles et tiennent compte des besoins des organismes à vocation sociale. Elles devraient être ouvertes par défaut.
Figure 45. Accès aux services de soutien au développement des affaires
En 2011, Enterprising Non Profits a procédé à l'analyse de 100 programmes et services fédéraux, provinciaux et territoriaux de développement des affaires dont peuvent se prévaloir les petites et moyennes entreprises. Cette analyse a révélé que seulement deux des programmes et services examinés excluaient les organismes à but non lucratif, mais que l'accès était flou, ambigu ou semblait limité pour 93 des autres programmes et servicesNote de bas de page 45.
Par exemple, les entreprises sociales qui ont participé à nos consultations en Colombie‑Britannique, en Ontario et en Nouvelle-Écosse ont déclaré avoir reçu des commentaires contradictoires de leurs organismes locaux d'aide au développement des collectivités au sujet de leur admissibilité, même si les modalités du Programme d'aide au développement des collectivités indiquent explicitement que ces organismes peuvent exiger des taux d'intérêt plus bas dans le cas des entreprises sociales (annexe 2, section 2.1).
Des réformes menées à l'heure actuelle par le gouvernement du Canada dans le domaine du soutien à l'innovation offrent l'occasion d'amorcer la mise en œuvre de cette vision dans un avenir rapproché. Dans son budget de 2018, le gouvernement du Canada a annoncé qu'il avait terminé l'analyse de l'ensemble de ses programmes de soutien à l'innovation en entreprise et qu'il s'employait à regrouper 92 de ces programmes au sein de quatre « plateformes » rationalisées.
Nous proposons que le gouvernement profite de l'occasion pour déterminer les situations où des programmes pourraient être établis, adaptés ou modifiés afin de mieux répondre aux besoins des organismes à vocation sociale. Même l'apport de changements mineurs à la suite de cette analyse, comme la modification des critères d'admissibilité, la création de nouveaux volets dans des programmes ou la conscientisation des agents de programmes, pourrait entraîner un changement déterminant. L'analyse doit tenir compte de la valeur de ces programmes pour les organismes à vocation sociale, aussi bien ceux qui génèrent des revenus que les autres.
Dans le cadre de cette analyse, une attention particulière devrait être accordée à la façon dont le gouvernement peut immédiatement améliorer l'accès des entreprises sociales aux programmes de développement des affaires, ce qui inclut le Programme de financement des petites entreprises du Canada, les organismes de développement régional et le Programme d'aide au développement des collectivités, et faire mieux connaître ces programmes.
À la suite de l'analyse, le gouvernement devrait travailler de concert avec le Conseil de l'innovation sociale (recommandation 2) afin d'identifier d'autres mesures fédérales de soutien à l'innovation que l'on pourrait rendre plus accessibles et plus pertinentes dans l'optique des organismes à vocation sociale.
Recommandation 5 – Établir, sur une base interministérielle, un Programme de soutien aux écosystèmes d'innovation sociale
Bon nombre des recommandations qui sous-tendent la stratégie que nous proposons feront en sorte que les règles et les programmes fédéraux existants évoluent de manière à appuyer l'innovation sociale et la finance sociale à long terme. Cependant, les organismes à vocation sociale qui s'attaquent déjà aux enjeux sociaux et environnementaux pressants auxquels font face les collectivités ne peuvent attendre que ces systèmes changent; pour pouvoir mieux innover, ils ont besoin d'investissements gouvernementaux à court terme. Par conséquent, nous recommandons au gouvernement d'établir un programme quinquennal de soutien aux écosystèmes d'innovation sociale, afin de combler de toute urgence les lacunes que présentent les écosystèmes d'innovation sociale et de finance sociale.
Ce Programme de financement devrait comporter trois volets :
- Renforcement des capacités en matière d'innovation : Ce volet porterait sur le soutien de la capacité organisationnelle en matière d'innovation et d'expérimentation dès les premières étapes au moyen de subventions. Cela devrait comprendre le financement de la R-D sociale, l'établissement de partenariats, des bourses de recherche, des projets pilotes d'infrastructure de données, des outils de littératie et de la formation portant sur les données, les compétences en matière de mesure des retombées ainsi que les capacités technologiques.
- Investissements dans les intermédiaires et l'infrastructure : Ce volet servirait à financer des organismes à vocation sociale et des initiatives qui soutiennent les écosystèmes d'innovation sociale et de finance sociale, par exemple, des espaces de collaboration, des plateformes d'apprentissage, des incubateurs et des accélérateurs, de même que des initiatives de sensibilisation.
- Partage des connaissances : Ce volet appuierait des initiatives de transfert des connaissances, de données et de la recherche sur l'innovation sociale, la finance sociale, l'entreprise sociale et la mesure des retombées. Plus particulièrement, ce volet devrait favoriser l'établissement d'un réseau pancanadien de partage des connaissances en innovation sociale coordonné par le Bureau de l'innovation sociale, qui tirerait parti des réseaux régionaux et de l'infrastructure du savoir qui existent déjà tout en appuyant l'émergence de nouveaux réseaux là où des lacunes subsistent.
Le Programme de soutien aux écosystèmes d'innovation sociale serait un levier clé de la stratégie, pourvu qu'il soit mis en œuvre de façon cohérente et coordonnée, de sorte qu'il aide à donner suite à des recommandations rattachées à d'autres domaines d'action. Par exemple, ce programme pourrait servir à démontrer l'importance des pratiques exemplaires en matière de financement de l'innovation au moyen de subventions et de contributions; ce point est abordé dans la recommandation 7.
Figure 46. Le potentiel d'une approche intégrée en appui aux écosystèmes d'innovation sociale et de finance sociale
Le projet d'écosystème de l'entreprise sociale (S4ES) a été lancé en 2016 par un consortium de partenaires ayant combiné leurs forces pour mettre en place un écosystème cohérent de mesures de soutien à l'entreprise sociale au Canada. Ce projet est financé par la Fondation McConnell, par la Commission de la santé mentale du Canada et par Emploi et Développement social Canada.
Le projet S4ES réunit des ressources de formation, de commercialisation et de mesure des retombées à l'intention des entreprises sociales actives dans n'importe quelle région du Canada. Il offre un marché en ligne ainsi qu'un programme d'accélérateur pour établir et mettre en application à plus grande échelle des modèles d'entreprise sociale éprouvés qui élargissent les perspectives d'emploi et offrent des services directs à des personnes vulnérables. Jusqu'ici, le programme a été à même de mobiliser des fonds gouvernementaux initiaux de 4,3 millions de dollars de pair avec une contrepartie proportionnelle supérieure à deux pour un, ce qui a porté la valeur totale du capital recueilli à plus de 9 millions; cela illustre les répercussions que peuvent avoir des investissements dans de tels intermédiaires à vocation sociale reposant sur la collaboration.
La création d'un Programme de soutien aux écosystèmes d'innovation sociale pourrait aider à étendre la portée des projets fructueux, comme le projet S4ES, et à financer de nouvelles initiatives de constitution d'écosystèmes de soutien qui donnent aux organismes à vocation sociale les moyens de produire de meilleurs résultats dans leurs collectivités.
Bien que le Programme de soutien aux écosystèmes d'innovation sociale puisse être mis à profit pour renforcer la capacité en matière d'approvisionnement social, nous réalisons qu'il faut également prendre des mesures plus ciblées dans ce domaine particulier. Les mesures visées par la recommandation 8 ont pour but de combler cette lacune. Mentionnons, par exemple, que Services publics et Approvisionnement Canada pourrait accroître son soutien à l'approvisionnement social par l'entremise du Programme de soutien aux écosystèmes d'innovation sociale.
5.3 Financement et capitaux
Recommandation 6 – Créer un Fonds de finance sociale.
Nous recommandons que le gouvernement établisse un Fonds de finance sociale (« le Fonds ») afin d'accélérer le développement des écosystèmes de finance sociale à travers le Canada. Ce fonds serait mis en œuvre selon un modèle de gouvernance dirigé par les intervenants, de manière à s'assurer qu'elle concorde avec l'ensemble intégré de mesures de soutien recommandées dans le présent rapport aux fins de la stratégie. Un investissement gouvernemental dans ce fonds servirait à améliorer l'accès aux capitaux pour les organismes à vocation sociale qui s'efforcent de relever des défis sociaux ou environnementaux persistants. L'accent serait mis sur des approches innovatrices qui reflètent les conjonctures régionales et locales et qui visent les personnes dont la situation est la plus vulnérable.
Processus concurrentiel
Le Fonds investirait dans de multiples fonds d'investissement en finance sociale dans plusieurs régions et secteurs du pays, par l'entremise de processus d'appel d'offres équitables, ouverts et transparents. Grâce à ces investissements dans des intermédiaires – qu'il s'agisse de fonds de crédit communautaire, de caisses populaires, d'institutions financières autochtones, de banques à charte, de fonds de capital investissement, etc. –, le Fonds démontrerait la viabilité de la finance sociale et appuierait le développement du secteur des intermédiaires, tout en éliminant les principaux obstacles qui inhibent la croissance du marché.
Figure 47. Insuffisance de capitaux pour les organismes à vocation sociale
Dans le cadre d'études menées en Ontario, on a estimé que l'insuffisance de capitaux du point de vue des organismes à vocation sociale atteignait 45 millions de dollars uniquement pour les organismes à vocation sociale à but lucratif (2017)Note de bas de page 46 et 170 millions pour l'ensemble des organismes à vocation sociale (2010)Note de bas de page 47 Ces chiffres provinciaux laissent penser que l'insuffisance de capitaux est beaucoup plus marquée à l'échelle nationale.
Gouvernance
Le modèle de gouvernance du Fonds devrait viser à maximiser les retombées sociales positives des investissements. Les intervenants doivent jouer un rôle important dans la conception et la mise en œuvre de l'initiative si l'on veut s'assurer que celle-ci réponde aux besoins des collectivités. Afin de mettre en application ce modèle de gouvernance dirigé par les intervenants et axé sur les résultats, le Conseil de l'innovation sociale (recommandation 2) devrait consulter les réseaux nationaux, les réseaux et les intervenants régionaux du domaine de l'innovation sociale et de la finance sociale afin d'établir les priorités thématiques dans chaque région ainsi que des thèmes nationaux communs. Le Conseil aurait aussi comme rôle de conseiller le gouvernement concernant la mise sur pied d'un comité de sélection composé de professionnels de l'investissement qui possèdent de l'expérience en finance sociale et qui connaissent les écosystèmes locaux et régionaux d'innovation sociale. Ce comité de sélection serait chargé d'orienter la conception des processus d'appel d'offres et de présenter des recommandations au gouvernement sur la sélection des intermédiaires pour les investissements effectués par le Fonds, en concordance avec les priorités régionales et nationales établies par le Conseil. Des protocoles seraient établis pour protéger la neutralité et l'indépendance du comité de sélection et pour veiller à ce que ses recommandations reposent sur des principes d'investissement judicieux. Le gouvernement prendrait les décisions finales et ses ressources seraient affectées par l'entremise d'une entité fédérale ayant le pouvoir de faire des investissements. Cette entité servirait d'instrument légal permettant au gouvernement de transférer des fonds à des intermédiaires et d'assurer une surveillance adéquate.
Approche d'investissement
Le Fonds devrait viser à accélérer la croissance dans l'ensemble des segments du marché de la finance sociale, prenant en compte la diversité des pratiques, les multiples besoins en matière de capitaux et les différentes exigences des investisseurs au Canada. Les investissements du gouvernement devraient donc permettre la mise au point de divers mécanismes financiers pour appuyer la croissance de tout un éventail d'organismes à vocation sociale. L'une des priorités du Fonds devrait être d'appuyer les intermédiaires qui offrent des investissements en capital patient (à long terme) sous forme de financement par emprunt, de garanties de prêt et d'investissements en actions ou bien par la voie d'une combinaison de ces outils. Pour atteindre cet objectif, le Fonds pourrait comporter plusieurs volets, chacun axé sur un objectif précis, un segment du marché ou un outil ou produit de financement particulier. Le comité de sélection conseillerait le gouvernement sur le nombre de volets requis et sur leur conception. Pour chacun de ces volets, le comité de sélection devrait activement étudier les possibilités d'investir dans des modèles novateurs susceptibles d'accélérer la croissance de la finance sociale, tout en maintenant l'accent sur les investissements qui maximisent l'impact social ou environnemental, plutôt que sur ce qui est nouveau. Dans tous les scénarios, les propositions d'investissement des intermédiaires seraient examinées en fonction de leur concordance avec les priorités régionales et nationales définies par le Conseil.
Figure 49. Fiducie du Chantier de l'économie sociale
En 2006, le gouvernement du Canada a accordé 22,8 millions de dollars à la Fiducie du Chantier de l'économie sociale à titre de capitaux de démarrage. Ce fonds de 52,8 millions de dollars fournit un financement sous forme de capitaux patients pour soutenir les activités de démarrage et d'expansion ainsi que les activités immobilières de coopératives et d'entreprises à but non lucratif. Après 10 ans, la Fiducie a investi dans 212 projets, ce qui a servi à créer ou à maintenir 3 183 emplois ainsi qu'à mobiliser 374 millions de dollars d'investissements additionnels. En tablant sur son expertise acquise et à la reconnaissance de ses actions, la Fiducie du Chantier de l'économie sociale a mis en place des fonds d'investissement pour les besoins spécifiques de secteurs de l'économie sociale. Ainsi, en 2016, un premier fonds associé a été créé, capitalisé à hauteur de 33,5 millions de dollars entièrement financé par partenaires privés. Ce fonds permet la rénovation de projets d'habitation communautaire. Dernièrement, elle a conclu les ententes pour un deuxième fonds associé d'un montant initial de10 M$ dédié à la réalisation de logement étudiant et lui aussi financé par partenaires privés.
Co-investissement
Le gouvernement devrait investir uniquement dans des intermédiaires qui ont obtenu des garanties d'investissement auprès de sources externes de capitaux non gouvernementales. Le cas échéant, le gouvernement pourrait effectuer des investissements subordonnés pour attirer ces co-investisseurs.
Investissements remboursables
Les capitaux investis par le gouvernement seraient remboursables, de manière à préserver la valeur totale de l'investissement sur une période de 15 à 20 ans. Nous recommandons que les capitaux remboursés au gouvernement soient recyclés en vue d'effectuer d'autres investissements, afin de s'assurer que l'initiative demeure évolutive et qu'elle continue d'appuyer l'expansion du marché de la finance sociale et de produire des résultats positifs pour les collectivités dans une perspective à long terme.
Affectation de capitaux
Le montant total de l'enveloppe de financement du Fonds devrait être comparable à celui accordé à des initiatives récentes de développement de marché, comme l'Initiative de catalyse du capital de risque (« Venture Capital Catalyst Initiative) et la création de Technologies du développement durable Canada (« Sustainable Development Technology Canada »). La majeure partie des investissements iraient à des intermédiaires œuvrant au niveau régional. Cependant, un certain pourcentage des capitaux devrait être réservé à des intermédiaires nationaux dont les activités concordent avec les thèmes mis de l'avant par le Conseil.
Figure 50. Le Fonds canadien d'investissement coopératif
Le Fonds canadien d'investissement coopératif (FCIC) a été lancé en janvier 2018 et compte sur des engagements financiers de 25 millions de dollars de diverses coopératives et caisses de crédit canadiennes partenaires. Il constitue une réponse à un défi majeur auquel font face les coopératives et les mutuelles : la difficulté d'accéder à des capitaux sans devoir compromettre leur autonomie et leur gouvernance démocratique. À cette fin, il offre aux coopératives et aux mutuelles une source de capitaux tenant compte des caractéristiques du modèle coopératif et mutualiste. Le FCIC a approuvé les premiers investissements dans quatre coopératives, et il procède à l'expansion de sa filière d'investissements potentiels dans des coopératives innovatrices à l'échelle du pays.
Une aide additionnelle au FCIC servirait à étendre la portée de ses activités et aiderait le gouvernement à donner suite à son mandat de promotion du développement des coopératives au Canada, conformément à la motion M-100.
Mesure et évaluation de l'impact
Des exigences rationalisées en matière de reddition de comptes et des critères de mesure de l'impact seraient établis pour assurer une reddition de comptes adéquate et une évaluation rigoureuse de l'impact global. Compte tenu du fait que des recherches complémentaires sont requises pour relever les défis complexes touchant la méthodologie et la capacité qui limitent actuellement l'utilisation de mesures de l'impact communes, on n'imposerait pas une mesure normalisée de l'impact aux intermédiaires qui reçoivent des investissements. Le gouvernement travaillerait en partenariat avec des spécialistes pour choisir ou adapter un système et des outils de mesure de l'impact, que les investisseurs pourraient utiliser pour satisfaire leurs exigences en matière de reddition de comptes et de mesure de l'impact. Il faudrait privilégier nettement les approches de mesure de l'impact qui s'appuient sur des pratiques exemplaires internationales et qui s'harmonisent avec les Objectifs de développement durable. Le gouvernement devrait rendre les résultats de l'initiative accessibles au public pour assurer à la fois la transparence du processus et une meilleure compréhension du rendement financier et de l'impact social résultant de la finance sociale.
Harmonisation des politiques
Le gouvernement consulterait le Conseil de l'innovation sociale ainsi que les ministères et les gouvernements provinciaux et territoriaux pour assurer l'harmonisation des politiques avec d'autres initiatives où les gouvernements utilisent des approches axées sur les investissements pour donner suite à des objectifs stratégiques, comme le Fonds national de co-investissement pour le logement de la Société canadienne d'hypothèques et de logement, les investissements effectués dans le cadre du Plan d'action gouvernemental en économie sociale du Québec et le Fonds pour les projets pilotes d'entrepreneuriat social de l'Ontario. Dans le cas des investissements du Fonds qui sont rattachés à des domaines comme le logement abordable ou l'économie sociale, le gouvernement chercherait à se tourner vers des intermédiaires qui remplissent également les critères essentiels établis par d'autres programmes ou fonds gouvernementaux, de façon à promouvoir un degré élevé de complémentarité.
Renforcement des capacités
Plusieurs éléments devraient être intégrés au Fonds afin d'accroître les possibilités de financement pour les organismes à vocation sociale partout au Canada, y compris dans les régions où il y a actuellement peu de finance sociale. Les processus d'appel d'offres concurrentiels lancés par le Fonds exigeraient notamment que les intermédiaires décrivent les partenariats qu'ils ont créés pour hausser leur degré de préparation en vue des investissements. Par ailleurs, ces processus seraient échelonnés dans le temps afin de donner aux collectivités le temps d'établir les partenariats nécessaires. Dans certains cas, des possibilités d'investissement prometteuses pourraient donner lieu à un soutien conjoint du Programme de soutien aux écosystèmes d'innovation sociale (recommandation 5). Enfin, l'entité fédérale désignée pour mettre en œuvre le Fonds devrait se voir confier une petite enveloppe de fonds pour l'octroi de subventions, qu'elle pourrait utiliser lorsqu'un soutien supplémentaire à l'appui du renforcement des capacités est requis pour qu'une possibilité d'investissement prometteuse se concrétise.
Figure 51. Mesures futures pour appuyer la croissance de la finance sociale
Le Fonds de finance sociale permettrait d'éliminer les obstacles qui empêchent le marché de la finance sociale d'atteindre son plein potentiel et, du même coup, de mobiliser un volume important de capitaux privés et philanthropiques pour s'attaquer à des problèmes sociaux et environnementaux pressants auxquels font face les collectivités canadiennes. Cette initiative est nécessaire si l'on veut amorcer le processus de croissance des écosystèmes régionaux de finance sociale dans l'ensemble du Canada.
Une fois le Fonds créé, le gouvernement pourrait également se pencher sur d'éventuelles mesures législatives, réglementaires ou financières pour mobiliser davantage de capitaux à des fins sociales, en s'inspirant de mesures ou d'initiatives comme les fonds d'investissement en développement économique communautaire (« Community Economic Development Investment Funds ») en Nouvelle Écosse, la Community Reinvestment Act aux États-Unis, l'allégement fiscal pour les investissements en finance sociale au Royaume-Uni ou le régime des fonds écologiques aux Pays-Bas. Toutes ces possibilités pourraient être examinées par le Conseil de l'innovation sociale (recommandation 2), en tenant tout particulièrement compte des adaptations nécessaires à apporter à ces mesures dans le contexte canadien.
Recommandation 7 – Agir dans le but de s'assurer que les programmes fédéraux de subventions et contributions appuient et encouragent l'innovation sociale.
Lors de nos consultations, il est devenu évident que le gouvernement du Canada doit établir de nouvelles relations avec les bénéficiaires de subventions pour encourager efficacement l'innovation à grande échelle. Ces nouvelles relations doivent aller au-delà des activités transactionnelles fondées sur des exigences de conformité correspondant à une conception étroite des organisations à titre d'agents de prestation de services. En effet, celles-ci doivent plutôt refléter une reconnaissance des bénéficiaires de subventions à titre de partenaires privilégiés avec lesquels le gouvernement travaille pour atteindre des objectifs stratégiques communs. Elles doivent aussi tenir compte de la situation particulière des organismes et des intervenants. Par exemple, les communautés de langue officielle en situation minoritaire n'ont souvent pas accès aux mesures de soutien dont disposent les communautés en situation majoritaire. De plus, certains groupes sont bien au fait des atouts et des besoins des usagers qu'ils desservent et aimeraient que les solutions que le gouvernement finance soient résolument élaborées par et pour leurs collectivités. Aux fins d'établir ces nouvelles relations, nous recommandons que le gouvernement adopte une série de « critères pour le financement de l'innovation » (figure 53) dans le cadre de ses pratiques d'octroi de subvention pour s'assurer que les fonds fédéraux contribuent à l'innovation lorsqu'il est souhaitable et approprié de viser cet objectif.
Le Secrétariat du Conseil du Trésor s'emploie actuellement à renouveler la Politique sur les paiements de transfert, qui énonce la façon dont les ministères administrent les programmes de subventions et de contributions. Nous recommandons que le Secrétariat du Conseil du Trésor intègre les critères pour le financement de l'innovation à cette politique renouvelée ainsi qu'aux directives et aux instruments d'orientation qui s'y rattachent, afin d'habiliter les ministères et les organismes à vocation sociale à innover. Ce faisant, le Secrétariat du Conseil du Trésor devrait consulter les bénéficiaires de subventions pour améliorer leur expérience et leurs interactions avec le gouvernement en tant qu'« utilisateurs ».
Nous recommandons également que les principaux ministères responsables de l'octroi de subventions et de contributions fassent preuve de leadership au sein du gouvernement du Canada en intégrant proactivement les critères pour le financement de l'innovation dans la conception et la mise en œuvre de leurs programmes. Les critères devraient s'appliquer à tous les programmes où l'innovation est à préconiser, et non pas seulement aux volets ou aux fonds réservés à l'innovation. En fin de compte, ces mesures devraient mener à des programmes plus souples et assortis d'une plus grande tolérance au risque, qui soient plus à même de combler les besoins des Canadiens.
Figure 52. Dépenses fédérales sous forme de subventions et de contributions
Le gouvernement du Canada dépense 41,6 milliards de dollars par année sous forme de subventions et de contributions (ce qui n'inclut pas les importants paiements de transfert aux particuliers et aux autres paliers de gouvernement) pour appuyer l'atteinte de ses objectifs stratégiques ainsi qu'offrir des programmes et des services dans les collectivités. De ce montant, près de 13 milliards de dollars sont versés à des organismes sans but lucratifNote de bas de page 48. Il s'agit d'une excellente occasion pour le gouvernement de tirer parti d'au moins une portion des fonds en question afin de s'assurer que ces programmes encouragent l'innovation lorsque cela est souhaitable.
Nous savons que le gouvernement étudie présentement le financement axé sur les résultats, les prix, les défis et les microsubventions. Nous exhortons le gouvernement à faire en sorte que ces outils de financement soient mis en œuvre de manière à assurer la conformité aux critères de financement de l'innovation que nous proposons, à créer de véritables incitatifs et à conférer une portée significative à l'innovation.
Figure 53. Critères pour le financement de l'innovation
Le gouvernement devrait adopter des pratiques exemplaires ou les critères décrits ici pour renouveler ses relations avec les bénéficiaires de subventions et pour trouver des moyens d'assurer un financement accru de l'innovation.
D'abord et avant tout, les subventions doivent encourager la prise de risques et être assorties d'une certaine tolérance à l'échec. L'innovation peine à évoluer dans un environnement réfractaire au risque, car l'expérimentation est un élément clé de l'innovation. Nous devrions encourager les organisations à apprendre par la pratique, en leur permettant de disposer de la souplesse nécessaire pour apporter des ajustements à mesure qu'elles essaient de nouvelles choses et qu'elles s'adaptent à la suite de résultats imprévus. Il faut par conséquent que les activités de reddition de comptes et d'évaluation soient proportionnelles au niveau de risque qu'assume l'organisation, de sorte que les projets présentant un degré de risque plus élevé soient assortis d'exigences plus rigoureuses.
Résumé
- Souple
- Proportionnel
- Collaboratif
- Enrichissement des connaissances
- Accessible
- Axé sur le client
- Patient
- Exhaustif
- Rapide
- Pertinent
La collaboration entre organisations de différents secteurs engendre les conditions les plus propices à l'innovation. Il est souvent possible de mobiliser des ressources – temps, talent et argent – parmi de multiples partenaires. Les subventions devraient favoriser la collaboration et l'établissement de partenariats et de réseaux. Il est également important que les subventions soutiennent l'enrichissement des connaissances pour que le savoir soit documenté et partagé afin d'appuyer l'apprentissage collectif.
Les subventions gouvernementales doivent être accessibles à tous les organismes à vocation sociale. Les ministères devraient accorder une attention particulière à l'amélioration de l'accessibilité et à l'utilisation de modèles adaptables dans le cas des organismes des collectivités rurales, éloignées et du Nord ainsi que des communautés de langue officielle en situation minoritaire. L'innovation naît souvent à des endroits inattendus : les subventions devraient bénéficier aussi à ceux qui n'ont pas d'antécédents de financement; il faut de plus que les organismes à vocation sociale ayant des structures juridiques inhabituelles, y compris les entreprises sociales à but lucratif, soient admissibles.
Les ministères subventionnaires devraient viser à alléger le plus possible les formalités administratives et à adopter des normes élevées en matière de service. La complexité administrative est un obstacle majeur à l'innovation. Les ministères doivent mettre l'accent sur les clients, établir des relations avec les bénéficiaires, réduire les formalités administratives (notamment les processus d'appel de propositions qui s'éternisent) et collaborer avec les clients et les bénéficiaires à l'atteinte d'objectifs communs.
Les subventions devraient constituer une forme de capital patient et servir à financer les organismes sur de plus longues périodes, qui correspondent à la durée du cycle d'innovation, cycle qui s'étend le plus souvent sur des années plutôt que sur des mois. Les subventions doivent avoir une portée exhaustive; le financement doit couvrir les coûts directs des projets d'une organisation ainsi qu'une certaine proportion des coûts indirects, comme les frais généraux et l'évaluation.
Les bonnes idées n'attendent pas; il est donc important que les subventions soient versées rapidement. Il faut envisager de mettre en place un processus permettant de soumettre des concepts et des idées sur une base continue, au lieu de fixer des délais arbitraires pour la présentation et le traitement des propositions. On considère la tenue d'un appel de concepts comme étant une pratique exemplaire, à la fois parce qu'il est plus facile d'y répondre qu'à un appel de propositions et parce que cela laisse plus de temps aux ministères pour collaborer avec les organismes à la conception de projets. Ce type de collaboration permet également aux ministères subventionnaires de comprendre où et comment l'innovation se produit dans un secteur donné, puis d'adapter leur soutien en conséquence.
Enfin, l'innovation prend différentes apparences selon le contexte. Par exemple, l'innovation dans le secteur de la santé sera différente de celle qui survient dans le domaine des arts. Les ministères doivent collaborer avec ceux qui innovent pour s'assurer que leur définition de l'innovation est pertinente et qu'elle reflète le contexte particulier et le domaine stratégique auxquels est associé le financement. Les ministères doivent également travailler dès le départ avec les bénéficiaires à la préparation de leurs appels de concepts pour s'assurer que ces appels correspondent aux grandes priorités du secteur et qu'elles comblent les besoins de la collectivité.
5.4 Accès aux marchés
Recommandation 8 – Intégrer des lignes directrices, des outils et des activités de formation en matière d'approvisionnement social aux mesures prises par le gouvernement pour mettre de l'avant un plan d'approvisionnement durable et cohérent
L'approvisionnement public est un levier clé pour stimuler la croissance du marché des organismes à vocation sociale. Nous recommandons que le Secrétariat du Conseil du Trésor et Services publics et Approvisionnement Canada élaborent un plan d'approvisionnement social cohérent qui appuie les initiatives fédérales liées à l'approvisionnement durable et aux achats à impact social et environnemental. Ce plan doit contenir des mesures concrètes pour encourager et simplifier le recours à des approches d'approvisionnement social à l'échelle de l'administration publique. Il doit aussi s'harmoniser avec les initiatives portant sur l'approvisionnement durable, la diversification des fournisseurs et les ententes sur les retombées locales.
Nous proposons cinq mesures clés en matière d'approvisionnement social dans le cadre de ce plan :
- Politique sur les marchés : Le Secrétariat du Conseil du Trésor devrait modifier la Politique sur les marchés pour incorporer un élément à valeur sociale à la définition de la « meilleure valeur ». Les ministères pourraient ainsi donner plus de place aux organismes à vocation sociale en tant que fournisseurs, et accorder des points aux fournisseurs qui établissent des partenariats avec des organismes à vocation sociale aux fins de leurs soumissions.
- Lignes directrices : Services publics et Approvisionnement Canada devrait élaborer des lignes directrices pour aider les agents d'approvisionnement à estimer la valeur sociale et environnementale des biens et des services qu'ils achètent ainsi que des organisations auxquelles ils achètent ces biens et services. Les lignes directrices devraient aider les agents d'approvisionnement ainsi que les administrations provinciales, territoriales et municipales à utiliser les ententes sur les retombées locales dans le cadre des contrats d'infrastructure financés par le gouvernement du Canada. De telles lignes directrices seraient utiles afin de mettre en œuvre le projet de loi C-344 s'il est adopté par le Parlement.
- Organisme de coordination : Une entité de la fonction publique hébergée à Services publics et Approvisionnement Canada devrait être désignée à titre de centre d'expertise du gouvernement du Canada en matière d'approvisionnement social et devrait recevoir le financement nécessaire pour assumer ce rôle. Cette entité aurait comme tâche de coordonner les activités entre les ministères, d'aider les intermédiaires à renforcer les capacités des fournisseurs, d'offrir de la formation aux fonctionnaires et de diffuser les lignes directrices sur l'approvisionnement social. L'entité devrait appuyer l'initiative de recherche et de collecte de données sur l'innovation sociale (recommandation 11) afin d'élaborer des outils de mesure des retombées.
- Programmes pilotes : Des projets pilotes sont nécessaires pour cerner les lacunes entourant les connaissances en matière d'approvisionnement social et l'infrastructure de soutien, étendre la portée des interventions qui donnent de bons résultats et faire la démonstration des retombées socioéconomiques de l'approvisionnement social par le gouvernement. Nous proposons que Services publics et Approvisionnement Canada dirige l'élaboration de projets pilotes d'approvisionnement, en collaboration avec Emploi et Développement social Canada ainsi qu'avec d'autres ministères et partenaires communautaires intéressés.
- Soutien financier : Services publics et Approvisionnement Canada devrait investir dans des organismes intermédiaires, des marchés en ligne, des processus de certification et des mesures de soutien du renforcement des capacités à l'intention des fournisseurs à vocation sociale. Ces investissements sont nécessaires si l'on veut s'assurer que les acheteurs gouvernementaux et non gouvernementaux ont accès à des fournisseurs à vocation sociale dont le statut a été vérifié. Services publics et Approvisionnement Canada pourrait effectuer ces investissements dans le cadre du Programme de soutien aux écosystèmes d'innovation sociale (recommandation 5).
Même si c'est le Secrétariat du Conseil du Trésor et Services publics et Approvisionnement Canada qui devraient mener l'exécution du plan d'approvisionnement social, les mesures susmentionnées doivent être élaborées en collaboration avec toutes les intervenants et obtenir leur soutien, comprenant Infrastructure Canada, Innovation, Sciences et Développement économique Canada et Emploi et Développement social Canada. Ensemble, ces intervenants peuvent transformer l'approche du gouvernement en matière d'approvisionnement en vue de mettre à profit des milliards de dollars de deniers publics pour engendrer un impact social.
5.5 Cadre politique et réglementaire
Recommandation 9 – Résoudre les problèmes juridiques et réglementaires qui empêchent les organismes de bienfaisance et les organismes sans but lucratif de tirer profit de l'innovation sociale et de la finance sociale
Afin de favoriser l'innovation sociale et la finance sociale, le gouvernement du Canada doit veiller à ce que ses politiques et ses règlements ne créent pas d'obstacles. Nous recommandons au gouvernement de faire la transition d'une approche de réglementation des organismes de bienfaisance enregistrés et des organismes sans but lucratif centrée sur la conformité à une approche habilitante et adaptative, afin que ces organismes puissent innover plus facilement. Cette nouvelle approche n'exigera rien de moins qu'un changement de paradigme, dans lequel le gouvernement voit dans les organismes de bienfaisance et les organismes sans but lucratif des partenaires en vue de l'atteinte d'objectifs communs et réalise que ces organismes engendrent une valeur supérieure au coût des avantages fiscaux qui lui sont accordés. Plutôt que de traiter les organismes de bienfaisance et les organismes sans but lucratif comme des concurrents du secteur privé, le gouvernement devrait considérer le secteur que composent ces organismes comme étant un écosystème d'intervenants qui, ensemble, créent une valeur sociale et économique pour les Canadiens.
Tandis qu'il œuvre à modifier son approche réglementaire, le gouvernement devrait agir rapidement afin d'éliminer les obstacles juridiques et réglementaires auxquels font face les organismes de bienfaisance et sans but lucratif en matière d'innovation sociale et de finance sociale. Cette initiative devrait être menée en étroite coopération avec Finances Canada, l'Agence du revenu du Canada, Emploi et Développement social Canada et Innovation, Sciences et Développement économique Canada. Elle doit comporter, à titre d'élément central, un mécanisme consultatif permettant au secteur des organismes de bienfaisance et sans but lucratif, au Conseil de l'innovation sociale proposé (recommandation 2) et aux principaux ministères de travailler en collaboration à l'étude de solutions possibles touchant l'environnement juridique et réglementaire. Les points prioritaires à aborder devraient notamment comprendre ce qui suit :
- Faire en sorte qu'il soit plus facile pour les organismes de bienfaisance enregistrés de recourir à des entreprises sociales pour leur mission, en simplifiant les règles applicables aux activités commerciales complémentaires et non complémentaires. On pourrait notamment envisager l'apport de modifications à la Loi de l'impôt sur le revenu pour appliquer un critère fondé sur l'utilisation des fonds ou une autre solution permettant de disposer de ce genre de souplesse à l'appui de l'innovation. Par exemple, on pourrait examiner la question de savoir s'il est nécessaire d'instaurer un impôt sur le revenu applicable aux activités commerciales non complémentaires ou des structures organisationnelles hybrides.
- Dans le même ordre d'idées, il doit devenir plus facile pour les organismes publics sans but lucratif d'exploiter des entreprises sociales et de réinvestir les fonds ainsi recueillis à l'appui de leur but non lucratif. Ici encore, on pourrait apporter des modifications à la Loi de l'impôt sur le revenu pour appliquer un critère fondé sur l'utilisation des fonds ou choisir une autre solution permettant de disposer de ce genre de souplesse. Le gouvernement pourrait faire une distinction entre les organismes sans but lucratif, autres que les organismes de bienfaisance qui sont dédiés au bien public et ceux qui sont ceux qui visent exclusivement la mutualisation de services destinés à leurs membresNote de bas de page 49. Le gouvernement doit chercher à établir un meilleur équilibre entre deux objectifs : permettre aux organismes sans but lucratif de recourir à l'entreprise sociale et préserver l'intégrité de la structure juridique des organismes sans but lucratif.
Figure 54. Critère fondé sur la destination des fonds en Australie
En Australie, les organismes de bienfaisance sont autorisés à générer des revenus exonérés d'impôt par le biais d'activités commerciales, à condition que les bénéfices réalisés soient consacrés à l'objectif de bienfaisance de l'organisme et ne confèrent pas d'avantage privé. En 2010, Australian Productivity Commission a conclu que les exonérations d'impôt sur le revenu accordées aux organismes sans but lucratif n'engendrent pas un effet de distorsion significatif, car ces organismes ont eux aussi intérêt à maximiser le rendement de leurs activités commerciales. La situation n'a donc pas d'effet général sur les décisions relatives à la production et aux prix, de sorte qu'elle ne va pas à l'encontre du principe de l'équité concurrentielleNote de bas de page 50.
- Faire en sorte qu'il soit plus facile pour les organismes de bienfaisance enregistrés d'innover en collaboration avec des donataires non reconnus, ce qui inclut les organismes sans but lucratif, les entreprises et les particuliers. Il faudrait envisager de supprimer l'interdiction d'accorder des subventions à des donataires non reconnus et clarifier l'application de la Loi de l'impôt sur le revenu pour permettre à l'Agence du revenu du Canada d'adopter un régime de responsabilité des dépenses, c'est à dire un mécanisme permettant de s'assurer que les ressources des organismes de bienfaisance sont utilisées conformément aux fins de ces derniers. Une telle modernisation des règles de régie et de contrôle applicables aux activités avec des donataires non reconnus permettrait aux organismes de bienfaisance de travailler plus étroitement avec les groupes de bénéficiaires et aussi d'établir des règles plus ouvertes concernant les investissements reliés aux programmes, ce qui a une incidence sur la capacité des organismes de bienfaisance d'investir dans une optique de rendement à la fois économique et social.
- Il doit de même devenir plus facile de distinguer les situations où un bienfait privé indu est conféré afin que les organismes de bienfaisance enregistrés puissent collaborer avec plus de confiance. On devrait envisager d'établir une directive administrative comportant des études de cas et des exemples qui démontrent la manière dont l'Agence du revenu du Canada applique les règles sur les bienfaits d'intérêt privé.
Figure 55. Actifs des fondations au Canada
En 2016, les actifs détenus par les 10 000 fondations de bienfaisance que l'on retrouve au Canada totalisaient 73 milliards de dollars, dont la plus grande partie est investie dans des outils et produits financiers conventionnelsNote de bas de page 51. Il s'agit d'une source importante de capital qu'il serait plus facile de mobiliser et de réaffecter sous forme d'investissements de finance sociale engendrant des retombées positives sur les collectivités canadiennes si les règles relatives aux investissements dans le domaine de la finance sociale étaient plus claires pour les organismes de bienfaisance.
Nous souscrivons aux recommandations formulées en 2017 par le Groupe de consultation sur les activités politiques des organismes de bienfaisance. Notamment, la recommandation relative à la modernisation du cadre législatif régissant le secteur des organismes de bienfaisance pourrait redéfinir le contexte entourant l'innovation sociale et la finance sociale au Canada. Une approche réglementaire axée sur les fins des organismes de bienfaisance plutôt que sur les activités aidera les organisations à recueillir des fonds, à investir et à innover dans l'intérêt public. En outre, une liste de fins de bienfaisance reflétant mieux les enjeux sociaux et environnementaux contemporains ainsi que les valeurs environnementales pavera la voie à des innovations axées sur les bienfaits d'intérêt public dans des secteurs qui, à l'heure actuelle, ne comptent pas sur des services adéquats. Nous attendons la réponse du gouvernement aux recommandations du Groupe de consultation.
On devrait envisager la possibilité de suspendre la révocation du statut d'organisme de bienfaisance tant que toutes les questions relatives à ces organismes n'auront pas été réglées, en étroite consultation avec les parties prenantes, ainsi que cela a été proposé précédemment.
Recommandation 10 – Mener une série d'essais de réglementation contrôlés selon l'approche du « bac à sable » pour explorer et tester de nouveaux modèles de réglementation.
Nous recommandons que le gouvernement du Canada commence à examiner les obstacles stratégiques et réglementaires à l'innovation sociale et à la finance sociale en utilisant la méthode des « bacs à sable réglementaires ». Les bacs à sable réglementaires sont des plateformes ou des espaces virtuels qui permettent aux organismes de réglementation de tester de nouveaux modèles de réglementation en fonction d'un ensemble de paramètres contrôlés; on peut s'en servir pour évaluer les répercussions d'un changement réglementaire de plus vaste portée. Ils sont utilisés par des organismes de réglementation de différents coins de la planète, par exemple, afin de permettre aux entreprises de technologie financière de faire l'essai de nouveaux produits et services sur le marché grâce à des exemptions réglementaires circonscrites et temporaires.
Figure 56. Le bac à sable réglementaire des Autorités canadiennes en valeurs mobilières
Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM), organisme-cadre réunissant les organismes provinciaux et territoriaux de réglementation des valeurs mobilières, ont comme but d'améliorer, de coordonner et d'harmoniser la réglementation des marchés financiers canadiens. En février 2017, les ACVM ont entamé un exercice de bac à sable réglementaire pour soutenir les entreprises de technologie financière qui cherchent à offrir des applications, des produits et des services novateurs au Canada. Le bac à sable permet aux entreprises de s'inscrire ou d'obtenir une dispense relativement à l'application de certaines exigences législatives en matière de valeurs mobilières. L'objectif consiste aussi à aider l'organisme de réglementation à mieux comprendre l'incidence des innovations technologiques sur les marchés financiers ainsi qu'à évaluer la portée et la nature des répercussions réglementaires. Les innovations admissibles comprennent, entre autres, le financement participatif, les prêts en ligne, les entreprises en cryptomonnaie ou sur la technologie de registre distribué, de même que les nouveaux modèles d'affaires faisant appel à l'intelligence artificielle pour les échanges ou les recommandationsNote de bas de page 52. À titre d'exemple, Impak Finance Inc., qui est une plateforme de collaboration à des fins d'investissement dans des entreprises socialement responsables, a obtenu des dérogations aux termes du bac à sable des ACVM en août 2017 afin de mobiliser des fonds pour ses activités au moyen d'une offre de cryptomonnaie, la monnaie « Impak », reposant sur une chaîne de blocsNote de bas de page 53.
La méthode des bacs à sable réglementaires pourrait être appliquée aux enjeux auxquels font face les organismes de bienfaisance enregistrés et les organismes sans but lucratif dans le cadre de leurs activités d'innovation sociale et de finance sociale. Ce type d'expérimentation s'inscrirait dans la foulée de l'engagement, pris dans le budget de 2018, de rendre le cadre réglementaire canadien plus souple, plus transparent et mieux adapté et de veiller à ce que la réglementation influant sur l'innovation sociale soit ajustée selon une démarche prudente, itérative et à faible risque.
À court terme, nous recommandons la création de trois bacs à sable réglementaires en concordance avec la recommandation 9.
5.6 Développement et partage des données et des connaissances
Recommandation 11 – Mettre en œuvre une initiative de développement et de partage des données et des connaissances en innovation sociale
Nous recommandons que le gouvernement du Canada accroisse l'offre de données probantes disponibles et d'activités de recherche en cours et qu'il établisse un nouveau mécanisme pour coordonner un meilleur partage des données, des résultats des travaux de recherche et des connaissances dans l'ensemble des écosystèmes d'innovation sociale du Canada.
Données sur l'innovation sociale
Pour combler les lacunes profondes dans les données de base, nous recommandons que Statistique Canada rétablisse l'Enquête nationale auprès des organismes à but non lucratif et des organismes bénévoles ainsi que le Compte satellite des institutions sans but lucratif et du bénévolat et qu'il les actualise en recueillant des données sur les organismes actifs dans les domaines de l'innovation sociale, de la finance sociale et de l'entreprise sociale au Canada. Nous recommandons aussi que Statistique Canada continue d'inclure les entreprises sociales et les coopératives dans l'Enquête sur le financement et la croissance des petites et moyennes entreprises ainsi que de l'Enquête annuelle sur les coopératives canadiennes.
De plus, nous recommandons que la collecte de données par Statistique Canada pour l'unité des Objectifs de développement durable des Nations Unies conformément à l'annonce faite dans le budget de 2018 comprenne des données sur l'apport des organismes à vocation sociale en vue de l'atteinte des ODD.
Afin de maximiser la valeur des données administratives fédérales déjà recueillies dans le cadre de ses programmes de financement existants, nous recommandons que le gouvernement du Canada adapte ses ensembles de données pour déterminer avec précision les interactions avec les organismes à vocation sociale. Par exemple, le gouvernement du Canada pourrait établir dans quelle mesure les programmes de soutien de l'emploi, comme le programme Emplois d'été Canada, mobilisent les entreprises sociales à titre de bénéficiaires (en tant qu'employeurs).
Réseau national de partage des connaissances en innovation sociale
Lors de nos consultations, on nous a dit qu'il faut davantage de mesures de soutien pour permettre aux organismes à vocation sociale à travers le Canada d'établir des liens entre eux et d'avoir un accès rapide aux données, aux résultats de recherche et aux connaissances dont ils ont besoin pour diffuser de l'information sur les innovations ayant porté fruit et pour tisser des liens plus solides à titre de communauté de pratique. Les praticiens issus des Premières Nations, Inuits et Métis avec qui nous avons dialogué ont aussi souligné que leurs collectivités disposaient de peu de tribunes pour échanger des renseignements sur les leçons apprises et les pratiques exemplaires et ont exprimé beaucoup d'enthousiasme à l'idée d'établir des initiatives de transfert de connaissances et des carrefours d'innovation dont la direction serait confiée aux Autochtones.
Nous recommandons que l'on crée un nouveau réseau pancanadien de partage des connaissances en innovation sociale afin de coordonner et de promouvoir la participation et l'échange de connaissances. Le soutien financier requis à l'intention des réseaux existants et nouveaux ainsi que des autres infrastructures du savoir sera fourni dans le cadre du Programme de soutien aux écosystèmes d'innovation sociale (voir la recommandation 5).
Recherche sur l'innovation sociale
Nous recommandons que le gouvernement du Canada appuie la recherche et le renforcement des capacités afin de promouvoir une culture nationale de mesure de l'impact qui réponde aux divers besoins des écosystèmes d'innovation sociale. Nous sommes conscients de la nécessité de mener davantage de travaux de recherche pour que l'on puisse élaborer des méthodologies et des indicateurs permettant d'établir des normes nationales de mesure de l'impact qui soient susceptibles de répondre autant aux besoins variés des organismes à vocation sociale, des bailleurs de fonds et des investisseurs.
Nous recommandons que l'on réserve des fonds pour offrir des bourses d'études et de recherche sur les écosystèmes d'innovation sociale et de finance sociale. Afin de tenir compte de l'expertise des partenaires dans les communautés ainsi que du coût de la participation à des projets de recherche, nous recommandons que les partenaires aient droit à un financement en tant que cochercheurs dans le cadre des travaux de recherche sur l'innovation sociale menés en partenariat entre les collectivités et les universités sous l'égide du Conseil de recherches en sciences humaines et du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie.
En outre, nous recommandons que le gouvernement du Canada investisse dans un Laboratoire indépendant du savoir sur l'innovation sociale qui collaborera avec des organismes à vocation sociale, des investisseurs, des bailleurs de fonds et des chercheurs pour mener des recherches et mettre à l'essai des pratiques exemplaires en matière de mesure de l'impact. Ce laboratoire pourrait faire le point sur les connaissances existantes, mettre en commun cette information et coordonner des partenariats de recherches sur les méthodes et les outils de mesure de l'impact. Le laboratoire pourrait également élaborer et tester des paramètres qui rendent compte de la façon dont l'innovation sociale contribue au progrès social, ce qui pourrait inclure des paramètres de mesure des progrès réalisés par le Canada en vue de l'atteinte des Objectifs de développement durable des Nations Unies. Le laboratoire tirerait parti des initiatives de mesure de l'impact en émergence, peu importe le secteur ou la juridiction, qu'elle soit fédérale, provinciale, territoriale, municipale ou internationale. Il constituerait aussi une tribune de discussion et de débat sur les différentes approches mises de l'avant à l'égard de cette problématique.
Les travaux du laboratoire visant à adapter les méthodes de mesure et d'évaluation en fonction des organismes à vocation sociale seraient diffusés par l'entremise du Réseau national de partage des connaissances en innovation sociale que nous recommandons de créer.
Figure 57. Résumé – Initiative de développement et de partage des données et des connaissances en innovation sociale
- Rétablir et actualiser l'Enquête nationale auprès des organismes à but non lucratif et des organismes bénévoles ainsi que le Compte satellite des institutions sans but lucratif et du bénévolat
- Continuer de mener l'Enquête annuelle sur les coopératives canadiennes, et inclure les entreprises sociales dans la portée de l'Enquête sur le financement et la croissance des petites et moyennes entreprises
- Faire en sorte que les nouvelles données que doit recueillir Statistique Canada relativement aux Objectifs de développement durable comprennent des renseignements sur les organismes à vocation sociale
- Adapter les ensembles de données administratives du gouvernement du Canada pour mettre en lumière les interactions avec les organismes à vocation sociale
- Établir un nouveau réseau pancanadien d'échange de connaissances sur l'innovation sociale
- Investir dans un laboratoire indépendant sur la mesure d'impact de l'innovation sociale
- Appuyer l'octroi de bourses d'études et de bourses de recherche dans le domaine de l'innovation sociale et de la finance sociale
- S'assurer que les partenaires dans les communautés puissent avoir droit à un financement dans le cadre des travaux de recherche sur l'innovation sociale menés en partenariat entre les collectivités et les universités sous l'égide du Conseil de recherches en sciences humaines et du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie
5.7 Sensibilisation et mobilisation
Recommandation 12 – Coordonner une campagne nationale de sensibilisation sur l'innovation sociale et la finance sociale
Nous recommandons que le gouvernement du Canada finance une campagne de sensibilisation visant à promouvoir auprès des Canadiens les concepts et les pratiques de l'innovation sociale et de la finance sociale. Le Bureau de l'innovation sociale, que l'on propose de mettre sur pied, appuierait par l'entremise de cette campagne des partenaires nationaux, régionaux et locaux. La campagne nationale de sensibilisation à l'innovation sociale et à la finance sociale doit viser les objectifs suivants :
- Amener les Canadiens à mieux comprendre le rôle qu'ils peuvent jouer à titre d'innovateurs, de bénévoles, de donateurs, de consommateurs et d'investisseurs afin de produire de meilleurs résultats dans leur collectivité;
- Miser sur des outils de financement innovateurs, comme des défis et des prix, et établir un partenariat avec les programmes de prix existants pour mettre en valeur les innovations sociales et assurer un plus large échange de connaissances (voir la figure 58);
- Favoriser les partenariats intersectoriels et la participation multisectorielle en recourant aux réseaux et en menant des activités de mobilisation à l'intérieur des espaces virtuels et physiques;
- Appuyer la mobilisation des jeunes à l'appui de l'innovation sociale et de la finance sociale au moyen de bourses d'études, de bourses de recherche et d'activités d'apprentissage intégré en milieu de travail;
- Utiliser les médias nouveaux et traditionnels et adopter des méthodes de communication et d'innovation qui conviennent à des groupes sous-représentés, comme les jeunes, les femmes, les personnes vivant dans des collectivités rurales et éloignées et les immigrants.
La campagne de sensibilisation serait une composante d'une approche écosystémique pour appuyer l'essor de l'innovation sociale et de la finance sociale; de même que toutes les autres mesures proposées, elle ne doit pas être entreprise isolément. Lors de la conception des diverses initiatives devant faire partie de la campagne de sensibilisation, le Conseil de l'innovation sociale (recommandation 2) pourrait juger bon de cibler des destinataires particuliers, comme les conseillers en investissement ou les conseils d'administration des fondations, de sorte qu'une plus grande conscientisation entraîne un changement d'ordre systémique.
Figure 58 – Prix Social EnterPrize de Trico
Il existe de nombreux programmes de prix au Canada qui servent à attirer l'attention sur l'innovation sociale et la finance sociale. C'est le cas notamment des prix Social EnterPrize de la fondation de bienfaisance Trico, qui soulignent les pratiques exemplaires d'organisations canadiennes, leur impact et leurs innovations. L'une des récipiendaires en 2017 a été l'auberge Fogo Island Inn, à Terre-Neuve, fruit d'une initiative de l'organisme de bienfaisance Shorefast. La création de l'auberge a constitué une nouvelle source de résilience culturelle et économique pour une collectivité rurale qui ressent toujours les répercussions économiques du moratoire de 1992 sur la pêche à la morue. L'auberge comprend des espaces publics pour assurer un rapprochement entre la collectivité et les visiteurs; de plus, les meubles et les tissus utilisés dans l'auberge ont été fabriqués sur l'île Fogo. La directrice financière de Shorefast, Diane Hodgins, a déclaré : « L'entreprise sociale nous a donné l'occasion de redéfinir la manière dont une entreprise peut servir d'outil pour renforcer la communauté, développer les capacités inhérentes des gens et créer des modèles de propriété communautaire des actifs économiques ».
Le gouvernement a aussi un rôle à jouer au chapitre de la sensibilisation à l'intérieur même de la fonction publique fédérale. Il devrait créer des occasions pour les fonctionnaires d'utiliser des outils d'innovation sociale et de finance sociale de manière collaborative entre ministères et en partenariat avec d'autres secteurs, dont celui des organismes à but non lucratif, celui des coopératives et des mutuelles, le milieu universitaire et le secteur privé. Nous recommandons que le gouvernement élabore des outils concrets pour appuyer le travail des fonctionnaires, comme des modules de formation sur l'innovation sociale, la finance sociale et l'entreprise sociale, offerts par l'entremise de l'École de la fonction publique du Canada, de manière à ce que les fonctionnaires soient mieux outillés pour mettre en œuvre des politiques, des programmes et des projets plus efficaces et engendrant de plus grandes retombées.
6. Conclusion
L'élaboration d'une stratégie d'innovation sociale et de finance sociale par le gouvernement du Canada représente une occasion unique. La grande majorité des Canadiens que nous avons consultés à cet égard y voient une occasion pour le gouvernement de repenser sa conception de la croissance économique et de l'inclusion sociale afin de s'assurer que personne ne soit laissé pour compte. Ces Canadiens nous ont demandé de nous inspirer du mouvement mondial à l'appui de l'innovation sociale et de la finance sociale et de faire preuve d'audace dans nos recommandations.
C'est dans cet esprit que nous demandons au gouvernement de faire des investissements stratégiques à l'appui des nombreux écosystèmes d'individus et d'organismes des secteurs à but non lucratif, privé et public qui travaillent ensemble et innovent dans le but de renforcer leurs collectivités.
Les recommandations contenues dans ce rapport doivent être mises en œuvre de concert. Bon nombre d'entre elles pourraient commencer à être mises en œuvre à brève échéance au moyen des ressources existantes. À titre d'exemple, le gouvernement pourrait :
- Annoncer quelles mesures fédérales de soutien à l'innovation pourraient immédiatement devenir accessibles aux organismes à vocation sociale (recommandation 4), par exemple, le Programme de développement des collectivités.
- Continuer d'étudier des initiatives reliées à l'approvisionnement social (recommandation 8).
- Envisager des occasions de mettre à l'essai les critères pour le financement de l'innovation (recommandation 7). Par exemple, le gouvernement pourrait intégrer ces critères aux programmes associés à son engagement de 100 millions de dollars à l'appui de l'innovation dans le domaine de l'apprentissage et de la garde des jeunes enfants.
Pour d'autres recommandations, le gouvernement devra prendre des décisions en matière de politiques et de financement sur un horizon à moyen terme. Dans le cadre de l'élaboration du budget de 2019, nous recommandons que le gouvernement tienne compte de la nécessité de mettre en place un ensemble intégré de mesures de soutien, dont les premiers investissements pourraient comprendre:
- Créer les structures de gouvernance et de gestion nécessaires pour ancrer un engagement à long terme à l'appui de l'innovation sociale et de la finance sociale, en établissant le Conseil de l'innovation sociale (recommandation 2) et le Bureau de l'innovation sociale (recommandation 3).
- Financer le Programme de soutien aux écosystèmes d'innovation sociale (recommandation 5) et l'initiative de capitalisation de la finance sociale (recommandation 6), deux mesures clés devant être mises de l'avant simultanément afin de combler des lacunes de longue date dans des domaines comme le soutien au démarrage, le renforcement des capacités, la mesure de l'impact et le partage des connaissances à l'appui de l'innovation sociale et de la finance sociale.
- Déterminer d'autres mesures fédérales de soutien à l'innovation qu'il faut adapter ou rendre accessibles aux organismes à vocation sociale, y compris ceux qui ne génèrent pas de revenus (recommandation 4).
- Prendre l'engagement de régler les obstacles juridiques et réglementaires touchant les organismes de bienfaisance et les organismes à but non lucratif (recommandation 9).
La stratégie d'innovation sociale et de finance sociale nécessitera un effort soutenu à long terme si l'on veut obtenir de meilleurs résultats sociaux, économiques et environnementaux pour les Canadiens. Bon nombre des mesures que nous avons recommandées obligeront les ministères et organismes fédéraux à affecter des ressources sur une base permanente afin de modifier leurs façons de faire. Il faudra aussi que le gouvernement se penche sur d'autres enjeux et d'autres possibilités que le Conseil de l'innovation sociale mettra en lumière, une fois ce dernier mis sur pied.
Alors que le gouvernement met en œuvre de nouvelles mesures à l'appui de l'innovation sociale et de la finance sociale au cours des prochaines années, il doit prendre l'engagement de dialoguer davantage avec les collectivités et les organisations autochtones, en respectant le rythme que ces dernières détermineront, afin d'envisager d'éventuelles collaborations de nation à nation dans ce domaine. Nos recommandations rendent compte du fait que les collectivités autochtones doivent participer à la conception des mesures découlant de la stratégie et tirer parti de ces mesures.
Le moment est venu pour le Canada d'apprendre de l'expérience acquise par ses pairs à l'étranger, de combler son retard et d'en venir à appuyer l'innovation à des fins sociales et environnementales avec la même détermination qu'il le fait pour les innovations commerciales et technologiques. Notre pays a les moyens de résoudre les défis sociaux et environnementaux urgents auxquels il est confronté, à condition d'adopter une vision plus inclusive de l'innovation, vision qui tienne compte de l'apport des organismes à vocation sociale et qui encourage la collaboration intersectorielle. Grâce à des investissements stratégiques dans nos gens et dans nos idées, nos collectivités pourraient être en mesure de réaliser leurs aspirations pour un avenir plus inclusif, plus prospère et plus durable.
Annexe – Processus de consultation du public et des partenaires
Processus de consultation
Entre août 2017 et mai 2018, les 17 membres du Groupe directeur sur la co-création d‘une Stratégie d'innovation sociale et de finance sociale (IS/FS) et les fonctionnaires d'Emploi et Développement social Canada (EDSC) qui appuient ce travail ont mené un processus de consultation pour étudier les possibilités d'utilisation des outils d'innovation sociale et de finance sociale afin de relever des défis sociaux persistants.
La co-création est en soi un processus de mobilisation qui fait intervenir des intervenants externes ainsi que le gouvernement du Canada. EDSC a participé activement au processus : une directrice générale du Ministère a été nommée coprésidente du Groupe directeur, et c'est sans compter les très nombreuses interactions directes avec des représentants ministériels offrant un soutien au Groupe directeur. De plus, des fonctionnaires de plusieurs ministères fédéraux ont fourni des commentaires et des renseignements pour appuyer le déroulement des rencontres et des travaux du Groupe directeur. À titre de membres du Groupe directeur, nous avons interagi entre nous par l'entremise de réunions, d'échanges de courriels et de conférences téléphoniques afin de discuter de nos points de vue et de formuler conjointement nos recommandations, qui reposent sur des décennies d'expérience collective en matière d'innovation sociale et de finance sociale dans plusieurs secteurs et dans différentes régions du Canada.
Nous avons collaboré avec le secrétariat d'EDSC à l'élaboration d'un document de consultation, puis nous avons fait des démarches auprès des Canadiens et des organismes à vocation sociale aux quatre coins du pays pour connaître leurs idées. Nous avons également examiné les constatations de plusieurs études antérieures, dont les rapports intitulés Exploration du potentiel de la finance sociale au Canada (2015) (rapport du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées) et La mobilisation de capitaux privés pour le bien collectif (2014) (rapport du Comité consultatif national du Canada du Groupe de travail sur l'investissement social du G7).
Nous avons recueilli les réponses au document de consultation au moyen de quatre approches : consultations en ligne, webinaires ciblés, consultations en personne et mémoires officiels (versions électroniques et imprimées). Les consultations en ligne incluaient un site Web de consultation du gouvernement du Canada, Engagement HQ. Fonctionnel du 29 septembre 2017 au 31 janvier 2018, ce site Web a servi à recueillir des commentaires très variés du public – réussites, idées et observations touchant l'innovation sociale en fonction des six domaines d'action proposés; il a aussi été utilisé pour mener des sondages éclair sur des questions clés rattachées à l'innovation sociale et à la finance sociale. Il y a eu plus de 4 800 visites sur le portail Engagement HQ et 94 mémoires déposés. Entre le 25 septembre et le 24 novembre 2017, une plateforme appelée Assemble a fourni un espace partagé de discussion et de débat qui a permis de recueillir plus de 500 commentaires de 127 participants. Tout au long du processus de consultation, nous avons reçu des idées, par courriel et par écrit, d'organismes nationaux et locaux ainsi que de citoyens intéressés par cette question.
Nos démarches de consultation ont été menées, entre autres, par le truchement des réseaux des membres du Groupe directeur et de ceux d'intervenants-clés. Nous sommes reconnaissants aux nombreux organismes qui ont publié des articles sur le processus de consultation dans leurs bulletins. Des renseignements ont aussi été envoyés à plus de 15 000 jeunes Canadiens à partir des listes de mobilisation des jeunes du Secrétariat à la jeunesse du Bureau du Conseil privé.
Nous avons mené des consultations en personne et des consultations virtuelles auprès des intervenants de l'ensemble du Canada. Dans le cadre du processus de consultation, nous avons reçu des observations écrites de plus de 50 organisations œuvrant dans les différentes régions du Canada, de même que les commentaires de centaines de personnes et de nombreux groupes et organismes qui soutiennent l'innovation sociale, la finance sociale et l'entreprise sociale à l'échelle du pays, notamment des réseaux, des organisations financières, des universitaires, des groupes d'approvisionnement social, des organismes communautaires à vocation sociale et des entreprises sociales. La liste des mémoires officiels et des séances de consultation en personne est présentée ci-après.
Ce que nous avons entendu
Dans l'ensemble, les Canadiens ont dit souhaiter fortement que le gouvernement adopte des approches novatrices pour relever des défis sociaux persistants. De nombreuses organisations et personnes ont offert leur soutien aux fins de travaux en cours et nouveaux visant à développer des écosystèmes d'innovation sociale et de finance sociale. Selon ce que nous avons entendu, les gens veulent avoir des occasions de travailler ensemble, en combinant les secteurs et les domaines d'intérêt, y compris les différents paliers de gouvernement, afin de produire de meilleurs résultats pour les Canadiens.
Dès les premières étapes, nous avons fait valoir – et les opinions recueillies y étaient favorables – que la stratégie proposée pourrait :
- promouvoir et appuyer de meilleurs résultats sociaux pour les Canadiens;
- mettre l'accent sur l'amélioration de la vie et du bien-être des personnes les plus vulnérables;
- soutenir les partenariats entre les secteurs;
- prévoir des travaux à l'appui des Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies qui englobent le développement à la fois environnemental, social et économique.
Les groupes et particuliers autochtones que nous avons rencontrés au cours de nos activités de mobilisation des intervenants ont exprimé un optimisme prudent quant à la possibilité de recourir à des pratiques d'innovation sociale et de finance sociale pour obtenir de meilleurs résultats sociaux et environnementaux dans les domaines qu'ils jugent prioritaires ainsi que pour promouvoir le renforcement des capacités et le transfert du savoir dans les collectivités autochtones. Les praticiens issus des Premières Nations, Inuits et Métis ont aussi fait part de leurs points de vue sur les risques que les pratiques d'innovation sociale et de finance sociale pourraient créer pour ces collectivités. On a noté que le gouvernement devrait prendre l'engagement d'assurer une plus grande participation des collectivités et des organisations autochtones nationales, conformément au rythme que détermineront ces dernières, afin d'envisager une collaboration éventuelle de nation à nation dans ce domaine.
Membres du Groupe directeur chargé de la co-création de la stratégie d'innovation sociale et de finance sociale
- Ajmal Sataar (coprésident)
- Allyson Hewitt
- Brenda Zurba
- Carl Pursey
- Catherine Scott (Coprésidente, représentante du gouvernement)
- David LePage
- David Upton
- Don Palmer
- Francine Whiteduck
- James Tansey
- Lauren Dobell
- Marie J. Bouchard
- Nancy Neamtan
- Norm Tasevski
- Roselyne Mavungu
- Stephen Huddart
- Tania Carnegie
Mémoires officiels présentés au Groupe directeur
- Agents de changement
- Aiding Dramatic Change in Development
- Association canadienne des travailleuses et travailleurs sociaux
- Association canadienne des coopératives financières
- Syndicat canadien de la fonction publique
- Fédération canadienne des coopératives de travail
- Cause and Effect Marketing
- Centre for Social Innovation
- Réseau de développement des collectivités du Canada
- Coopératives et mutuelles Canada
- Corporation de développement communautaire du Haut-Saint-Laurent
- Corporation de développement communautaire MRC de l'Assomption
- Recommandation personnelle, avec le soutien des anciens étudiants en développement économique communautaire de l'Université Simon Fraser
- Ensemble pour le développement des communautés francophones et acadiennes du Canada
- Enviro-Stewards
- Eva's Initiatives for Homeless Youth
- Exchange Inner City
- Fédération des communautés francophones et acadiennes du Canada
- Futurpreneur Canada
- Green Science
- Iler Campbell Limited
- Imagine Canada
- Imagine Canada et le Conseil canadien de développement social (au nom du Working Group on Sector Wide Data for the Charitable and Nonprofit Sector)
- La Maison Bleue
- La Ruche
- Conseil québécois de la coopération et de la mutualité et Chantier de l'économie sociale
- Local Economic Development Lab (LEDlab)
- Momentum (Calgary)
- National Open Innovation Collaborative Ecosystem
- Syndicat national des employées et employés généraux et du secteur public
- Mémoires présenté à titre personnellement
- Ontario Nonprofit Network
- Pillar Nonprofit Network
- Prospérité Canada
- Forum de l'innovation de Québec
- Quebec Community Groups Network
- Réseau Transtech
- Institut Rick Hansen
- Sensorica
- Conseil des entreprises sociales du Canada
- Institut Tamarack
- Territoires innovants en économie sociale et solidaire
- Réseau canadien pour la prévention du mauvais traitement des aînés
- Ontario Co-operative Association
- Raw Carrot Soup Enterprise
- Social Enterprise Consortium
- Société de recherche sociale appliquée
- Winnipeg Boldness Project, avec Exeko, InWithForward et la Skills Society
- Toronto Enterprise Fund
- Toronto Enterprise Fund et la Table ronde de l'économie sociale de l'Ontario
- Centraide Calgary
- Centraide Canada
- Services communautaires Woodgreen
- Young Entrepreneur Leadership Launchpad (YELL Canada)
Intervenants – Consultations et activités de mobilisation
Voici la liste de certaines des nombreuses consultations formelles et informelles tenues. Cette liste comprend des discussions en personnes, des webinaires et des téléconférences.
Conférences et rencontres
- SPARK! – Sommet canadien sur l'innovation sociale
- Forum sur la finance sociale du MaRS Centre for Impact Investing
- Forum mondial des entreprises sociales
- EcoNous – Conférence du Réseau canadien de développement économique communautaire
- Future of Good
- Canada's Impact Moonshot: Creating Inclusive Sustainable Prosperity
- Business [Un]Usual Profit in Purpose Conference du Conference Board du Canada
- Conférence du G7 sur la finance sociale
Chercheurs, collèges, instituts et universités
- B Corp Academic Roundtable
- Centre interdisciplinaire de recherche et d'information sur les entreprises collectives (CIRIEC Canada)
- Collèges et instituts Canada
- Universités Canada
- Université des Premières Nations du Canada
- Territoires innovants en économie sociale et solidaire (TIESS)
- McGill Dobson Centre for Entrepreneurship
- Université Simon Fraser
- Université du Québec à Montréal
- Université de Winnipeg
Coopératives de crédit
- Credit Union Community Impact Committee
- Conseil d'administration de la Vancity Community Investment Bank
Organismes communautaires et organismes axés sur les spécialistes travaillant sur le terrain
- Canadian Executive Service Organization - Service d'assistance canadienne aux organismes (CESO SACO, organisme mettant l'accent sur le développement international)
- Fondation McConnell (Innoweave)
- Fonds de progrès communautaire
- Séance de mobilisation de groupes communautaires et d'entreprises sociales de l'Est de l'Ontario
- Consultations tenues à Montréal auprès d'organismes qui offrent des services aux immigrants et à la communauté noire
- Séance de consultation auprès d'organismes communautaires et d'entreprises sociales d'Ottawa, tenue au Causeway Work Centre
- Fondation communautaire d'Ottawa
- Fonds d'emprunt communautaire d'Ottawa
- Prospérité Canada
- Séance de consultation auprès d'organismes communautaires et d'entreprises sociales tenue à Saskatoon avec la Quint Development Corporation
- Winnipeg Foundation
- Webinaire avec des organismes à vocation sociale de l'ensemble du Canada atlantique
- Entraide universitaire mondiale du Canada
Consultations auprès de réseaux et d'autres organisations
- Réseau canadien de développement économique communautaire
- Service d’assistance canadienne aux organismes (SACO)
- Canadian Federation of Voluntary Sector networks
- Congrès du travail du Canada
- CAP Finance (réseau de la finance solidaire et responsable)
- Chantier de l'économie sociale
- Coopératives et mutuelles Canada
- Co-operatives First
- Conférence du Réseau canadien de développement économique communautaire
- Fédération des ainées et ainés francophones du Canada (FAAFC)
- Réseau pour une alimentation durable
- Imagine Canada
- Maison du développement durable
- MicroEntreprendre - Le réseau québécois du crédit communautaire
- Ontario Nonprofit Network
- Fondations philanthropiques Canada
- Quebec Community Groups Network (consultations auprès de communautés de langue officielle en situation minoritaire)
- Réseau québécois en innovation sociale
- Innovation sociale Canada (réseau en développement et filiale nationale de l'entité internationale Social Innovation Exchange, ou SIX)
- Rassemblement de spécialistes de la recherche développement dans le domaine social, organisé par Social Innovation Generation (SiG)
- Conseil économique des femmes (webinaire avec d'autres organismes mettant l'accent sur les entrepreneures sociales et l'essor économique des femmes)
Finance sociale – Tables rondes sur les recommandations relatives à la finance sociale
- Région de l'Atlantique, table ronde réunissant des intermédiaires, des bailleurs de fonds, des spécialistes, des entreprises sociales et des organisations de prestation de services des quatre provinces de l'Atlantique
- Ottawa, table ronde nationale réunissant des fonctionnaires fédéraux et différentes autres parties prenantes, dont des intermédiaires et des organismes philanthropiques
- Toronto, table ronde réunissant des représentants du secteur financier – banques, sociétés de capital investissement, gestionnaires de patrimoine – ainsi que des intermédiaires et d'autre intervenants qui font l'essai d'approches de finance sociale
- Vancouver, tables rondes et activités de pair avec la National Impact Investment Practitioners Table et Vancity
Organismes d’approvisionnement social
- Buy Social et Comité consultatif des fournisseurs de la région du Pacifique de Services publics et Approvisionnement Canada
- Institut canadien d'approvisionnement et de gestion du matériel
Mobilisation des Autochtones
Congrès des Peuples autochtones – Affiliés
- Native Council of Nova Scotia (Truro, Nouvelle-Écosse)
- Native Council of Prince Edward Island (Charlottetown, Île-du-Prince-Édouard)
Premières Nations
- Atlantic Policy Congress of First Nations Chiefs (30 Premières Nations Mikmaq, Maliseet, Innu et Passamaquoddy)
- Mi'kmaq Confederacy of Prince Edward Island
- Chefs de l'Ontario
Centres d'amitié
- Centre d'amitié Under One Sky (Fredericton, Nouveau Brunswick)
- Mi'Kmaq Child Development Centre (Halifax, Nouvelle-Écosse)
Premières Nations indépendantes de l'Ontario
- Première Nation Animbiigoo Zaagi'igan Anishinaabek
- Chippewas of Nawash Unceded First Nation
- Mohawks d'Akwesasne
- Première Nation Shawanaga
- Première nation de Shoal Lake
- Première Nation de Temagami
- Première Nation de White Dog
Premières Nations du Manitoba
- Première Nation de Peguis
- Conseil tribal de Keewatin
- Conseil tribal de Island Lake
- Conseil tribal d'Interlake Reserve
- Fisher River Cree Nation
- Conseil tribal de Swampy Cree Conseil tribal West Region , et représentants de la Tribal Whi-Chi-Way-Win Capital Corporation
Organisations non gouvernementales
- Algonquins of Ontario Economic Developers Association (Pembroke, Ontario)
- Apeetogosan (Métis) and Pinnacle Business Services (Edmonton, Alberta)
- Société nationale du logement abordable, région des Prairies (Saskatoon, Saskatchewan)
- Université des Premières Nations du Canada (Regina, Saskatchewan)
Table ronde de Winnipeg sur l'innovation sociale et la finance sociale autochtones
- Alberta Indian Investment Corporation
- AFOA Canada
- Arctic Co-ops Limited
- Banque des Premières Nations du Canada
- Commission de développement économique des Premières Nations du Québec et du Labrador
- Imagination Group
- NATAO, Business Development and Strategic Initiatives
- Native Canadian Centre of Toronto
- Montréal autochtone
- Fonds de développement Nishanawbe Aski
- Fondation communautaire d'Ottawa
- Tribal Wi-Chi-Way-Win Capital Corporation
- Winnipeg Boldness Project
Détails de la page
- Date de modification :