Rapport de la commission d’enquête sur les relations de travail : Postes Canada
Titre officiel : Rapport de la commission d’enquête sur les relations de travail nommé en vertu de l’article 108 du Code canadien du travail
Soumis par : William Kaplan, Commissaire, 15 mai 2025
Sur cette page
- Note au lecteur
- Résumé et recommandations
- Rapport de la Commission d’enquête sur les relations de travail
- 1. Aperçu
- 2. Quelques éléments de contexte nécessaires
- 3. Le problème en bref
- 4. Résumé des positions des parties
- 5. Mandat
- 6. Discussion
- 7. Des études à n’en plus finir
- 8. Une institution nationale indispensable qui mérite d’être préservée
- 9. Conclusions
- 10. Prochaines étapes
- Recommandations
- Comparution des avocats
- Onglet A : Organisations/institutions, groupes du gouvernement/de défense/de communautés autochtones
- Onglet B : Présentations d’intervenants/du public
- B.1 De la part d’un conseil de bande autochtone et d’administrations municipales
- B.2 Des syndicats et des organisations syndicales
- B.3 De la part d’organisations de défense des droits, d’organismes sans but lucratif, d’organismes de bienfaisance et d’organisations connexes
- B.4 De la part d’entreprises
- B.5 Présentations soumises par des particuliers
- Onglet C : Communications directes
- Onglet D : Autres visions de l’avenir de Postes Canada
- D.1 Présentations du STTP
- D.2 Présentation de Postes Canada
- D.3 Pourquoi la négociation a échoué
- D.4 Vision de Postes Canada concernant le bureau de poste de l’avenir
- D.5 Comment aller du point A au point B
- D.6 Pourquoi les propositions du STTP n’ont pas fonctionné
- D.7 Propositions de Postes Canada pour le renouvellement des conventions collectives
- D.8 Les propositions économiques du STTP sont insoutenables
- D.9 Modifications du cadre réglementaire
- D.10 Les moratoires
- D.11 Processus mis à jour pour calculer et déterminer régulièrement les majorations tarifaires du service de poste-lettres
Formats substituts
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Note au lecteur
L’information contenue dans le présent rapport ne reflète pas nécessairement la position ou les opinions de la ministre du Travail ou du gouvernement du Canada.
Résumé et recommandations
Le contexte présent
Le 15 novembre 2024, deux unités de négociation du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) se sont mises en grève contre Postes Canada : l’exploitation postale urbaine (unité urbaine) et les Factrices et facteurs ruraux et suburbains (FFRS). Quelques semaines plus tard, le ministre du Travail est intervenu. J’ai été nommé commissaire d’enquête sur les relations de travail le 16 décembre 2024 et j’ai reçu un mandat, énoncé dans le cadre de référence.
Le ministre a également invoqué l’article 107 du Code canadien du travail, ce qui a mené le Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) à ordonner aux deux unités de négociation de reprendre le travail le 17 décembre 2024. Le CCRI a prolongé les deux conventions collectives jusqu’au 22 mai 2025, soit une semaine après la date limite de dépôt du présent rapport, fixée au 15 mai 2025. À ce moment-là, Postes Canada et le STTP (les parties) pourront reprendre leurs négociations collectives et conclure de nouvelles conventions collectives, le syndicat peut faire la grève et/ou la société peut mettre les travailleurs postaux en lock-out, sous réserve du Code canadien du travail. Le ministre ou le Parlement peut également ordonner ou légiférer sur l’arbitrage définitif des différends, ou les parties peuvent convenir de soumettre les questions en suspens à l’arbitrage de différends.
Cadre de référence
J’ai été chargé d’examiner le différend actuel relatif aux négociations collectives et les positions des parties, en portant une attention particulière aux causes sous-jacentes du différend, et plus précisément :
- La situation financière de Postes Canada ;
- Le besoin exprimé par Postes Canada de diversifier ou de modifier ses modèles de livraison pour répondre aux exigences actuelles du marché ;
- La viabilité de l’entreprise telle qu’elle est actuellement structurée ;
- Les engagements négociés du Syndicat à l’égard de la sécurité d’emploi et de l’emploi à temps plein ;
- La nécessité de protéger la santé et la sécurité du personnel.
Le mandat prévoyait un délai très court pour organiser des audiences, examiner les questions, formuler des recommandations et rédiger un rapport. L’avenir de Postes Canada relève de la responsabilité de son conseil d’administration et de son unique actionnaire, le gouvernement du Canada. La population canadienne et le STTP ont également un intérêt évident.
Le défi immédiat
Le 24 janvier 2025, deux jours avant les premières audiences publiques prévues de la commission d’enquête, le gouvernement du Canada a annoncé :
- Postes Canada peut obtenir jusqu’à 1,034 milliard de dollars au cours de l’exercice 2025-26 pour maintenir sa solvabilité et assurer la poursuite de ses activités.
- L’injection de fonds est une mesure temporaire que Postes Canada devra rembourser.
- Sans ce prêt ou cette marge de crédit, Postes Canada n’aurait pas été en mesure, à un moment ou à un autre en 2025, de verser les salaires et de s’acquitter de ses autres obligations courantes, y compris le remboursement de 500 millions de dollars d’obligations de la série 2 qui arrivent à échéance en juillet de cette année.
Le processus
Après la création de la Commission, j’ai consulté les parties et les ai invitées à formuler des suggestions sur la manière dont la Commission devrait travailler. Je les ai également rencontrées les 16 et 17 janvier 2025 à Ottawa pour les aider à résoudre le différend qui les oppose dans le cadre de la négociation collective. Bien que des progrès aient été réalisés, les discussions ont rapidement abouti à une impasse. Des audiences publiques ont eu lieu les 27 et 28 janvier et les 19 et 20 février 2025. Avant la première audience, j’ai demandé aux parties de présenter un aperçu de la situation actuelle, en examinant la Loi sur la Société canadienne des postes (la Loi) et le Protocole du service postal canadien (le Protocole), et d’exposer leurs visions normatives à court, à moyen et à long terme pour assurer la viabilité financière de la distribution du courrier et des colis au Canada. La deuxième audience s’est concentrée sur le mandat et les propositions de conventions collectives précises qui seraient nécessaires pour réaliser les visions présentées lors de la première audience.
À l’issue des audiences de février, les parties ont manifesté leur intérêt pour la reprise des négociations et m’ont à nouveau demandé mon aide à cet effet. D’autres séances de médiation ont eu lieu les 1er et 2 mars 2025. Les discussions ont rapidement abouti à une impasse.
Les parties
Postes Canada
Postes Canada, qui est devenue une société d’État en 1981, fait partie de l’histoire nationale depuis bien avant la Confédération. Depuis plus de 200 ans, elle relie les Canadiens d’un océan à l’autre et les Canadiens continuent de compter sur ses services. Elle distribue le courrier à plus de 17 millions d’adresses différentes dans le deuxième plus grand pays du monde. En tant que service postal national, Postes Canada est tenue de s’acquitter des responsabilités du Canada en vertu de la Convention postale universelle, un traité international signé par près de 200 pays membres de l’Union postale universelle. Elle exige des signataires qu’ils maintiennent un service postal traditionnel de base, connu sous le nom d’obligation de service universel (OSU), et comporte cinq éléments essentiels :
- un service universel quel que soit le lieu
- l’abordabilité et un prix uniforme pour le courrier postal, indépendamment de la localisation ou de la distance
- un service rapide et régulier
- un service accessible à tous, quel que soit l’endroit où l’on se trouve
- le maintien de la qualité du service.
Postes Canada jouit d’un monopole légal sur la distribution du courrier - un privilège énoncé dans la Loi sur la Société canadienne des postes. La Loi stipule que Postes Canada à les responsabilités suivantes :
- créer et exploiter un service postal comportant le relevage, la transmission et la distribution de messages, renseignements, fonds ou marchandises, dans le régime intérieur et dans le régime international;
- veiller à l’autofinancement de son exploitation dans des conditions de normes de service adaptées aux besoins de la population du Canada et comparables pour des collectivités de même importance.
Le Protocole, mise en œuvre en 2009, définit les attentes de l’actionnaire, le gouvernement du Canada, en matière de normes de service. Postes Canada doit faire preuve de transparence dans la façon qu’elle « offre des services postaux de qualité à tous les Canadiens, particuliers et entreprises, dans les régions rurales et urbaines, de manière sécurisée et financièrement autonome. »Note de bas de page 1
Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes
Le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) est un syndicat fier. La grève qu’elle a déclenchée le 30 juin 1981 a permis l’instauration d’un congé de maternité rémunéré généralisé et a amélioré la société et les lieux de travail au Canada, tout comme son action en faveur de la sécurité de l’emploi, de l’équité salariale, de la santé et de la sécurité au travail et du droit de grève.
Le STTP compte 44 000 membres qui travaillent à Postes Canada. Le personnel de l’unité urbaine est principalement responsable du traitement, de la collecte et de la distribution du courrier, ainsi que des opérations de vente au détail dans les zones urbaines. L’unité de négociation urbaine représente également les employés qui procèdent à l’entretien de l’équipement de traitement du courrier, entre autres tâches et responsabilités. Les membres de l’unité de négociation FFRS sont chargés du transport et de la distribution du courrier dans les zones rurales et certaines banlieues. Au total, il y a 22 500 itinéraires de livraison, 462 postes de facteurs, 22 établissements de traitement et 5 800 bureaux de poste d’entreprise et de franchise.
Le problème
Postes Canada est confrontée à une crise existentielle : elle est insolvable ou en faillite. Sans changements réfléchis, mesurés, échelonnés, mais immédiats, sa situation financière continuera à se détériorer. Elle a trois secteurs d’activité : le service de poste-lettres, qui représentait en 2023 2,3 milliards de dollars (ou 33 %) des recettes d’exploitation de Postes Canada (2,3 milliards de dollars sur 6,9 milliards de dollars) ; le courrier de marketing direct (14%) et les colis postaux (50 %). Le premier est en déclin rapide en raison de la substitution électronique ; le second en raison de l’évolution vers le marketing numérique ; le troisième, bien que les volumes globaux augmentent rapidement, parce que Postes Canada est confrontée à une concurrence féroce de la part du secteur privé et perd des parts de marché.
Jusqu’à récemment, Postes Canada était en mesure de fonctionner de manière financièrement viable grâce aux subventions croisées : la distribution du courrier à faible coût dans les villes et les banlieues a subventionné la distribution à coût élevé dans les communautés rurales, éloignées et autochtones. Ce modèle ne fonctionne plus, car les opérations traditionnelles - la distribution du courrier - ont fondamentalement changé : moins de lettres doivent désormais être distribuées à davantage d’adresses.
En 2006, Postes Canada a livré 5,5 milliards de lettres par an ; en 2023, ce nombre est tombé à 2,2 milliards - et les projections indiquent un déclin continu. En 2006 également, un plus petit nombre d’adresses canadiennes recevaient en moyenne sept lettres par semaine ; en 2024, cette moyenne était tombée à deux lettres par semaine - et le nombre d’adresses avait augmenté de plus de 3 millions, pour atteindre plus de 17 millions aujourd’hui. Le Royaume-Uni, les États-Unis et la plupart des autres pays connaissent des baisses similaires de la distribution du courrier.
La livraison conventionnelle de colis s’est développée de manière exponentielle, en particulier depuis le début de la pandémie de Covid-19. Elle a entraîné une augmentation immédiate de la demande de livraison en ligne 7 jours sur 7, de tôt le matin à tard le soir, et les consommateurs exigent désormais d’être livrés le jour même ou le lendemain. En 2019, Postes Canada a livré 62 % des colis du marché canadien ; en 2023, ce chiffre est tombé à 29 %, malgré les efforts de Postes Canada pour augmenter la capacité et améliorer le service.
Les concurrents du secteur privé ont presque entièrement pris le contrôle du marché, qui est déréglementé et ne comporte pas de véritables obstacles pour les nouveaux entrants. Outre les sociétés de messagerie internationales, FedEx, UPS, DHL, pour n’en citer que trois, il existe également d’importantes sociétés canadiennes, dont Purolator (détenue par Postes Canada) et Intelcom. Il existe littéralement des milliers d’entreprises de messagerie locales qui proposent des services de messagerie quotidiens ou de nuit faciles d’accès, rapides, peu coûteux et fiables. Ces entreprises agiles ont certains avantages par rapport à Postes Canada qui doit respecter ses obligations en vertu des conventions collectives et de l’OSU, les exigences énoncées dans la Loi et les normes de service exigées par le Protocole.
- Elles peuvent facturer les tarifs qu’elles veulent - sous réserve de la concurrence féroce du marché - et livrer là où elles le souhaitent (les zones urbaines et suburbaines à forte densité qui sont les plus rentables).
- Elles ont un accès presque illimité à des capitaux et s’engagent à innover et à se moderniser en permanence en matière de livraison : par exemple, elles prévoient utiliser des drones, des véhicules autonomes et de la robotique.
- Leurs coûts de main-d’œuvre sont moins élevés. En outre, elles n’ont pas de conventions collectives limitant l’exercice des droits de gestion, en particulier la possibilité d’embaucher des employés à temps partiel et d’établir les horaires en fonction du volume.
Arguments des parties
Postes Canada et le STTP conviennent que le marché a fondamentalement changé : le déclin de la poste-lettres est irréversible et Postes Canada doit se concentrer sur la livraison de colis à l’avenir. Toutefois, les parties sont totalement en désaccord sur les mesures à prendre pour que Postes Canada puisse être compétitive et développer ses activités de manière efficace. Les arguments des parties sont résumés ci-dessous, ainsi que leurs visions différentes de l’avenir de la société.
STTP
Selon le STTP, la Société canadienne des postes doit rester publique : il ne s’agit pas d’une société privée, mais d’un service public dont la mission est définie par la Loi et le Protocole. Sa mission est de livrer à chaque adresse canadienne, mais de le faire en tant que service public et non en tant que société à but lucratif. Cela signifie qu’il faut répondre aux besoins de la population canadienne tout en sauvegardant les droits, les conditions de travail et les contributions inestimables des membres du STTP, et non pas en essayant de rivaliser avec les entreprises de messagerie existantes et nouvelles, avec leurs emplois à la demande et leurs salaires et conditions de travail inférieurs aux normes. Malgré les défis du marché, Postes Canada doit être un employeur modèle - en distribuant le courrier et les colis, mais aussi en établissant la norme pour des emplois de qualité, durables et, dans la mesure du possible, à temps plein. Par conséquent, lors du dernier cycle de négociations collectives, comme lors des précédents, le STTP a clairement indiqué qu’il ne négocierait pas la sécurité d’emploi et autres dispositions de la convention collective obtenues de haute lutte, mais qu’il chercherait plutôt à les améliorer. Il est impératif que les avantages découlant de l’augmentation de la productivité soient équitablement partagés avec les employés.
Le STTP fait valoir que les moratoires imposés par le gouvernement sur la fermeture des bureaux de poste ruraux et la conversion vers les boîtes postales communautaires devraient être maintenus. Les bureaux de poste ruraux ont joué un rôle dans l’unité nationale et ont fourni de bons emplois dans des régions à fort taux de chômage et toute fermeture entraînerait des coûts environnementaux, car les gens devraient parcourir une certaine distance pour accéder aux services postaux. La livraison à la porte est une pratique de longue date qui répond aux besoins des Canadiens, en particulier des personnes âgées et en situation de handicap, tandis que les boîtes postales communautaires posent des problèmes d’accessibilité et d’autres difficultés.
Dans sa présentation, le STTP a rejeté les allégations de Postes Canada concernant ses difficultés financières, les qualifiant d’exagérées et d’opportunistes : un prétexte pour négocier des concessions injustifiées. Il s’est également opposé à la date du renflouement par le gouvernement, qui s’est concrétisé quelques jours avant que la Commission n’entame sa première série d’audiences publiques. Le STTP s’est déclaré prêt à collaborer avec Postes Canada pour mettre en place des services de livraison de colis la fin de semaine, le soir et le jour même, mais seulement si les dispositions des conventions collectives existantes sont respectées et améliorées. Le syndicat a remis en question la réticence de Postes Canada à travailler dans les limites de la convention collective.
Il a fait remarquer qu’il avait présenté un plan détaillé et réfléchi pour assurer la livraison les fins de semaine en utilisant une main-d’œuvre à temps plein - ce qui constituait une concession syndicale majeure - mais que la Société canadienne des postes avait refusé de le négocier ou de l’étudier dans le cadre d’un projet pilote. La préférence de Postes Canada pour la souplesse, en s’appuyant sur des employés à temps partiel pour la livraison de fin de semaine, devrait, selon lui, céder le pas à l’engagement du syndicat en faveur de l’emploi à temps plein et de la sécurité d’emploi, d’autant plus que le syndicat a démontré que son plan d’embauche d’un plus grand nombre d’employés à temps plein pour effectuer le travail de fin de semaine était plus rentable et plus efficace que de s’appuyer sur des employés à temps partiel.
La présentation du STTP souligne également que les travailleurs des postes se classent au deuxième rang des travailleurs fédéraux pour ce qui est de la fréquence des blessures invalidantes, notamment dues à l’exposition aux intempéries, aux glissades et aux chutes, au port de charges lourdes et aux attaques de chiens. Le syndicat a demandé des révisions appropriées au régime d’invalidité de courte durée (RICD).
Postes Canada
Postes Canada a été catégorique : sans le prêt ou la marge de crédit du gouvernement canadien, elle n’aurait pas été en mesure, à un moment ou à un autre en 2025, de faire face à ses obligations, les salaires par exemple, ainsi qu’au remboursement des 500 millions de dollars d’obligations arrivant à échéance au cours de l’été de la même année. La crise n’a pas été fabriquée : c’est évident pour tous depuis longtemps et il n’est plus possible de l’ignorer. Pourtant, le STTP n’a pas voulu ajuster ses demandes de négociation pour résoudre le problème, ce qui a rendu impossible la conclusion d’une convention collective définissant une voie d’avenir financièrement viable.
Postes Canada doit toujours respecter les obligations énoncées dans l’OSU, la Loi et le Protocole, mais le contexte opérationnel a foncièrement changé. La demande de distribution de courrier diminue rapidement et de manière irréversible, tandis que la demande de distribution de colis a explosé. On prévoit que la concurrence entre les entreprises de messagerie s’intensifiera. Postes Canada souhaite maintenir et accroître sa part de marché dans la livraison de colis, mais pour ce faire, elle doit procéder à des changements immédiats. Ces changements seraient d’abord modestes et progressifs : livraison de colis la fin de semaine par des employés à temps partiel, capacité d’utiliser efficacement les employés à temps partiel et flexibles pendant la semaine et capacité d’éviter les temps morts (lorsque les employés ont terminé leur travail avant la fin de leur quart de travail, mais qu’ils ne peuvent pas être réaffectés facilement et économiquement à d’autres tâches). Postes Canada a besoin de flexibilité opérationnelle pour répondre en temps réel aux changements de volumes, notamment avec la livraison dynamique (flexible) et la répartition de la charge.
La Société a exigé également dans sa présentation de modifier le Protocole afin d’établir des normes de distribution réalistes et durables, de mettre à jour le processus de majoration des tarifs postaux et de mettre fin aux moratoires sur les fermetures de bureaux de poste ruraux et les conversions vers des boîtes postales communautaires. Le moratoire sur la fermeture des bureaux de poste ruraux n’a aucun sens : en raison de la croissance et de l’expansion des villes canadiennes, de nombreux bureaux de poste ruraux sont désormais situés dans des zones urbaines, mais restent soumis au moratoire. La livraison quotidienne à la porte par des facteurs à une minorité d’adresses canadiennes n’est plus justifiée étant donné son coût élevé par rapport à la livraison moyenne par ménage de deux lettres par semaine.
Visions divergentes pour l’avenir de Postes Canada
Dans sa présentation à la Commission, le STTP a fait de nombreuses suggestions pour développer les activités de Postes Canada et améliorer ainsi sa situation financière. Il s’est inspiré d’idées qui ont été couronnées de succès dans d’autres pays. Parmi les suggestions, notons le fait de tirer parti du commerce électronique transfrontalier et d’encourager le mouvement « Buy Local, Ship Local » (achetez local, livrez local), l’introduction de services bancaires, financiers et d’assurance, en particulier dans les zones rurales et isolées, la réintroduction du programme Aliments-poste dans le nord et la livraison de produits alimentaires de manière plus générale, la transformation de bureaux de poste en centres communautaires, notamment dans les régions les plus isolées, en plus de leur rôle traditionnel, le recours aux facteurs pour veiller au bien-être des aînés et des personnes en situation de handicap du Canada et étendre ses activités à la fourniture de passeports et d’autres services gouvernementaux.
À l’opposé de la vision d’avenir du STTP, Postes Canada met l’accent sur sa situation financière désastreuse actuelle et affirme qu’elle a besoin d’ajustements rapides aux règles de travail existantes et restrictives de la convention collective, de mettre fin aux moratoires imposés par le gouvernement sur la fermeture des bureaux de poste ruraux et la conversion vers les boîtes postales communautaires, ainsi que de modifier le processus d’établissement des tarifs postaux. À plus long terme, il faudrait procéder à des transformations en profondeur, éventuellement en modifiant les régimes de pension et de retraite. Sans ajustements immédiats lui permettant de se concentrer de manière abordable et efficace sur la livraison de colis sept jours sur sept, sa part de marché et ses pertes continueront d’augmenter et elle ne retrouvera pas sa viabilité financière à court, moyen ou long terme.
En bref
Si Postes Canada doit continuer à fonctionner sans subventions continues et croissantes de la part du gouvernement du Canada, la situation exige une réflexion pragmatique et lucide. La part du marché de la livraison de colis détenue par la société est en baisse et le récent conflit de travail a entraîné une désertion supplémentaire, mesurable et presque certainement permanente des clients de longue date - lettres et colis - qui ont transféré leur activité ailleurs.
Le respect de l’exigence légale énoncée dans la Loi selon laquelle Postes Canada doit mener ses activités sur une base financière autonome demeure un défi, bien que cela puisse se produire avec le temps, en particulier si des changements sont apportés à la Loi, au Protocole et à certaines des restrictions actuelles prévues par la convention collective concernant la modification des modes de livraison, la fin des moratoires imposés par le gouvernement sur les fermetures de bureaux de poste ruraux et les conversions vers les boîtes postales communautaires.
Dans sa présentation écrite et lors des audiences, le STTP indique clairement que le syndicat et ses membres ne devraient pas être obligés de payer pour les conséquences de ce qu’il décrit comme l’ineptie, l’incompétence et la mauvaise gestion de Postes Canada, en particulier lorsque l’employeur détient tous les outils nécessaires en termes de dispositions dans les conventions collectives existantes pour introduire ce dont il dit avoir besoin de toute urgence, soit la livraison de colis les fins de semaine et la capacité d’utiliser efficacement les employés à temps partiel pendant les périodes de surcharge au cours de la semaine. Le STTP insiste sur le fait que si Postes Canada utilise ces dispositions négociées, prend au sérieux la proposition détaillée du STTP d’embaucher des employés à temps plein pour le travail de fin de semaine et accepte ses suggestions visionnaires pour développer ses opérations, comme les services bancaires postaux, elle pourra bientôt retrouver sa viabilité financière.
Il ne fait aucun doute que Postes Canada a pris de mauvaises décisions d’affaires dans le passé, en partie en réponse aux pressions exercées pour éviter un conflit de travail lors des négociations collectives précédentes. Peut-être aurait-il fallu augmenter plus tôt le coût de l’affranchissement de première classe, bien que cela nécessite un processus réglementaire qui prend du temps et que Postes Canada ne contrôle pas entièrement. Les moratoires imposés par le gouvernement sur la fermeture des bureaux de poste ruraux et sur la conversion vers les boîtes postales communautaires ont privé Postes Canada de la possibilité de prendre des décisions d’affaires appropriées qui auraient permis de réduire considérablement les pertes d’exploitation. L’un des facteurs atténuants est le régime de retraite de Postes Canada qui, étant solvable, a permis à la société de bénéficier d’une exonération durable des cotisations de retraite. Si cela devait changer, la pression financière sur Postes Canada s’en trouverait accrue.
Des études innombrables
Le fait que Postes Canada soit en grande difficulté financière est connu du public depuis des années et a fait l’objet de nombreuses études :
- L’Examen stratégique de la Société canadienne des postes (2008), commandé par le gouvernement fédéral, a indiqué que la viabilité financière de la Société canadienne des postes était, au mieux, incertaine.
- Le rapport du Conference Board du Canada, L’avenir du service postal au Canada (2013), prévoyait des baisses de volume et des pertes d’exploitation importantes, augmentant jusqu’à un montant annuel de 1 milliard de dollars d’ici 2020.
- Le Groupe de travail sur l’examen de la Société canadienne des postes (2016), mandaté par la ministre des Services publics et de l’Approvisionnement (Postes Canada à l’ère du numérique), a conclu que le modèle d’affaires de la société n’était plus viable et prévoyait des pertes annuelles de près de 800 millions de dollars d’ici à 2026.
- En 2016, le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires de la Chambre des communes a examiné les résultats du groupe de travail et a publié un rapport intitulé La voie à suivre pour Postes Canada. Il a conclu que la société devait apporter des changements importants à son mode de fonctionnement si elle voulait honorer son mandat et fournir des services de qualité aux Canadiens à un prix raisonnable et sur une base financière autosuffisante.
- Le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires a publié son dernier rapport, Le service postal du Canada : un lien vital pour les collectivités rurales et éloignées, en 2024. Tout en se concentrant sur le maintien des services aux communautés éloignées, rurales et autochtones, il a noté que le Canada doit s’adapter aux changements pour survivre aux profondes perturbations dans le monde des affaires désormais concurrentiel.
- Le dernier rapport annuel de Postes Canada (2023) ne prend aucun détour : les pertes s’élevaient à 548 millions de dollars en 2022 et à 748 millions de dollars en 2023. Sans un apport de fonds, la société ne serait pas en mesure de faire face à ses obligations financières au début de l’année 2025.
Toutes ces études et tous ces rapports ont conclu que Postes Canada se dirigeait vers une crise financière.
Raisons de l’échec des négociations collectives
Les parties ont passé plus de 200 jours en négociations collectives bilatérales, mais n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur les conditions de renouvellement de leurs conventions collectives. Ils n’ont même pas pu se mettre d’accord avec l’aide des médiateurs spécialistes, expérimentés et efficaces de Travail Canada. Au lieu de régler leurs différends, un conflit de travail de cinq semaines a éclaté et n’a pris fin qu’après l’intervention du ministre du Travail. Les parties ont des points de vue et des évaluations diamétralement opposés sur les défis à relever et les solutions à y apporter.
Accords et désaccords fondamentaux entre les parties
Le STTP reconnaît que Postes Canada à un problème de revenus, que le volume des lettres a diminué de façon irréversible et que la priorité immédiate est d’offrir la livraison de colis la fin de semaine. Sans la livraison de colis la fin de semaine, la part de marché de Postes Canada continuera à diminuer. Lors des séances de médiation organisées par la Commission en janvier et en mars, des progrès significatifs ont été réalisés sur plusieurs points en suspens, en particulier sur des parties importantes de la convention collective des FFRS et sur les révisions du régime d’invalidité de courte durée.
Toutefois, l’entente s’arrête là. Postes Canada insiste sur le fait qu’un processus menant à un changement transformateur doit être entamé. Il n’est pas possible de continuer à faire comme si de rien n’était si l’on veut s’adapter à la nouvelle réalité économique. En revanche, le STTP entend défendre les acquis obtenus au cours de décennies de négociations collectives, ce qui est tout à fait compréhensible. Il faut trouver un terrain d’entente qui reconnaisse que les deux parties ont des intérêts légitimes.
Une crise financière
Le STTP rejette l’affirmation de Postes Canada selon laquelle la crise financière est existentielle et que, sans le renflouement du gouvernement du Canada en janvier 2025, elle n’aurait pas été en mesure de respecter ses obligations financières actuelles. Il demande qu’un examen financier indépendant soit effectué pour en avoir le cœur net.
Compte tenu des conclusions tirées des divers rapports et études susmentionnés, je rejette l’affirmation du STTP selon laquelle la situation financière de Postes Canada a été fabriquée pour des raisons tactiques ou que l’annonce par le gouvernement du Canada d’un prêt de sauvetage de plus d’un milliard de dollars en janvier 2025 a été faite à un moment stratégique et n’était pas une nécessité réelle. Les états financiers de la société ont été vérifiés, examinés par des fonctionnaires du ministère des Finances et approuvés par le vérificateur général du Canada.
Je ne suis pas non plus convaincu par l’affirmation du STTP selon laquelle la mauvaise gestion et l’incompétence de Postes Canada sont à l’origine de la situation financière actuelle. Même en supposant que la société ait pris de bonnes et de mauvaises décisions d’affaires, les principales raisons des pertes financières sont faciles à cerner.
- La baisse de la poste-lettres due à la substitution électronique et l’augmentation des colis postaux, désormais distribués en grande partie par des concurrents.
- Les règles de travail de la convention collective qui empêchent Postes Canada d’exercer ses droits fondamentaux en matière de gestion, tels que l’attribution de tâches supplémentaires aux employés existants lorsqu’ils ont terminé les tâches qui leur ont été assignées (temps perdu) et l’embauche d’employés à temps partiel pour les fins de semaine et les autres périodes de forte affluence.
- Les entraves imposées par le gouvernement, à savoir les moratoires sur la fermeture des bureaux de poste ruraux et l’arrêt de la conversion vers des boites postales communautaires, doivent être annulées si Postes Canada veut avoir un avenir financièrement viable.
Les propositions du STTP visant à accroître les activités de Postes Canada sont également irréalistes ou font double emploi avec des services déjà offerts par d’autres - l’introduction de services bancaires postaux, la vérification du bien-être des personnes âgées, l’établissement de marchés artisanaux dans les bureaux de poste et la transformation des bureaux de poste en carrefours sociaux communautaires. À mon avis, compte tenu de la crise financière, Postes Canada doit se concentrer sur la sauvegarde de son activité principale et non sur l’offre de nouveaux services.
Comment répondre au mieux à la crise
Le STTP insiste sur le fait que les dispositions de la convention collective actuelle permettent les changements nécessaires, tels que l’introduction de la livraison de colis la fin de semaine et d’ententes de travail flexibles pendant la semaine. Aucune analyse objective des dispositions actuelles de la convention collective ne vient étayer cette affirmation. Par exemple, la raison pour laquelle les employeurs font appel à des employés à temps partiel et occasionnels est qu’ils ont la possibilité d’ajuster la dotation en fonction de l’évolution de leurs besoins, ce qui est actuellement impossible.
Postes Canada affirme que, même si l’objectif à long terme est d’effectuer un changement en profondeur, elle n’a pas d’avenir si l’hémorragie de liquidités n’est pas arrêtée et si la livraison de colis la fin de semaine et autres mesures de flexibilité du personnel ne sont pas introduites, tout comme la fin des moratoires sur les fermetures de bureaux de poste ruraux et la conversion des boîtes aux lettres en boîtes postales communautaires.
Prochaines étapes
La Commission a reçu près d’un millier de présentations de la part de particuliers et d’organisations. Ils ont massivement convenu que Postes Canada était une institution nationale vitale ayant un rôle permanent à jouer dans l’édification de la nation. Je suis d’accord sur le fait que Postes Canada doit continuer d’exister en tant que service public, y compris pour la distribution des lettres et des colis.
Cependant, le maintien de ce service public nécessite d’importantes dépenses d’investissement dans les années à venir. Le gouvernement du Canada doit décider du montant de la subvention qu’il est prêt à allouer à la société chaque année et pour combien de temps. Cela nécessite également des discussions difficiles sur ce que veulent les Canadiens et sur ce que le Canada peut se permettre. Une partie de ces conversations doit inclure un accord sur ce qu’on entend exactement par Postes Canada fonctionnant de manière autonome (comme l’exige la Loi). S’agit-il d’un recouvrement total des coûts ou seulement d’une partie ?
À partir du 22 mai 2025, sous réserve des dispositions du Code canadien du travail, le syndicat sera libre de faire la grève et Postes Canada pourra procéder à un lock-out (grève/lock-out). Le syndicat et l’employeur peuvent également négocier une nouvelle convention collective. Compte tenu de ce qui s’est passé jusqu’à présent, il semble peu probable que la libre négociation collective parvienne à combler le fossé (bien que l’expérience en la matière indique que cette dynamique peut rapidement changer et que c’est ce qui pourrait effectivement arriver entre la date de la présentation et la date de publication du présent rapport). Il reste donc trois options possibles.
- L’employeur peut soumettre une offre finale au vote des employés de l’unité de négociation. Si la majorité des travailleurs accepte l’offre, les termes de l’offre deviennent la convention collective. S’ils rejettent l’offre, une grève ou un lock-out peut se produire ou se poursuivre.
- Le ministre ou le Parlement peut ordonner ou imposer l’arbitrage de différends. Dans ce cas, un conseil détermine le contenu de la convention collective. Les parties peuvent également convenir de recourir à l’arbitrage de différends. Je ne suis pas convaincu que l’arbitrage de différends permettra ou pourra résoudre avec succès les problèmes exposés dans le présent rapport.
- Une grève ou un lock-out pourrait être le seul moyen de parvenir aux changements structurels et aux compromis nécessaires à la survie de Postes Canada. Le STTP insiste sur le fait que son droit constitutionnel de grève ne doit pas être enfreint et que, lorsque le gouvernement du Canada n’interfère pas dans le processus de négociation collective, il est en mesure de conclure des conventions collectives librement négociées avec Postes Canada. Cette option peut toutefois avoir des conséquences imprévues : accélération de l’érosion de la poste-lettres et poursuite de la perte de la part de marché de livraison des colis, ce qui mènerait à la non-viabilité de Postes Canada. Toutefois, si cette option est choisie, le gouvernement devra préciser dès le départ qu’il n’interviendra pas et qu’il incombe à Postes Canada et au STTP de s’entendre sur les changements qui doivent être apportés pour que Postes Canada puisse continuer ses activités.
À mon avis, universellement partagé par les praticiens des relations de travail, la meilleure convention collective possible, que ce soit avant ou après un arrêt de travail, est celle que les parties elles-mêmes ont élaborée plutôt qu’une convention imposée par une tierce partie par le biais d’un arbitrage de différends.
Les parties auront une nouvelle occasion de parvenir à une convention collective à partir du 22 mai 2025. Le STTP doit immédiatement faire un choix : continuer d’adhérer à des affirmations objectivement démenties concernant la situation financière de Postes Canada, et les défis auxquels sont confrontés les services de livraison de lettres et de colis, ou reconnaître que la situation financière de Postes Canada exige qu’il modifie tout de suite son approche globale en matière de négociation. Il doit également accepter que Postes Canada n’existe pas pour fournir un emploi aux membres du STTP. Elle existe pour une seule raison : distribuer des lettres et des colis aux habitants du Canada.
Recommandations
Mes recommandations sont fondées sur ma conclusion qu’il existe un moyen de préserver Postes Canada en tant qu’institution nationale vitale. Je les ai conçues pour répondre au problème actuel : arrêter puis inverser les pertes financières croissantes en mettant en place les changements structurels nécessaires, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des conventions collectives. Les parties doivent modifier leurs conventions collectives : elles doivent permettre une certaine souplesse dans l’utilisation du personnel à temps partiel pendant la semaine et la fin de semaine. Ces emplois ne devraient pas être des emplois à statut précaire, mais de bons emplois, des emplois attrayants, avec des employés qui sont visés par la convention collective applicable avec des conditions d’emploi normatives. Le gouvernement du Canada doit également mettre fin aux moratoires sur les fermetures de bureaux de poste ruraux et les conversions vers des boîtes postales communautaires.
S’ils sont mis en œuvre, ces changements pourraient permettre à Postes Canada de retrouver un certain degré de viabilité financière afin qu’elle puisse maintenir l’obligation de service universel, tant pour les lettres que pour les colis, mais d’une manière qui tienne compte des réalités de 2025, à savoir la disparition des lettres et un environnement de livraison de colis hautement concurrentiel. Le monde a changé et Postes Canada et le STTP doivent évoluer et s’adapter. Les modifications ponctuelles au statu quo ne sont plus une option.
- Modifier le Protocole du service postal canadien. Il ne peut pas continuer à exiger des normes de livraison impossibles à respecter. La distribution quotidienne du courrier à la porte pour les adresses individuelles doit être progressivement supprimée et des boîtes postales communautaires doivent être mises en place dans la mesure du possible. La livraison quotidienne aux entreprises doit être maintenue.
- Les moratoires sur les fermetures de bureaux de poste ruraux et les conversions vers des boîtes postales communautaires doivent être levés. Il n’y a pas d’arguments convaincants en faveur d’un moratoire sur la fermeture des bureaux de poste autrefois ruraux, aujourd’hui urbains. Postes Canada a déjà mis en place le Programme d’adaptation pour la livraison à l’intention des Canadiens qui n’ont pas accès aux boîtes postales communautaires. Il doit être revu et, le cas échéant, amélioré, et il doit se poursuivre.
- Inclure dans les deux conventions collectives tous les points convenus lors des négociations collectives avant le conflit de travail. Les parties doivent s’efforcer de réduire les écarts relatifs aux points ayant fait l’objet d’un accord partiel. Les nouvelles conventions collectives devraient inclure et refléter les accords de principe (sous réserve d’un accord global) conclus dans le cadre de la médiation facilitée par la Commission (FFRS et STTP).
- Négocier des modifications aux conventions collectives. Postes Canada doit avoir la possibilité d’embaucher des employés à temps partiel pour distribuer les colis la fin de semaine et pour aider à gérer le volume pendant la semaine. Ces employés doivent être payés aux mêmes taux et soumis aux mêmes conditions que les employés réguliers, y compris l’accès aux avantages sociaux au prorata, ou aux paiements en lieu et place, et à la pension. La priorité pour ces postes doit être donnée aux employés existants.
- Négocier des modifications à la convention collective de l’unité urbaine. Rien ne justifie les dispositions des conventions collectives qui empêchent un employeur de confier du travail pour des heures déjà payées (sauf s’il s’agit d’heures supplémentaires volontaires).
- Négocier des modifications aux conventions collectives. Mettre à l’essai et introduire l’acheminement dynamique. Postes Canada doit également être en mesure de modifier quotidiennement les itinéraires en fonction des volumes afin d’éviter les heures non travaillées et les heures supplémentaires.
- Modifier la procédure d’approbation des majorations tarifaires, qui prend beaucoup de temps.
Rapport de la Commission d’enquête sur les relations de travail
1. Aperçu
1.1 Contexte immédiat
Le 15 novembre 2024, deux unités de négociation du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) se sont mis en grève contre Postes Canada : l’unité d’exploitation postale urbaine (unité urbaine) et l’unité des factrices et facteurs ruraux et suburbains (FFRS). Quelques semaines plus tard, le ministre du Travail est intervenu. J’ai été nommé commissaire à la Commission d’enquête sur les relations industrielles le 16 décembre 2024 et je me suis fait confier le mandat exposé dans le présent rapport. Le ministre a également invoqué l’article 107 du Code canadien du travail, ce qui a mené le Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) à ordonner aux deux unités de négociation de retourner au travail à compter du 17 décembre 2024. De surcroît, le CCRI a prolongé les deux conventions collectives jusqu’au 22 mai 2025, soit une semaine après la date limite du 15 mai 2025 pour soumettre le présent rapport. À ce moment-là, Postes Canada et le STTP (les parties) peuvent reprendre leurs négociations collectives et conclure de nouvelles conventions collectives, ou le syndicat peut faire la grève et/ou l’entreprise, assujettie au Code canadien du travail, peut décréter un lock-out. Le ministre ou le Parlement peut aussi demander un arbitrage exécutoire ou prendre des mesures législatives en ce sens, ou les parties peuvent s’entendre pour confier les questions en suspens à l’arbitrage de différends. (Il est très peu probable que le Parlement légifère pour imposer une convention collective).
1.2 Le défi immédiat
Le 24 janvier 2025, deux jours avant le début des audiences publiques, le gouvernement du Canada a fait la déclaration suivante :
Aujourd’hui, le gouvernement du Canada annonce son intention de faire appliquer les dispositions de la Loi sur la Société canadienne des postes qui permettront à Postes Canada d’obtenir jusqu’à 1,034 milliard de dollars au cours de l’exercice 2025 à 2026, afin de maintenir sa solvabilité et de s’assurer de pouvoir poursuivre ses activités malgré ses difficultés financières. Les fonds qui seront versés au besoin serviront à acquitter les obligations non discrétionnaires. Postes Canada assure un service crucial qui rapproche les Canadiennes et les Canadiens d’un océan à l’autre. Pour la population des collectivités rurales, éloignées et nordiques dont l’accès aux autres services de livraison du courrier et de colis est généralement limité, Postes Canada est souvent une bouée de sauvetage grâce à laquelle ces collectivités ne sont pas laissées pour compte. De nombreuses petites et moyennes entreprises comptent, elles aussi, sur Postes Canada pour la livraison des colis et des lettres, car ce service leur est important pour mener et développer leurs activités.
L’injection de fonds, qui se veut une mesure de transition financière temporaire et que Postes Canada devra rembourser, permettra à Postes Canada de continuer à servir la population canadienne tout en travaillant avec le gouvernement aux changements à apporter pour assurer la viabilité à long terme du système postal du Canada. L’injection de fonds doit encore être soumise à d’autres approbations.
Malgré l’augmentation récente du prix des timbres, Postes Canada ne disposera pas d’un flux de trésorerie suffisant pour mener ses activités en 2025. Cette injection de fonds lui permettra d’éviter l’insolvabilité et d’assurer la continuité des services postaux. De plus, ses quelque 68 000 travailleurs comptent sur la stabilité continue de la société pour être payés et bénéficier de leurs avantages sociaux.
Cette injection de fonds permettra d’assurer la continuité des activités de Postes Canada. Cependant, il ne fait aucun doute que la société doit retrouver le chemin de la viabilité. Nous sommes impatients de travailler avec la direction de Postes Canada en ce sens.
Cette déclaration du gouvernement est catégorique. Sans ce prêt ou cette marge de crédit, Postes Canada n’aurait pas été en mesure de payer les salaires de ses employés et de respecter ses autres obligations courantes à un moment ou à un autre en 2025. De plus, elle aurait été incapable de rembourser les 500 millions de dollars en obligations de série 2 qui arrivent à échéance en juillet 2025. Le STTP affirme que le moment choisi pour faire cette annonce est suspect (au même titre que les rapports financiers de Postes Canada en général, comme il est expliqué ci-dessous, à la section 6), vu qu’elle a été faite à la veille des premières audiences de la Commission d’enquête sur les relations de travail. Toutefois, cette présentation, dans laquelle il est affirmé que la crise financière a été entièrement fabriquée pour arracher des concessions au syndicat et à ses membres lors de négociations collectives, est rejetée catégoriquement pour les raisons qui suivront.
Notamment, dans ses présentations écrites et lors des audiences, le STTP a reconnu que certaines difficultés financières avaient été causées par la baisse du volume de courrier et de colis, mais, encore une fois, comme il est expliqué ci-dessous, le syndicat était d’avis que ces problèmes découlaient du fait que Postes Canada avait pris de nombreuses mauvaises décisions d’affaires (onglet D, D.1.2), en plus de son refus de tenir compte des suggestions des syndicats sur la meilleure façon de relever ces défis, c’est-à-dire en tirant parti des dispositions existantes de la convention collective et en faisant croître l’entreprise en suivant les conseils du STTP, qui propose de nombreuses façons de procéder en ce sens. Toutes ces présentations sont examinées plus loin dans le présent rapport (onglet D, D.1.4).
Néanmoins, et sous réserve de précisions, la preuve objective établit de manière claire et convaincante que les difficultés financières de Postes Canada existent depuis longtemps et qu’elles sont bien connues depuis des années. C’est certainement le cas de Postes Canada, du STTP et du gouvernement du Canada, pour ne nommer que ces trois entités, et que la question n’était pas de savoir s’il y aurait insolvabilité (dans la mesure où une société d’État peut être insolvable), mais bien quand elle se produirait. Dans sa forme actuelle, Postes Canada n’est pas financièrement viable. Le STTP soupçonne le contraire, mais ce ne sont que des soupçons. Les chiffres ne sont pas « truqués »; ils sont vérifiés par un conseiller externe indépendant et examinés par le ministère des Finances et la vérificatrice générale du Canada. Des rapports trimestriels et annuels complets et transparents, qui respectent tous les principes comptables généralement reconnus, sont produits à cet effet. En effet, Postes Canada est insolvable et aurait probablement manqué d’argent si elle avait été une entreprise du secteur privé. Ce qu’il faut faire dans cette situation est une autre question.
1.3 Processus
Après la création de la Commission, des rencontres préliminaires ont été organisées. Les parties ont été consultées et ont eu l’occasion de formuler des suggestions quant à la façon dont la Commission devrait effectuer son travail.
Avec le consentement des parties, j’ai rencontré ces dernières les 16 et 17 janvier 2025, à Ottawa, pour tenter de les aider à résoudre le conflit relatif aux négociations collectives, mais mes efforts se sont avérés infructueux. Des progrès ont été réalisés initialement, mais les discussions ont rapidement mené à une impasse. Des audiences publiques ont eu lieu les 27 et 28 janvier 2025 et les 19 et 20 février 2025. En prévision des premières audiences, les parties ont été invitées à brosser un portrait de la situation actuelle en examinant la Loi sur la Société canadienne des postes (la Loi) et le Protocole du service postal canadien (Protocole du service postal), et d’exposer des visions normatives à court, à moyen et à long terme pour la livraison financièrement viable du courrier et des colis au Canada. La deuxième série d’audiences était axée sur le mandat et sur les propositions de conventions collectives (et autres propositions) qui seraient nécessaires pour réaliser le plan présenté lors de la première série d’audiences. Certaines des présentations aux audiences en janvier et en février se chevauchaient, ce qui est normal. D’autres présentations écrites ont été formulées après les audiences de février.
À l’issue des audiences de février, les parties ont exprimé leur intérêt à reprendre les négociations et ont de nouveau fait appel à moi pour les aider. D’autres séances de médiation ont eu lieu le 1er et le 2 mars 2025. Encore une fois, les négociations ont rapidement atteint l’impasse.
1.3.1 Présentations des parties prenantes
Les parties ont également été appelées à dresser une liste d’organisations et de personnes qui pourraient avoir des choses à dire au sujet du mandat, et nombre d’entre elles ont exprimé le désir de témoigner à l’audience ou de soumettre des présentations écrites. Une liste des parties intéressées ayant formulé des présentations figure à l’onglet A. Un sommaire des présentations se trouve à l’onglet B. De nombreuses autres personnes ont communiqué directement avec moi. Un échantillon représentatif de leurs présentations figure à l’onglet C.
1.3.2 Ce que la Commission d’enquête sur les relations de travail n’est pas
Dans les années passées, la Chambre des communes a mis sur pied un comité chargé d’examiner Postes Canada, un examen du mandat, autrement dit. Cet examen était mené par un comité de parlementaires doté de toutes les ressources nécessaires et appuyé par le personnel de la Bibliothèque du Parlement et d’autres experts qui commandent des recherches et des sondages d’opinion publique et qui tiennent des audiences dans tout le pays. Ce processus de longue haleine avait finalement abouti à la publication d’un rapport (c’était en 2016, avec des membres dissidents des comités représentant les parties de l’opposition). Le présent cas est différent. Il est question ici d’une Commission composée d’une seule personne, doté d’un mandat ambitieux et qui possède très peu de temps pour organiser des réunions, examiner des questions et produire des rapports. Décidément, l’avenir de Postes Canada est du ressort de son conseil d’administration et de son unique actionnaire : le gouvernement du Canada. Évidemment, la population canadienne et le STTP sont directement touchés eux aussi. Si des changements s’avèrent nécessaires, certains d’entre eux peuvent être effectués par le gouvernement du Canada, par exemple, en modifiant le moratoire existant visant la fermeture de bureaux de poste ruraux et le programme de conversion aux boîtes postales communautaires. Si des changements doivent être apportés aux conventions collectives pertinentes, ils devront être négociés par les parties : Postes Canada et l’agent de négociation, le STTP (ou imposés à la suite d’un arbitrage de différends).
Il est possible de prendre le temps de mener un examen plus approfondi, de ruminer ou de réfléchir davantage, par exemple, effectuer une autre étude parlementaire est une option, mais une conclusion est inévitable : dans sa configuration actuelle, Postes Canada est bel et bien insolvable. Bien qu’il n’existe pas de solution miracle ni de voie facile pour atteindre la viabilité financière – c’est virtuellement impossible, du moins à court terme –, force est de constater qu’en l’absence de changements réfléchis, mesurés, échelonnés et immédiats, la situation financière continuera de se détériorer et les pertes augmenteront d’année en année, ce qui découle à la fois du déclin continu et presque assurément irréversible de l’activité de poste aux lettres de Postes Canada, ainsi que de sérieux défis liés à la concurrence en ce qui concerne la livraison des colis.
Le gouvernement du Canada dispose de nombreuses options. Il pourrait de nouveau demander à un comité de la Chambre des communes de se pencher sur la Loiet de mener de vastes consultations. C’est ce qu’il a fait en 2016. Pour ce que vaut cette observation, le comité de la Chambre des communes qui a mené l’enquête sur Postes Canada, après avoir tenu des audiences d’un bout à l’autre du pays et entendu le témoignage de nombreux témoins, a produit un rapport qui examinait en profondeur les questions dont la présente Commission a été saisie, puis a publié ce rapport intitulé La voie à suivre pour Postes CanadaNote de bas de page 2.
Le comité de la Chambre des communes savait que le statu quo n’était pas viable. Cependant, même si le comité avait accepté la conclusion formulée antérieurement par un Groupe de travail selon laquelle Postes Canada subirait des pertes annuelles de près de 800 millions de dollars d’ici 2026 – l’iceberg était à la vue de tous – la majorité des membres du comité ont voté en faveur du maintien du moratoire sur la conversion aux boîtes postales communautaires. Cela dit, il avait recommandé le retour de certains services de courrier à domicile (Recommandation 23). Dans la Recommandation 36, le comité propose de maintenir le moratoire sur la fermeture des bureaux de poste ruraux, « même dans les zones où il y a des comptoirs postaux franchisés ». Bon nombre des 43 autres recommandations étaient soit insipides ou idéalistes. Si toutes ces recommandations avaient été mises en œuvre, elles auraient probablement aggravé, et non réglé, les difficultés financières qui ont été relevéesNote de bas de page 3.
Le gouvernement du Canada pourrait décider d’examiner et d’évaluer la Loi et le Protocole du service postal. Le paysage de la livraison postale a évolué depuis 2016, et l’examen obligatoire du Protocole du service postal est maintenant plusieurs années en retard. Le gouvernement peut et devrait examiner le Protocole du service postal. Il pourrait également demander à un comité de la Chambre des communes de se pencher (davantage) sur la question. Le gouvernement peut présenter un livre vert. Il peut aussi préparer un livre blanc. Il dispose d’une multitude d’autres solutions de politique publique. Or, certains faits sont immuables. La poste-lettres est en voie de disparition; les colis font l’objet d’une concurrence féroce. Sans le soutien financier du gouvernement du Canada, Postes Canada n’a aucune chance de couvrir les pertes de plus en plus importantes. Si Postes Canada ne procède pas à une refonte de ses méthodes de fonctionnement, la stabilité financière n’est qu’un rêve illusoire.
2. Quelques éléments de contexte nécessaires
2.1 Postes Canada
Postes Canada participe depuis longtemps et de manière importante à l’édification du Canada, sa contribution remontant à avant la Confédération. (Autrefois un ministère du gouvernement, elle est devenue une société d’État en 1981.) Depuis plus de 200 ans, Postes Canada relie les Canadiens, peu importe où ils vivent : en canot, à cheval, par bateau à vapeur, par chemin de fer, par avion et toujours à pied, avec des facteurs qui livrent le courrier à la porte (à certaines adresses, mais pas toutes). Les Canadiens d’un océan à l’autre continuent de compter sur Postes Canada. Certaines activités publiques importantes, comme les élections fédérales et provinciales, seraient presque impossibles à l’heure actuelle sans Postes Canada.
Cependant, Postes Canada fait face à une crise existentielle : elle est essentiellement insolvable.
2.2 STTP
Le STTP a une longue et fière histoire. Une contribution en particulier du STTP se distingue des autres (et il y en a beaucoup). Dans les années 1960 et 1970, l’idée même d’un congé de maternité payé était une utopie pour presque toutes les travailleuses canadiennes. À minuit le 30 juin 1981, plus de 20 000 travailleurs des postes ont descendu dans les rues et ont fait la grève pour de meilleurs salaires et une meilleure sécurité d’emploi, mais aussi pour que les femmes aient le droit d’avoir des enfants sans perdre leur revenu. Il a fallu de la résilience, du courage et de la solidarité, et une grève qui aura duré 42 jours, mais le STTP a gagné : il a obtenu 17 semaines de congé de maternité payé, créant ainsi un précédent qui s’est répercuté dans toute la société canadienne, changeant à jamais le Canada, et pour le mieux.
Le STTP compte 44 000 membres qui travaillent à Postes Canada. Les employés dans les zones urbaines sont principalement responsables du traitement, de la levée et de la distribution du courrier ainsi que des opérations de vente au détail. L’unité de négociation urbaine représente également les employés responsables de l’entretien du matériel de traitement du courrier et des véhicules de Postes Canada. Les membres de l’unité de négociation des FFRS sont responsables du transport et de la distribution du courrier dans les zones rurales et certaines zones suburbaines. Au total, il y a 22 500 routes, 462 lieux de dépôt, 22 centres de traitement et 5 800 bureaux de poste commerciaux et franchisés. Postes Canada dessert les Canadiens d’un océan à l’autre : elle livre à plus de 17 millions d’adresses.
On compte trois secteurs d’activité.
2.3 Trois secteurs d’activité
2.3.1 Courrier transactionnel
Historiquement, le courrier transactionnel a été l’activité principale de Postes Canada. Le courrier transactionnel comprend le portefeuille de services pour le traitement et la livraison des lettres, des factures, des relevés et d’autres formes de communication papier. Le courrier transactionnel vise trois catégories de produits : la poste-lettres intérieure (poste-lettres), la poste-lettres sortante et la poste-lettres entrante. La poste-lettres représente 95 % du courrier transactionnel. En 2023, le courrier transactionnel représentait 2,3 milliards de dollars (ou 33 %) des revenus d’exploitation de Postes Canada (2,3 milliards de dollars sur 6,9 milliards). Comme il est mentionné ci-après (à la section 3.1), le volume du courrier transactionnel, c’est-à-dire la poste-lettres, a connu une diminution constante (principalement en raison de la présence des technologies électroniques, de l’analogue au numérique).
2.3.2 Courrier de marketing direct
Ce secteur d’activité (14 % des revenus) comprend le courrier personnalisé, notamment le matériel de marketing direct personnalisé; le courrier de quartier, qui permet aux clients d’atteindre des quartiers ou des régions précises, et le courrier de publication, qui comprend l’envoi de périodiques comme les journaux, les magazines et les bulletins d’information. Le courrier de marketing direct connaît également un déclin en raison d’un virage vers le marketing numérique. N’importe qui peut envoyer du matériel de marketing direct sans adresse. Ce secteur d’activité est entièrement soumis à la concurrence.
2.3.3 Colis
Enfin, les colis représentent 50 % des activités de Postes Canada, mais c’est le segment du marché qui doit composer avec la plus grande concurrence (voir 3.2).
2.4 Obligations
En tant que service postal national, Postes Canada doit s’acquitter des responsabilités du Canada au titre de la Convention postale universelle, un traité international qui a été signé par près de 200 pays membres de l’Union postale universelle. Le traité exige que les signataires assurent l’essentiel du service postal habituel. Cette norme, connue sous le nom de service universel de base, est composée de cinq éléments principaux :
- un service universel, peu importe le lieu
- des coûts abordables, avec un prix uniforme pour les envois postaux, peu importe l’endroit/la distance
- un service rapide et régulier
- un service accessible pour tout le monde, peu importe l’endroit
- le maintien de la qualité du service
Postes Canada dispose d’un monopole légal sur la livraison de poste-lettres. Ce monopole, également appelé le privilège exclusif, est énoncé dans la Loi sur la Société canadienne des postes (la Loi).
2.5 Dispositions pertinentes de la Loi sur la Société canadienne des postes
La Loi définit l’objet de Postes Canada :
5(1) La Société a pour mission :
- de créer et d’exploiter un service postal comportant le relevage, la transmission et la distribution de messages, renseignements, fonds ou marchandises, dans le régime intérieur et dans le régime international
[…]
(2) Dans l’exercice de sa mission, la Société, tout en assurant l’essentiel du service postal habituel :
[…]
veille à l’autofinancement de son exploitation dans des conditions de normes de service adaptées aux besoins de la population du Canada et comparables pour des collectivités de même importance
[…]
14(1) Sous réserve de l’article 15, la Société a, au Canada, le privilège exclusif du relevage et de la transmission des lettres et de leur distribution aux destinataires.
2.6 Dispositions pertinentes du Protocole du service postal canadien
Le Protocole du service postal fixe les normes du gouvernement en matière de normes de service : « Le gouvernement du Canada s’engage à assurer la transparence dans la façon dont Postes Canada offre des services postaux de qualité à tous les Canadiens, particuliers et entreprises, dans les régions rurales et urbaines, de manière sécurisée et financièrement autonomeNote de bas de page 4 ». Pour dire les choses simplement, le Protocole du service postal est l’outil qu’utilise le gouvernement du Canada (l’actionnaire) pour établir les normes de service de Postes CanadaNote de bas de page 5.
Le Protocole du service postal, ainsi que les normes de service qu’il propose, est entré en vigueur en 2009Note de bas de page 6. Il doit faire l’objet d’un examen du gouvernement tous les cinq ans. Le dernier examen remonte à 2018. Ainsi, l’examen quinquennal est dû.
3. Le problème en bref
À une certaine époque, le service universel de base allait de pair avec le privilège exclusif. Le privilège exclusif, c’est-à-dire le monopole de la livraison du courrier et de la capacité de fixer les tarifs (bien que ces derniers soient assujettis à des examens réglementaires et à une surveillance), a permis à Postes Canada de respecter ses obligations en matière de service universel de base et de le faire d’une manière financièrement viable grâce à l’interfinancement, comme l’exige la Loi : la livraison de courrier à faible coût en milieu urbain et suburbain subventionne la livraison de courrier à coût élevé dans les régions rurales et éloignées ainsi que dans les communautés autochtones. Ce modèle, qui est présenté dans la section suivante (3.1), ne fonctionne plus pour des raisons bien connues des parties, du gouvernement et du public. Les affaires ont fondamentalement changé.
3.1 Déclin du courrier de première classe
Le processus a été lent, mais constant : à commencer par le télégraphe, puis le téléphone, puis les télécopieurs, les nouvelles technologies ont engendré de nouvelles formes de concurrence qui ont miné le privilège exclusif de Postes Canada en offrant aux clients un plus grand choix. Les communications numériques, en particulier le courrier électronique, les applications de messagerie et les médias sociaux, ont complètement mêlé les cartes : la substitution électronique est maintenant omniprésente à la fois pour le courrier postal et, de plus en plus, pour le matériel de marketing. Postes Canada perd des parts de marché d’année en année, particulièrement en raison des interruptions de travail, notamment du conflit de travail ayant mené à la création de la présente commission. Le volume de la poste-lettres a diminué et continue d’être en baisse, comme c’est le cas depuis près de vingt ansNote de bas de page 7.
En 2006, Postes Canada livrait 5,5 milliards de lettres par année. En 2023, ce chiffre est passé à 2,2 milliards, et les projections indiquent une baisse constante. L’infrastructure de Postes Canada est impressionnante : elle livre à plus de 17 millions d’adresses dans le deuxième plus grand pays du monde, mais les installations ont été conçues et construites pour livrer 5,5 milliards de lettres par année et ne peuvent être maintenues avec un volume deux fois moins élevé. En 2006, un plus petit nombre d’adresses canadiennes recevaient en moyenne sept lettres par semaine. En 2024, cette moyenne a chuté à deux lettres par semaine alors qu’il y avait 3 millions de nouvelles adresses entre 2006 et 2023, un chiffre qui se situe aujourd’hui à plus de 17 millions d’adresses. Autrement dit, moins de lettres doivent maintenant être livrées à plus d’adresses. Tout donne à penser (et rien n’indique le contraire) que la baisse de la poste-lettres se poursuivra et est devenue irréversible : on ne parle pas ici de plafonnement, mais bien d’une éventuelle extinction.
Ce phénomène n’est pas propre au Canada. Les volumes de la poste-lettres dans le monde sont en baisse. L’Union postale universelle – l’organisme des Nations Unies pour le secteur postal – a signalé que le volume de lettres intérieures dans le monde est passé de 432 milliards en 2000 à 196 milliards en 2024. Aux États-Unis, selon le United States Postal Service, le volume du courrier de première classe est passé de 103 milliards en 2000 à 46 milliards en 2023 (en plus d’une baisse presque aussi importante du courrier publicitaire, également remplacé par des solutions numériques). L’histoire se répète en Europe : l’Union européenne a signalé que le volume de lettres a diminué de 45 % entre 2012 et 2022. La situation est similaire dans l’ensemble du monde industrialiséNote de bas de page 8. Il est incontestable que le privilège exclusif est sur le point de devenir insignifiantNote de bas de page 9, s’il ne l’est pas déjà, alors que les obligations en matière de service universel de base et de service régulier, imposées au titre du Protocole du service postal, sont toujours en vigueur.
Une opération de poste-lettre financièrement viable repose sur le volume et la densité de la population. La viabilité n’est pas possible si les volumes sont faibles et en baisse d’année en année, et que le nombre d’adresses réparties dans notre grand pays ne fait qu’augmenter. La viabilité financière est problématique lorsque la livraison de courrier en zone urbaine, dont le coût est peu élevé, disparaît et que les volumes ne sont plus assez élevés pour subventionner les livraisons beaucoup plus coûteuses aux collectivités rurales, éloignées et autochtones. Toute mesure visant le retour à la stabilité doit tenir compte de cette réalité du marché. Pour faire preuve de franchise et de réalisme, il faut reconnaître que la livraison quotidienne du courrier à domicile est un anachronisme historique sans perspective d’avenir (financièrement viable). Vraisemblablement, cette pratique n’a pas d’avenir du tout.
3.2 Diminution des colis postaux
Ce qui s’est passé n’est pas un mystère : des événements. La pandémie a créé une augmentation immédiate de la demande pour la livraison en ligne du matin au soir, ce qui satisfait une demande insatiable des consommateurs; maintenant les attentes sont de recevoir leurs livraisons le même jour ou le lendemain.
En 2019, Postes Canada a livré 62 % des colis au Canada. En 2023, ce chiffre est tombé à 29 %, et ce, en dépit des efforts déployés par Postes Canada pour accroître la capacité et améliorer le serviceNote de bas de page 10. Entre 2016 et 2020, la part du marché des colis de Royal Mail, au Royaume-Uni, est passée de 55 % à 38 %, suivie d’une autre baisse de 12,5 % et de 21,2 % en 2021‐2022 et en 2022‐2023 (en plus des baisses de revenus équivalentes), soit une part de marché totalisant 25 % en 2023. La part de marché du United States Postal Service est également en baisseNote de bas de page 11.
Les concurrents du secteur privé ont presque complètement repris le marché au Canada, surtout là où il est le plus rentable : dans les zones urbaines et suburbaines à forte densité qui sont extrêmement lucratives, un marché qui était autrefois dominé par Postes Canada. Le marché des colis est entièrement déréglementé et les entreprises ne se heurtent pas à de réels obstacles à l’entrée sur le marché.
Il y a les entreprises de messagerie internationales, notamment FedEx, UPS et DHL, pour n’en nommer que trois, mais il existe aussi d’importantes sociétés canadiennes, par exemple Purolator (propriété de Postes Canada) et Intelcom. Il existe littéralement des milliers de sociétés de messagerie locales qui offrent un service de messagerie quotidien/de nuit qui est facile d’accès, rapide, peu coûteux et fiable.
FedEx au Canada emploie 13 000 « membres de l’équipe », compte 1 200 centres d’expédition autorisés, 285 boîtes de dépôt, 5 000 véhicules et 35 aéronefs et opère 331 vols à l’intérieur du Canada. UPS compte 13 000 employés qui travaillent dans 63 installations et à l’extérieur de celles-ci, ainsi qu’un parc de 3 000 véhicules. DHL est l’une des plus grandes entreprises de messagerie internationale au monde : elle emploie 2 700 employés au Canada et elle participe au capital de Cargojet. Intelcom a été fondée au Québec en 1986. Elle emploie 2 500 personnes et des centaines de « partenaires » indépendants. Elle offre des services de livraison de 8 h à 21 h, 7 jours sur 7. Ses points de dépôt ne ferment jamais. Elle livre plus de 120 millions de colis par année au Canada. D’autres entreprises arrivent sur le marché chaque annéeNote de bas de page 12. Aucune de ces entreprises ne souscrit aux obligations en matière de service universel de base ou n’est contrainte par ces dernières (bien que certaines affirment pouvoir offrir la livraison à toutes les adresses canadiennes). Elles peuvent donc facturer les montants qu’elles souhaitent, en tenant compte du marché très concurrentiel, et livrer partout où elles le veulent (là où les prix sont les plus élevés, et où les affaires sont les plus rentables). Si le dernier kilomètre est trop coûteux – bien que de plus en plus d’entreprises de messagerie étendent leur portée – elles peuvent déléguer ce service à quelqu’un d’autre, généralement à Postes Canada. Cependant, même ces adresses qui ne sont pas rentables et qui sont difficiles à atteindre ne peuvent pas être considérées comme acquises par Postes CanadaNote de bas de page 13.
Les concurrents de Postes Canada veulent tout, et ils ne chôment pas. Les drones, les véhicules autonomes et la robotique joueront assurément un rôle important (ou, du moins, la perspective qu’il en soit ainsi ne peut être écartée alors que les technologies sous-jacentes progressent à un rythme effréné)Note de bas de page 14. Par exemple, Amazon et Walmart sont en train de se lancer dans le secteur de la livraison par drone. Amazon a des objectifs ambitieux. L’entreprise se met au défi de livrer 500 millions de colis par année d’ici la fin de la décennie, et plus de 50 000 articles sont disponibles pour la livraison par drone sur les marchés de quatre États américains. Shopify, quant à elle, estime qu’elle livrera des marchandises par drone à raison de 10 milliards de dollars d’ici 2030. La technologie des drones progresse rapidement : elle a une meilleure capacité et flexibilité et elle est plus fiable lors d’intempéries. Nous ne sommes pas dans un épisode des Jetsons. C’est la réalité de demain, ou du surlendemain. Il est toujours risqué de se prononcer sur l’avenir, mais Zipline et Wing seront bientôt des noms populaires.
La livraison conventionnelle de colis est le pilier de Postes Canada. Selon les projections, le marché global continuera de croître, mais des défis se posent en ce qui concerne la livraison des colis de manière concurrentielle. Les colis sont lourds. Ils sont encombrants. Ils occupent plus d’espace (que les lettres) dans les centres de traitement et dans les camions. Ils nécessitent des machines de tri et des installations de distribution spécifiques. De plus, la technologie continuera d’évoluer, ce qui nécessitera des investissements permanents et substantiels pour la recherche, le développement et les coûts d’immobilisations. Il ne suffit pas de mettre en place l’infrastructure et de se dire que les entreprises vont venir s’installer. Par exemple, en septembre 2023, Postes Canada a ouvert le centre de traitement Albert Jackson, à Scarborough.
Avec une superficie totalisant environ six terrains de football de la LCF et coûtant près de 500 millions de dollars, cette installation ultramoderne peut trier plus de 60 000 colis par heure. Malgré les investissements et les autres améliorations apportées à l’infrastructure de tri des colis, la part de marché de Postes Canada dans le secteur des colis a continué de diminuer. Les concurrents de Postes Canada mettent au point, modernisent et étendent constamment leurs services. Ils ont un accès quasi illimité au capital et sont de toute évidence déterminés à se perfectionner :
Par exemple, UPS a présenté un plan de modernisation et d’expansion de 500 millions de dollars en 2018. Cela comprend un agrandissement de 180 000 pieds carrés du centre de services de Montréal, la construction d’une nouvelle installation à Kanata et l’expansion des centres de colis à Brampton, à London et à Edmonton. L’an dernier, elle a ouvert une nouvelle installation de 200 millions de dollars à Caledon, près de Toronto. UPS affirme que c’est l’installation la plus grande et la plus avancée sur le plan technologique au Canada. Il s’agit d’une installation de 850 000 pieds carrés, qui s’étend sur 102,5 acres et est capable de trier 35 000 colis par heure.
FedEx a investi 6,2 milliards de dollars à l’échelle internationale en 2023. Sa nouvelle usine de produits volumineux, à Memphis, a une superficie de 121 000 mètres carrés, dispose de 17,7 km de bandes transporteuses et peut traiter 56 000 articles par heure. Une nouvelle installation canadienne de tri des petits colis a été établie à Toronto en 2020, et elle est capable de trier 20 000 articles par heure, 7 jours sur 7.
DHL a investi 3,4 milliards d’euros en biens, en installations et en équipement en 2023. Elle a ouvert sa nouvelle installation de 100 millions de dollars, Gateway, en 2023. Cela a permis de faire passer l’installation de 50 000 pieds carrés à 238 000 pieds carrés, et d’augmenter le taux de tri, qui est passé de 15 000 colis par heure à 28 000 colis par heureNote de bas de page 15.
Il est important de reconnaître certains faits. Les entreprises de messagerie concurrentes ont les ressources pour investir dans les nouvelles technologies. Elles ont aussi d’autres avantages concurrentiels, à commencer par des coûts de main-d’œuvre moins élevés. Les concurrents non syndiqués sont encore plus avantagés. Beaucoup d’entre elles demandent à leurs chauffeurs de fournir leurs propres véhicules. Elles n’ont pas de conventions collectives qui limitent l’exercice du pouvoir de la direction, notamment la possibilité d’embaucher des employés à temps partiel et de les mettre à l’horaire en fonction du volume. D’ailleurs, des changements structurels s’opèrent dans le secteur de la livraison de colis.
De plus en plus, les gros commerçants stockent leurs produits plus près des clients, ce qui permet d’avoir de plus petites installations qui nécessitent moins de main-d’œuvre, contrairement aux grosses infrastructures nationales de Postes Canada et son modèle de livraison encombrant. De plus, les entreprises de commerce électronique, qui utilisent des plateformes de tiers, établissent des contrats avec de multiples transporteurs et choisissent les meilleurs prix pour chaque colis expédié par les transporteurs qui se font concurrence pour les colis individuels. D’ailleurs, la tarification dynamique est souvent une caractéristique de ces ententes. (Postes Canada ne participe pas à ces ventes aux enchères de colis). Amazon travaille activement à réduire sa dépendance envers les services de livraison par des tiers, y compris Postes Canada, en ouvrant ses propres installations de livraison du dernier kilomètre dans tout le pays (cinq en 2024). Amazon est en mesure de promettre une livraison en 6 heures pour plus de 3 millions d’articles. La livraison directe peut perturber davantage les affaires. En fonction de ce modèle, il n’y a pas de détaillant, pas de magasin, pas d’employés, pas d’entrepôt et pas besoin de traitement technique. Une entreprise vend des produits sans même les avoir en stock. Le client commande le produit, et l’entreprise transmet la commande au fabricant, qui expédie le produit directement au clientNote de bas de page 16.
3.3 Point à retenir
Le marché a fondamentalement changé et la baisse de la poste-lettres est irréversible (et se poursuit). L’extinction éventuelle du marché de la poste-lettres va presque de soi (les volumes seront si faibles que le fait d’offrir quotidiennement la livraison des lettres à domicile serait ridicule sur le plan commercial) et de penser autrement relèverait d’un optimisme béat. Cela dit, l’expansion de la livraison des colis offre à Postes Canada une occasion de poursuivre ses obligations en matière de service universel de base et d’effectuer un virage vers la viabilité, quoique c’est loin d’être acquis pour l’instant. Comme il est mentionné ci-dessous, Postes Canada et le STTP conviennent qu’une Société des postes axée sur les colis est la voie vers l’avenir (voir D.14.2). Toutefois, ils sont en profond désaccord quant aux mesures à prendre pour que Postes Canada demeure concurrentielle (et continue de prendre de l’expansion). Les visions opposées des parties en ce qui concerne l’avenir de Postes Canada et leurs points de vue quant aux raisons pour lesquelles la négociation a échoué sont exposés en détail à l’onglet D.
4. Résumé des positions des parties
4.1 STTP
Selon le STTP, Postes Canada n’est pas une société du secteur privé. Elle était et demeure un service public doté d’une mission plus vaste énoncée dans la Loi, y compris d’un privilège exclusif, ainsi que dans le Protocole du service postal. La mission de Postes Canada consiste à assurer la livraison à chaque adresse canadienne, conformément à l’obligation d’assurer un service universel, et ce, en tant que service public et non en tant que société à but lucratif. Cela signifie que Postes Canada doit répondre aux besoins de la population canadienne tout en protégeant les droits, les conditions de travail et les contributions inestimables des membres du STTP, et non pas abaisser rapidement les normes pour tenter de rivaliser avec les entreprises de messagerie existantes et nouvelles, et leurs emplois à la demande ainsi que leurs salaires et conditions de travail inférieurs à la norme. Le STTP est conscient des défis qui l’attendent : « Les services fournis et la nature du travail postal ont changé et continuent de changer », a‑t‑il indiqué dans sa présentation à la commission d’enquête sur les relations de travail. « Nous savons que Postes Canada est confrontée à des défis importants. La poste-lettres est en déclin, la concurrence dans le secteur des colis est plus féroce et, par conséquent, les revenus sont en baisseNote de bas de page 17. »
Malgré les défis du marché, Postes Canada ne doit pas, selon le STTP, perdre de vue sa responsabilité fondamentale, c’est-à-dire être un employeur modèle en assurant la livraison du courrier et des colis, mais aussi en établissant la norme en matière d’emplois de qualité, durables et, dans la mesure du possible, à temps plein. C’est pourquoi, lors des dernières négociations collectives, comme lors des précédentes, le STTP a cherché à améliorer la sécurité d’emploi et les autres conditions des conventions collectives. Il est impératif que les profits découlant des augmentations de productivité soient équitablement partagés avec les employés.
Le STTP a soutenu fermement le maintien des moratoires sur la fermeture des bureaux de poste ruraux et la conversion des boîtes postales communautaires. Les bureaux de poste ruraux ont joué un rôle dans l’unité nationale et ont fourni de bons emplois dans des régions où le taux de chômage est élevé. De plus, le STTP estime que la livraison de porte à porte est une caractéristique de longue date de Postes Canada qui mérite d’être préservée et qui devrait être élargie, et non pas réduite par l’expansion malavisée et problématique d’un régime de boîtes postales communautaires qui n’a manifestement pas répondu aux besoins de la population canadienne.
Le STTP n’accepte pas les chiffres avancés par Postes Canada concernant les économies résultant de la levée de l’un ou l’autre de ces moratoires. Les répercussions de la levée de ces moratoires ne sont pas strictement des questions d’ordre financier; elles exigent bien plus qu’une analyse superficielle des profits et des pertes. Toute fermeture de bureaux de poste doit prendre en compte les coûts kilométriques et environnementaux qui ne manqueraient pas de découler du fait que les gens doivent parcourir de longues distances pour avoir accès aux services postaux. Postes Canada et le gouvernement du Canada doivent s’attendre à une « opposition massive du public » à la levée de ces moratoires, si l’on se fie à l’histoireNote de bas de page 18. De même, toute évaluation de la levée du moratoire sur la conversion des boîtes postales communautaires doit tenir compte des améliorations apportées au Programme de mesures d’adaptation pour la livraison en ce qui concerne les personnes âgées et en situation de handicap, les frais municipaux (y compris pour le déneigement, les rampes d’accès et l’éclairage), les risques de glisser et de tomber, les cambriolages et l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre (puisque les gens se déplacent en voiture pour aller chercher leur courrier).
Dans ses présentations, le STTP a clairement indiqué qu’il ne négocierait pas les victoires obtenues de haute lutte en ce qui a trait à la sécurité d’emploi ni d’autres dispositions de la convention collective; et, bien qu’il ait reconnu que Postes Canada faisait face à certaines difficultés financières et que le marché avait besoin d’un service de livraison de colis sept jours sur sept, les allégations de Postes Canada concernant sa détresse financière n’étaient rien d’autre qu’opportunistes, un prétexte pour obtenir des concessions injustifiées : « Le Syndicat est prêt à collaborer avec la Société pour mettre en place des services de livraison des colis la fin de semaine, en soirée et le jour mêmeNote de bas de page 19. » Il y a cependant une condition : les dispositions de la convention collective en vigueur doivent être respectées et améliorées. Le STTP n’acceptera jamais que soit mise en place une main-d’œuvre‑ à la demande ni que les dispositions de la convention collective qui ont été négociées en toute liberté soient vidées de leur sens. Il a remis en question la réticence de Postes Canada à s’en tenir aux dispositions de la convention collective.
Le STTP a insisté sur le fait que les dispositions actuelles de la convention collective permettent à Postes Canada d’apporter tous les changements dont elle disait avoir besoin. Selon le STTP, c’est le début et la fin de l’affaire : les parties doivent utiliser les dispositions déjà négociées de la convention collective ou négocier des modifications dans le cadre d’une négociation collective libre. Au lieu de cela, Postes Canada a cherché à obtenir des modifications qui dépassaient largement ce qui avait été convenu.
Ce qui a aggravé la situation, selon le STTP, c’est que ce dernier a présenté un plan détaillé et mûrement réfléchi pour assurer la livraison la fin de semaine en utilisant une main‑d’œuvre à temps plein. Il a même fourni « une validation du concept et du calcul des coûtsNote de bas de page 20 », mais Postes Canada a refusé de s’engager, une position inexplicable, puisque le STTP a pu prouver que le recours à des employés à temps partiel coûterait plus cher que le recours à une main‑d’œuvre à temps plein pour la livraison la fin de semaine, tel qu’il l’a proposé dans son planNote de bas de page 21. Cependant, il ne s’agit pas uniquement de réaliser des économies. Le STTP était d’avis que « la priorité doit être accordée aux emplois à plein temps dans la mesure du possible », car ceux‑ci « sont aussi un élément essentiel à la réussite de Postes CanadaNote de bas de page 22 ». En fait, le STTP était d’avis « que la préférence de Postes Canada pour la flexibilité devrait céder le pas à l’engagement du Syndicat en faveur des emplois à temps plein et de la sécurité de l’emploi, dans la mesure où la proposition du Syndicat fait déjà une concession majeure en acceptant la demande de Postes Canada concernant la livraison des colis la fin de semaine, et ce, tant pour le samedi que pour le dimancheNote de bas de page 23 ».
De plus, le fait que Postes Canada n’ait pas voulu mettre à l’essai ou étudier ne serait‑ce qu’une seule de ses propositions sur la façon de faire croître la Société a démontré, selon le STTP, que Postes Canada a tenté de tirer profit d’allégations d’insolvabilité exagérées pour obtenir des changements transformateurs aux conventions collectives, changements qu’elle n’aurait jamais pu espérer négocier avec succès, et qu’elle a tenté de le faire dans le cadre d’un processus, c’est‑à-dire la présente commission, ce à quoi le STTP s’est foncièrement opposé pour des raisons d’inconstitutionnalité et de manque d’équité. (Le STTP a contesté la constitutionnalité du renvoi au Conseil canadien des relations industrielles et de la directive de retour au travail, mais n’a pas contesté directement la constitutionnalité de la nomination de la commission.)
4.2 Postes Canada
Postes Canada a été catégorique. Sa situation financière est désastreuse : Postes Canada est insolvable et, sans le prêt ou la marge de crédit du gouvernement du Canada, elle n’aurait pas été en mesure de faire face à ses engagements au cours de l’année 2025. Il n’y a aucune ambiguïté en ce qui concerne sa situation financière, actuelle et prévue. La crise n’a pas été inventée de toutes pièces; tout le monde la voyait depuis longtemps et on ne pouvait plus l’ignorer. Pourtant, de l’avis de Postes Canada, le STTP ne voulait pas modifier ses revendications en fonction de la situation actuelle et établie, ce qui rendait impossible la conclusion d’une convention collective établissant un plan d’action pour l’avenir.
Dans sa présentation, Postes Canada a indiqué que tout avait changé, mais qu’à d’autres égards, tout était resté pareil. Il y a l’obligation d’assurer un service universel et, malgré le privilège exclusif, Postes Canada ne peut pas compter sur ce privilège pour obtenir le volume et les recettes dont elle jouissait auparavant pour financer ses activités et même, comme ce fut le cas dans les années antérieures, pour réaliser des profits. La concurrence des entreprises de messagerie ne va pas disparaître; il faut s’attendre à ce qu’elle s’intensifie, et le seul avantage de l’équation repose sur le fait que le volume global de livraison de colis devrait également augmenter. Postes Canada veut maintenir et accroître sa part de marché dans le secteur de la livraison de colis, mais pour ce faire, elle doit procéder à des changements. Au début, il était question de changements modestes et progressifs (c’est‑à-dire la livraison de colis la fin de semaine par des employés à temps partiel, la capacité de recourir efficacement à des employés travaillant selon un horaire souple à temps partiel en semaine, la possibilité d’éviter les heures non travaillées et les heures supplémentaires, l’acheminement dynamique et la répartition de la charge de travail), puis de changements plus transformateurs qu’elle justifie ainsi : « Postes Canada ne cherche pas à tout accomplir en même temps. Postes Canada met plutôt l’accent sur les solutions les plus efficaces à ses défis pressantsNote de bas de page 24. »
Dans sa présentation, Postes Canada a également indiqué qu’il fallait immédiatement modifier le Protocole du service postal afin d’établir des normes de livraison réalistes et durables, mettre à jour le processus de détermination des tarifs d’affranchissement et mettre fin aux moratoires sur la fermeture des bureaux de poste ruraux et sur la conversion des boîtes postales communautaires. La levée des moratoires permettrait de réduire considérablement les déficits annuels croissants. De toute façon, quelles que soient les raisons pour lesquelles ils ont été imposés, ces moratoires ne peuvent plus être justifiés alors que la Société est en réalité insolvable. Postes Canada a précisé sa position.
Selon Postes Canada, le moratoire sur la fermeture des bureaux de poste ruraux n’avait aucun sens. En raison de la croissance et de l’expansion des villes canadiennes, de nombreux bureaux de poste ruraux sont désormais situés dans des zones urbaines. Le moratoire sur la fermeture des bureaux de poste est devenu inutile depuis longtemps (en supposant qu’il ait déjà été judicieux). La livraison quotidienne du courrier à la porte, à une minorité de Canadiens, ne peut pas, selon Postes Canada, être justifiée en raison de son coût élevé, alors que Postes Canada est au bord de l’effondrement. Elle ne peut certainement pas être justifiée sur la base d’une livraison de deux lettres par semaine, en moyenne, par ménage.
5. Mandat
Lorsque j’ai été nommé par le ministre du Travail, j’ai été chargé d’examiner le différend actuel concernant les négociations collectives ainsi que les positions des parties, en accordant une attention particulière aux causes sous‑jacentes du différend, et plus particulièrement aux aspects suivants :
- la situation financière de Postes Canada;
- le besoin exprimé par Postes Canada de diversifier et/ou de modifier ses modèles de livraison face aux exigences opérationnelles actuelles;
- la viabilité de la Société sous sa forme actuelle;
- les engagements négociés du syndicat à l’égard de la sécurité d’emploi et de l’emploi à temps plein;
- la nécessité de protéger la santé et la sécurité des employés.
Le mandat prévoyait, à l’issue du processus, la formulation de recommandations pouvant contenir des propositions de modifications à apporter à la convention collective (entre autres questions).
6. Discussion
Le problème est que Postes Canada, sous sa forme actuelle, n’est plus une entreprise viable. La technologie a toujours eu une incidence sur les activités, mais la substitution électronique a tout changé, entraînant un déclin irréversible presque certain de la poste‑lettres et conduisant inévitablement à l’extinction de cette dernière. Plus récemment, le marché des colis a explosé. Les concurrents de Postes Canada sont plus rapides et plus agiles, et leurs activités ne sont pas soumises aux contraintes découlant de l’obligation d’assurer un service universel, du Protocole du service postal et des conventions collectives.
Aucun secteur ou groupe professionnel n’est à l’abri des effets perturbateurs de l’évolution technologique ou des forces du marché. Des secteurs entiers n’existent plus, et de nombreuses professions ont complètement disparu. Pour que Postes Canada puisse continuer à exister, en l’absence de subventions continues et croissantes de la part du gouvernement du Canada, il faut faire preuve de pragmatisme et ne pas prendre ses désirs pour des réalités.
Le déclin de la poste‑lettres a mis fin à l’interfinancement que celle‑ci procurait et, comme la poste‑lettres ne reviendra probablement jamais, l’interfinancement ne reviendra pas non plus. Il est presque certain que la poste‑lettres disparaîtra bientôt (la seule vraie question est de savoir quand). Ce constat n’est pas alarmiste. En mars 2025, le gouvernement danois a annoncé la fin de la livraison de la poste-lettres par ses bureaux de poste (qui desservent également la Suède) :
Le service postal public danois, PostNord, mettra fin à toutes les livraisons de lettres à la fin de l’année 2025, invoquant une baisse de 90 % des volumes de lettres depuis le début du siècle.
Cette décision met fin à 400 ans de service postal. Les 1 500 boîtes postales du Danemark commenceront à disparaître au début du mois de juin.
…
Le Danemark a bénéficié d’un service postal universel pendant 400 ans, jusqu’à la fin de l’année 2023, mais avec l’arrivée des services de courrier numériques, l’utilisation des lettres a chuté de manière spectaculaire.
…
Le nombre de lettres a chuté depuis le début du siècle, passant de 1,4 milliard à 110 millions l’année dernière [traduction]Note de bas de page 25.
De toute évidence, le Canada n’est pas le Danemark. Sur le plan géographique, nous sommes l’un des plus grands pays du monde, et le Danemark, l’un des plus petits. Notre population est (relativement) importante, tandis que celle du Danemark est petite. Le Danemark dispose d’un réseau Internet étendu, abordable, concurrentiel et fiable. Ce n’est pas le cas au Canada. Cependant, et il s’agit simplement d’une évaluation des faits, comme au Danemark, il n’y a pas d’avenir apparent pour la poste‑lettres au Canada. Les volumes de livraison de poste‑lettres dans l’ensemble du monde industrialisé vont toujours dans la même direction, c’est-à-dire à la baisse.
La part de marché de Postes Canada dans le secteur des colis a également diminué. La concurrence est féroce. Le récent conflit de travail a entraîné une désertion supplémentaire, mesurable et presque certaine de clients de longue date qui ont décidé de faire affaire ailleurs et qui ont informé Postes Canada qu’ils ne reviendraient jamais (surtout en l’absence de conventions collectives à long terme et de la certitude qu’elles offrent contre d’autres interruptions de travail, en particulier durant les périodes de pointe). La part de Postes Canada pourrait se stabiliser, et une portion de la part de marché pourrait être gagnée, puisque le marché global devrait continuer à croître. L’idée que le prêt ou l’aide financière de plus d’un milliard de dollars accordé en janvier 2025 sera remboursé nous oblige à mettre fin à l’incrédulité. Le respect de l’exigence légale énoncée dans la Loi, selon laquelle Postes Canada doit mener ses activités sur une base financière autonome, demeurera un défi (bien que cela puisse se produire avec le temps, en particulier si des modifications sont apportées à la Loi, au Protocole du service postal et à certaines des restrictions actuelles de la convention collective, ce qui modifierait les modes de livraison, et si l’on met fin aux moratoires sur les fermetures de bureaux de poste ruraux et les conversions de boîtes postales communautaires). Sans ces changements, les chiffres, qui arrivent tous à la même conclusion, parlent d’eux‑mêmes. Prétendre le contraire revient à ignorer les faits financiers. Quels sont ces faits?
Sans son statut de société d’État, Postes Canada ne pourrait probablement pas poursuivre ses activités. Sans le prêt ou l’aide financière accordé par le gouvernement du Canada en janvier 2025, la Société n’aurait pas été en mesure, à un moment donné en 2025, de faire face à ses obligations actuelles, y compris verser les salaires, et encore moins de rembourser les 500 millions de dollars d’obligations arrivant à échéance à l’été (2025). Comme l’a déclaré le gouvernement du Canada : « Cette injection de fonds lui permettra d’éviter l’insolvabilité [...] » Il ne s’agit pas d’une hyperbole. C’est le résultat d’un processus au cours duquel Postes Canada a demandé l’aide du gouvernement pour assurer son fonctionnement. L’état réel des finances de Postes Canada est, depuis des années, étalé au grand jour.
Le STTP a dénoncé le moment choisi par le gouvernement pour accorder cette aide financière, soit quelques jours avant que la commission n’entame sa première série d’audiences publiques, tout comme il a dénoncé les affirmations antérieures de contraintes financières, qui ont été avancées, selon le syndicat, pour appuyer des demandes de concessions qui sont injustifiées dans le cadre de négociations collectives et qui sont fondées sur des rapports financiers possiblement bidon et certainement peu fiables, même s’ils ont fait l’objet d’un audit indépendant. En même temps, dans ses mémoires et lors des audiences, le STTP a reconnu l’existence de difficultés financières, bien qu’il les ait attribuées aux mauvaises décisions opérationnelles prises par Postes Canada. Cependant, comme l’a déclaré Jan Simpson, présidente nationale du STTP, lors des audiences de la commission en février 2025 : « Nous savons que Postes Canada se trouve dans une situation qui est loin d’être idéale » [traduction].
Dans ses déclarations et lors des audiences, le STTP a clairement indiqué que le syndicat et ses membres ne devraient pas être forcés de payer pour les conséquences de ce qu’il décrit comme de l’ineptie, de l’incompétence et de la mauvaise gestion de la part de Postes Canada, surtout lorsque l’employeur disposait de tous les outils nécessaires, soit les dispositions existantes de la convention collective, pour mettre en place ce dont il disait avoir immédiatement besoin, c’est-à-dire la livraison de colis la fin de semaine et la capacité de recourir à des employés à temps partiel pendant les périodes de surcharge de travail durant la semaine. Le STTP a insisté sur le fait que si Postes Canada appliquait les dispositions négociées, prenait au sérieux la proposition détaillée et soigneusement étudiée du STTP d’embaucher des employés à temps plein pour le travail de fin de semaine (proposition qui lui permettrait même d’économiser de l’argent, selon les calculs du STTP) et acceptait ce que le STTP décrivait comme des suggestions visionnaires pour faire croître la Société (dont certaines ont fait leurs preuves, par exemple le service bancaire postal), elle pourrait recouvrer sa viabilité financière. Pas immédiatement, mais bientôt.
Il ne fait aucun doute que Postes Canada a pris de mauvaises décisions opérationnelles. Une partie du problème, bien sûr, réside dans certains résultats de négociations collectives antérieures au cours desquelles des décisions ont été prises en matière de relations de travail et des restrictions aux règles de travail ont été volontairement acceptées, pour des raisons qui ne sont pas immédiatement apparentes si l’on examine les résultats à travers une lentille normative. Il est évident que ces décisions devaient avoir un sens à l’époque, et que certaines ont été prises sous la direction de l’actionnaire pour éviter un conflit de travail, mais elles n’ont pas été bien acceptées. Peut-être que les frais d’affranchissement des envois de première classe auraient dû être augmentés plus tôt qu’ils ne l’ont été (un processus réglementaire qui prend du temps et qui ne relève pas entièrement de Postes Canada). Il est cependant difficile d’imaginer que l’augmentation du prix des timbres n’aurait eu qu’une incidence à court terme sur les résultats, avec comme résultat à plus long terme l’accélération de la substitution électronique et le déclin du volume de la poste‑lettres. Les moratoires imposés par le gouvernement sur la fermeture des bureaux de poste ruraux et sur la conversion des boîtes postales communautaires ont privé Postes Canada de la possibilité de prendre des décisions opérationnelles appropriées qui auraient permis de réduire considérablement les pertes d’exploitation. En même temps, la situation serait bien pire si Postes Canada n’avait pas bénéficié d’une exonération durable des cotisations au régime de retraite. Le régime de retraite est solvable, en raison de cette exonération. Cependant, si la situation devait changer à l’avenir, il en résulterait des pressions financières accrues, puisque Postes Canada est l’administrateur du régime de retraite et qu’elle est responsable de tout manque à gagner.
En fin de compte, il importe peu de savoir comment nous en sommes arrivés à la situation actuelle, caractérisée par des déficits annuels importants et appelés à s’accroître. La suggestion selon laquelle la situation financière a été créée pour des raisons tactiques, ou que l’annonce du gouvernement du Canada était stratégique et non réelle, est cependant rejetée. Tous ceux qui ont examiné la situation de Postes Canada et ses activités ont conclu d’emblée qu’elle se dirigeait vers un gouffre financier. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Postes Canada est effectivement insolvable. Elle est arrivée à cette destination.
7. Des études à n’en plus finir
On ne manque pas d’études exhaustives, multidimensionnelles et sérieuses sur les défis structurels auxquels fait face Postes Canada, et elles méritent toutes d’être lues (elles abordent des questions qui sont liées à l’objet précis du mandat du présent rapport, mais qui vont au-delà de celui-ci). Toutes ces études démontrent les changements profonds provoqués par la substitution électronique et le déclin de la poste‑lettres, ainsi que par la croissance de la livraison de colis et l’arrivée de concurrents qui se disputent – et réussissent à gagner – ce marché, ce qui menace la viabilité financière de Postes Canada et sa capacité à respecter ses obligations en vertu de la Loi et du Protocole du service postal. Bien que la section suivante n’ait pas pour objectif d’être exhaustive, car elle nécessiterait du temps et des ressources qui dépassent la portée de la présente commission, elle vise à démontrer que la non‑viabilité financière de Postes Canada fait l’objet d’une attention particulière de la part des pouvoirs publics depuis des années.
7.1 Le comité consultatif de 2008
Commandé par le gouvernement fédéral, l’Examen stratégique de la Société canadienne des postes a été présenté au ministre en décembre 2008, et concluait que « la viabilité financière de Postes Canada est, dans l’hypothèse la plus optimiste, incertaineNote de bas de page 26 ». Le comité a observé que le marché postal était en proie à des changements profonds. Le marché traditionnel de la poste‑lettres était une industrie mature qui avait presque certainement atteint son apogée, et dont le déclin serait probablement lent, mais constant, à mesure que la substitution électronique et les communications électroniques prendraient de l’ampleur. Le commerce électronique a toutefois offert des possibilités de croissance (qui ont été finalement exploitées par d’autres). Le comité a fait état de nombreuses préoccupations concernant l’avenir de Postes Canada.
7.2 Le rapport du Conference Board de 2013 : L’avenir du service postal au Canada
Commandé par Postes Canada, ce rapport prévoyait à juste titre des baisses de volume et des pertes d’exploitation importantes, qui atteindraient un montant annuel d’un milliard de dollars d’ici 2020Note de bas de page 27.
7.3 Examen du groupe de travail de 2016 : Postes Canada à l’ère du numérique
Le 5 mai 2016, la ministre des Services publics et de l’Approvisionnement du Canada a annoncé que le groupe de travail sur l’examen de la Société canadienne des postes (groupe de travail) allait procéder à un examen de Postes CanadaNote de bas de page 28. Le mandat de ce groupe de travail indépendant était de produire un document de travail, à la suite de consultations avec les intervenants concernés, afin de présenter des options viables concernant l’avenir de Postes Canada et de faire en sorte que ce rapport serve de base à un dialogue public éclairé mené par un comité de la Chambre des communes. Le groupe de travail a présenté son rapport en septembre 2016 et s’est notamment penché sur la question de la viabilité de Postes Canada.
Étant donné qu’à l’époque, Postes Canada avait déclaré des profits au cours de 17 des 20 années précédentes, le STTP avait soutenu dans ses présentations au groupe de travail que Postes Canada n’était pas confrontée à des difficultés financières. Le groupe de travail n’était pas d’accord. Il a souligné la baisse continue des volumes de poste‑lettres et d’autres pressions opérationnelles, telle que l’augmentation du nombre d’adresses auxquelles Postes Canada doit livrer les envois. Le privilège exclusif ne générait plus suffisamment de recettes pour financer les services postaux offerts conformément à l’obligation d’assurer un service universel.
Le groupe de travail a conclu que le modèle opérationnel n’était plus viable à moyen et à long terme, en raison des pertes annuelles prévues de près de 800 millions de dollars d’ici 2026Note de bas de page 29. Le chiffre exact prévu, soit 784 millions de dollars, se situait, selon le groupe de travail, « fort probablement au bas de la marge raisonnableNote de bas de page 30 ». De nombreux facteurs ont contribué aux perspectives financières négatives, dont le groupe de travail a fait état dans son rapport, mais, comme il a été mentionné plus haut, la baisse des volumes de la poste‑lettres était en tête de liste, ou presque.
7.4 Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires de la Chambre des communes
Le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires de la Chambre des communes (le Comité) a examiné les conclusions du groupe de travail et consulté la population canadienne sur l’avenir de Postes Canada. Il a ensuite publié son rapport, La voie à suivre pour Postes CanadaNote de bas de page 31.
Ernst & Young, le cabinet comptable retenu par le groupe de travail d’évaluer la situation financière actuelle et future de Postes Canada, a témoigné devant le comité :
À plus long terme, les projections financières jusqu’en 2026 laissent entrevoir une situation insoutenable, avec des pertes annuelles de l’ordre de plus de 700 millions de dollars. Les facteurs de ces résultats négatifs sont multiples, mais comprennent l’érosion soutenue du courrier postal en raison de l’usage répandu des communications électroniques; la pression inflationniste sur les coûts; l’agrandissement du réseau lié à la croissance démographique au Canada; la concurrence, notamment la venue de nouveaux fournisseurs de services, des fournisseurs de services à moindre coût et l’avènement de technologies perturbatrices; et les besoins de financement du régime de retraite. Notre analyse nous porte à croire que le montant des pertes projetées par Postes Canada se situe à la limite optimiste de la fourchette des pertes estimatives raisonnables. Il pourrait être plus élevé (accentuation ajoutée dans la citation)Note de bas de page 32.
Le Comité a conclu :
…que la Société doit effectuer d’importants changements afin d’honorer son mandat et de fournir des services de qualité répondant aux besoins des Canadiens, et ce, à un prix raisonnable et de façon financièrement autosuffisanteNote de bas de page 33.
7.5 Le service postal du Canada : un lien vital pour les collectivités rurales et éloignées
En décembre 2024, le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires a publié son dernier rapport. Tout en mettant l’accent sur le maintien des services aux collectivités éloignées, rurales et autochtones, le rapport note : « Le paysage concurrentiel a été profondément bouleversé ces dernières années, et Postes Canada doit s’adapter à ces changementsNote de bas de page 34. »
7.6 Postes Canada – rapports annuels
Dans son dernier rapport annuel, celui de 2023, Postes Canada a présenté les choses telles qu’elles sont. Elle y fait mention, bien sûr, des pertes de 548 millions de dollars en 2022 et de 748 millions de dollars en 2023 :
Sans solution pour régler les problèmes structurels de notre modèle d’exploitation, nous prévoyons des pertes plus importantes et de plus en plus insoutenables au cours des prochaines années.
Malgré l’augmentation du prix des timbres récemment proposée par Postes Canada, la Société prévoit que, sans emprunts et refinancements supplémentaires, elle ne sera plus en mesure de couvrir ses besoins en trésorerie d’exploitation et de réserve d’ici le début de 2025Note de bas de page 35 (accentuation ajoutée dans la citation).
…
La situation financière de Postes Canada n’est pas viable. Depuis 2018, la Société a enregistré d’importantes pertes annuelles attribuables à l’évolution rapide des secteurs de la livraison des lettres et des colis, ainsi que par des mesures réglementaires désuètes qui entravent la capacité de l’entreprise à évoluer et être compétitive [...] Sans la mise en place de changements et de nouveaux paramètres de fonctionnement pour répondre aux défis qui se dressent devant nous, nous prévoyons des pertes plus importantes et de plus en plus insoutenables au cours des prochaines annéesNote de bas de page 36.
…
Sans emprunts et refinancements supplémentaires, nous prévoyons que nous ne serons plus en mesure de couvrir nos besoins en trésorerie d’exploitation et de réserve d’ici le début de 2025. La Société a actuellement des prêts et des emprunts de 1 milliard de dollars, dont 500 millions de dollars seront exigibles en juillet 2025. De nouveaux emprunts et d’autres mesures d’injection de liquidités d’au moins 1 milliard de dollars seront requis pour 2025, y compris le refinancement de 500 millions de dollars d’une dette existante. Selon la situation financière actuelle, un emprunt d’au moins 1 milliard de dollars sera nécessaire en 2026 et chaque année par la suite pour maintenir nos activités et respecter nos obligations envers notre personnelNote de bas de page 37.
Si ce n’était de la santé du régime de retraite et de l’exonération des cotisations, l’insolvabilité serait survenue plus tôt.
En effet, dans sa mise à jour du troisième trimestre de 2023 (avant le dépôt du rapport annuel de 2023), Postes Canada a déclaré : « Nous collaborons activement avec notre unique actionnaire, le gouvernement du Canada, afin d’élaborer des solutions visant à résoudre et à atténuer les pressions sur les liquiditésNote de bas de page 38 ». L’existence de ces consultations continues annoncées publiquement entre Postes Canada et le gouvernement du Canada, qui ont mené à l’annonce du prêt ou de la marge de crédit de janvier 2025, n’était un secret pour personne.
La seule conclusion à tirer est que la situation financière de Postes Canada et ses principales causes sont connues depuis des années. Son insolvabilité imminente était prévue en 2023 et a conduit à des discussions sur l’allègement du déficit de solvabilité en 2024 et à l’annonce faite par le gouvernement du Canada en janvier 2025. En effet, le gouvernement avait déterminé que, sans l’injection de fonds, Postes Canada ne serait pas en mesure de poursuivre ses activités. Lorsqu’il a annoncé l’octroi du prêt ou de la marge de crédit, il avait alors déclaré ceci : « Cette injection de fonds lui permettra d’éviter l’insolvabilité et d’assurer la continuité des services postaux. » On peut être sceptique face à cette déclaration, mais il n’y a aucune raison de demander un examen par un tiers indépendant. Les états financiers font l’objet d’un audit. Ils ont été examinés par des fonctionnaires du ministère des Finances et approuvés par le vérificateur général du Canada. Ils ont été préparés conformément aux principes comptables généralement acceptés. L’idée que la crise a été créée de toutes pièces est en contradiction avec les données probantes objectives, qui sont toutes ouvertes et transparentes. Chacune des préoccupations exprimées par le STTP au sujet des états financiers a été examinée et réfutée de manière convaincante au cours des audiences de la commission. Au bout du compte, le STTP n’avait que des soupçons et rien pour les étayer.
D’autres observations sont nécessaires. Cette situation est loin d’être celle d’un employeur qui plaide la pauvreté pour justifier des concessions dans le cadre de négociations collectives et qui ne donne pas accès à ses livres. Je ne suis pas convaincu par l’affirmation du STTP selon laquelle la mauvaise gestion et l’incompétence de Postes Canada sont les raisons de la situation financière actuelle. Même en supposant que la Société ait pris de bonnes et de mauvaises décisions opérationnellesNote de bas de page 39, les principales raisons des pertes financières sont faciles à cerner. Il y a eu le déclin de la poste‑lettres causé par la substitution électronique et l’augmentation du nombre de colis postaux, maintenant principalement livrés par des concurrents; les règles de travail de la convention collective qui empêchent Postes Canada d’exercer des droits de gestion fondamentaux tels que l’attribution de tâches supplémentaires aux employés en poste lorsqu’ils ont terminé les tâches qui leur ont été assignées (heures non travaillées) et l’embauche d’employés à temps partiel la fin de semaine et pendant d’autres périodes de grand volume; et les contraintes imposées par le gouvernement, à savoir les moratoires sur la fermeture des bureaux de poste ruraux et l’arrêt de la conversion des boîtes postales communautaires (moratoires qui doivent être annulés si Postes Canada veut avoir un avenir financièrement viable).
Auparavant, Postes Canada avait réussi au fil du temps à atteindre un minimum de viabilité financière en alliant le privilège exclusif et l’obligation d’assurer un service universel, ce qui lui a même permis de réaliser des profits pendant de nombreuses années. Aujourd’hui, le privilège exclusif est presque totalement dénué de sens et ne sera bientôt plus du tout pertinent, car le déclin de la poste‑lettres est presque certainement irréversible. Assurer un avenir financièrement viable sera un défi, mais la trajectoire actuelle, en l’absence de changement, ne mène que dans une seule direction : des déficits annuels continus et croissants. Il existe cependant une voie possible pour l’avenir. Il faut effectivement maintenir l’obligation d’assurer un service universel et continuer à assurer la livraison de la poste‑lettres, même si celle-ci est en baisse, et des colis à chaque adresse au Canada, mais il faut le faire d’une manière adaptée à la réalité d’aujourd’hui et de demain, et non pas à celle d’hier. Il en va de l’intérêt national. Le gouvernement du Canada, Postes Canada et le STTP doivent tracer une nouvelle voie.
Cela ne sera pas facile.
8. Une institution nationale indispensable qui mérite d’être préservée
Les organisations et les personnes qui ont déposé des présentations, tout comme Postes Canada et le STTP, ont, dans une très large mesure, convenu de ce qui suit : Postes Canada est une institution nationale indispensable qui a un rôle permanent à jouer dans l’édification de la nation. Il y a de solides arguments à l’appui de l’idée que Postes Canada ne devrait pas et, pour des raisons pratiques, ne peut pas avoir un mandat basé sur le profit. Il s’agit d’un service public précieux qui doit continuer d’être offert et qui est important en raison de la taille de notre pays et de notre engagement les uns envers les autres, qui inclut la nécessité d’assurer la distribution du courrier - selon un mode de livraison logique - et des colis à tout le monde, y compris dans les communautés rurales, éloignées et autochtones. Le Canada est bien plus qu’une source de clients.
Sur le millier de présentations déposées devant la Commission, il y en a eu, au plus, quelques-unes qui suggéraient la privatisation. Mais il n’est pas productif de considérer Postes Canada comme une entreprise et de continuer à lui imposer un mandat législatif pour atteindre la viabilité financière. Les principes commerciaux de profits et de pertes ne peuvent s’appliquer dans un monde où la Loi et le Protocole du service fixent les règles de gouvernance, et dans un monde où les poste-lettres sont en voie de disparition, mais sur lesquels de nombreux Canadiens dépendent encore. À mesure que les services à large bande s’élargissent et deviennent presque universels sous l’impulsion des marchés, des politiques gouvernementales et des subventions et que les aînés de l’ère de la technologie analogique sont de moins en moins nombreux, il en va de même pour le volume limité et en chute libre des poste-lettres. De plus en plus, les factrices et facteurs se contentent de livrer des lettres. Le fait est que les choses changent : dans les années 1950, le courrier était livré deux fois par jour dans de nombreuses régions du Canada, mais cette pratique n’existe plus. La livraison quotidienne à domicile d’une quantité minime et décroissante de lettres (à environ 25 % des adresses de particuliers, et non d’entreprises) doit être supprimée si Postes Canada veut survivre. La livraison du courrier peut et doit se poursuivre, mais le mode de livraison doit changer.
En ce qui concerne la livraison de colis, les concurrents du secteur privé sont motivés, bien financés, introduisent constamment de nouvelles technologies et parviennent à s’emparer de ce marché en pleine croissance. Un chiffre en dit long : en 2019, la part du marché des colis de Postes Canada a atteint 62 %. En 2023, ce chiffre a chuté à 29 %, malgré les efforts déployés par Postes Canada pour accroître sa capacité et améliorer son serviceNote de bas de page 40. Selon le STTP, cette statistique est « trompeuse », car elle ne tient compte que des colis expédiés à des adresses résidentielles dans le cadre du commerce électronique et ne reflète pas l’ensemble du marché des colis, où la part de marché de Postes Canada, exprimée en pourcentage des recettes, est demeurée stableNote de bas de page 41. Postes Canada n’est pas d’accord, attirant l’attention, par exemple, sur son rapport annuel 2023Note de bas de page 42. Un fait fondamental demeure néanmoins : le défi immédiat de Postes Canada est de conserver la partie du marché qu’elle dessert actuellement et, en se montrant plus réactive et plus efficace, d’assurer la croissance de ses activités dans les années à venir.
Entre-temps, Postes Canada à l’obligation d’assurer un service universel, une exigence législative prévue dans la Loi qui fait partie des normes de service énoncées dans le Protocole du service postal, et elle est responsable de la livraison à plus de 17 millions d’adresses canadiennes et est toujours une organisation sur laquelle comptent les Canadiens de partout au pays, à des degrés plus ou moins importants. Postes Canada est un service public, pas une entreprise au sens conventionnel du terme, et la question à laquelle le gouvernement du Canada doit répondre - le plus tôt possible - est : quel montant est-il prêt à octroyer chaque année, et pour combien de temps? La double exigence prévue par la Loi, selon laquelle Postes Canada doit veiller à l’autofinancement de son exploitation dans des conditions de normes de service adaptées aux besoins de la population du Canada et comparables pour des collectivités de même importance, n’est pas facile à concilier. Il est peu probable que Postes Canada ne dépende plus des crédits gouvernementaux dans les années à venir (même avec les changements recommandés dans le présent rapport).
Il est facile de conclure que la promesse de livrer à chaque adresse canadienne - cet engagement envers notre population éloignée - vaut la peine d’être préservée. Il en va de l’intérêt national. Mais le corollaire est de reconnaître que Postes Canada est un service public avec un objectif de politique publique, et non une entreprise, et qu’elle a peu d’espoir, dans un avenir prévisible, d’atteindre le seuil de rentabilité maintenant que le contexte de la livraison a si radicalement changé (un processus à l’étude dans le cadre duquel des drones et des voitures robots effectuent des livraisons est imminent). Il ne fait aucun doute que pour commencer à être plus concurrentiel, Postes Canada aura besoin d’importantes dépenses en capital dans les années à venir. Bon nombre de ses concurrents ont des ressources financières quasi illimitées, et l’innovation en matière de livraison est une constante.
Les enjeux sont importants pour la population du Canada, pour Postes Canada, pour le STTP et pour ses membres. La question réelle et immédiate n’est pas de savoir si Postes Canada peut recommencer à être viable financièrement; une telle situation serait la bienvenue (voire miraculeuse). La question est donc de déterminer ce qu’il faut faire aujourd’hui et demain, et comment le faire pour que Postes Canada puisse continuer à fournir des services de base à la population du Canada de la manière la plus efficace et la plus rentable possible. Cela doit être la première question sur laquelle se pencher. Avant d’aborder ce point, il convient de rappeler les raisons de l’échec des négociations collectives.
8.1 Raisons de l’échec de la négociation collective
Les parties ont consacré des centaines de jours à la négociation collective bilatérale, mais ne sont pas parvenues à se mettre d’accord sur les conditions de renouvellement des conventions collectives. Elles n’ont pas pu se mettre d’accord même avec l’aide des médiateurs experts, expérimentés et extrêmement efficaces de Travail Canada. Au lieu de résoudre les différends, un conflit de travail de cinq semaines a éclaté, qui n’a pris fin qu’avec l’intervention du ministre du Travail. Les raisons de l’impasse sont à la fois simples et compliquées. Les parties ont des visions du monde et des évaluations des défis à relever et des solutions à y apporter qui sont diamétralement opposées.
Les parties auront une nouvelle occasion de parvenir à une convention collective à partir du 22 mai 2025. Le STTP a un choix immédiat à faire : continuer à adhérer à des affirmations objectivement réfutées sur la situation financière de Postes Canada et sur les défis auxquels sont confrontés les services de livraison de lettres et de colis, ou reconnaître que la situation financière de Postes Canada exige une réorientation immédiate de sa stratégie globale en matière de négociation. Il doit également accepter que Postes Canada n’existe pas pour fournir un emploi aux membres du STTP. Postes Canada existe pour une seule raison : livrer des lettres et des colis à la population canadienne.
Il existe toutefois plusieurs points d’entente.
Les parties conviennent que le volume des poste-lettres a diminué et continuera de diminuer. Le STTP admet à contrecœur que la baisse des volumes de lettres et de colis a eu des répercussions sur la situation financière de Postes Canada : Le STTP reconnaît également que Postes Canada « doit générer de nouveaux revenus...Note de bas de page 43. » Les parties conviennent que la priorité immédiate est de proposer la livraison de colis la fin de semaine; si l’on n’y donne pas suite, la part de marché de Postes Canada continuera de diminuer.
Lors de la négociation collective qui a précédé le conflit de travail, les parties sont parvenues à s’entendre, ou à s’entendre partiellement, sur de nombreux points de fond et d’ordre administratif. Lors des séances de médiation organisées par la Commission en janvier et en mars, des progrès importants ont été réalisés sur d’autres points (même si soumis à une entente globale), en particulier sur des parties importantes de la convention collective des Factrices et facteurs ruraux et suburbains (FFRS) et sur les révisions du régime d’invalidité de courte durée (RICD).
Le terrain d’entente s’arrête ici. Il y a une polarisation de l’opinion et une impasse, comme en témoignent les 200 jours de négociation qui n’ont pas abouti à un accord. Cela ne constitue pas une norme, même dans le cas de conflits complexes liés à des négociations collectives, où l’une ou l’autre des parties, voire les deux, cherchent à obtenir des changements considérables. L’impasse a conduit au conflit de travail. Cette même impasse a conduit à l’absence d’entente pendant les deux jours de médiation avant que la Commission n’entame ses audiences, et lors des deux autres jours après. Toutes ces négociations se sont déroulées dans le contexte d’une crise financière, mais les parties n’ont pas réussi à trouver un moyen de se concentrer sur la résolution de cette crise. On aurait pu penser que cela aurait été leur grande priorité commune.
Postes Canada insiste sur le fait qu’il faut entamer un processus qui mènera en bout de piste à un changement transformateur. Pour Postes Canada, il s’agit d’une situation existentielle. Si l’organisation ne parvient pas à réorienter ses activités et à s’adapter à la nouvelle réalité commerciale engendrée par le recours aux services électroniques et la concurrence sur le marché des colis, il lui sera difficile de respecter son obligation de service universel et les exigences du Protocole du service sans continuer à accumuler des déficits. Selon Postes Canada, le maintien du statu quo ne peut pas être la solution pour assurer son avenir. Pour sa part, le STTP entend défendre les acquis de décennies de négociations collectives, ce qui est tout à fait compréhensible. Entre ces positions opposées, il faut finir par trouver un terrain d’entente qui reconnaisse que les deux parties ont des intérêts légitimes. La réalité doit néanmoins être reconnue et prise en compte, et il faut commencer par accepter la réalité financière.
Le STTP rejette l’affirmation de Postes Canada selon laquelle la crise financière est existentielle et que, sans l’aide financière du gouvernement du Canada en janvier 2025, Postes Canada n’aurait pas été en mesure de respecter ses obligations financières actuelles. Sans jamais mettre en évidence de manière convaincante quoi que ce soit de répréhensible dans les livres vérifiés - et examinés rigoureusement - le STTP affirme qu’il a des motifs légitimes d’accueillir les rapports financiers de Postes Canada avec un réel scepticisme. Le point de vue du STTP est renforcé par le fait que Postes Canada n’a pas répondu à certaines questions détaillées du syndicat sur les coûts de la convention collective et n’a pas fait preuve de transparence dans les discussions qui ont mené au prêt de plus d’un milliard de dollars consenti par le gouvernement du Canada. Dans ces circonstances, le STTP demande un examen financier indépendant pour connaître la vérité. Le point de vue du STTP est résumé par sa mention de la crise financière de Postes Canada comme étant une « crise financière »; les guillemets indiquant son rejet de ce fait établiNote de bas de page 44. De plus, selon le STTP, s’il y a des problèmes, c’est à Postes Canada de les régler, et le coût des mesures nécessaires ne devrait pas être payé par ses membres (bien que toute économie réalisée grâce à l’introduction de changements technologiques devrait être partagée avec eux). Pour les raisons déjà évoquées, la situation financière a été décrite avec précision et l’insolvabilité est réelle. Il ne serait pas productif de se concentrer sur le passé et de rejeter la responsabilité sur quiconque. Tout ce qui compte, c’est de résoudre le problème ou de faire tout en son pouvoir pour y parvenir. Il devrait s’agir d’un intérêt que les parties ont en commun.
8.2 Les dispositions en vigueur de la convention collective ne sont pas la solution
Selon le STTP, les conventions collectives actuelles fournissent à Postes Canada les outils dont l’organisation a besoin pour mettre en place la livraison de colis la fin de semaine (et faire preuve de souplesse à d’autres moments). C’est insoutenable. Les parties n’ont pas l’habitude d’utiliser les dispositions en vigueur des conventions collectives pour tester et instaurer les changements nécessaires. Rien ne laisse croire que l’environnement conflictuel et litigieux actuel s’améliorera à l’avenir.
Le processus de restructuration des itinéraires, c’est-à-dire, recourir à des centaines d’employés de Postes Canada pour étudier et mettre en œuvre des changements d’itinéraires dans le cadre d’un processus qui peut prendre des années, ne convient pas à la situation actuelle, qui nécessite des changements quotidiens en fonction de l’évolution des volumes. L’annexe S - Modèle de livraison des colis (voir section D.2.2.9) - prévoit l’obligation de consultation et de conclusion d’une entente. Le modèle est assujetti à tant de conditions et de garde-fous qu’il ne constitue pas une réponse satisfaisante au problème de la flexibilité et de la livraison des colis (en particulier parce qu’il empêche Postes Canada de livrer tous ses produits en même temps dans un seul camion au cours de la semaine). L’annexe T - le comité de l’expansion du service, de l’innovation et du changement (D.1.8.1) - peut avoir son utilité, mais trouver une solution à la situation immédiate ne fait pas partie de son mandat. L’annexe AA - le modèle des opérations de levée et de livraison (D.1.9.1) - est un échec avéré, les deux parties s’accusant d’avoir fait échouer le projet pilote du dépôt Champlain (D.1.9)). L’annexe JJ - le ramassage et la livraison de colis en dehors du réseau de livraison régulière quotidienne (D.2.2.8) n’ont pratiquement aucune valeur. Cette option se limite aux « nouveaux produits et/ou services offerts ». Il n’existe aucun moyen pratique pour Postes Canada de distinguer les nouveaux produits à livrer et/ou services à offrir la fin de semaine. Il est difficile de croire que quelqu’un puisse un jour concevoir et accepter ce type de modèle de livraison. Même si cette distinction pouvait être faite - ce qui n’est probablement pas le cas - Postes Canada ne serait toujours pas en mesure de proposer la livraison de colis sept jours sur sept d’une manière commercialement raisonnable. L’annexe QQ - Mise à jour du volume des itinéraires des factrices et facteurs - permet de modifier les itinéraires, mais pas d’une manière qui tienne compte du fait que les volumes peuvent augmenter ou diminuer.
Dans ces circonstances, insister - comme le fait le STTP - sur le fait que les dispositions de la convention collective en vigueur permettent d’apporter les changements nécessaires (comme l’instauration de la livraison de colis la fin de semaine et de modalités flexibles pendant la semaine) est faux et improductif. En effet, les dispositions en vigueur, telles que décrites ci-dessus, nécessitent tellement de temps et comportent tellement de conditions, d’entraves et de garde-fous qu’elles sont manifestement inadaptées et, plus important encore, inapplicables pour résoudre les défis actuels. La proposition du STTP, formulée lors des audiences de la Commission en février, d’instaurer la livraison de colis la fin de semaine avec des employés à temps plein, n’était pas à la hauteur. Au lieu de donner à Postes Canada la flexibilité dont elle a besoin pour ajuster l’effectif en fonction des volumes, si elle était adoptée, la proposition aurait presque certainement donné lieu à des inefficacités coûteuses, en particulier l’augmentation du temps perdu. C’est pour avoir la possibilité d’ajuster leurs effectifs en fonction de l’évolution de leurs besoins que les employeurs font généralement appel à des employés à temps partiel ou occasionnels, ce que ne permet pas un effectif à temps plein dont la semaine de travail est garantie. Il va sans dire : L’utilisation d’un effectif diversifié (à temps plein, à temps partiel et occasionnel) pour éviter les heures supplémentaires est une pratique normale qu’exerce toute entreprise dont les volumes et les besoins en personnel fluctuent. Les heures supplémentaires ne constituent normalement pas un droit pour les salariés; il s’agit d’un dernier recours pour l’employeur.
Ainsi, l’affirmation du STTP selon laquelle les outils existent déjà, de même que sa proposition compliquée et contre-intuitive d’embaucher plus d’employés à temps plein pour travailler à temps plein les fins de semaine, mène à la conclusion que le STTP défend le statu quo. Ce qui serait compréhensible si Postes Canada n’était pas dans la pratique insolvable. Le STTP esquive les principales questions, soit le besoin urgent d’aborder de façon appropriée la viabilité financière en trouvant un terrain d’entente sur la façon d’instaurer la livraison de colis sept jours par semaine et d’autres dispositions nécessaires pour avoir plus de flexibilité sur le plan de la livraison. Il faut malheureusement noter que le STTP a déclaré avoir fait une « concession majeure en acceptant la demande de Postes Canada concernant la livraison des colis la fin de semaine, et ce, tant pour le samedi que pour le dimanche.Note de bas de page 45 » Cette « concession majeure » est au cœur de la survie de Postes Canada, sans parler des emplois des hommes et des femmes - les membres du STTP - qui y travaillent.
8.3 Élargir les activités n’est pas la solution
Les propositions du STTP pour élargir les activités, et toutes ses suggestions pour une raison ou une autre et dans une mesure plus ou moins grande, ont un air d’irréalité presque totale (même si certains résultats de sondages remontants à il y a quelque temps indiquent des degrés variables de soutien du public lorsque certaines d’entre elles ont été présentées dans l’abstrait). Le STTP a proposé un bouquet de projets décrits par Jan Simpson, présidente nationale du STTP, comme visionnaires, mais qui nécessitent tous une étude plus approfondie, un calcul des coûts, un examen et des projets pilotes.
Même en supposant, à des fins purement hypothétiques, que certaines des propositions du STTP soient prometteuses, il est nécessaire de réorienter immédiatement l’activité principale afin de faciliter la livraison de colis sept jours sur sept et d’utiliser les employés le plus efficacement possible. Et cela commence par la capacité de réattribuer du travail afin que les employés travaillent les heures pour lesquelles ils sont payés. Le point de vue du STTP sur le temps perdu et l’incapacité pratique de Postes Canada à réaffecter le travail n’est pas défendable, car les charges de travail peuvent être rééquilibrées le matin avant que les factrices et facteurs ne commencent leurs itinéraires. Sa proposition d’embaucher plus d’employés à temps plein pour effectuer la livraison dans un environnement où le volume est variable n’est pas défendable non plus. L’acheminement dynamique est pratiqué par toutes les entreprises de messagerie, à l’exception de Postes Canada.
Le moment ne sera peut-être jamais idéal, mais ce n’est pas le moment de gaspiller des ressources limitées pour faire des études et des projets pilotes. Voici trois exemples extrêmes de propositions du STTP : (1) l’instauration d’un service de vérification pour les personnes âgées (alors que des programmes de soins à domicile provinciaux sont déjà en place), (2) l’établissement de marchés artisanaux dans les succursales postales, ou (3) la transformation des succursales postales en centres sociaux communautaires. Lancer une plateforme de commerce électronique pour soutenir les petites et moyennes entreprises au Canada n’est pas une proposition crédible dans un marché déjà dominé par certains fournisseurs - un, en particulier - de ce même service. La même observation s’applique aux livraisons de produits alimentaires. Le marché est saturé.
Dans d’autres pays, les services bancaires postaux sont bien établis et rentables. Les Canadiens, quant à eux, effectuent de plus en plus leurs transactions bancaires au moyen de leur téléphone. Plus important encore, il est difficile de concevoir que c’est une bonne idée pour une entreprise qui est en fait insolvable de se lancer dans des activités non essentielles et non éprouvées, et pour lesquelles il n’existe aucune prévision en matière de marché et de revenus, en particulier dans des domaines comme les services bancaires et les assurances, où les Canadiens sont déjà très bien servis. (Et dans la mesure où certains Canadiens n’ont pas accès aux services bancaires et autres services financiers, ce problème ne sera probablement pas résolu en les rendant disponibles dans un bureau de poste local). Les banques et les sociétés de fiducie canadiennes ferment des succursales. Quelle raison pourrait-on avoir de transformer des milliers de succursales postales en institutions financières, même si les nombreux autres défis liés à l’entrée dans ce secteur mature, fortement réglementé et protégé pouvaient être surmontés d’une manière ou d’une autre? (L’incursion limitée de Postes Canada dans le secteur des services financiers laisse perplexe à un moment où la société est en proie à des difficultés financières; et les premiers rapports sur ces efforts n’inspirent guère confiance.Note de bas de page 46) Bon nombre des propositions du STTP ne sont pas nouvelles. Elles ont été examinées, et certaines ont même été adoptées en tant que recommandations, lors de l’examen du Comité en 2016.
Les négociations ont largement échoué parce qu’une des parties, le STTP, défend le statu quo et veut l’améliorer, par exemple en renforçant la sécurité d’emploi et en améliorant la rémunération totale et les conditions d’emploi, qui sont les meilleures de leur catégorie. Il insiste sur le fait que Postes Canada devrait être un employeur modèle et décrit en détail ce à quoi cela ressemblerait (voir D.1 à l’onglet D). L’autre partie, Postes Canada, déclare que si l’objectif à long terme est de transformer le système, il n’y aura pas de solution à long terme à moins que l’hémorragie financière ne soit endiguée, que la livraison de colis la fin de semaine et d’autres mesures de flexibilité du personnel ne soient introduites, et que les moratoires sur la fermeture des bureaux de poste ruraux et la conversion aux boîtes postales communautaires ne soient levés (en supposant, bien sûr, qu’il y ait des limites à l’aide gouvernementale) (D.2). Souvent, les parties à une convention collective peuvent trouver un point d’entente entre leurs positions de négociation. Ce n’est pas le cas ici. Ces parties sont dans une impasse.
9. Conclusions
9.1 Situation financière de Postes Canada
La première question qui doit être abordée est la situation financière de Postes Canada. Postes Canada est, dans la pratique, insolvable, c’est la seule conclusion que l’on puisse tirer. Et le retour à l’autonomie financière de Postes Canada, même s’il est souhaitable, est un projet à long terme dans le meilleur des cas. En attendant, Postes Canada ne peut pas être considérée comme une entreprise, du moins pas comme une entreprise viable.
La Loi exige que Postes Canada « veille à l’autofinancement de son exploitation dans des conditions de normes de service adaptées aux besoins de la population du Canada et comparables pour des collectivités de même importance. » Comme indiqué ci-dessus, ce double objectif statutaire, même s’il était logique auparavant, ne l’est plus aujourd’hui, ce qui mène à la conclusion que la perspective de se conformer à la Loi est compromise. Les poste-lettres sont en voie de disparition, voire disparues, et les concurrents dans le secteur de la livraison des colis sont là pour rester. L’hypothèse de départ doit être que l’objectif de viabilité financière est actuellement ambitieux. Postes Canada a déjà été à la fois une entreprise et un service public, mais elle n’est plus aujourd’hui qu’un service public. Elle mérite d’être préservée, car de nombreuses entreprises et personnes en dépendent, dont les Canadiens des communautés rurales, isolées et autochtones. Mais pour la préserver, si le gouvernement du Canada n’a pas la volonté de maintenir indéfiniment le statu quo et de financer les déficits inévitablement croissants qui l’accompagneraient, il faut avoir des discussions difficiles sur ce que veulent les Canadiens et sur ce que le Canada peut se permettre. Dans le cadre de cette conversation, il faut parvenir à une entente, ou au moins fixer un objectif, sur ce que l’on entend exactement par autofinancement de l’exploitation de Postes Canada. S’agit-il d’un recouvrement total des coûts ou seulement d’une partie?
Ces conversations ne peuvent pas être fondées sur la nostalgie d’une époque révolue, celle des catalogues Eaton, des cartes de Noël exposées sur le manteau de la cheminée et des boîtes aux lettres débordant de lettres personnelles bienvenues et de factures importunes (souvenirs nostalgiques qui subsistent dans le cœur et l’esprit de moins en moins de Canadiens), mais sur la réalité objective de ce qui doit être fait à court, moyen et long terme pour rendre Postes Canada aussi efficace que possible afin qu’elle puisse continuer à mener à bien son objectif national de livraison à chaque adresse canadienne, conformément à l’obligation d’assurer un service universel et à un Protocole du service remanié.
Bien que le STTP ait formulé sa présentation de manière plus générale, je suis d’accord avec les conclusions suivantes du STTP et je les approuve :
« La meilleure forme de sécurité de l’emploi à Postes Canada réside dans la prestation de services de qualité au publicNote de bas de page 47. »
Certains opérateurs postaux ont innové et tiré parti de la diversification de leurs services, mais leurs activités de base demeurent la livraison du courrier et des colis. En gérant de manière efficace ses activités de base tout en s’adaptant à la nouvelle demande du marché (livraison le jour même, en soirée et les fins de semaine), Postes Canada en sortirait gagnanteNote de bas de page 48.
9.2 Besoin exprimé par Postes Canada de diversifier ou de modifier ses modèles de livraison en fonction des exigences commerciales actuelles
9.2.1 Diversification
Postes Canada n’a pas exprimé le besoin de diversifier ses activités. C’est le contraire qui est vrai : Postes Canada a exprimé le besoin de se concentrer sur ses services de base, à savoir la livraison de colis sept jours sur sept (et non de se lancer dans de nouveaux secteurs d’activité incompatibles avec le mandat que lui confèrent la Loi et le Protocole du service, à un moment où il existe une crise urgente à laquelle il faut répondre). L’instauration d’un effectif à temps partiel la fin de semaine et d’autres mesures d’amélioration de l’efficacité pendant la semaine constituent la priorité immédiate, mais il ne s’agit là que des premières étapes. Postes Canada doit rattraper ses concurrents. Cela est dans l’intérêt commun de la population du Canada, de Postes Canada, du STTP et de ses membres. La livraison de colis sept jours sur sept doit être accompagnée de mesures d’innovation technologique continues, et ce, surtout pour conserver la part du marché des colis que Postes Canada détient actuellement et non pour accroître l’entreprise.
9.2.2 Modification des modèles de livraison
Pour être concurrentielle, Postes Canada doit offrir la livraison de colis sept jours sur sept. Les parties ne sont pas d’accord sur la question de savoir si la convention collective en vigueur permet de le faire. Postes Canada dit non; le STTP dit oui.
Pour les raisons exposées ci-dessus, il est facile de conclure que les dispositions de la convention collective en vigueur ne permettent pas d’établir de manière économique et judicieuse un effectif à temps partiel et de modifier les itinéraires en temps réel pour tenir compte de la fluctuation du volume et d’éliminer le temps perdu et les heures supplémentaires. Il n’existe aucun argument convaincant pour justifier qu’une entreprise - en particulier une entreprise qui est dans la pratique insolvable - soit placée dans une situation où elle doit payer des personnes pour 8 heures de travail par jour et ne pas pouvoir les réaffecter à une autre tâche si elles finissent plus tôt (ou si l’on s’attend à ce qu’elles finissent plus tôt). Il n’existe aucun argument convaincant pour justifier qu’une entreprise - en particulier une entreprise qui est dans la pratique insolvable - ne puisse pas compter sur des employés à temps plein, à temps partiel et occasionnels pour répondre à la demande fluctuante (besoins des clients) et éviter les heures supplémentaires. Il n’y a pas d’argument convaincant pour dire que la prise en charge des itinéraires devrait empêcher Postes Canada de modifier les itinéraires en temps réel en fonction du volume. Oui, il est normal que les employés fassent valoir leur ancienneté pour choisir des itinéraires. Mais non, ces itinéraires ne peuvent pas être coulés dans le béton, ce qui empêcherait toute modification visant à s’assurer que les employés travaillent les heures pour lesquelles ils sont payés et que les heures supplémentaires sont évitées. Rééquilibrer les charges de travail est logique. L’acheminement dynamique devrait faire l’objet d’un projet pilote de grande envergure. (Le STTP reconnaît que l’acheminement dynamique, ainsi que d’autres mesures, peut entraîner d’importantes économiesNote de bas de page 49.) Ces parties doivent faire tout ce qu’elles peuvent raisonnablement faire (espérons une collaboration dans le cadre d’une mission commune) pour réaliser des gains d’efficacité afin que Postes Canada puisse continuer à remplir son seul objectif : livrer à chaque adresse au Canada.
9.3 Viabilité de Postes Canada dans sa configuration actuelle
Postes Canada n’est pas viable dans sa configuration actuelle. L’organisation est dans la pratique insolvable. Les règles de travail en sont en partie la raison. Les moratoires sur les fermetures de bureaux de poste ruraux et les conversions aux boîtes postales communautaires en sont une autre. Ces deux moratoires témoignent de la fidélité à une vision de Postes Canada datant des 19e et 20e siècles, et non à une vision fondée sur les réalités du 21e siècle. Le moratoire sur les conversions aux boîtes postales communautaires a été instauré en 2015 : Le gouvernement du Canada a « conseillé » à Postes Canada de suspendre son programme de conversion. Cette directive de l’actionnaire a été officialisée dans la lettre de mandat de la ministre de Services publics et Approvisionnement à la nouvelle présidente du conseil d’administration de Postes Canada le 24 janvier 2018 :
Fin du programme de conversion du mode de livraison du courrier à domicile aux boîtes postales communautaires
[traduction] Tout d’abord, comme il s’y est engagé auprès des Canadiens, le gouvernement met fin au programme de conversion du mode de livraison à domicile aux boîtes postales communautaires. La livraison à domicile se poursuivra pour les foyers qui en bénéficient déjàNote de bas de page 50.
Peu importe les raisons qui ont motivé l’imposition des deux moratoires, il n’en reste pas moins que ces derniers sont désormais totalement incompatibles avec l’objectif d’atteindre la viabilité financière (et ils ne sont justifiés par aucune analyse objective tenant compte du déclin des poste-lettres et des possibilités d’économies qu’offrira la levée des moratoires). Le gouvernement du Canada a décidé d’imposer des moratoires. Ils ne sont pas le fruit de négociations collectives. Le gouvernement du Canada peut décider de les lever.
La fermeture de certains bureaux de poste ruraux serait évidemment politiquement délicate. Même si l’on tient des consultations publiques sur le sujet, il est plus que probable que les communautés locales s’y opposeront vigoureusement, tout comme le syndicat : « Le STTP, de concert avec ses alliés du mouvement syndical et le soutien des organisations rurales, des retraités, des étudiantes et étudiants et de ses alliés politiques, luttera contre toute tentative de fermeture des bureaux de posteNote de bas de page 51. » Inévitablement, il y aura un coût humain qui peut, et doit, être atténué par des modalités justes et appropriées négociées par les parties. Certaines de ces décisions seront plus faciles à prendre : de nombreuses localités autrefois classées comme rurales sont aujourd’hui urbaines.
Il n’y a aucun argument (autre que celui du STTP sur le modèle d’employeur public) démontrant que franchiser ces services - c’est-à-dire fermer des bureaux de poste autrefois ruraux, aujourd’hui suburbains, pour les transférer à des pharmacies et à d’autres lieux où les Canadiens font leurs courses - n’est pas une décision commerciale intelligente et pratique. (Le coût politique est toutefois une autre question). On en a décidé autrement il y a quelques années (et le STTP était, et reste, entièrement d’accord).
Les arguments en faveur de la conversion aux boîtes aux lettres communautaires sont encore plus solides. Comme Postes Canada l’a souligné dans sa présentation, les maisons construites dans les nouveaux lotissements au cours des 40 dernières années reçoivent leur courrier dans des boîtes postales communautaires; aucune nouvelle adresse n’a été ajoutée à la livraison à domicile. Par ailleurs, environ 40 % des coûts de livraison sont consacrés à desservir moins de 25 % des adresses canadiennes. La livraison à domicile coûte 75 % de plus que la livraison dans une boîte postale communautaire (284 $ par adresse contre 162 $)Note de bas de page 52.
Les citadins marchent jusqu’à leur boîte postale ou bureau de poste du coin (généralement situés dans des pharmacies) ou s’y rendent en voiture ou en transport en commun pour acheter des timbres et faire livrer des colis. Bon nombre de personnes résidant en banlieue marchent jusqu’à leur boîte postale communautaire. Le STTP n’est pas d’accord : il conteste les économies potentielles et fait ressortir les problèmes liés à l’accès (personnes âgées et en situation de handicap), à la sécurité (vol et vandalisme) et à l’environnement (augmentation des gaz à effet de serre) et d’autres inconvénients (qu’il a exposés dans sa présentation).
Le STTP préfère les méthodes de livraison « qui n’exigent pas un déplacement risqué sur des trottoirs glacés pour obtenir son courrierNote de bas de page 53. » Certes, les aînés sont disproportionnellement plus susceptibles de glisser et de tomber, mais ce risque existe, que l’on se rende à une boîte postale communautaire ou à n’importe quel autre endroit. Dans un autre exemple, le STTP affirme que les boîtes postales communautaires ont « fait diminuer la valeur et le prix des maisons situées à proximitéNote de bas de page 54. » Le STTP a beaucoup d’autres raisons pour justifier son opposition à la levée du moratoire sur les conversions aux boîtes postales communautaires, mais il n’aborde jamais un fait fondamental : Le nombre de poste-lettres diminue d’année en année; actuellement on compte deux lettres par adresse par semaine. Personne ne peut sérieusement croire qu’il est judicieux d’utiliser des fonds publics et d’enregistrer un déficit pour soutenir ce volume ou, pire encore, pour soutenir la livraison à domicile de matériel promotionnel de masse.
Le contexte général est également important, et c’est l’ampleur du problème qui doit être abordé pour assurer l’avenir de Postes Canada. Il est évident que l’emplacement des boîtes postales communautaires devra être déterminé en collaboration avec les autorités municipales, après avoir pris en compte l’avis des résidents, l’accessibilité, les répercussions sur la circulation, le stationnement, le déneigement, l’éclairage, la sécurité, etc. Ces questions relatives à la planification ne sont pas insurmontables (comme le montre très clairement la présence de ces boîtes dans les nouveaux lotissements suburbains). Le Programme de mesures d’adaptation pour la livraison pour les aînés, les personnes en situation de handicap et les autres personnes vulnérables doit être revu et devra être maintenu, voire amélioré (et des mesures temporaires devront être mises en place, au besoin). Mais il n’y a aucune raison pour que les citadins, par exemple ceux qui vivent en banlieue, ne puissent pas se rendre à une boîte postale communautaire pour y récupérer leurs lettres (de moins en moins nombreuses) et leurs colis. Il existe une application de Postes Canada qui informe les destinataires de la livraison d’un colis dans une boîte postale communautaire. Aussi pratique que la livraison à domicile? Non. Une norme pour la plupart des Canadiens? Oui. Est-ce politiquement populaire? Oui et non. Cela dépend de la personne à qui l’on pose la question.
Si les décisions avaient été différentes et si ces moratoires n’avaient pas été imposés, la situation actuelle serait presque certainement différente (tout comme celle de Postes Canada). Quels sont les avantages potentiels de la levée des deux moratoires? Une étape majeure à la préservation d’une institution canadienne vitale. Les chiffres parlent d’eux-mêmes.
9.4 Les moratoires
9.4.1 Fin du moratoire sur les fermetures de bureaux de poste ruraux
Le moratoire sur la fermeture des bureaux de poste ruraux a été imposé par le gouvernement fédéral en 1994 et intégré au Protocole du service en 2009. Il empêche Postes Canada de fermer ou de franchiser près de 3 600 bureaux de poste que l’on a désignés comme étant situés dans des zones rurales en 1994. Selon le STTP, la question la plus appropriée à laquelle il faut répondre n’est pas de savoir combien on pourrait économiser en levant ce moratoire, mais combien on pourrait gagner en utilisant plus efficacement les installations postales et les bureaux de vente au détail plutôt qu’« en fermant des bureaux de poste, en supprimant de bons emplois, et en éliminant toute possibilité de transformer ses bureaux de poste ruraux grâce à la mise sur pied d’initiatives qui génèrent des revenus et la prestation de nouveaux servicesNote de bas de page 55. » Pour les raisons déjà évoquées, je suis d’avis que Postes Canada doit se concentrer sur la sauvegarde de son activité principale, et non sur la fourniture de nouveaux services.
Si ce moratoire était levé, il serait possible de fermer les bureaux de poste ruraux qui ne sont plus situés dans des zones rurales et de prendre des mesures judicieuses pour rendre les opérations plus efficaces et réaliser des économies tout en maintenant des niveaux de service appropriés pour les Canadiens de partout au pays, notamment dans les communautés rurales, éloignées et autochtones. Malheureusement, les économies estimées de Postes Canada ne sont pas suffisamment détaillées et doivent, par conséquent, être examinées de manière plus approfondie.
9.4.2 Fin du moratoire sur la conversion aux boîtes postales communautaires
En 2014, Postes Canada a lancé un projet quinquennal visant à convertir le mode de livraison du courrier à domicile pour un tiers des adresses canadiennes (environ 5 millions d’adresses) qui en bénéficiaient encore pour un mode de livraison dans des boîtes postales communautaires. En octobre 2015, Postes Canada avait converti le mode de livraison à domicile d’environ 830 000 ménages (~100 000 en 2014 et ~730 000 en 2015) répartis dans 78 municipalités canadiennes pour le mode de livraison dans des boîtes postales communautaires, générant environ 80 millions de dollars d’économies de coûts annualisées. En octobre 2015, cependant, le moratoire sur la conversion aux boîtes aux lettres communautaires a été imposé.
Si le moratoire était levé (c.-à-d., en ce qui concerne les quelque 4 millions d’adresses qui continuent de recevoir un service de livraison à domicile), Postes Canada estime que les économies de coûts annualisées découlant de ces nouvelles conversions (avec des programmes de mesures d’adaptation pour la livraison afin de maintenir l’accessibilité) s’élèvent à environ 350 millions de dollars par an (en supposant un état stable).
9.4.3 Conclusion sur les moratoires
Le gouvernement du Canada peut décider de subventionner indéfiniment les déficits croissants de Postes Canada. Ou bien les changements nécessaires peuvent être apportés pour moderniser la façon dont Postes Canada mène ses activités afin qu’elle puisse continuer à fournir ses services à toutes les adresses canadiennes. On pourrait d’abord mettre fin aux moratoires, et poursuivre les négociations collectives afin d’apporter les changements immédiats et nécessaires aux conventions collectives. Les moratoires n’ont plus leur raison d’être (même en supposant, à des fins purement hypothétiques, qu’il y ait eu un jour un argument commercial ou autre convaincant en leur faveur) à un moment où le nombre de poste-lettres est en baisse et que ces dernières vont probablement bientôt disparaître et que l’avenir de Poste Canada est en jeu.
9.5 Engagements négociés du syndicat en matière de sécurité de l’emploi et d’emploi à temps plein
Pour le STTP, la sécurité de l’emploi est sacro-sainte. Elle a été ardemment défendue au fil de nombreuses années. En 1975, les membres du STTP ont négocié avec Postes Canada des mesures de protection contre les changements technologiques. L’article 53 de la convention collective du STTP-Urbain, négocié ultérieurement, offre aux membres du STTP une protection presque totale contre les licenciements :
53.01 Une employée régulière ou un employé régulier qui travaillait dans l’unité de négociation le 1er juin 2020 n’est pas mis à pied pourvu qu’elle ou il accepte d’être déplacé à un autre poste conformément à la procédure prévue ci-après. Il en est de même de toute autre employée et tout autre employé qui devient une employée régulière ou un employé régulier après le 1er juin 2020 et qui compte cinq (5) années ou plus d’emploi continu.
53.02 Une employée régulière ou un employé régulier qui n’est pas visé à la clause 53.01 n’est pas mis à pied si elle ou il accepte d’être déplacé à un autre poste conformément à la procédure prévue ci-après.
Postes Canada a accepté cette formulation. Il s’agit d’une clause contractuelle. Le STTP a parfaitement le droit de s’appuyer sur cet article et de le faire appliquer. Postes Canada n’aime peut-être plus cette disposition, mais elle l’a acceptée. Il s’agit d’une obligation légale. Les accords conclus dans le cadre de négociations collectives doivent être appliqués. Il s’agit d’un principe de première importance du droit du travail canadien. Postes Canada veut pouvoir ajuster ses effectifs, mais elle doit le négocier (ou trouver des solutions de rechange, comme des accords avec le STTP sur les départs volontaires et les incitations à la retraite anticipée, y compris les prestations de raccordement dans le cadre d’un régime de pension).
9.6 La nécessité de protéger la santé et la sécurité des employés
Il est rapidement devenu évident, au cours des travaux de la Commission, que la culture du travail à Postes Canada était difficile. Ce point a certainement été reflété dans plusieurs centaines de présentations. Le STTP insiste sur le fait que la direction est indifférente aux préoccupations légitimes en matière de santé et de sécurité et qu’elle tente activement d’étouffer les plaintes relatives aux accidents du travail. Décrire la culture du milieu de travail comme toxique peut être une exagération. Mais il y a manifestement des points qui requièrent une attention particulière, notamment l’examen des préoccupations, et des revendications, du STTP en matière de santé et de sécurité sur le lieu de travail. Bien que faisant partie du mandat, la nécessité de protéger la santé et la sécurité n’a pas été mise en évidence dans les observations des parties ni lors des audiences.
Dans la mesure où ma recommandation, ci-dessous, d’annuler le moratoire sur les conversions aux boîtes postales communautaires est acceptée, cela diminuera inévitablement le nombre de blessures, dont beaucoup sont subies sur les itinéraires des facteurs et factrices. De même, la répartition de la charge de travail et l’acheminement dynamique limiteront les heures supplémentaires (ce qui signifie réduire la distribution du courrier la nuit, lorsque le risque de blessures est plus élevé).
10. Prochaines étapes
Avant de passer aux recommandations, il convient de faire quelques brèves remarques sur les prochaines étapes. À partir du 22 mai 2025, sous réserve des dispositions du Code canadien du travail, le syndicat sera libre de faire la grève et Postes Canada de procéder à un lock-out (grève et lock-out). Le syndicat et l’employeur peuvent également négocier une nouvelle convention collective. Compte tenu de ce qui s’est passé jusqu’à maintenant, il semble peu probable que la libre négociation collective parvienne à combler le fossé. Il reste donc trois options possibles : soumettre l’offre finale de l’employeur à un vote, recourir à l’arbitrage de différends (qu’il soit consenti ou imposé), ou recourir à la grève ou au lock-out.
Avant d’aborder ces options, je suis d’avis, et ce point de vue est universellement partagé par tous les praticiens des relations du travail, que la meilleure convention collective possible, que ce soit avant ou après un arrêt de travail, est celle que les parties elles-mêmes ont élaborée plutôt qu’une convention imposée par une tierce partie.
10.1 Scrutin sur la dernière offre
Il s’agit de l’option prévue par le Code canadien du travail : où le ministre peut ordonner que la dernière offre de Postes Canada soit présentée aux employés de l’unité de négociation et, si une majorité accepte l’offre, les conditions de l’offre deviennent la convention collective et toute activité de grève ou de lock-out doit prendre fin. Bien entendu, si l’offre est rejetée, la grève et le lock-out se poursuivront. Les parties (ou le ministre, s’il intervient) devront trouver un autre moyen de résoudre le conflit.
10.2 Arbitrage de différends
Les parties peuvent à tout moment convenir volontairement d’un arbitrage de différends : avant une grève et un lock-out ou après le début d’une grève et d’un lock-out. Dans le cadre de l’arbitrage de différends, un conseil, choisi de manière consensuelle par les parties ou nommé par le gouvernement, déterminerait le contenu de la convention collective.
Si les parties n’ont pas voulu convenir d’un arbitrage de différends, le ministre peut décider, en vertu du Code canadien du travail, d’ordonner un arbitrage de différends. Je note que la question de savoir si le ministre dispose de cette autorité fait actuellement l’objet d’une contestation judiciaire. Ou alors, comme cela a été fait dans le passé, le Parlement pourrait imposer l’arbitrage de différends. Cela aussi pourrait faire l’objet d’une contestation judiciaire.
L’option de l’arbitrage de différends garantirait la stabilité des relations de travail. C’est bien connu, l’arbitrage de différends est souvent un processus conservateur, qui évite généralement d’imposer des changements structurels. La sagesse populaire veut que les changements majeurs soient négociés librement dans le cadre d’une négociation collective libre (ce qui peut être ambitieux pour ces parties). Pour être conforme à la Constitution et satisfaire aux critères d’équité et de neutralité, toute procédure d’arbitrage de différends imposée doit préserver l’indépendance de la commission d’arbitrage, et le mandat doit être soigneusement défini pour équilibrer les droits et les intérêts. Cela dit, il ne me semble pas que l’arbitrage de différends soit ou puisse être une solution efficace pour traiter avec succès les questions soulevées dans le présent rapport. (Et certaines d’entre elles, telles que les recommandations qui visent à supprimer les moratoires sur la fermeture des bureaux de poste ruraux et les conversions aux boîtes postales communautaires, dépassent le cadre de la négociation collective et de l’arbitrage de différends, bien que leur incidence doive être abordée à la table de négociation).
10.3 Grève et lock-out
La troisième option est la grève et le lock-out. Pour sa part, le STTP insiste sur le fait que son droit constitutionnel de grève ne doit pas être enfreint. Il insiste également sur le fait que lorsque le gouvernement du Canada n’intervient pas dans le processus de négociation collective, il est en mesure de conclure des conventions collectives librement négociées avec Postes Canada.
Compte tenu de la nature des problèmes et de l’analyse qui en est faite dans le présent rapport, il se pourrait bien que la grève et le lock-out constituent le seul moyen de parvenir aux changements structurels et aux compromis nécessaires à la survie de Postes Canada. Il ne fait aucun doute que si on laissait une grève ou un lock-out suivre son cours, cela pourrait très bien entraîner la désertion permanente de nombreux autres clients de la poste-lettres et des colis, ce qui rendrait impossible, en l’absence d’un soutien continu et croissant du gouvernement, la poursuite des activités de Postes Canada (sans encourir des déficits énormes et croissants). Étant donné qu’il y a un point de non-retour, cela pourrait bien signifier la fin de Postes Canada, même si des conventions collectives étaient conclues. À l’heure actuelle, les parties ne parviennent pas à se mettre d’accord sur ce qu’il faut faire et qui est évident. Toutefois, la nature même des négociations collectives fait que cette dynamique peut changer (et peut effectivement changer entre la date de soumission et la date de publication du présent rapport). C’est la raison pour laquelle si la grève et le lock-out constituent la voie à suivre, le gouvernement devrait, à mon avis, indiquer clairement dès le départ qu’il n’interviendra pas et qu’il incombe à Postes Canada et au STTP de s’entendre sur les changements qui doivent être apportés pour que Postes Canada puisse continuer à fonctionner (en sachant ce qui les attend s’ils n’y parviennent pas). Dernier point, l’intervention du gouvernement, par l’engagement pur et simple ou par les instructions données en coulisses par l’actionnaire pour prévenir ou empêcher les conflits du travail a, dans une certaine mesure, contribué à la situation actuelle.
Recommandations
Conformément au mandat, les recommandations peuvent inclure des modifications des conventions collectives et tout autre changement à mettre en œuvre.
Les recommandations formulées dans le présent rapport ont été soigneusement étudiées et reflètent mon opinion, selon laquelle il existe un moyen de préserver Postes Canada en tant qu’institution nationale essentielle. L’obligation de service universel (OSU) peut et doit être maintenue, mais le Protocole du service doit être mis à jour pour refléter les réalités actuelles : le volume des lettres est en baisse et risque de disparaître (avec le temps et très probablement plus tôt que prévu) et la livraison de colis est le seul avenir à long terme de Postes Canada. Autrefois abordable, la livraison quotidienne à la porte pour une minorité de Canadiens, est aujourd’hui, en raison de la baisse des volumes, totalement incompatible avec la viabilité financière, et devrait être progressivement supprimée (alors que, comme l’ont clairement indiqué les observations présentées à la Commission, les entreprises canadiennes continuent de compter sur la livraison quotidienne, qui devrait être maintenue). Il pourrait être utile d’envisager la tarification basée sur la distance, liée au coût de la distribution, pour les poste-lettres. Au pire, cela accélérera l’inévitable. Le moratoire sur la fermeture des bureaux de poste, plus particulièrement lorsqu’il s’applique à des bureaux de poste autrefois ruraux, aujourd’hui en banlieue, et sur les transitions aux boîtes postales communautaires, quelles que soient les raisons pour lesquelles il a été imposé initialement, ne peut pas être maintenu si l’objectif est de donner à Postes Canada une assise financière plus stable.
Il n’y a pas d’avenir pour la Société canadienne des postes si elle ne peut pas recourir à des employés à temps partiel pour répondre à ses besoins pendant la semaine et la fin de semaine selon le volume. Le STTP a raison de dire que de nombreux travailleurs préfèrent les emplois à temps plein et les avantages qui y sont associés. Mais ce n’est pas une règle universelle. L’emploi n’est pas un concept universel. Les employeurs ont également besoin d’embaucher des salariés à temps partiel, et certaines personnes ne sont intéressées que par un emploi à temps partiel. Quoi qu’il en soit, l’instauration d’une main-d’œuvre à temps partiel la fin de semaine, ainsi que la marge de manœuvre qui permettrait de déployer des travailleurs à temps partiel pendant la semaine en fonction des besoins et du volume, n’auront pas de conséquences sur les employés actuels et leurs droits négociés. Il serait vain d’essayer d’atteindre cet objectif en utilisant les dispositions des conventions collectives en vigueur, pour les raisons expliquées ci-dessus (section 8.2).
Pourquoi ces recommandations
Mes recommandations ont été conçues pour répondre au problème actuel : arrêter, puis inverser les pertes financières croissantes en mettant en place les changements structurels nécessaires, dans le cadre de la convention collective et sous le contrôle direct des parties, et en dehors de la convention collective, sous le contrôle direct du gouvernement du Canada. Les parties doivent modifier leurs conventions collectives : elles doivent permettre le recours souple des employés à temps partiel pendant la semaine et la fin de semaine. Il ne s’agit pas d’emplois à statut précaire, mais de bons emplois, d’emplois attrayants, avec des employés qui sont visés par la convention collective applicable, avec des conditions d’emploi normatives. Les dispositions des conventions collectives existantes ne prévoient pas cela. La direction doit avoir la capacité de répartir la charge et d’introduire un itinéraire dynamique afin que les employés soient déployés le plus efficacement possible, tandis que les heures non utilisées doivent être prises en compte afin que l’employeur puisse s’assurer que les employés travaillent pendant les heures qui leur sont payées.
Le gouvernement du Canada a instauré des moratoires sur la fermeture des bureaux de poste ruraux et sur la conversion aux boîtes postales communautaires. Ces deux décisions, si elles sont annulées, contribueront immédiatement à améliorer les résultats financiers de Postes Canada et peuvent être conçues de manière à offrir aux Canadiens un accès approprié aux bureaux de poste (y compris les comptoirs postaux franchisés) et à poursuivre la distribution des lettres et des colis. De nombreux bureaux de poste autrefois ruraux sont aujourd’hui urbains, ce qui rend cette partie du moratoire sur la fermeture des bureaux de poste ruraux tout à fait inexplicable. Pour ce qui est de la distribution du courrier à la porte pour un quart de la population à un coût accru, il s’agit d’un luxe qui n’est plus abordable alors que les volumes de courrier ont chuté en moyenne à deux lettres par semaine par adresse. La distribution résidentielle du courrier doit se poursuivre, mais la fréquence et le mode de distribution doivent changer. Compte tenu de la crise actuelle, car il s’agit bien d’une crise, la croissance de l’organisation ne semble pas opportune.
Si elles sont mises en œuvre, les recommandations du rapport qui suivent pourraient permettre à Postes Canada de retrouver un certain degré de viabilité financière, de sorte qu’elle puisse maintenir l’OSU, tant pour les poste-lettres que pour les colis, mais d’une manière qui reflète les réalités de 2025, à savoir la disparition de la poste-lettre et un environnement très concurrentiel pour la livraison de colis et de services de messagerie. Le monde a changé et les deux parties doivent évoluer et s’adapter. Il n’est pas possible de s’accommoder du statu quo.
Postes Canada doit accepter que le redressement ne peut se faire du jour au lendemain. La Société doit affirmer sa place en tant que service public canadien vital à but non lucratif, qui continuera à distribuer les lettres et à assurer la livraison des colis 7 jours sur 7, afin de répondre aux besoins constants de la population. Dans le cadre de sa collaboration avec son principal partenaire syndical, elle doit procéder de manière respectueuse et délibérée, tout en gardant à l’esprit que les membres du STTP ont des droits de négociation et des droits négociés (il existe des engagements contractuels), qui sont mieux modernisés par le biais de la libre négociation collective.
Le STTP est un syndicat fier. La grève déclenchée par le STTP le 30 juin 1981 a permis de généraliser le congé de maternité payé et de modifier le portait du travail au Canada et la société canadienne pour le mieux. Avec le recul, on peut dire que tous les Canadiens ont une dette de reconnaissance envers le STTP. Il en va de même pour la défense des intérêts du STTP en matière d’équité salariale, de santé et de sécurité au travail et de droit de grève. Le STTP est tout à fait capable de s’adapter de manière à assurer la survie du service postal au Canada et de ses membres. Il ne doit pas s’accrocher rigidement à un modèle qui est effectivement insolvable, sans envisager d’autres solutions qui garantissent le maintien de la distribution des lettres et des colis entre les mains des membres du STTP. Les nombreux courriels que j’ai reçus des membres du STTP m’ont montré que la fierté qu’ils tirent de leur travail est profonde et sincère (voir l’onglet C). Il est temps que le STTP adopte une approche de collaboration pour conserver la livraison entre les mains du public en négociant des changements à leurs conventions collectives qui permettent à Postes Canada de survivre (ainsi qu’aux emplois des membres du STTP qui vont de pair).
Je reconnais que le STTP ne se considère pas comme mandaté pour négocier ce qu’il a jusqu’à présent interprété de manière très étroite comme des concessions. J’invite le syndicat à réfléchir à la situation que nous vivons. Le service public que les membres du STTP sont fiers de fournir est sur le point de s’effondrer. Le syndicat a reconnu le déclin incontestable de la distribution du courrier et la concurrence féroce du secteur privé dans la distribution des colis. Il y a ici une possibilité générationnelle de réinvention, et elle est clairement entre les mains d’un syndicat qui, par le passé, a innové et fait preuve d’un grand courage.
Pour assurer la pérennité des bureaux de poste et des emplois des membres du syndicat, le STTP doit s’attaquer aux problèmes cruciaux mentionnés dans ce rapport. Il sera très difficile pour le STTP d’accepter les mesures de souplesse dont Postes Canada a besoin pour continuer. La fin des moratoires sur les fermetures de bureaux de poste ruraux et sur les conversions de boîtes aux lettres communautaires, ainsi que les emplois qui seront inévitablement perdus en conséquence, est une réalité difficile à accepter, à supposer que cette recommandation soit acceptée et mise en œuvre. Ce sera difficile. Le STTP peut lutter contre ces changements inévitables s’il le souhaite; il peut aussi négocier les meilleures conditions possibles pour sauvegarder les droits et les intérêts de ses membres. Il n’est pas exagéré de dire qu’en l’absence d’une amélioration de l’efficacité, la distribution du courrier au Canada est en voie de disparition. La situation au Danemark, malgré les différences entre le Danemark et le Canada, est une mise en garde que l’on ignore à nos risques et périls. Sans un renforcement de l’efficacité, Postes Canada ne sera pas en mesure de conserver, et encore moins d’accroître, sa part du marché de la livraison de colis. Le STTP devrait mettre à profit toutes les compétences et l’intelligence dont il a fait preuve à maintes reprises au cours de sa riche histoire pour faire évoluer le service postal. Le gain qui en résultera est la préservation de cette institution canadienne vitale.
Les recommandations
- Modifier le Protocole du service postal canadien. Il ne peut pas continuer à exiger des normes de livraison impossibles à respecter. La distribution quotidienne du courrier à la porte pour les adresses individuelles devrait être progressivement supprimée et des boîtes aux lettres communautaires devraient être mises en place dans la mesure du possible. La livraison quotidienne aux entreprises devrait être maintenue.
- Les moratoires sur la fermeture de bureaux de poste ruraux et la conversion de boîtes aux lettres communautaires devraient être levés. Il n’y a pas d’arguments convaincants en faveur d’un moratoire sur la fermeture des bureaux de poste autrefois ruraux, aujourd’hui urbains. Postes Canada a déjà mis en place le Programme de mesures d’adaptation pour la livraison à l’intention des Canadiens qui n’ont pas accès aux boîtes aux lettres communautaires. Il doit être revu et, le cas échéant, amélioré, et il doit se poursuivre.
- Inclure dans les deux conventions collectives tous les points convenus lors des négociations collectives avant le conflit de travail. Les parties doivent s’efforcer de réduire les divergences sur tous les points qui ont fait l’objet d’un accord partiel. Les nouvelles conventions collectives doivent inclure et refléter les accords de principe (sous réserve d’un accord global) conclus dans le cadre de la médiation facilitée par la Commission (FFRS et PICD).
- Négocier des modifications aux conventions collectives. Postes Canada doit avoir la possibilité d’embaucher des employés à temps partiel pour distribuer les colis la fin de semaine et pour aider à gérer le volume pendant la semaine. Ces employés devraient être payés aux mêmes taux et soumis aux mêmes conditions que les employés réguliers, y compris l’accès aux avantages sociaux au prorata, ou aux paiements en lieu et place, ainsi qu’à la pension. La priorité pour ces postes devrait être donnée aux employés actuellement en poste.
- Négocier des modifications à la convention collective de l’unité urbaine. Rien ne justifie les dispositions des conventions collectives qui empêchent un employeur de confier du travail pour des heures déjà payées (sauf s’il s’agit d’heures supplémentaires volontaires).
- Négocier des modifications aux conventions collectives. Effectuer un projet pilote, puis introduire un acheminement dynamique. Postes Canada doit également être en mesure de modifier quotidiennement les itinéraires en fonction des volumes afin d’éviter les heures non utilisées et les heures supplémentaires.
- Modifier la procédure d’approbation pour l’augmentation des tarifs postaux, qui prend beaucoup de temps.
Le tout respectueusement soumis.
FAIT à Toronto le 15 mai 2025.
« William Kaplan »
William Kaplan, commissaire
Comparution des avocats
Pour Postes Canada :
Jackie VanDerMeulen, Dominique L’Heureux
Fasken Martineau DuMoulin s.r.l.
Pour le STTP :
Paul Cavalluzzo, Adrienne Telford
Cavalluzzo s.r.l.
Des représentants de Postes Canada et du STTP ont également comparu aux audiences de la Commission et ont présenté des observations.
Nous remercions les fonctionnaires de Travail Canada de leur aide.
Onglet A : Organisations/institutions, groupes du gouvernement/de défense/de communautés autochtones
- Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l'aérospatiale (AIMTA)
- AATRAC
- Représentant syndical suppléant – région de l’Atlantique
- District scolaire anglophone Ouest – Nouveau-Brunswick
- Ashfield Auto Repair
- Atkinson Foundation
- Atlantic News
- Centre des sciences de la mer Bamfield
- Bean North Coffee Roasting Co. Ltd.
- Bermuda Industrial Union
- Brantford and District Labour Council
- Calgary and District Labour Council
- Centre canadien pour la diversité et l’inclusion
- Centre canadien de politiques alternatives de la Nouvelle-Écosse
- Fédération canadienne des syndicats d’infirmières et d’infirmiers
- Association canadienne du marketing
- Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes
- Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes – Atlantique
- Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes – section locale 117
- Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes – section locale 566
- Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes – section locale 578
- Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes – section locale 716
- Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes – section locale 808
- Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes – section locale 856
- Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes – Organisation des retraités du Lower Mainland
- Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes – région du Pacifique
- Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes – région des Prairies
- Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes – Oshawa, section locale 579
- Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes – Scarborough
- Syndicat canadien de la fonction publique
- Municipalité régionale du Cap-Breton
- Carpet Ranch
- Chalice Canada
- Ville de Nelson, Colombie-Britannique
- Ville de Prince George
- Fondation INCA
- Communication Workers Union of Kenya
- Confédération des syndicats canadiens
- Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec
- Congrégation de Notre-Dame
- Conrad McIntyre Garage
- The Corporation of the Town of Ganonoque
- Council of Senior Citizen’s Organizations of British Columbia
- Comté de Renfrew
- Nation crie de Mistissini
- L’Association du personnel retraité du SCFP
- Department of Opportunities and Social Development of Nova Scotia
- District of Port Hardy
- Dixie Lee (Maritimes) Ltd.
- Downs Garage Inc.
- D&L Electric Ltd.
- Etsy
- Evans Real Estate Team
- Flagship Software Ltd.
- Première Nation de Fort Severn
- Front Porch Publicity
- The Good News Broadcasting Association of Canada
- Gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador
- Chambre de commerce du Grand Vancouver
- Halifax Paper Hearts
- Hamlet of Coral Harbour
- Hamlet of Turnor Lake
- Health Sciences Association of British Columbia
- Hebdos Québec et Réseau Sélect
- International Association of Heat & Frost Insulators
- Japan Postal Group Union
- Joint Trade Union Movement de Trinité-et-Tobago
- Judique Service Centre
- Justice for Workers Nova Scotia
- Key Physiotherapy & Rehabilitation Centre
- Labour Community Services Toronto
- Marie Clark Walker Consulting Inc.
- Miramichi and District Labour Council
- Municipalité de l’Ascension
- Municipalité de l’Ascension-de-Patapédia
- Municipalité de Barraute
- Municipalité de Beaulac-Garthby
- Municipalité de Biencourt
- Municipalité de Lac-aux-Sables
- Municipalité de Laurierville
- Municipalité de Mandeville
- Municipalité de Marston
- Municipalité de Maskinongé
- Municipalité de Nominingue
- Municipalité de Normétal
- Municipalité de Port Cartier
- Municipalité de Saint-Adelphe
- Municipalité de Saint-Alexis-de-Matapédia
- Municipalité de Saint-Benoît-Labre
- Municipalité de Saint-Éloi
- Municipalité de Saint-Étienne-de-Bolton
- Municipalité de Saint-Fortunat
- Municipalité de Saint-Hugues
- Municipalité de Saint-Juste-du-Lac
- Municipalité de Saint-Louis-du-Ha! Ha!
- Municipalité de Saint-Lucien
- Municipalité de Saint-Ulric
- Municipalité de Saint-Valérien
- Municipalité de Saint-Victor
- Municipalité de Sainte-Anne-de-la-Rochelle
- Municipalité de Sainte-Geneviève-de-Batiscan
- Municipalité de Sainte-Hénédine
- Municipalité de Sainte-Marie-de-Blandford
- Municipalité de Sainte-Perpétue
- Municipalité de Venise-en-Québec
- Municipalité du Village de Hemmingford
- Municipalité régionale de Comté de Mékinac
- Municipalité de Val-Racine
- Municipality of Grey Highlands
- Municipalité de Hatley
- Municipality of Huron East
- Municipality of Lark Harbour
- Municipalité of Magnetawan
- Municipalité de Neebing
- Municipalité de Stuartburn
- Municipality of West Elgin
- ANGUP
- NASA Union
- National Association of Letter Carriers
- National Organization of Retired Postal Workers
- National Pensioners Federation
- National Union of Communication Workers – Zambie
- New Brunswick Federation of Labour
- Gouvernement du Nouveau-Brunswick
- Fédération des travailleurs de Terre-Neuve-et-Labrador
- Nova Scotia Federation of Labour
- Syndicat des employés de la fonction publique de l’Ontario
- Fédération des enseignantes-enseignants des écoles secondaires de l’Ontario
- Pitney Bowes
- Prince Edward Island Federation of Labour
- The Princess Margaret Cancer Foundation
- ProXsports Inc.
- Alliance de la Fonction publique du Canada
- Red Deer and District Labour Council
- Conseil canadien du commerce de détail
- Rexall
- Rural Municipality of Garden River
- Rural Municipality of Grahamdale
- Rural Municipality of Miry Creek and Village of Abbey
- Rural Municipality of Mountain
- Rural Municipality of Senlac
- SIEMACO
- Sierra Leone Union of Postal and Telecommunication Employees
- Sindicato BCCR
- SINTETEL – Brésil
- SINTRAPULCAR
- Skidegate Band Council
- Soley Shoes
- St. Jacques-Coombs Cove Town Council
- Stewartdale Cemetery Company
- Summer Village of Waiparous
- Sunshine Coast Labour Council
- Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes – section locale de Québec
- Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes – section locale 440
- Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes – St-Jérôme
- TC Transcontinental
- Travailleurs de la poste du Burkina Faso
- Toronto & York Region Labour Council
- Ville de Borden-Carleton
- Ville de Burstall
- Ville de Chance Cove
- Ville de Cut Knife
- Ville de Fortune
- Ville de Jackson’s Arm
- Ville de Kerrobert
- Ville de L’Anse au Clair
- Ville de McLennan
- Ville de Mount Carmel-Mitchell’s Brook-St. Catherine’s
- Ville de Nobleford
- Ville de Norris Point
- Ville de Old Perlican
- Ville de Tofield
- Ville de Whitbourne
- Township of Evanturel
- Township of Frontenac Islands
- Township of North Kawartha
- Township of O’Connor
- Toyota Halifax
- Trade Union Federation of Communications in Bulgaria
- ULINE
- UNI Americas
- UNI Global Union
- UNI Nepal
- Village d’Amisk
- Village de Chipman
- Village de Colleville
- Village of Kaslo
- Village of Neville
- Village of Tracy
- Ville de Bonaventure
- Ville de Duparquet
- Ville de Longueuil
- Ville de Port-Cartier
- Ville de Saint-Quentin
- Social Innovation Research Group de la Wilfrid Laurier University
- Workers Action Centre
- Zutphen Contractors
- 3C Wealth Partners
| Catégorie | Total |
|---|---|
| Entreprises | 46 |
| Gouvernements | 122 |
| Associations autochtones | 1 |
| Syndicats | 71 |
| Particuliers | 637 |
| Total général | 877 |
Onglet B : Présentations d’intervenants/du public
Près d’un millier de présentations ont été déposées. Voici un résumé des principaux thèmes.
B.1 De la part d’un conseil de bande autochtone et d’administrations municipales
Au total, 94 présentations ont été reçues de la part d’un conseil de bande autochtone et de gouvernements municipaux (ainsi que ministère provincial, d’un député, d’un député de l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick et d’un membre de l’Assemblée législative de Terre-Neuve-et-Labrador). En général, les présentations soutenaient la position de négociation du STTP et l’importance de Postes Canada en tant qu’employeur et fournisseur de services aux petites entreprises, aux communautés rurales et éloignées, aux Canadiens âgés et aux personnes qui ont un handicap physique.
La plupart de ces soumissions étaient des résolutions fondées sur un modèle commun. Ces résolutions prévoyaient une enquête publique complète sur Postes Canada avant de recommander des modifications à la Loi ou au Protocole du service.
De nombreux intervenants ont formulé des recommandations spécifiques, alignées sur le STTP, où l’on préconise notamment d’élargir les services afin de diversifier et de générer de nouvelles sources de revenus grâce aux services bancaires postaux et à d’autres services financiers, aux bornes de recharge pour véhicules électriques, aux services de livraison d’épicerie, au service de vigilance auprès des personnes âgées et aux activités connexes (y compris la réaffectation des facteurs à des fins d’engagement envers les communautés et à la sécurité publique), ainsi que la création de centres communautaires. Les mémoires connexes, alignés eux aussi sur le STTP, soutenaient le maintien des moratoires sur la fermeture des bureaux de poste ruraux et la conversion aux boîtes postales communautaires (et exprimaient leur opposition aux boîtes postales communautaires existantes) et le maintien de Postes Canada en tant qu’institution publique fournissant un service universel à un prix uniforme. La valeur, pour les communautés, de l’emploi dans les bureaux de poste a été mentionnée à plusieurs reprises comme souhaitable pour « contribuer à la vitalité économique de la communauté ». Dans de nombreuses présentations, les auteurs ont fait part de leurs préoccupations concernant la fermeture de bureaux de poste et l’incidence de toute éventuelle fermeture sur les personnes âgées, notamment sur la livraison de médicaments sur ordonnance, d’équipements médicaux, de documents importants et de fournitures essentielles. Un thème qui revenait souvent était qu’il ne devrait pas y avoir de réduction des services. Il a été suggéré que Postes Canada donne la priorité au bien-être de son personnel. Dans l’une des présentations, une administration municipale suggérait des réductions de services et la privatisation, disant que le modèle actuel était « intenable ».
B.2 Des syndicats et des organisations syndicales
Cinquante-quatre présentations, ont été reçues de la part de syndicats de l’ensemble du Canada et de l’étranger (principalement basées sur des modèles). Ces présentations approuvent celles du STTP et expriment leur inquiétude quant à l’intervention du gouvernement fédéral dans la libre négociation collective. Des inquiétudes, surtout des critiques, ont été exprimées au sujet de Postes Canada, de son processus décisionnel et de sa mauvaise gestion, ainsi que de son « mépris » pour les employés, leur santé et leur sécurité au travail. De nombreuses objections ont été soulevées relativement au fait que Postes Canada n’a pas tenu compte des suggestions du STTP en ce qui concerne la croissance de l’entreprise. Dans certaines propositions, l’on suggère d’augmenter le nombre de comptoirs postaux et de rétablir ou d’élargir la distribution à la porte. La distribution hebdomadaire du courrier était jugée « inacceptable ». La protection des emplois de qualité a été jugée prioritaire. Une vérification de la rémunération des dirigeants a été recommandée et l’opposition à des changements structurels sans consultation publique préalable exhaustive a été exprimée; un examen officiel du mandat parlementaire a été recommandé dans de nombreuses présentations.
B.3 De la part d’organisations de défense des droits, d’organismes sans but lucratif, d’organismes de bienfaisance et d’organisations connexes
Treize présentations ont été reçues de la part d’organisations de défense des droits, d’organismes sans but lucratif, d’organismes de bienfaisance et d’organisations connexes. L’importance de Postes Canada en tant qu’institution publique qui offre un accès à tous les Canadiens a été soulignée. De manière générale, ces présentations appuyaient le moratoire sur la fermeture des bureaux de poste ruraux et sur la conversion aux boîtes postales communautaires. Dans les présentations, l’on recommandait également de diversifier les activités de Postes Canada par le biais de services bancaires postaux et d’autres propositions suggérées par le STTP. Les organismes de bienfaisance ont souligné que le courrier postal restait important pour la sollicitation de dons et la communication avec les donateurs. La privatisation a été rejetée.
B.4 De la part d’entreprises
Quarante-trois présentations ont été reçues de la part de grandes et petites entreprises et d’associations d’employeurs. En général, ces intervenants ont convenu que Postes Canada fournissait un service essentiel. Des inquiétudes ont été exprimées quant à l’incidence sur les opérations des grèves des postes et du manque de solutions de rechange abordables pour la distribution postale. Certaines présentations étaient en faveur de la privatisation; d’autres s’y opposaient. Certaines présentations recommandaient que Postes Canada se concentre sur sa mission principale et qu’elle soit déclarée comme un service essentiel (afin d’éviter les conflits de travail). Des préoccupations ont été soulevées quant aux coûts de la main‑d’œuvre de Postes Canada, à son efficacité et à sa capacité de répondre convenablement aux demandes de service à la clientèle (y compris la nécessité d’apporter des améliorations continues et nécessaires au service et aux technologies). Parmi les nombreuses recommandations variées, il a été suggéré que le conflit de travail actuel soit résolu par un arbitrage de différends afin d’éviter tout nouveau conflit, compte tenu de l’incidence sur les petites entreprises et des répercussions plus générales.
B.5 Présentations soumises par des particuliers
Au total, 663 présentations soumises par des particuliers ont été reçues. La majorité provenait de membres actuels ou retraités du STTP. Dans l’ensemble, ces présentations décrivaient Postes Canada comme une institution publique fournissant des services inestimables à la population canadienne, en particulier aux personnes vivant dans des communautés rurales, éloignées et autochtones, et elles appuyaient la position de négociation du STTP ainsi que ses recommandations sur l’avenir de Postes Canada, notamment la diversification qu’il a proposée. La plupart de ces présentations critiquaient Postes Canada et s’opposaient à l’intervention du gouvernement dans le processus de négociation collective; certaines ont remis en question l’impartialité du processus de la commission.
B.5.1 De la part de membres actuels et anciens du STTP et d’autres personnes intéressées
Ces présentations soumises par des particuliers ont relevé et examiné une longue liste de préoccupations concernant la gestion de la Société et le (mauvais) traitement qu’elle réserve au personnel (Postes Canada est lourde dans les échelons supérieurs; la direction reçoit des primes non méritées et injustifiées; les salaires du personnel sont injustes; il y a une culture de travail toxique, y compris une indifférence de la direction à l’égard de la santé et de la sécurité et des blessures au travail; il n’y a pas d’équilibre entre le travail et la vie personnelle, etc.). De nombreuses suggestions visaient à améliorer la relation entre le syndicat et la direction (par exemple, favoriser une collaboration plus étroite entre les parties en faisant participer le syndicat et ses membres à la prise de décision). Près de 200 personnes ont exhorté que Postes Canada continue d’être subventionnée par le gouvernement et se sont opposées à la privatisation. De nombreuses présentations demandaient un audit indépendant des finances de Postes Canada et suggéraient que ses services soient déclarés essentiels. De nombreuses personnes ont insisté sur la nécessité d’augmenter, et non de réduire, les services aux communautés rurales, éloignées et autochtones et d’établir des droits exclusifs pour la livraison sur le dernier kilomètre. Il a été recommandé de consacrer des ressources à l’amélioration des pratiques d’emploi (à l’entrée comme à la sortie, y compris la possibilité d’embaucher des personnes retraitées dans les périodes de pointe et de verser une indemnité de départ aux membres du personnel proches de la retraite). Un vaste consensus s’est dégagé en faveur du maintien des deux moratoires (et du rétablissement de la livraison à la porte là où il y a des boîtes postales communautaires). Bon nombre de ces présentations recommandaient la mise en œuvre des propositions du STTP visant à faire croître les activités (en ajoutant de nouvelles suggestions, comme l’échange de devises dans les bureaux de poste et la cryptomonnaie de Postes Canada). La durabilité environnementale et l’électrification des véhicules ont été encouragées.
B.5.2 De la part d’autres personnes
Un nombre beaucoup plus restreint de présentations soumises par des particuliers invitait Postes Canada à se concentrer sur son activité principale, à augmenter ses heures de service et la fréquence des livraisons, à créer des postes à temps partiel pour répondre au volume, à organiser plus efficacement les parcours de distribution et à installer davantage de boîtes postales communautaires.
Onglet C : Communications directes
Dans les communications directes que j’ai reçues, j’ai été frappé par la fierté qu’éprouvent de nombreux employés de Postes Canada envers leur travail et le service qu’ils fournissent. Le courriel suivant envoyé par Paul, qui a été légèrement modifié, en est un bon exemple :
[Traduction] Le rôle que nous jouons est essentiel pour nos communautés. Nous sommes les premiers à savoir si quelque chose ne va pas. Une porte moustiquaire ouverte, une fenêtre brisée, des graffitis ou même un incendie dans un garage – tous ces incidents se sont produits sur mes trajets. Nous sommes parfois les premiers intervenants en cas d’urgence, par exemple quand une personne âgée s’est perdue en marchant ou quand un propriétaire en situation de crise est incapable d’appeler à l’aide.
Nous sommes les premiers à savoir si un propriétaire a eu un décès dans sa famille, s’il rénove une deuxième maison au bout de la rue ou s’il planifie un déménagement. Nous informons les gens de nos services de retenue du courrier et de réacheminement en cas de déménagement, afin qu’ils reçoivent leur courrier à leur nouveau domicile et que leurs renseignements personnels et leurs colis soient en sécurité pendant leur absence.
Nous sommes les premiers à voir si une autre entreprise de livraison a jeté un colis sur le terrain de quelqu’un et s’en est allée, alors que le propriétaire n’est pas du tout au courant. Au cours d’une journée normale, je tombe sur huit à dix colis qui ont été laissés devant une maison, et c’est moi qui sonne et frappe à la porte pour avertir le propriétaire. La plupart des gens sont à la maison à ce moment-là et sont reconnaissants que je les prévienne.
Nous ne sommes pas que de simples ouvriers. Nous sommes largement sous-évalués par notre propre direction, alors que nous sommes très appréciés dans les quartiers que nous servons. Les gestes que nous posons au quotidien pour prendre soin de nos communautés nous ont valu la réputation convoitée de main-d’œuvre la plus digne de confiance au Canada, devant les pompiers et les infirmières! Postes Canada ne doit pas son « image de marque » à des publications Instagram chaleureuses, mais bien à nous!
Nous sommes la seule entreprise d’expédition à livrer à toutes les adresses du pays, tous les jours. Nous ne tenons jamais pour acquise notre responsabilité exclusive à l’égard de votre courrier; c’est un privilège de servir nos quartiers.
Comme j’aime le dire aux propriétaires d’entreprise sur mon trajet : « Je suis votre service d’expédition. » Je suis reconnaissant de la confiance qu’ils accordent à Postes Canada et à moi-même pour le traitement de leurs envois entrants et sortants, pendant qu’ils servent leurs clients. C’est un plaisir d’apprendre à connaître les propriétaires de maisons sur mon trajet et de contribuer à la sécurité du quartier.
D’autres courriels qui m’ont été envoyés (1) reprenaient les présentations du STTP; (2) dénonçaient le STTP et ses positions de négociation; et/ou (3) dénonçaient Postes Canada (surtout les préoccupations concernant les primes aux cadres supérieurs, qualifiées de non méritées et d’excessives; les allégations de dépenses en capital inutiles et indisciplinées; les affirmations concernant le nombre croissant de superviseurs indifférents et abusifs; et la mauvaise gestion des demandes de prestations d’invalidité, entre autres); et/ou (4) dénonçaient l’ingérence du gouvernement du Canada dans la libre négociation collective; et/ou (5) étaient réfléchies et contenaient de bonnes suggestions (certaines communications n’avaient pas de lien évident avec le mandat).
Des lettres provenant de petites et moyennes entreprises de tout le Canada indiquaient que la réduction des services serait extrêmement nuisible, comme l’indique par exemple ce courriel de Kayla, exploitante d’une petite entreprise au Canada atlantique : [Traduction] « Nous comptons sur Postes Canada afin de livrer les produits essentiels pour notre entreprise. Nous ne pouvons malheureusement pas nous permettre d’utiliser d’autres services de messagerie pour expédier ou recevoir des colis. Nous ne pouvons pas non plus conduire 30 minutes par jour jusqu’au bureau de poste pour y déposer des colis. »
Dans de nombreux courriels qui m’ont été envoyés directement, le souhait était que les parties trouvent une façon de travailler en collaboration et dans leur intérêt commun pour soutenir ce que presque tout le monde s’accorde à reconnaître comme une institution nationale essentielle. Voici par exemple un courriel de Susan : [Traduction] « J’espère que Postes Canada et le STTP pourront travailler ensemble pour que notre précieux service postal soit maintenu pendant de nombreuses années à venir. » Il n’était pas clair pour moi que ces courriels étaient destinés à être diffusés, contrairement à ceux envoyés à l’adresse courriel officielle de la commission. Par conséquent, ces courriels n’ont pas été envoyés aux parties.
Onglet D : Autres visions de l’avenir de Postes Canada
On a invité les parties à présenter leur évaluation de la situation actuelle, leur vision de l’avenir de Postes Canada et leur point de vue sur les raisons de l’échec des négociations collectives.
D.1 Présentations du STTP
Le STTP a commencé par observer que le processus de la commission était « faussé au profit des intérêts de la direction de Postes Canada, qui se prépare en vue d’une telle intervention du gouvernement depuis plus d’un anNote de bas de page 56 ». Les droits constitutionnels du STTP et de ses membres ont été violés lorsque le ministre du Travail a invoqué le Code canadien du travail, ce qui a conduit le Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) à ordonner le retour au travail des deux unités de négociation. Bien que le STTP ait saisi l’occasion de discuter du service postal public et du travail vital accompli par ses membres, il a participé au processus de la commission avec « réticenceNote de bas de page 57 ».
Le Syndicat est confronté à un dilemme : Si nous ne participons pas aux audiences de la Commission, la voix des travailleurs et travailleuses de Postes Canada sera absente du processus. Par contre, bien que nous ayons choisi d’y participer, cela ne signifie pas pour autant que nous acceptions que ce processus soit un juste remède à la suppression de notre droit à la négociation collective libre et équitable. Notre objectif inébranlable demeure de parvenir à des conventions collectives négociées. Par conséquent, nous participons au présent processus en vertu de l’article 108 sous toutes réserves et sans créer de précédent. Parallèlement, nous sommes au beau milieu d’une contestation judiciaire concernant la constitutionnalité de l’ordonnance émise en vertu de l’article 107Note de bas de page 58.
Le STTP a également exprimé l’opinion selon laquelle le processus de la commission, imposé unilatéralement par le gouvernement et certainement inconstitutionnel, était un substitut médiocre et inacceptable à un arbitrage équilibré et juste des différends. Par ailleurs, le STTP a indiqué dans ses présentations que les questions plus générales de politique publique énoncées dans le mandat auraient mieux été traitées par un examen du mandat de Postes Canada. Le dernier examen de ce type, en 2016, a nécessité de retenir les services de spécialistes en analyse financière et en services postaux internationaux, ainsi que de mener des sondages d’opinion publique. Il a donné lieu à une vaste consultation de divers intervenants, puis à des présentations écrites et à des audiences publiques dans tout le pays. Le STTP a soutenu que ce processus aurait dû être suivi, et non celui-ci.
Le STTP a également fait valoir que les questions soulevées dans le mandat désavantageaient considérablement le syndicat :
Les questions auxquelles on nous demande de répondre exigent beaucoup de temps, des ressources considérables et un accès à l’information que nous n’avons tout simplement pas dans le cadre de ce processus accéléré. Disposant de ressources matérielles et humaines beaucoup plus importantes, la Société canadienne des postes est en bien meilleure position pour répondre rapidement et de façon exhaustive aux questions de la Commission dans les courts délais qui nous sont imposés par l’ordonnance du ministreNote de bas de page 59.
D.1.1 Pourquoi les négociations ont-elles échoué
Selon le STTP, la réponse à cette question est simple. Les négociations collectives ont échoué et une grève de 32 jours s’en est suivie, malgré plus de 200 jours de négociations et le soutien actif des médiateurs fédéraux, parce que Postes Canada s’est montrée indifférente et n’a pas réagi à ses demandes légitimes et à ses idées productives et réalisables sur la meilleure façon d’aller de l’avant :
Dans ses revendications initiales, le STTP demandait entre autres les améliorations suivantes : des hausses salariales pour compenser la flambée récente de l’inflation; des améliorations aux dispositions sur les effectifs pour pallier au manque de personnel et réduire le recours excessif aux travailleurs et travailleuses temporaires et à temps partiel; de meilleures protections contre les changements technologiques; des dispositions contre la sous-traitance du travail; des droits accrus pour les travailleurs et travailleuses temporaires; et de meilleurs régimes d’avantages sociaux collectifs. Il proposait aussi des idées de diversification des services afin de générer de nouvelles sources de revenusNote de bas de page 60.
Le STTP a observé un contraste frappant : Postes Canada, quant à elle, demandait des retours en arrière, des concessions et de multiples changements transformateurs profonds aux conventions collectives de l’unité urbaine et de l’unité des FFRS, y compris des règles sur le travail et la dotation, le tout supposément justifié par sa situation financière : « Aucun syndicat ni même aucun travailleur ou travailleuse au Canada ne consentirait à de telles propositionsNote de bas de page 61. » Les concessions demandées par Postes Canada incluaient les suivantes :
… un régime de retraite à deux paliers, obligeant les nouveaux employés et employées à adhérer à un régime à cotisations déterminées; des régimes d’avantages sociaux « flexibles » exigeant des membres plus vulnérables sur le plan de la santé à payer des primes plus élevées; l’installation d’un logiciel dans tous les véhicules pour surveiller les employés et leur imposer des mesures disciplinaires en cas de présumées infractions aux règles de santé et de sécurité; l’élimination du congé de récupération alloué aux effectifs du quart de nuit; l’interdiction aux factrices et facteurs et aux FFRS de prendre des vacances pendant la période de Noël; l’élimination du congé de mariage; la suppression de la période de cinq minutes pour le lavage des mains; la réduction du nombre de jours de congé annuel pour les nouveaux employés et employées; la « flexibilité » lui permettant de fermer les points de vente au détail où travaillent des effectifs syndiqués; l’élimination d’un mécanisme accordant au Syndicat une influence réelle sur la modification des règles de travail des factrices et facteursNote de bas de page 62.
La ronde de négociations collectives actuelle a été litigieuse, mais ce n’est pas nouveau, selon le STTP. Le syndicat a expliqué ce qui suit en détail dans ses présentations écrites et à l’audience : pendant des années, les négociations collectives à Postes Canada ont été perturbées par des interventions répétées du gouvernement qui ont déformé et miné le processus de négociation. Sachant que son actionnaire, le gouvernement du Canada, était susceptible d’intervenir et d’imposer des lois de retour au travail et un arbitrage de différends, Postes Canada avait peu d’intérêt à s’engager dans des négociations collectives sérieuses, et le STTP a affirmé que cela était démontrable. Dans les rares cas où le gouvernement a indiqué qu’il n’interviendrait pas sur le plan législatif et où la libre négociation collective a pu suivre son cours, les parties ont été en mesure de parvenir à un règlement négocié. Le STTP n’est pas responsable de l’échec du processus de négociation : il a fait valoir ses demandes légitimes, qui avaient été déterminées de façon démocratique après consultation des membres, puis a exercé son droit de grève protégé par la constitution. Le STTP est d’avis que Postes Canada et le gouvernement du Canada portent l’entière responsabilité du conflit de travail.
D.1.2 Situation financière de Postes Canada
Selon le STTP, les présentations financières de Postes Canada, selon lesquelles elle aurait perdu 748 millions de dollars en 2023 et plus de 3 milliards de dollars de 2018 à 2023, ne devraient « pas être prises au pied de la lettre et […] doivent faire l’objet d’une analyse approfondieNote de bas de page 63 ». Toujours selon le STTP, Postes Canada a pour pratique établie de faire des projections financières intéressées et inexactes, au point, dans certains cas, de faire de fausses déclarations. Cependant, le STTP ne prétend pas que la perte financière déclarée pour 2023 est « fausse », mais plutôt qu’elle doit être examinée de près, idéalement avec l’aide de spécialistes indépendants en vérification financière ayant un accès total aux livres.
Un examen de l’histoire récente des négociations collectives a permis d’établir, selon les présentations du STTP, que les déclarations financières de Postes Canada étaient invariablement stratégiques, c’est-à-dire qu’elles étaient avancées pour justifier des réductions de services et pour obtenir les concessions demandées dans le cadre des négociations collectives. Invariablement, les projections financières de Postes Canada se sont révélées inexactes, les profits étant régulièrement transformés en pertes, les compensations pour les violations de l’équité salariale étant cachées ou mal comptabilisées, et les passifs éventuels étant utilisés pour établir une perte. Dans la mesure où Postes Canada a connu des difficultés financières (dont le STTP a contesté la gravité), celles-ci résultaient d’une variété de mauvaises décisions opérationnelles, par exemple, d’énormes projets de dépenses en capital qui n’ont jamais été mis en œuvre; d’une explosion des investissements autres qu’en capital (dépenses administratives et d’autres catégories); et du fait que la Société ait omis à plusieurs reprises d’augmenter convenablement les tarifs de port de première classe afin de les aligner sur ceux des autres services postaux. Cette dernière décision est tout à fait inexplicable, car le Canada sert l’une des plus grandes zones géographiques au monde, et lorsque les taux ont finalement augmenté en janvier 2025, la valeur n’a même pas été correctement prise en compte. Le STTP et ses membres ne sont pas responsables des mauvaises décisions opérationnelles de Postes Canada et ne devraient pas être tenus de payer le prix associé à ces décisions.
Selon le STTP, toute la situation nécessite un examen par une tierce partie véritablement indépendante, aussi rendu nécessaire par le manque total de transparence de Postes Canada quant à sa situation financière. Cela s’est traduit par le refus constant de Postes Canada de répondre, durant les négociations collectives et le processus de médiation facilité par la commission, aux questions objectivement appropriées du STTP concernant la divulgation de ses renseignements financiers. Au lieu de cela, elle a donné des non-réponses, des réponses incompréhensibles ou n’a pas répondu du tout (par exemple, au sujet du coût des règlements en matière d’équité salariale, mais aussi à d’autres sujets). La bouée de sauvetage financière offerte par le gouvernement du Canada, annoncée quelques jours avant la tenue des premières audiences publiques de la commission, doit être prise avec des pincettes. Le moment choisi était opportuniste, et le fait que Postes Canada et le gouvernement du Canada n’aient pas été totalement transparents avec le STTP au sujet des discussions qui ont mené à la décision a rendu tout l’exercice pour le moins suspect, selon le STTP.
D.1.3 Feuille de route du STTP
Le STTP est d’accord : les volumes des poste-lettres sont en baisse, tandis que les envois de colis ont augmenté subitement, sous l’effet de la croissance soutenue du cybercommerce. Le marché de la livraison est hautement concurrentiel, et l’activité principale est en train de changer :
Si la tendance se maintient et que Postes Canada conserve son ancien modèle d’affaires, soit la livraison de lettres et de colis, cinq jours par semaine, sa compétitivité risque d’en subir les conséquences. Certains opérateurs postaux ont innové et tiré parti de la diversification de leurs services, mais leurs activités de base demeurent la livraison du courrier et des colis. En gérant de manière efficace ses activités de base tout en s’adaptant à la nouvelle demande du marché (livraison le jour même, en soirée et les fins de semaine), Postes Canada en sortirait gagnanteNote de bas de page 64.
Selon les présentations du STTP, l’atteinte de cet objectif doit toutefois être placée dans son contexte, et une partie de ce contexte exige d’établir les différences entre les entreprises du secteur privé, motivées par le profit et axées sur les marchés urbains et suburbains lucratifs, et la mission nationale plus vaste de Postes Canada qui est énoncée dans la Loi et dans le Protocole du service : l’obligation d’assurer un service universel, qui consiste à fournir à tous les Canadiens et Canadiennes un service de livraison selon des conditions en grande partie semblables. La marche à suivre n’est pas d’imiter les concurrents existants et nouveaux du secteur de la livraison, dont les salaires et les conditions de travail sont inférieurs aux normes. La mission de Postes Canada est différente : elle doit être un employeur modèle – le meilleur de sa catégorie, offrant de bons emplois qui attirent et maintiennent en poste les employés – et servir toute la population canadienne également, y compris les personnes qui vivent dans des communautés rurales, éloignées et autochtones et qui dépendent fortement de ses services. En conséquence, Postes Canada a dû se frayer un chemin différent en deux volets : s’adapter à l’avenir en trouvant et en mettant en œuvre de nouvelles sources de revenus pour une Postes Canada réimaginée et revitalisée, ainsi que protéger et améliorer la convention collective.
D.1.4 S’adapter à l’avenir
D.1.4.1 Augmentation des tarifs de port canadiens
Le STTP a posé la question suivante : Face à des pertes financières croissantes, pourquoi Postes Canada n’a-t-elle pas augmenté ses tarifs de port, comme l’ont fait presque tous les autres principaux services postaux dans le monde? De 2018 à 2023, l’augmentation moyenne pour les principaux services postaux était de 55 %; à Postes Canada, elle était de 7 %. Les tarifs de Postes Canada étaient bas par rapport aux normes internationales. Si les tarifs avaient été augmentés dans le passé et s’ils étaient augmentés à l’avenir, les problèmes de viabilité financière pourraient être nettement atténués.
D.1.4.2 Transition vers un marché axé sur les colis
Aux yeux du STTP, Postes Canada était à la croisée des chemins : « Pour demeurer concurrentielle, elle doit passer d’un modèle axé sur le courrier à un modèle multiserviceNote de bas de page 65. » Parmi les ajustements possibles, citons la livraison conjointe de colis et de courrier et l’optimisation des activités en renforçant la capacité des centres de triage à traiter les volumes croissants de colis.
D.1.4.3 Mise à profit du cybercommerce transfrontalier
Au moment où la commission a tenu ses audiences, l’éventualité des droits de douane américains était réelle et prononcée, constituant une menace majeure pour l’économie et les travailleurs et travailleuses du Canada. Selon les présentations du STTP, cette menace constituait une occasion à saisir pour le gouvernement du Canada : positionner Postes Canada de manière à assurer la croissance et la survie des entreprises canadiennes. En effet, « Postes Canada peut être mise à contribution, d’une part pour livrer le courrier, et d’autre part pour assurer l’avenir des entreprises canadiennesNote de bas de page 66. » Les petites et moyennes entreprises jouent un rôle important dans l’économie canadienne et dépendent de Postes Canada pour l’expédition des colis. Postes Canada pourrait aider les entreprises en encourageant le mouvement « Achat local » et en proposant des tarifs d’expédition abordables. La livraison de médicaments sur ordonnance est un parfait exemple. Postes Canada « doit récupérer et gérer de manière proactive les secteurs qui devraient être exclusivement pris en charge par des entreprises canadiennes, notamment le marché croissant des livraisons de médicaments et d’accessoires médicauxNote de bas de page 67 ». La prise en charge de ce secteur devrait être « une priorité aux paliers national, provincial et municipalNote de bas de page 68… ».
Il existe également un potentiel inexploité pour le cybercommerce. Le STTP estime qu’il s’agit là d’une importante possibilité de croissance. Selon le STTP, Postes Canada devrait donc s’efforcer d’élargir son rôle dans la chaîne de valeur du cybercommerce transfrontalier, notamment en lançant une plateforme de cybercommerce pour soutenir les petites et moyennes entreprises au Canada. Ce soutien permettrait d’augmenter les volumes de colis et de générer de nouvelles activités : « Les innovations numériques seront la clé de nouvelles sources de revenusNote de bas de page 69… »
D.1.4.4 Services financiers et d’assurance pour la durabilité à long terme
Le déclin des volumes de courrier traditionnel exige une diversification des produits et des secteurs, ce qui suppose de faire comme de nombreux autres services postaux dans le monde : développer ses activités dans les services bancaires et d’assurance, en particulier dans « les collectivités où l’accès aux services bancaires est limité, comme dans les régions rurales ou éloignées, que les banques négligent voire abandonnentNote de bas de page 70 ». Il s’agit là d’une véritable occasion à exploiter, car de nombreuses petites communautés ont un bureau de poste, mais pas de banque. Par conséquent, « [b]on nombre de personnes dont les revenus sont faibles ou moyens ou qui habitent en région rurale, nordique ou éloignée ou dans une collectivité autochtone sont confrontées à des obstacles systémiques pour l’accès à des services financiers. Il y a donc à la fois une demande et un besoin en services financiers en dehors du système bancaire traditionnelNote de bas de page 71 ».
Selon une étude de 2023 de la Banque du Canada citée par le STTP, environ 13 % des Canadiens et Canadiennes n’ont pas accès aux méthodes de paiement nécessaires pour participer à l’économie numérique (ce qui est exacerbé par le déclin des transactions en espèces). Les banques et les coopératives de crédit ferment leurs succursales à un rythme alarmant, un problème particulièrement flagrant dans les communautés autochtones, où la distance médiane jusqu’à l’institution financière la plus près est de 25 km, contre seulement 1,9 km pour l’ensemble de la population canadienne. Selon le STTP, sans accès à des services financiers bien situés, de nombreux Canadiens et Canadiennes sont forcés de recourir à des services financiers abusifs, comme les prêteurs sur salaire et les entreprises d’encaissement de chèques, ce qui aggrave les inégalités sociales existantes. Il existe une solution que le STTP a exposée dans ses observations :
Postes Canada est donc la concurrente toute désignée pour offrir des services financiers abordables et de qualité au sein du contexte géographique et socioéconomique hétéroclite du Canada. Supposons que seul 10 % des 4,42 millions de membres de la population canadienne mal desservie ouvrent un compte avec Postes Canada. Si chacun dépense en moyenne 5 $ par mois en frais de service, ce qui est bien en deçà des taux de prêteurs sur salaire, des entreprises d’encaissement de chèques ou des grandes banques, le revenu annuel généré serait de 26,52 millions $. En tenant compte des possibilités de développement subséquentes et du succès éprouvé des banques postales à l’étranger, cette source de revenus pourrait grandir exponentiellement.
Nous ne suggérons pas d’imposer des taux abusifs aux habitants et habitantes de régions mal desservies, mais si seulement 442 000 des quelque 40 millions de Canadiens et Canadiennes devenaient des utilisateurs (à un taux bien inférieur à celui que bon nombre d’entre eux paient en ce moment), la banque postale pourrait engranger des dizaines de milliers dollar, le marché étant clairement très lucratifNote de bas de page 72.
La conclusion est simple : il existe un besoin établi de faire entrer Postes Canada dans le secteur des banques, des services financiers et de l’assurance, ainsi qu’un intérêt public à cet égardNote de bas de page 73. Le STTP a observé que les résultats des sondages réalisés par le gouvernement du Canada en 2016 indiquent que des millions de Canadiens et Canadiennes sont ouverts aux services bancaires postaux, 47 % des personnes interrogées étant d’accord pour dire que « la prestation de services financiers convenait très bien à Postes CanadaNote de bas de page 74 ».
Notamment, Postes Canada a déjà un projet pilote en cours, soit MonArgent, un compte d’épargne et de dépenses destiné aux Canadiennes et Canadiens mal desservis; (elle commercialise également son programme de prêts aux petites entreprises pour les clients de l’Alberta en partenariat avec la Banque de développement du Canada depuis 2023). Le STTP considère qu’« il est fortement improbable que Postes Canada se serait aventurée dans une telle entreprise sans procéder à une analyse rigoureuse du marché et à l’évaluation des coûts et des revenusNote de bas de page 75… ». Le STTP a laissé entendre que le secteur bancaire n’était qu’un début : « Postes Canada devrait [aussi] se tourner vers les services d’assurance […]. Son vaste réseau et son image de marque seraient des atouts dans l’offre d’assurance-vie et d’autres types d’assurance à la clientèle canadienneNote de bas de page 76. » La plupart des bureaux de poste dans le monde offrent un mélange de services : transfert de fonds, paiements de factures et paiements gouvernementaux, comptes d’épargne et courants, cartes de crédit, prêts, assurances, etc. Donc, d’autres offres de produits pourraient augmenter les revenus et fournir un coussin fiscal stabilisateur pendant que Postes Canada continue à chercher « des solutions créatives et innovantes pour s’adapter à la croissance de la concurrence et à l’évolution rapide du secteur postalNote de bas de page 77 ».
La proposition du STTP relative aux services bancaires postaux est, selon lui, avantageuse pour tous : il y a les avantages, sur le plan social, à fournir un service nécessaire aux Canadiens et Canadiennes ayant un accès limité aux services bancaires, puis il y a la possibilité de générer des revenus considérables. Deux exemples illustrent l’ampleur de la possibilité. En 2023, La Banque Postale, en France, « a rapporté un bénéfice net de 2,3 milliards € (3,1 milliards $ CA), trois fois le montant prêté par le gouvernement canadien à Postes CanadaNote de bas de page 78 ». Le STTP est d’avis que les profits potentiels de Postes Canada sont stupéfiants : « Poste Italiane, dont la gamme de produits financiers est encore plus diversifiée, a enregistré en 2023 un revenu net de 5,2 milliards €, soit 7,7 milliards $ CA, relativement à ses services financiers et de 1,56 milliard €, ou 2,3 milliards $ CA, pour ses services d’assuranceNote de bas de page 79. » Voici un extrait des présentations écrites du STTP :
Compte tenu des plans que Postes Canada a récemment dévoilés, le Syndicat croit que d’ici deux ans, Postes Canada pourrait élargir l’offre de services du nouveau compte MonArgent. Nous croyons aussi qu’elle pourrait relancer le programme de prêt personnel, ce qui ferait d’elle une solution de rechange aux pratiques abusives des prêteurs sur salaire. Postes Canada pourrait aussi proposer le programme de prêts aux entreprises au reste du pays.
D’ici cinq ans, Postes Canada pourrait commencer à offrir des produits d’épargne et de placement et à développer ses services à l’intention des petites et moyennes entreprises. Tout comme son programme de prêts aux petites entreprises, une offre de services financiers destinés aux entreprises canadiennes nouvelles ou florissantes serait un appui précieux et ferait grandir l’économie canadienne dans son ensemble. Postes Canada pourrait aussi offrir des produits d’assurance, ce que d’autres services financiers postaux ont accompli avec succès en France, en Suisse et en Italie, entre autres.
D’ici 10 ans, Postes Canada pourrait à son tour devenir une banque postale comme celle de la France et des autres modèles […]. Cependant, la possibilité d’établir des partenariats avec des institutions financières pour offrir l’accès à des services financiers au nom de Postes Canada pourrait aussi s’avérer rentableNote de bas de page 80.
D.1.4.5 Réintroduction du programme Aliments-poste et de la livraison de produits d’épicerie
Postes Canada expédiait auparavant des denrées alimentaires aux communautés nordiques isolées dans le cadre d’ententes de subvention qui ont été supprimées lors de l’introduction de Nutrition Nord Canada (NNC), un programme qui a transféré les subventions aux magasins de détail. Le programme NNC a connu de nombreux problèmes, notamment une hausse des coûts aux consommateurs et consommatrices. Si le programme Aliments-poste était rétabli, il augmenterait le volume et les revenus de Postes Canada et offrirait un meilleur service, à moindre coût, aux communautés autochtones (ce qui serait conforme aux obligations du gouvernement du Canada en vertu des appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation et contribuerait à les remplir).
La livraison de produits d’épicerie pourrait également, selon le STTP, être extrêmement rentable :
Aujourd’hui, il nous faudrait réévaluer la viabilité financière du projet, compte tenu de l’évolution du marché, mais nous demeurons convaincus de son fort potentiel dans le secteur. De plus, il s’agirait d’un service public important, surtout dans les régions mal desservies. Il serait particulièrement utile aux personnes âgées ou à celles vivant avec un handicap pour qui il peut être difficile de se rendre dans une épicerie et de payer les coûts élevés des services de livraison déjà en placeNote de bas de page 81.
D.1.4.6 Développement des carrefours communautaires
Dans de nombreuses régions du Canada, en particulier dans les communautés rurales et éloignées, les bureaux de poste sont des lieux de rassemblement importants où les gens vont chercher leur courrier et leurs colis et où ils socialisent. Dans ces circonstances, Postes Canada devrait développer le concept de carrefour communautaire déjà existant, en établissant des bureaux de poste qui offrent une gamme de services adaptés à chaque communauté, y compris des services gouvernementaux et des points d’accès numériques. En Italie, par exemple, environ 7 000 bureaux de poste situés dans de petites communautés ont été transformés en centres de services numériques fonctionnant 24 heures sur 24 et donnant accès à un large éventail de documents et de services gouvernementaux.
D.1.4.7 Mettre en place un programme de vigilance auprès des personnes âgées
Selon le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP), Postes Canada avait la possibilité de faire davantage pour soutenir la population vieillissante et en situation de handicap du Canada en demandant aux facteurs de garder « un œil attentif sur les clients de leur itinéraire de livraisonNote de bas de page 82 ». Dans certains pays, a souligné le STTP, les facteurs ont déjà fourni des services officiels de vérification du bien-être : « Postes Canada pourrait collaborer avec le STTP pour mettre à l’essai et évaluer un service de vigilance auprès des personnes âgées et des personnes à mobilité réduite au CanadaNote de bas de page 83. » En conséquence, le STTP a proposé la mise en place d’un nouveau programme de vigilance auprès des personnes âgées.
Dans le cadre de ce programme, les membres de la famille (et probablement des organismes de services sociaux) et d’autres personnes pourraient retenir les services des travailleurs et travailleuses des postes afin qu’ils vérifient régulièrement le bien-être des personnes âgées, des personnes à mobilité réduite et des membres d’autres groupes vulnérables de la population. Cela se fait déjà, notamment au Japon, par la Japan Post, et en France, par La Poste, qui dispose d’un robuste programme : les services proposés par la division Santé et Autonomie de La Poste comprennent des visites à domicile, la livraison de repas et de courses, ainsi que des services d’entretien ménager et de jardinage.
Selon le STTP, le meilleur modèle pour le Canada pourrait être celui de l’île de Jersey, où les postiers et postières posent aux citoyennes et citoyens inscrits à leur programme d’appel et de vigilance cinq courtes questions pour s’assurer qu’ils vont bien. Le STTP ne suggérait pas que ses membres deviennent des spécialistes du travail social ou des soins infirmiers, mais qu’ils puissent toutefois fournir un service essentiel à une population vulnérable croissante, en particulier si des « secteurs d’activité complémentaires » tels que la livraison de médicaments sur ordonnance, d’appareils médicaux, de produits alimentaires et d’épicerie, ainsi que la gestion des documents et des assurances faisaient partie des services fournisNote de bas de page 84. Le fait est que trop peu de personnes au Canada ont accès à des soins à domicile, et que les habitants des régions rurales et isolées et des collectivités autochtones sont particulièrement mal desservis. L’ajout du service de vigilance à l’itinéraire quotidien des facteurs pourrait générer des revenus pour Postes Canada par l’entremise des frais d’abonnement. Le STTP a demandé que soient menés une étude et un projet pilote. « Malheureusement, Postes Canada refuse de se lancer malgré cette chance unique de diversifier ses servicesNote de bas de page 85. »
D.1.4.8 Réviser le régime d’assurance-invalidité de courte durée
Le modèle actuel, dans le cadre duquel on fait appel à un assureur tiers, ne fonctionnait pas, malgré les contestations de Postes Canada. Des demandes étaient régulièrement rejetées sans juste cause. « Le rejet d’une demande ne fait que prouver que l’information demandée par le fournisseur n’a pas été reçue dans les délais impartisNote de bas de page 86. » Les formalités administratives lourdes, ainsi que les coûts connexes sur le système de santé, étaient incessantes. Il n’y avait aucune preuve de fraude, et le coût des rejets et des appels qui ont invariablement suivi était généralement tout à fait disproportionné par rapport aux montants demandés. « Il serait moins cher pour l’employeur de payer ses employées et employés malades plutôt que de s’acharner à leur faire défendre leur casNote de bas de page 87. » Le STTP avait une solution : augmenter les paiements afin de les faire passer de 70 % à 80 %, mais mettre en œuvre ce que l’on appelle l’exemption relative à l’assurance-emploi, selon laquelle les employées et employés sont admissibles au bénéfice des prestations d’assurance-emploi après une période de référence d’une semaine, la majeure partie des frais étant portée au compte de l’assurance-emploi. Les prestations seraient versées selon les critères du régime d’assurance-emploi, mais les économies réalisées par Postes Canada seraient substantielles.
D.1.5 Autres initiatives susceptibles de générer des revenus
D.1.5.1 Services de passeport
Certains comptoirs postaux ont déjà assuré la prestation des services de passeport. La prestation de ces services pourrait être rétablie.
D.1.5.2 Services mobiles
Les services postaux pourraient être fournis aux Canadiennes et Canadiens mal desservis (en ciblant les communautés autochtones) à l’aide de camions postaux mobiles.
D.1.6 Maintien de la convention collective
D.1.6.1 Favoriser la flexibilité de la main-d’œuvre
Le STTP était « résolument engagé à explorer les changements innovants pouvant être apportés
au modèle de livraison de Postes Canada afin de répondre à l’évolution des besoins de la population canadienne... » Toutefois, ce faisant, Postes Canada « ne doit pas perdre de vue son mandat public… [et] doit préserver sa qualité à titre d’institution publique essentielle et non devenir une entreprise commercialeNote de bas de page 88. » Postes Canada doit également protéger « les droits, les conditions de travail et la contribution essentielle des travailleurs et travailleuses des postes à ce service national vitalNote de bas de page 89. »
Le STTP a expliqué plus en détail ce que signifie la flexibilité et ce qu’elle ne devrait pas signifier. D’une part, Postes Canada souhaitait obtenir une plus grande flexibilité pour créer une main-d’œuvre de seconde classe, mal payée, aux horaires imprévisibles et ne bénéficiant pratiquement d’aucune sécurité d’emploi. À ce jour, le fait de chercher à disposer d’une plus grande flexibilité opérationnelle au sein du réseau de livraison a exacerbé les conflits syndicaux‑patronaux, entraîné des pertes d’emplois (environ 8 100 membres de l’unité de l’exploitation postale urbaine [unité urbaine] depuis 2006), a alourdi la charge de travail et causé une augmentation du nombre d’accidents du travail et une détérioration de l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée.
Néanmoins, le Syndicat a reconnu et continue de reconnaître la nécessité d’adapter les opérations de la Société à l’évolution des réalités du marché. Du point de vue du Syndicat, les changements opérationnels doivent viser un juste équilibre entre l’amélioration de la productivité, le maintien de normes supérieures en matière de service à la clientèle et la promotion du droit des travailleuses et travailleurs à des conditions de travail sécuritaires, à un emploi stable et à la sécurité de leur revenu. À ce titre, le Syndicat insiste sur le fait que les initiatives de transformation majeures ayant une incidence sur la livraison doivent inclure la participation de toutes les parties prenantes concernées, y compris le gouvernement, la Société, la population et le Syndicat. Les bénéfices découlant des améliorations de la productivité doivent être équitablement partagésNote de bas de page 90.
Le STTP n’acceptera jamais un modèle prévoyant davantage d’emplois à temps partiel, à bas salaires et précaires, où ses membres font l’objet d’une « précarisation »Note de bas de page 91. Le STTP s’est vigoureusement opposé à la privatisation et à la déréglementation aux fins de la transformation de Postes Canada en une entreprise à vocation commerciale.
D.1.6.2 Sécurité d’emploi
L’article 53, Sécurité d’emploi, de la convention collective des membres de l’unité urbaine rendait impossible le licenciement des employées et employés (sous certaines conditions). Cette disposition, négociée en 1985, constituait une réalisation unique, fruit d’années d’efforts syndicaux et d’importants compromis dans le cadre de la négociation collective, et n’avait causé aucun problème opérationnel, car il y avait généralement assez de flexibilité au sein de l’unité de négociation pour que soient affectés les employés excédentaires aux postes vacants. Selon le STTP, non seulement ce droit durement acquis devrait être préservé, mais les dispositions nettement plus restrictives relatives à la sécurité d’emploi des membres de l’unité des factrices et facteurs ruraux et suburbains (FFRS) devraient également être renforcées.
Les dispositions contractuelles sont primordiales, mais le STTP reconnaît que « la meilleure forme de sécurité d’emploi à Postes Canada réside dans la prestation de services de qualité au publicNote de bas de page 92. »
D.1.6.3 Emplois à temps plein
Les emplois à temps plein garantissaient des salaires équitables, des avantages sociaux et la sécurité d’emploi : « À titre de société d’État ayant un mandat public, Postes Canada devrait se faire le champion de pratiques équitables respectueuses de la diversité et être un modèle de bons emplois viables pour le secteur postalNote de bas de page 93. » Postes Canada devrait donner l’exemple à tous les employeurs. L’emploi à temps plein profite tant aux personnes qu’à la société. Cela signifie que Postes Canada devrait commencer à donner la priorité à la conversion des postes à temps partiel et des postes de durée déterminée en postes à temps plein (et le STTP estime que cette conversion peut être réalisée sur le plan économique); réduire la sous-traitance, investir dans la formation des postiers et postières à des postes complémentaires tels que l’entretien des véhicules électriques et les services financiers; et continuer à mettre l’accent sur les possibilités de carrière pour les femmes, les travailleuses et travailleurs autochtones et les membres des autres groupes sous-représentés et marginalisés.
D.1.6.4 Santé et sécurité
Malgré l’engagement déclaré de Postes Canada à l’égard de la santé et de la sécurité de son personnel, le STTP a fait valoir que la Société faisait tout le contraire. Les travailleurs et travailleuses des postes se classent au deuxième rang à l’échelle du secteur fédéral pour ce qui est de la fréquence des blessures invalidantes. Les factrices et facteurs sont confrontés au quotidien à des éléments de risque : chiens, surfaces inégales, charges lourdes, trébuchements et glissades, et souvent des conditions météorologiques défavorables, pour ne citer que quelques‑uns des éléments qui rendent leur travail physiquement exigeant et entraînent directement une augmentation des accidents du travail. L’instauration en 2017 d’une nouvelle méthode de travail, soit la séparation du tri et de la livraison (STL), a considérablement accru le profil de risque, car elle s’est traduite par des journées de travail plus longues et davantage de livraisons pendant la nuit, ce qui a été rendu encore plus problématique par l’augmentation du volume de courrier dans les quartiers, entre autres stresseurs importantsNote de bas de page 94. Le STTP a proposé de restreindre la capacité de Postes Canada à mettre en œuvre la STL. En fin de compte, selon le STTP, Postes Canada n’offrait pas un lieu de travail sûr et manquait à son devoir de diligence envers ses employés. Postes Canada n’a pas fait l’objet de transparence au sujet de la nature et de l’étendue des blessures subies par ses employés (et a étouffé les demandes d’indemnisation).
Une solution immédiate était nécessaire pour aller de l’avant, en commençant par améliorer les enquêtes et les rapports sur les accidents et en mettant un terme à l’étouffement des demandes d’indemnisation pour accidents du travail. Selon le STTP, un changement de culture s’imposait : Postes Canada devait cesser d’attribuer aux travailleurs blessés la responsabilité de leurs blessures.
D.1.6.5 Sous-traitance
Dans la mesure du possible, le travail de Postes Canada devrait, selon le STTP, être effectué par des membres du STTP. Il existe des exemples de projets de sous-traitance couronnés de succès qui ont conduit à la prise en charge définitive des tâches par des employées et employés de Postes Canada (travaux d’entretien à l’usine de tri d’Edmonton, entretien des véhicules et livraison des colis, pour ne citer que trois exemples contenus dans le mémoire du STTP). De l’avis du STTP, il convient de redoubler d’attention et d’efforts pour mener à bien des initiatives similaires.
D.1.6.6 Technologie et santé et sécurité
Le STTP a reconnu que le processus de développement et de mise en place de la technologie était continu et rapide. « La mise en œuvre de technologies innovantes doit cependant faire l’objet d’une consultation et d’un soutien vigoureux, au moyen de formation, par exemple, afin de garantir des résultats justes et équitables. Les avantages découlant de l’augmentation de la productivité doivent … [et] être équitablement partagés entre les travailleuses et travailleurs et la SociétéNote de bas de page 95. »
D.1.6.7 Moratoire sur la fermeture des bureaux de poste ruraux
Depuis 1994, le STTP a soutenu fermement le maintien du moratoire sur la fermeture des bureaux de poste ruraux et le franchisage des comptoirs de vente au détail. Les bureaux de poste ruraux favorisaient l’unité nationale, du fait qu’ils étaient, dans de nombreuses régions, la seule présence publique du gouvernement fédéral. Y étaient offerts des emplois stables, en particulier aux femmes, ce qui a contribué au développement social du CanadaNote de bas de page 96. Si le plan normatif du STTP (p. ex. les services bancaires postaux et les centres postaux) était adopté, l’importance et le rôle des bureaux de poste ruraux seraient renforcés. En revanche, si le modèle de franchise était étendu, il conduirait à des emplois de qualité inférieure selon pratiquement tous les critères. « Le maintien de bons emplois dans les collectivités », a déclaré le STTP, « est à la fois une obligation morale et une décision stratégique au bénéfice de Postes Canada, de ses travailleurs et travailleuses et du pays dans son ensembleNote de bas de page 97. »
D.1.6.8 Changements climatiques
Postes Canada possédait plus de 14 000 véhicules, et environ 8 000 véhicules personnels étaient utilisés par les membres de l’unité des FFRS. Dans ces circonstances, Postes Canada devrait jouer un rôle central dans la lutte contre les changements climatiques, notamment en écologisant son parc automobile avec des véhicules électriques, en équipant ses bâtiments de panneaux solaires et en élargissant son rôle de fournisseur de services de livraison groupée du dernier kilomètre. Selon le STTP, il était grand temps que Postes Canada commence à accorder plus d’attention à ces propositions (comme il l’a indiqué dans ses présentations écrites)Note de bas de page 98. Dans une autre suggestion, le STTP a fait remarquer qu’il y avait des milliers de bureaux de poste dans tout le pays, ce qui donnait à Postes Canada une véritable occasion de tirer parti de son parc immobilier en créant des réseaux de recharge électrique. « Une telle initiative permettrait non seulement aux Canadiennes et Canadiens d’avoir un meilleur accès à des bornes de recharge, mais aussi à la Société d’engranger des revenus additionnels dont elle a bien besoinNote de bas de page 99. »
D.1.7 Vision du STTP relativement au bureau de poste de l’avenir
D.1.7.1 Le bureau de poste doit demeurer public
Le STTP fait valoir que le bureau de poste doit demeurer public. Il ne s’agit pas d’une entreprise, mais d’un service public qui dessert tous les Canadiens et Canadiennes, contrairement au secteur privé (qui ne se soucie que du profit et concentre ses efforts commerciaux sur les itinéraires rentables, plutôt que sur la prestation des services à l’ensemble de la population canadienne). Le STTP n’a pas ignoré les défis : « Les services fournis et la nature du travail postal ont changé et continuent de changer. Nous savons que Postes Canada est confrontée à des défis importants. La poste-lettres est en déclin, la concurrence dans le secteur des colis est plus féroce et, par conséquent, les revenus sont en baisseNote de bas de page 100. » Il est vrai, reconnaît le STTP, que Postes Canada « a des difficultés à générer des revenus …Note de bas de page 101 ». La solution ne réside toutefois pas dans la privatisation et la déréglementation, mais dans la refonte et la restructuration de la société, non seulement en tant qu’institution nationale essentielle, forte d’une fière tradition de service de la population canadienne, mais aussi en tant qu’institution nationale prometteuse pour l’avenir : livrer davantage de colis, certes, mais aussi élargir ses activités principales, comme il a été souligné par le STTP dans ses présentations.
D.1.7.2 Le bureau de poste doit se réinventer
Selon le STTP, le moment est venu pour Postes Canada de se réinventer afin de mieux servir les Canadiennes et les Canadiens d’aujourd’hui et de demain :
… le service postal que nous souhaitons maintient son solide mandat public. Il répond aux attentes et aux besoins de la population qu’il dessert et continue de maintenir son niveau élevé de confiance. Il détient toujours son privilège exclusif sur les lettres, continue de proposer une tarification uniforme pour la livraison des lettres peu importe l’endroit au pays et relie toujours les régions, les villes et les villages, de grandes et petites tailles. Il maintient ses objectifs politiques, même s’il y a déclin de la poste-lettres, parce qu’il s’agit de la seule forme de communication à distance entièrement publique qui subsiste au Canada, et certains utilisateurs en auront toujours besoin. Il garde ses points de vente au détail ouverts plus longtemps pour mieux servir la population. Il exploite pleinement le potentiel inégalé du plus grand réseau de logistique, de transport et de vente au détail du Canada.
Le service postal que nous souhaitons répond à une demande sans cesse croissante de livraison de colis pour les achats faits en ligne et les retours. Il permet la livraison le jour même d’un article commandé en ligne, et la livraison d’un colis le dimanche après-midi s’il s’agit de la seule option du destinataire. Il maintient les meilleurs prix de sa catégorie en dépit de l’énorme concurrence sur le marché de la livraison de colis. Il est en mesure d’absorber les services de ses transporteurs tiers grâce à l’éventail de ses options en matière de ramassage et de livraison, et fait passer tous les colis par Postes Canada.
Le service postal que nous souhaitons répond mieux aux besoins des collectivités rurales, éloignées et nordiques. Il assure en tout temps un service de qualité et maintient une présence publique fédérale dans les collectivités qui en sont dépourvues. Il se réapproprie la mission d’intérêt public qu’est la livraison de nourriture et la sécurité alimentaire des communautés autochtones, une contribution significative à la réconciliation, plutôt que de verser de l’argent à des détaillants à but lucratif.
Le service postal que nous souhaitons diversifie son offre de services, comme l’ont fait de nombreuses autres administrations postales dans le monde, et ce, dans le but de combler d’importantes lacunes politiques ou d’offrir des alternatives publiques à des services privés. Il utilise les revenus ainsi générés pour remplir son mandat d’autonomie financière et son obligation de service universel malgré le déclin de la poste‑lettres.
Le service postal que nous souhaitons propose des services financiers pouvant se substituer à ceux des grandes banques. Il contribue à réduire les inégalités sociales en répondant aux besoins des personnes n’ayant pas accès à des services bancaires et qui sont contraintes de recourir aux prêteurs sur salaire. Il réduit les frais de service et fournit des services dans les collectivités devenues des déserts bancaires.
Le service postal que nous souhaitons ne se contente pas de distribuer du courrier et des colis. Il apporte la tranquillité d’esprit à la population vieillissante et aux familles en assurant un suivi auprès des personnes âgées et des personnes à mobilité réduite, les aidant ainsi à vivre chez elles plus longtemps.
Le service postal que nous souhaitons fait un meilleur usage de son vaste réseau de vente au détail. Ses bureaux de poste servent de centres communautaires en accueillant de petites boutiques temporaires, en donnant accès aux services des différents paliers de gouvernement, en permettant la recharge de voitures électriques et, là où il est possible de le faire, en louant des salles à des groupes locaux pour la tenue de réunions. À l’extérieur, des artisans et des producteurs locaux utilisent l’espace pour y installer un marché où ils offrent des aliments frais et des produits du territoire, reliant les membres de la collectivité.
Le service postal que nous souhaitons élimine les disparités entre les grands expéditeurs de courrier qui bénéficient de tarifs réduits et la population, les petites entreprises et les organismes sans but lucratif. Il renforce ses liens avec les petites et moyennes entreprises en répondant en personne à leurs besoins postaux au lieu de leur fournir un numéro de téléphone. Il cherche activement à améliorer les services qu’il offre aux entreprises sans lier ces services à des primes de rendement.
Le service postal que nous souhaitons est un modèle à suivre pour les organismes fédéraux en matière de lutte contre les changements climatiques, grâce aux technologies et aux pratiques écologiques qu’il met en place. Il utilise son parc de véhicules électriques pour la livraison en milieu urbain et en milieu rural. Il rénove ses immeubles et adopte l’énergie solaire dans le but de réduire les émissions et d’abaisser, dans la mesure du possible, les coûts d’exploitation. Il effectue la livraison du dernier kilomètre pour tous les transporteurs au pays, ce qui permet d’éviter les embouteillages dans les secteurs urbains, d’économiser de l’énergie et de maintenir la confiance et la sécurité associées au service postal public.
Le service postal que nous souhaitons offre des emplois stables, bien rémunérés et de longue durée, assortis d’avantages sociaux et d’un bon régime de retraite. Il permet aux entreprises locales de prospérer parce que les travailleurs et travailleuses des postes et leurs familles peuvent se permettre de résider et de vivre dans leurs collectivités. Il recrute une main-d’œuvre diversifiée, dont la composition reflète fidèlement la société canadienne dans son ensemble. Il offre des conditions de travail sûres de sorte que les travailleurs reviennent du travail de bonne humeur et en santé. Il adhère et respecte les dispositions des conventions collectives conclues avec les travailleurs et travailleuses des postes. Il effectue des changements technologiques en tenant compte de l’intérêt de la population, du service postal et des travailleurs et travailleuses des postes, et non à leurs dépens.
En bref, le service postal public que nous souhaitons offre un grand nombre de services de même qualité que ceux fournis par le service postal d’autres pays. De nombreuses administrations postales ont élargi leur gamme de service et diversifié leurs sources de revenus pour compenser, entre autres, le déclin de la poste-lettres. Il est temps que le gouvernement fédéral et Postes Canada prêtent une oreille attentive aux attentes de la population telles qu’elles ont été exprimées dans le cadre des examens de mandat précédents, des sondages d’opinion publique et des recherches du STTP et d’autres organismes. Il est temps qu’ils prennent des mesures pour donner vie au service postal souhaité par la génération actuelle d’utilisateurs et de travailleurs et travailleuses des postes – et la génération à venir. Entre-temps, pour les travailleurs et travailleuses qui forment le STTP, la lutte continueNote de bas de page 102.
Pour résumer le point de vue du STTP, la solution immédiate consistait à livrer les colis tous les jours de la semaine, puis à poursuivre l’expansion des activités après avoir mené une étude et mis en œuvre les suggestions formulées à cet égard, afin de créer ainsi un service postal adapté aux besoins futurs. Le STTP a toutefois convenu que la priorité devait être accordée aux services de base : « Le Syndicat est prêt à collaborer avec la Société pour mettre en place des services de livraison des colis la fin de semaine, en soirée et le jour mêmeNote de bas de page 103. » Mais il y avait une contrepartie : Les dispositions de la convention collective existante doivent être à la fois respectées et améliorées. La précarité devait être rejetée. Une issue existait, mais elle échappait à tous.
D.1.8 Comment le STTP a proposé d’aller de l’avant
De l’avis du STTP, la convention collective actuelle fournissait aux parties les outils nécessaires pour s’adapter aux défis actuels et faire croître les activités. Le STTP a également présenté une proposition détaillée visant à intégrer la livraison la fin de semaine au service régulier en recourant à des facteurs à temps plein, une proposition qui combinerait parfaitement le double objectif de créer plus d’emplois à temps plein et de réaliser d’importantes économies.
D.1.8.1 Croissance de l’entreprise
Les suggestions du STTP pour faire croître les activités de Postes Canada sont décrites et résumées ci-dessus (D.1.4 S’adapter à l’avenir) (telles qu’elles sont énoncées dans ses présentations écrites et présentées lors des audiences en janvier, complétées en février et suivies d’autres présentations en mars). Le STTP a fait valoir que ces suggestions étaient toutes crédibles, bien qu’elles nécessitaient une étude et des plans d’affaires détaillés. Heureusement, a‑t-il fait remarquer, la convention collective de l’unité urbaine prévoyait un processus pour examiner ses propositions. Le processus figure à l’annexe T, et le comité chargé de l’expansion des services, de l’innovation et du changement pourrait être chargé de créer des projets pilotes afin de tester et d’affiner ces propositions et d’autres avant leur mise en œuvre à plus grande échelle. (L’annexe T a été négociée en 1992. Elle est composée de deux comités mixtes, soit un comité directeur et un comité de travail, dont l’objectif est d’examiner les initiatives d’élargissement des services, d’innovation et de changement. Lorsque les parties s’entendent, des modifications temporaires peuvent être apportées à la convention collective pour permettre la mise en œuvre de projets pilotes, et si les projets pilotes sont concluants, les modifications peuvent être rendues permanentes.)
L’établissement des coûts et les prévisions de revenus générés par ces initiatives proposées auraient lieu une fois que ces projets auraient été évalués et que les objectifs auraient été fixés, conformément à l’annexe T. Cependant, comme l’a expliqué le STTP dans sa présentation :
[É]tant donné que des administrations postales d’autres pays ont, avec succès et sans perte financière, mis en œuvre des initiatives semblables, il convient d’évaluer leur faisabilité dans le contexte canadien. Si l’objectif d’un projet pilote est d’en déterminer la viabilité, il est déraisonnable de conclure à son échec sans sa mise à l’essai. Il est vrai qu’aucun de ces projets ne rétablira immédiatement la situation financière de Postes Canada, mais comme l’ont montré d’autres administrations postales, la diversification des services et l’innovation sont nécessaires pour assurer la viabilité à long terme.
Même si une proposition ne parvient qu’à rentrer dans ses frais, elle contribuera à accroître la confiance en Postes Canada et à augmenter l’achalandage dans les bureaux de Postes Canada. Si les consommateurs se rendent au bureau de poste (ou consultent le site internet) pour obtenir des services financiers, des services gouvernementaux ou pour commander des produits d’épicerie, ils pourraient bien, pendant qu’ils sont sur place, opter pour la livraison d’un colis, faire l’achat de timbres ou effectuer d’autres transactions. L’effet positif d’un guichet unique efficace sur les achats est bien connu dans le milieu des affaires. Par contre, si les consommateurs doivent faire des pieds et des mains pour avoir accès à des services, ils sont beaucoup moins susceptibles de s’adonner à des achats. Par conséquent, plus Postes Canada diversifiera ses services, plus elle génèrera des revenusNote de bas de page 104.
[…]
Par conséquent, la logique voudrait que Postes Canada s’emploie à mettre à l’essai des projets pilotes à petite échelle dans le but de recueillir des données concrètes. En adoptant une démarche prudente et en faisant preuve d’ouverture d’esprit en matière d’innovation, Postes Canada agirait dans son intérêt et dans celui de la population qu’elle dessert. Le personnel de l’annexe « T » est plus que prêt à travailler aux côtés de Postes Canada pour atteindre ces objectifsNote de bas de page 105.
D.1.9 Absence d’obstacles structurels à l’efficacité prévue dans les conventions collectives
D.1.9.1 Système de mesure des itinéraires des factrices et des facteurs (SMIFF)
En ce qui concerne ses propositions visant à faire croître les activités de Postes Canada par l’étude et la mise à l’essai de ses idées, le STTP a contesté les affirmations de Postes Canada (ci‑dessous) selon lesquelles la convention collective imposait des obstacles structurels à la livraison efficace et rentable des envois poste-lettres et des colis. Par exemple, l’affirmation de Postes Canada selon laquelle le SMIFF était obsolète et rigide était inexacte. Le temps nécessaire à la restructuration dépendait entièrement de Postes Canada. L’annexe CC de la convention collective de l’unité urbaine donnait à Postes Canada le droit de proposer des modifications au SMIFF. Une période de consultation de 30 jours était prévue et, en l’absence d’accord, une procédure d’arbitrage était prévue. Postes Canada pourrait considérer le processus du SMIFF comme étant « obsolète et chronophageNote de bas de page 106. » Cependant, Postes Canada avait une option : s’efforcer de modifier ce processus en consultation avec le STTP, à l’aide des dispositions existantes de la convention collective. Le STTP a notamment fait remarquer que les parties avaient la possibilité de recourir à l’annexe AA.
L’annexe AA donnait aux parties la possibilité de mettre en place des projets pilotes pour régler les problèmes de levée et de livraison. Travailler en collaboration, conformément à ces dispositions existantes de la convention collective, était le moyen le plus approprié d’étudier puis de mettre en œuvre des rajustements des règles de travail de la convention collective qui soient mutuellement avantageux.
Entre juin 2022 et juin 2023, un projet pilote a été lancé au lieu de dépôt Champlain, à Montréal. La prise en charge de l’itinéraire a été maintenue, ce qui était logique puisque les employés qui connaissent leurs itinéraires sont plus rapides, plus efficaces et moins susceptibles de se blesser, mais le système lui-même était dynamique, avec une réorganisation quotidienne des itinéraires tenant compte des volumes réels. Autrement dit, le courrier n’était distribué que lorsqu’il y avait du courrier à distribuer, et il n’y avait aucune visite quotidiennement, quoi qu’il arrive. Le projet pilote a échoué, et c’est entièrement la faute de Postes Canada, selon le STTP :
Un des éléments qui a été testé durant le projet pilote était la réassignation des tâches en heures supplémentaires. Comme le système était dynamique, les superviseurs pouvaient savoir en temps réel quel facteur serait en situation d’heures supplémentaires et pouvaient réassigner le travail à d’autres. La gestion locale trouvait trop compliqué de réassigner le travail de façon quotidienne et laissait le travail dans l’itinéraire original. La société a dû mettre fin au projet à cause du manque de collaboration de la supervision locale qui, entre autres, trouvait trop laborieux de réassigner le travail quotidiennement de la façon dont les parties en avaient convenu au niveau national. C’est pourtant un projet dans lequel la SCP avait investi beaucoup d’argent. Le projet est toujours dans la convention collective, et les parties pourraient s’entendre pour le remettre sur pieds ailleursNote de bas de page 107.
D.1.9.2 Propriété des itinéraires et heures supplémentaires
Postes Canada a établi les itinéraires des facteurs. Certains facteurs terminent leur journée de travail plus tôt, tandis que d’autres prennent plus de temps pour effectuer l’itinéraire duquel ils sont titulaires (selon des valeurs temporelles prédéterminées et des moyennes de volume). Il s’agit d’une caractéristique du système qui remonte à la fin des années 1960. En réalité, selon le STTP, Postes Canada n’avait aucune idée de l’heure à laquelle les facteurs commençaient à travailler – certains commençaient avant l’heure officielle – ni aucun moyen de déterminer les heures effectivement travaillées. Il était également impossible de réattribuer le travail supplémentaire aux facteurs qui terminaient leur itinéraire plus tôt.
Dans un dépôt de factrice [sic] et de facteurs, les factrices et les facteurs arrivent le matin, trient leur courrier et partent sur la route. Si un facteur revient après 6 h 30 de travail, quel travail lui serait attribué? Il n’y a plus de travail au bureau, car les facteurs ont quitté avec leur courrier. Il faudrait le retourner sur la route pour assister un autre facteur, mais lequel? Qui détermine le travail à effectuer? De quelle façon? Le superviseur ne connait pas la quantité de travail qui reste à effectuer par les factrices et les facteurs, pas plus qu’il ne sait où ils se trouvent. De plus, s’il faut conduire pour se rendre au secteur de livraison, il faut compter 30 à 40 minutes aller-retour sans avoir effectué de travail réellement productif. Bien que l’idée de réassigner du travail à une factrice ou un facteur qui a terminé en moins de 8 h semble intéressante à première vue, dans les faits, elle n’est pas vraiment réalisteNote de bas de page 108.
D.1.9.3 Livraison la fin de semaine par des employés à temps plein
Le STTP a indiqué dans sa présentation que Postes Canada devrait, dans la mesure du possible, privilégier l’emploi à temps plein. Avec cet objectif commun, espérons-le, à l’esprit, le STTP a présenté une proposition détaillée pour mettre en œuvre la livraison la fin de semaine, mais en recourant à des employés à temps plein plutôt qu’à temps partiel (précaires), et en intégrant le travail la fin de semaine aux horaires réguliers à temps plein. Une étude de cas que le STTP a qualifié d’évolutive a été présentée pour établir que lorsque les salaires, les heures supplémentaires, les avantages sociaux et les cotisations de retraite étaient correctement pris en compte, le travail de fin de semaine était le meilleur et le plus rentablement effectué par des employés à temps plein.
D.2 Présentations de Postes Canada
La situation était, en un mot, désastreuse. La Postes Canada n’était pas en mesure de respecter ses obligations envers ses créanciers, ses employés et les Canadiens. Cela est confirmé par le prêt/la ligne de crédit de plus d’un milliard de dollars accordé par le gouvernement du Canada en janvier 2025. Sans ce prêt ou cette ligne de crédit, Postes Canada n’aurait pas été en mesure, au cours du premier semestre de 2025, de respecter ses obligations actuelles, notamment le paiement des salaires, ni de rembourser les obligations de 500 millions de dollars arrivant à échéance en juillet 2025.
En 2022, Postes Canada a enregistré une perte avant impôts de 548 millions de dollars; en 2023, cette perte s’élevait à 748 millions de dollars. Au troisième trimestre de 2024, soit avant le conflit de travail, Postes Canada a enregistré une perte d’exploitation de 803 millions de dollars depuis le début de l’annéeNote de bas de page 109. Au cours des six dernières années, Postes Canada a enregistré des pertes cumulatives avant impôts d’environ 3 milliards de dollars. Ces pertes ont été accompagnées d’une baisse des revenus d’exploitationNote de bas de page 110, tandis que les coûts d’exploitation ont augmentéNote de bas de page 111. Au troisième trimestre 2024, le solde de trésorerie de Postes Canada, qui s’élevait à environ 1 milliard de dollars, aurait été presque épuisé si ce n’était de certains dessaisissements et de la suspension des cotisations au régime de retraite (qui a nécessité un prêt/une ligne de crédit de 1 milliard de dollars). Postes Canada a fait remarquer qu’aucun de ces chiffres n’était fictif ou inventé. Ils étaient réels et, surtout, vérifiés (par Ernst & Young et soumis à un examen plus approfondi par le ministère des Finances et la vérificatrice générale du Canada). Les états financiers de Postes Canada ont toujours fait l’objet d’une opinion sans réserve. Les allégations du STTP concernant des irrégularités fiscales et des manœuvres financières ont été catégoriquement rejetées. Il n’était pas nécessaire de procéder à un examen financier indépendant; ce travail avait déjà été effectué par les vérificateurs qui avaient approuvé les états financiers.
Selon Postes Canada, de nombreuses causes profondes expliquaient sa situation financière désastreuse. Les pertes sont dues à la réduction du nombre d’envois poste-lettres, à la concurrence croissante dans les services de livraison des colis, à l’obligation d’assurer un service universel, aux conventions collectives prévoyant les taux horaires les plus élevés (et la meilleure rémunération totale, y compris les avantages sociaux, les nombreux congés, le régime de retraite à prestations déterminées et les généreuses prestations de retraite) dans le secteur de la messagerie, en particulier parmi les concurrents non syndiqués, et à de nombreuses règles de travail rigides (non seulement avec le STTP, mais aussi avec d’autres syndicats de Postes Canada).
En d’autres termes, l’avenir était sombre. Postes Canada prévoyait des pertes croissantes si le modèle actuel restait inchangé, soit des pertes annuelles estimées à 900 millions de dollars en 2025, et à 1,7 milliard de dollars en 2029. Les déficits prévus pourraient être encore plus importants. « Les premières indications suggèrent que l’arrêt de travail [2024] a accéléré la transition le [sic] numérique dans les secteurs d’activité Courrier transactionnel et Marketing direct, puisque les gens cherchaient des solutions de rechange pour leurs factures de services publics, leurs lettres et leurs campagnes de marketing, entre autresNote de bas de page 112. » Les clients se sont également tournés vers d’autres entreprises de messagerie, et il restait à voir si Postes Canada parviendrait à regagner ne serait-ce qu’une partie de cette clientèle. Le prêt/la ligne de crédit du gouvernement était nécessaire, parce que même avec la récente augmentation de 25 % du prix des timbres-poste, Postes Canada aurait épuisé ses réserves de trésorerie, comme elle l’a indiqué à maintes reprises au gouvernement du Canada et au STTP pendant des années.
Le message était toujours le même : baisse des volumes de courrier, baisse des volumes des documents de marketing direct, baisse des volumes des colis, concurrence accrue dans le secteur du transport des colis et accélération de la substitution numérique. Aucun lecteur des rapports annuels successifs ne pouvait en conclure autrement.
Postes Canada se décrivait comme étant à la croisée des chemins. Sans changement structurel au modèle d’exploitation et aux conventions collectives du STTP, Postes Canada ne pouvait pas remplir son mandat ni retrouver la viabilité financière exigée par la Loi. La situation financière actuelle, qui devrait encore se détériorer, devait être corrigée immédiatement, non pas au moyen d’une autre étude, mais par des changements opérationnels au sein de Postes Canada. Il n’était pas nécessaire de mettre en œuvre tous les changements requis en même temps, mais un changement de cap s’imposait. Selon Postes Canada, c’était aussi simple que cela.
D.2.1 Les activités de Postes Canada
D.2.1.1 L’obligation d’assurer un service universel
À une certaine époque, et pendant longtemps, le monopole du service poste-lettres – privilège exclusif – conférait à Postes Canada un avantage concurrentiel. La baisse des volumes a changé la donne, et le déclin se poursuit de manière irréversible. Parallèlement, le secteur du transport des colis est devenu hyperconcurrentiel. Postes Canada perdait la partie rentable de ses activités, à savoir les livraisons de colis en milieu urbain et suburbain à forte densité, tout en conservant la partie la moins rentable de ces dernières. De toute évidence, l’obligation d’assurer un service universel ne faisait pas partie du modèle d’affaires des concurrents existants et nouveaux du secteur de la messagerie. En d’autres termes, Postes Canada se trouvait dans la pire des situations. Ce phénomène, bien que particulièrement aiguë au Canada pour des raisons géographiques, n’était pas propre à Postes Canada. Partout dans le monde, les services postaux nationaux étaient confrontés aux défis posés par leur propre obligation d’assurer un service universel, face à la baisse du courrier postal et à la croissance de la demande de livraison de colis le jour même ou le lendemain, face à des concurrents du secteur privé dotés de ressources complètes et très efficaces, en quête acharnée de parts de marché.
D.2.1.2 Livraison de colis
Selon Postes Canada, les activités opérationnelles devaient changer, en commençant par l’instauration de la livraison des colis sept jours sur sept. Il s’agissait d’un élément essentiel pour que Postes Canada ait la moindre chance d’assurer sa viabilité financière à long terme. Les Canadiens s’attendaient à un service de livraison le jour même, le lendemain et la fin de semaine. Seul le secteur des transports des colis offrait des perspectives de croissance des revenus. Certes, les conventions collectives conclues avec les membres de l’unité urbaine et de l’unité des FFRS prévoyaient la livraison la fin de semaine, mais ces dispositions n’avaient qu’une valeur limitée. Dans ses présentations et lors des audiences de janvier et de février, Postes Canada en a expliqué les raisons.
D.2.1.3 Unité urbaine
La convention collective prévoit l’exigence selon laquelle une semaine de livraison régulière s’étend du lundi au vendredi. Cette exigence et les règles connexes de la convention collective de l’unité urbaine ont été établies à l’époque où les envois poste-lettres constituaient des activités importantes et rentables. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Les livraisons des colis la fin de semaine devaient être effectuées (presque exclusivement) par des factrices et facteurs travaillant à temps plein, du lundi au vendredi, qui se portaient volontaires pour faire des heures supplémentaires. Postes Canada n’était pas autorisée, en vertu de la convention collective de l’unité urbaine, à engager des facteurs à temps partiel, de sorte qu’ils travaillent exclusivement durant la fin de semaine, tant selon un horaire préétabli que selon les besoins, et qu’ils soient rétribués au taux des heures normales, ce qui était nécessaire dans un environnement de livraison où les volumes fluctuaient d’un jour à l’autre, d’une semaine à l’autre et d’un mois à l’autre (et ce qui rendait l’embauche de nouveaux employés à temps plein, selon l’avis du STTP, une proposition immédiatement vouée à l’échec et complètement intenable). Le fait que des employés à temps plein demeurent inoccupés en raison d’un volume insuffisant pour remplir leurs quarts de travail n’était pas la solution au problème. La dernière chose que Postes Canada voulait était d’avoir plus d’heures non utilisées (voir D.2.2.1 ci-dessous). Ce qu’il fallait, c’était d’avoir toute la latitude de recourir aux employés à temps partiel pour répondre au volume (qui change quotidiennement).
D.2.1.4 Unité des factrices et facteurs ruraux et suburbains (FFRS)
La convention collective de l’unité des FFRS ne prévoyait pas la mise en place d’un service de livraison de colis la fin de semaine. L’élargissement du service du lundi au vendredi pour inclure la livraison le samedi ou le dimanche est considéré comme étant du travail excédentaire par rapport à la semaine de travail normale. En d’autres termes, il n’existait aucun moyen efficace et efficient d’offrir la livraison la fin de semaine.
D.2.2 Le statu quo des dispositions de la convention collective en vigueur n’est plus viable
Le statu quo des dispositions de la convention collective en vigueur n’est plus viable, et ce depuis des années. Les dispositions de la convention collective établies à une époque où la livraison des envois poste-lettres était l’activité principale entravaient, selon Postes Canada, sa capacité à livrer en dehors de la période du lundi au vendredi. Sans un modèle de livraison viable sept jours sur sept pour les membres de l’unité urbaine et de l’unité des FFRS, et sans la capacité de recourir de façon efficace aux services d’employés à temps partiel pendant la semaine, Postes Canada a soutenu qu’elle ne pourrait récupérer aucune partie du marché de livraison des colis qu’elle avait perdue et qu’elle aurait de la difficulté à conserver la part réduite qu’elle avait conservée.
Certaines règles de travail précises de la convention collective empêchaient Postes Canada d’assurer l’efficacité de ses activités opérationnelles.
D.2.2.1 Unité de l’exploitation postal urbaine (unité urbaine)
Les facteurs étaient titulaires de leurs itinéraires. La prise en charge du travail par les facteurs empêchait Postes Canada de réaffecter le travail en fonction de la fluctuation du volume et de la disponibilité de la main-d’œuvre. Les facteurs étaient payés huit heures par jour, selon les dispositions de la convention collective, mais il y avait une variabilité dans le volume et, par conséquent, dans les heures travaillées, ce qui entraînait à la fois des heures non utilisées et des heures supplémentaires. Voici quelques explications requises.
Si le facteur mettait moins de huit heures pour effectuer sa tournée, il était tout de même payé pour huit heures de travail. C’est ce que les parties appellent « heures non utilisées ». Un facteur qui termine sa tournée plus tôt que prévu peut rentrer chez lui. Postes Canada n’a pas la possibilité de réaffecter le travail dans la fenêtre de huit heures. Un facteur qui termine sa tournée en moins de huit heures peut être appelé, strictement sur une base volontaire, à aider un autre facteur dont le volume est plus élevé, mais, en supposant qu’il se soit porté volontaire, il doit être rémunéré en heures supplémentaires, même si ce travail supplémentaire a été effectué dans la fenêtre de huit heures initialement prévue et payée. De même, si des heures supplémentaires étaient nécessaires sur l’itinéraire du facteur, ce dernier les recevrait (au lieu que Postes Canada puisse réaffecter un facteur ayant terminé ses livraisons sur un autre itinéraire). Postes Canada a rejeté l’idée, indiquant qu’il ne serait pas pratique d’assigner du travail à un facteur qui retourne plus tôt que prévu au poste, car il ne resterait pas assez de temps à la fin de la journée. Elle n’avait pas l’intention d’attendre la fin de la journée si elle pouvait se soustraire à cette restriction imposée par la convention collective. Elle procédait à une réaffectation avant que les facteurs ne quittent leur poste le matin, en équilibrant les charges. En résumé, Postes Canada estimait que, comme tout autre employeur dans le monde, elle était en droit d’attendre de ses employées et employés qu’ils travaillent pendant les heures pour lesquelles ils étaient payés.
D.2.2.2 Rajustement en fonction des fluctuations de volume à l’aide du SMIFF
En vertu de la convention collective de l’unité urbaine, Postes Canada établit et modifie les itinéraires des facteurs à l’aide du Système de mesure des itinéraires des factrices et des facteurs (SMIFF). Il s’agit d’un processus très complexe, chronophage et souvent contesté. Touchant des centaines d’employés de Postes Canada, le SMIFF nécessite la collecte de toutes sortes de données granulaires et renvoie à des documents de référence comportant des centaines de pages de procédures détaillées. L’objectif du SMIFF est de concevoir des itinéraires qui nécessitent huit heures (480 minutes) de travail. Lors de la mise en place des armoires à colis, par exemple, il a fallu plusieurs années aux parties pour parvenir à un accord sur les normes temporelles (les différentes valeurs associées à la livraison et au retrait du courrier d’une armoire à colis) jusqu’à des fractions de seconde près. Le processus peut durer des années, et lorsque des résultats sont finalement obtenus, le nouvel itinéraire est souvent immédiatement obsolète. De plus, le modèle du SMIFF est basé sur une moyenne quotidienne. Les itinéraires étaient fixes, ce qui ne permettait pas à Postes Canada d’adapter les horaires des facteurs et factrices en fonction du volumeNote de bas de page 113.
D’autres problèmes se posaient également. Lorsque les parties ne parvenaient pas à s’entendre sur la réorganisation des itinéraires, les différends étaient soumis à un arbitre spécialisé. Comme on pouvait s’y attendre, les griefs, puis les arbitrages duraient des années. Ce système n’était pas adapté à la réalité moderne de la livraison, où la charge de travail des factrices et facteurs varie quotidiennement. Selon Postes Canada, le SMIFF était tout à fait contre-productif.
Postes Canada a suggéré qu’il fallait tenir compte d’un autre facteur connexe contribuant aux inefficacités globales. Presque tous les itinéraires étaient desservis par des facteurs et factrices à temps plein (94 %). Cependant, il n’est possible de recourir à des facteurs à temps partiel que lorsqu’un itinéraire de huit heures de travail ne peut être conçu selon le SMIFF établi pour huit heures, et non pour aider à gérer la charge de travail supplémentaire sur d’autres itinéraires. D’autres restrictions prévues dans la convention collective limitaient la capacité de Postes Canada à recourir à des employés temporaires pour faire face aux fluctuations de la charge de travail, ce qui signifiait qu’elle devait recourir aux heures supplémentaires pour remplir ses obligations en matière de service.
D.2.2.3 Opérations de livraison de l’unité des FFRS
En termes simples, les factrices et facteurs ruraux et suburbains (FFRS) étaient autrefois des entrepreneurs indépendants qui soumissionnaient pour leurs itinéraires dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres, puis négociaient individuellement leurs conditions d’emploi. Le système de rémunération actuel est complexe, mais le problème, du point de vue de Postes Canada, était qu’en vertu de la convention collective de l’unité des FFRS, le système de rémunération ne peut être modifié en fonction des fluctuations de la charge de travail. Les titulaires d’itinéraires de l’unité des FFRS sont rémunérés pour la pleine valeur de leur itinéraire, quelle que soit le temps nécessaire pour effectuer le travail et quel que soit le volume de livraison attribué. Selon Postes Canada, il y avait souvent un écart entre le temps alloué aux différents itinéraires et le temps de travail réel.
En 2021, dans le cadre du renouvellement de la convention collective, les parties ont convenu de mettre en place un comité chargé d’assurer la transition des employés de l’unité des FFRS vers un taux horaire sous réserve de l’élaboration d’une nouvelle méthode de mesure de la charge de travail (l’ancien système étant un héritage de l’époque des entrepreneurs et entrepreneuses). (Des progrès ont été réalisés dans le cadre des discussions de médiation facilitées par la commission pour résoudre les problèmes en suspens concernant l’unité des FFRS.)
D.2.2.4 Contraintes liées à la dotation pour le traitement du courrier
L’augmentation des livraisons de colis a été la première mesure prise par Postes Canada pour assurer sa viabilité financière. La clientèle commerciale de Postes Canada – constituant le marché cible et représentant la majeure partie des volumes totaux – avait formulé des attentes claires : déposer ses articles dans le réseau de Postes Canada le plus tard possible dans la journée et les faire traiter et sortir pour livraison le lendemain, y compris les fins de semaine. Pour répondre à ces demandes du marché, Postes Canada avait besoin d’employés supplémentaires, mais généralement pour quelques heures seulement par jour. Cela n’était pas possible, selon Postes Canada, en vertu des dispositions de la convention collective en vigueur de l’unité urbaine (et cela ne serait pas rentable ni réalisable dans le cadre du plan proposé par le STTP visant à embaucher des employés à temps plein pour la livraison les fins de semaine).
La semaine de travail normale des employées et employés à temps plein était de 5 jours, 8 heures par jour, 40 heures par semaine. Cela ne permettait pas à Postes Canada de moduler les heures de travail normales du personnel à temps plein. La convention collective de l’unité urbaine ne prévoyait aucune classification des employés pouvant travailler exclusivement les fins de semaine. Une disposition relative au ratio exigeait un certain nombre d’heures à temps plein par rapport au nombre total d’heures, et si le ratio n’était pas respecté pour une année donnée, un certain nombre de postes à temps plein devaient être créés. Aucun des concurrents de Postes Canada n’était soumis aux mêmes restrictions; ils comptaient tous une main-d’œuvre à temps partiel importante.
D.2.2.5 Limites à la capacité de Postes Canada de recourir à la sous-traitance
Les conventions collectives de l’unité urbaine et de l’unité des FFRS ont toutes deux imposé des limites à la sous-traitance. Selon Postes Canada, ni l’introduction de nouvelles restrictions ni l’acceptation des nouvelles propositions de sous-traitance du STTP n’étaient compatibles avec un retour à la viabilité financière.
D.2.2.6 Réaménagement des effectifs – unité urbaine
En vertu de la convention collective de l’unité urbaine, Postes Canada n’avait ni le droit ni la capacité de licencier les employés excédentaires. Ceux-ci avaient plutôt le choix d’accepter un autre poste ou de consentir à une mise à pied volontaire. Si l’employé choisissait d’accepter un autre poste, Postes Canada doit maintenir son salaire même s’il n’y avait pas de poste disponible jusqu’à ce qu’un poste se libère. Selon Postes Canada, il était intenable de rémunérer des employés alors qu’ils n’avaient pas de travail à accomplir. Compter sur l’attrition naturelle n’était pas une solution acceptable pour Postes Canada, car des changements organisationnels s’imposaient immédiatement.
D.2.2.7 Réaménagement des effectifs – unité des FFRS
Les employés membres de l’unité des FFRS bénéficiaient également d’importantes mesures de protection de l’emploi. Au fait, ils avaient droit à la sécurité d’emploi après cinq années de service continu. Les employées et employés excédentaires continuent de percevoir leur salaire et peuvent être affectés à des postes vacants sur des itinéraires ou à des postes comparables dans un rayon de 75 km de leur ancien poste (et si aucun poste n’est vacant dans un rayon de 75 km, ils peuvent être admissibles à d’autres postes). Le personnel est considéré comme excédentaire jusqu’à 12 mois avant la mise à pied et est placé sur la liste de rappel pendant une période pouvant aller jusqu’à 12 mois supplémentaires.
Le problème concret auquel Postes Canada était confrontée – et qu’elle a décrit – était qu’en raison de l’éloignement de nombreuses installations postales de l’unité des FFRS, Postes Canada disposait d’un éventail limité d’options de réaffectation. Dans ces circonstances, Postes Canada ne pouvait accepter de renforcer la sécurité d’emploi des employés de l’unité des FFRS. (Elle avait toutefois proposé de donner la priorité, dans la mesure du possible, à la mise en place d’horaires de 40 heures par semaine, 8 heures par jour.)
D.2.2.8 L’annexe JJ et les autres dispositions de la convention collective ne peuvent être invoquées
Malgré l’affirmation du STTP selon laquelle la convention collective en vigueur de l’unité urbaine fournissait les outils nécessaires à la mise en œuvre d’une solution abordable de livraison pendant la fin de semaine, Postes Canada a déclaré et expliqué pourquoi cela n’était pas vrai.
L’annexe JJ, par exemple, citée par le STTP, était inappropriée. À titre de disposition intégrée à la convention collective de l’unité urbaine lors de la ronde de négociations de 2016, elle avait une portée limitée. Elle n’autorisait la livraison les fins de semaine que pour les nouveaux produits et services. Elle ne permettait pas à Postes Canada de livrer les produits du secteur Colis existants les fins de semaine et ne pouvait pas être utilisée pour pallier les fluctuations de volume pendant la semaine. L’annexe JJ imposait des fardeaux réels et mesurables à la clientèle commerciale de Postes Canada. Plus important encore, comme cette annexe ne s’appliquait qu’aux nouveaux produits, Postes Canada devait séparer les produits nouveaux des produits existants dans ses installations à la fin de la semaine afin que seuls les nouveaux produits soient identifiés pour la livraison la fin de semaine, ce qui était peu pratique, chronophage et coûteux, et nécessitait beaucoup de travail. En termes clairs, l’annexe JJ, qui expire à la fin de la convention collective actuelle, n’était pas, de l’avis de Postes Canada, une solution fiable ou pratique pour assurer des services de livraison de colis sept jours sur sept.
D.2.2.9 Annexe S
De même, l’annexe S, qui permettait à Postes Canada de créer des itinéraires réservés aux colis à l’aide des coursiers des services postaux, était assujettie à des règles strictes dans le cadre d’un système structuré et devait être élaborée en consultation avec le STTP. Cependant, les coursiers des services postaux ne pouvaient livrer que les colis sur leurs itinéraires. Ils n’étaient pas autorisés à livrer des envois poste-lettres. Il n’était pas efficace qu’un facteur ou une factrice et qu’un coursier des services postaux effectuent des visites indépendantes le même jour à la même adresse (parmi une liste beaucoup plus longue de problèmes connexes énoncés par Postes Canada dans son mémoire).
D.2.2.10 Heures supplémentaires sur une base volontaire – unité urbaine
Postes Canada a reconnu qu’elle pouvait recourir à son personnel à temps plein du lundi au vendredi pour la livraison la fin de semaine, mais qu’elle devait faire appel à des volontaires et leur payer des heures supplémentaires. C’est ce qu’elle a fait pendant les périodes de pointe, mais le coût était prohibitif et le caractère volontaire de ce travail ne lui permettait pas de compter sur un nombre suffisant de travailleurs et travailleuses. D’un point de vue opérationnel, il n’était pas logique pour Postes Canada d’offrir à ses clients la livraison la fin de semaine, puis de compter sur des travailleurs et travailleuses volontaires (dont le nombre était incertain) rémunérés en heures supplémentaires pour assurer le service. La Société avait besoin de certitude, de fiabilité et de la possibilité d’ajuster les horaires, inévitablement ceux à temps partiel, en fonction du volume. Encore une fois, la proposition du STTP d’embaucher des travailleurs et travailleuses à temps plein pour la livraison la fin de semaine n’était pas une option que Postes Canada pouvait envisager de manière responsable.
D.2.2.11 Heures supplémentaires sur une base volontaire – unité des FFRS
La livraison le samedi ou le dimanche était considérée comme du travail excédentaire, ce qui signifie que ce travail ne pouvait pas être attribué. Les employés membres de l’unité des FFRS devaient se porter volontaires, et lorsqu’ils le faisaient, ils étaient rémunérés le double du tarif régulier. Postes Canada indique dans sa présentation qu’il n’y avait pas de moyen efficace et rentable d’offrir la livraison la fin de semaine, selon les dispositions de la convention collective de l’unité des FFRS.
D.2.2.12 Le régime de retraite
Avec un actif de 30,9 milliards de dollars au 31 décembre 2023, le régime de retraite à prestations déterminées de Postes Canada est l’un des plus importants régimes à employeur unique du pays. Une suspension des cotisations a été décidée au 31 décembre 2022, le régime étant entièrement capitalisé (sur le plan de la continuité et de la solvabilité). Il demeure cependant de la responsabilité de Postes Canada d’assurer la capitalisation intégrale et la viabilité de son régime de retraite. D’autres groupes avaient convenu que les nouveaux employés adhéreraient à un régime de retraite à cotisations déterminées.
D.2.2.13 Avantages postérieurs à la retraite
Plus de 26 000 personnes retraitées du groupe STTP touchent des prestations du Régime de soins médicaux complémentaires de retraite. L’âge moyen du personnel actif actuel de Postes Canada est d’environ 50 ans. Dans ces circonstances, Postes Canada estimait que le coût de ces prestations augmenterait dans les années à venir et a souligné que parmi toutes les personnes retraitées de la Société, celles qui sont représentées par le STTP payaient la part la plus faible du coût des prestations du Régime de soins médicaux complémentaires de retraite.
D.3 Pourquoi la négociation collective a échoué
L’explication est simple. D’une part, Postes Canada était confrontée à une crise financière grave et existentielle, avec des déficits qui ne pouvaient que s’aggraver à l’avenir en raison du déclin continu des volumes de la poste-lettres et des colis, combinés à des règles de travail très restrictives. Postes Canada devait changer de cap pour éviter l’insolvabilité certaine et s’engager sur une voie offrant au moins la promesse d’une viabilité future. Cela impliquait des changements raisonnables et progressifs du modèle opérationnel. La convention collective de l’unité urbaine de près de 600 pages et celle de l’unité des FFRS de 190 pages contiennent des règles détaillées et restrictives sur la façon dont Postes Canada doit gérer ses activités, ses opérations et son effectif. Les règles et les restrictions qui y sont contenues avaient été établies pour une époque différente, une époque où les volumes élevés et stables de poste-lettres permettant de soutenir le système. Selon Postes Canada, les conventions collectives devaient être modernisées.
Ces conventions collectives prévoyaient également les meilleures conditions de leur catégorie : une rémunération totale et d’innombrables congés payés, mais aussi un régime de retraite à prestations déterminées et des dispositions relatives à la sécurité de l’emploi inexistantes dans le secteur privé et bien supérieures à celles de n’importe lequel des concurrents de Postes Canada. Rappelons que ces concurrents n’étaient pas tenus de livrer à toutes les adresses canadiennes. Comme ils n’étaient pas obligés d’assurer un service universel, ils pouvaient se concentrer uniquement sur les itinéraires rentables à fort volume, en offrant des services de livraison à un taux horaire productif bien inférieur à celui de Postes Canada.
Poste Canada estimait avoir établi la nécessité d’un changement dont elle avait démontré le bien‑fondé, mais le STTP ne voulait pas s’engager. C’est pourquoi elle est d’avis que les négociations ont échoué. En effet, le STTP a rejeté les résultats financiers vérifiés et a nié sans fondement l’existence du précipice financier mis en évidence par l’octroi du prêt d’urgence du gouvernement du Canada en janvier 2025. Les négociations ne pouvaient pas aboutir dans un contexte où le STTP refusait d’accepter les changements minimaux qui s’imposaient depuis longtemps et dont Postes Canada avait besoin pour assurer son avenir et avant tout sa viabilité. « Pour être en mesure d’atteindre ses objectifs à long terme, Postes Canada cherche à apporter progressivement des changements raisonnables et adéquats qui l’aideront à faire la transition des modèles traditionnels vers un effectif plus flexible, plus efficace et plus rentableNote de bas de page 114. » Postes Canada a contesté la description que le STTP faisait de sa position dans les négociations et a plutôt mis l’accent sur un grand nombre de ses propositions visant à répondre à des demandes précises du STTP (ainsi que sur les changements qu’elle a elle-même proposés)Note de bas de page 115. Dans sa description des négociations, Postes Canada a déclaré que, à l’exception de quelques progrès limités à la table des FFRS, le STTP ne tenait nullement compte de sa réalité financière et de ses besoins légitimes et urgents en matière de négociation : « Postes Canada ne pouvait tout simplement pas accepter les offres du STTP sans compromettre ses chances de retourner à la viabilité financièreNote de bas de page 116. »
Après avoir examiné les échanges d’offres au cours des nombreux mois de négociation collective, Postes Canada est d’avis que les offres du STTP, à quelques exceptions près, étaient caractérisées par la résistance aux changements visant à accroître la flexibilité opérationnelle, ce qui s’est traduit par des propositions visant à renforcer, voir à élargir, le statu quo (qui était en soi inacceptable). Les propositions du STTP, si elles avaient été retenues, auraient conduit Postes Canada dans une direction complètement opposée à celle qui était nécessaire pour rétablir sa viabilité financière. Postes Canada a estimé que les propositions du STTP coûteraient environ 3 milliards de dollars au cours de la durée des conventions collectives proposées.
En d’autres termes, du point de vue de Postes Canada, au lieu de reconnaître les préoccupations financières légitimes et potentiellement existentielles qui justifient la nécessité d’un changement, le STTP a rejeté de manière systémique toutes les propositions visant à assurer la viabilité financière actuelle et future de Postes Canada (et a aggravé la situation en énonçant les dispositions de la convention collective qui, selon lui, pouvaient être utilisées pour assurer, par exemple la livraison la fin de semaine ou l’efficacité des itinéraires, alors qu’il savait, ou aurait dû savoir, que ce n’était pas le cas). De plus, le STTP a indiqué qu’il pouvait aggraver davantage les choses en présentant des propositions totalement inabordables et injustifiées qui établiraient de nouvelles restrictions dans les conventions collectives, ce qui aggraverait encore plus la situation financière déjà désastreuse. Aucune des propositions, destinées à faire croître les activités, présentées lors des négociations et à la commission (p. ex. vigilance auprès des personnes âgées, panneaux solaires, bornes de recharge pour véhicules électriques ou centres sociaux avec des marchés artisanaux dans les bureaux de poste, sous-traitance, etc.) ne permettrait de relever les défis immédiats et urgents auxquels est confrontée Postes Canada.
Postes Canada avait besoin d’un changement véritable, mais reconnaissant que cela ne se ferait pas du jour au lendemain. Postes Canada n’aspirait pas non plus au modèle de main-d’œuvre précaire adopté par bon nombre de ses concurrents. Elle a réaffirmé son engagement à offrir à tous ses employées et employés des emplois attrayants, équitables et sécuritaires. « En tenant compte de ces facteurs, Postes Canada a abordé la présente ronde de négociations en proposant des changements qui ne sont que les premiers pas vers le renforcement d’une organisation plus axée sur la clientèle et financièrement viable, qui continue d’offrir des avantages sociaux concurrentiels à son personnelNote de bas de page 117 (souligné dans l’original). » En d’autres termes, « Postes Canada ne cherche pas à tout accomplir en même temps. Postes Canada met plutôt l’accent sur les solutions les plus efficaces à ses défis pressantsNote de bas de page 118. »
Postes Canada a déclaré que, pour assurer son avenir, elle avait besoin d’un partenaire de négociation qui se présente à la table des négociations en comprenant les défis réels à relever. Nier l’existence d’une crise financière n’était pas une solution, pas plus que présenter toutes sortes de propositions d’élargissement des activités du bureau de poste, fondées sur des allégations douteuses n’ayant aucun bien-fondé, qui nécessiteraient des années avant de pouvoir être évaluées et mises à l’essai, à supposer que cela profiterait à quiconque autre que le STTP (ce qui n’était pas le cas).
D.4 Vision de Postes Canada concernant le bureau de poste de l’avenir
Pour devenir un fournisseur de services viable, Postes Canada ne peut plus compter sur la poste-lettres pour financer une partie de ses activités. Cette partie du modèle d’entreprise a disparu depuis longtemps et ne reviendra jamais. Ce dont Postes Canada à besoin, c’est d’être compétitive dans un monde centré sur les colis. Ce qui signifie que les colis soient livrés 7 jours sur 7. Pour ce faire, elle doit être en mesure de baser les itinéraires de livraison sur les volumes réels et de proposer la livraison la fin de semaine, le soir et le jour suivant à des tarifs abordables, en faisant appel à une main-d’œuvre flexible à temps partiel, déployée en fonction du volume. « Obtenir cette flexibilité requiert une vision pluriannuelle en plusieurs étapes qui comprend une modernisation importante de la réglementation et des conventions collectives. Et cela ne se fera pas du jour au lendemain ni avec les contraintes actuelles de Postes Canada. »Note de bas de page 119 Le résultat final doit être, selon la présentation de Postes Canada, une organisation qui fournit un service fiable aux Canadiens partout dans le monde.
D.4.1 La vision immédiate
Dans l’immédiat, Postes Canada cherche à obtenir les modifications nécessaires à la réglementation et aux conventions collectives afin de refléter la réalité du déclin irréversible et continu de la poste-lettres, pour lui permettre de :
- proposer un modèle de distribution qui réduit les coûts de main-d’œuvre, c’est-à-dire rémunérer équitablement les employés pour le temps qu’ils travaillent, et minimiser le temps improductif (heures non travaillées) ;
- offrir des livraisons abordables la fin de semaine et le jour suivant ou, en d’autres termes, des colis livrés tous les jours de la semaine.
D.4.2 Visions sur cinq ans et dix ans
Avec la livraison de colis 7 jours sur 7, Postes Canada envisage un avenir où elle pourrait fonctionner selon des normes de service réalistes reflétant la réalité de l’érosion du service poste-lettres, mais offrant aux Canadiens, quel que soit leur lieu de résidence, un accès à la fois à la poste-lettres et à la livraison de colis, ainsi qu’une certaine souplesse quant à la manière et au moment où le service est fourni, tout en veillant à répondre aux besoins des communautés rurales, éloignées et autochtones. Postes Canada envisage un avenir où elle pourra :
- offrir une tarification du service lettre-postes liée au coût de distribution (et établie en fonction d’une nouvelle norme de service) ;
- maintenir un réseau de vente au détail hautement accessible, tant au sein de l’entreprise que de partenariats ;
- rajuster son effectif pour répondre à ses besoins opérationnels et aux pressions de la concurrence ;
- offrir des emplois attirants, équitables et sécuritaires, mais avec des salaires et des conditions d’emploi conformes au marché ;
- réinvestir ses bénéfices afin de bâtir une meilleure Société canadienne des postes ;
- réduire au minimum son empreinte environnementale.
D.5 Comment aller du point A au point B
Postes Canada a besoin, selon elle, d’ajustements immédiats aux règles de travail existantes des conventions collectives et à l’environnement réglementaire, et à plus long terme, d’une transformation profonde. En l’absence d’ajustements immédiats aux conventions collectives lui permettant de se concentrer de manière abordable et efficace sur la livraison de colis 7 jours sur 7, l’érosion de la part de marché se poursuivra et les pertes s’amplifieront. Sans ajustements immédiats suivis de changements transformateurs, Postes Canada ne pourra pas atteindre à nouveau une viabilité financière à court, moyen ou long terme.
Postes Canada propose de modifier les conventions collectives, le cadre réglementaire, les moratoires sur la fermeture des bureaux de poste ruraux et la conversion aux boîtes postales communautaires, ainsi que le processus de fixation des tarifs postaux.
La Société canadienne des postes affirme qu’elle s’est engagée à fournir des emplois équitables, attirants et sécuritaires. Elle reconnaît la valeur et l’importance de l’emploi à temps plein : 94 % des itinéraires de facteurs sont des itinéraires à temps plein. Cependant, Postes Canada a besoin d’une main-d’œuvre à temps partiel pour gérer les fluctuations (et l’absentéisme des employés, les vacances et les congés payés et non payés). Les employés à temps partiel donneraient à Postes Canada la flexibilité nécessaire pour faire face au volume. Selon Postes Canada, le recours à cette main-d’œuvre ne doit pas se faire aux dépens des employés à temps plein.
D.5.1 Unité urbaine : Personnel à temps partiel flexible
Postes Canada propose une nouvelle fonction d’affectation à temps partiel flexible dans la classe d’emplois PO LC-1 TP, comme suit :
- La fonction d’affectation à temps partiel flexible sera dotée de personnel régulier à hauteur d’un pourcentage correspondant à 15 % du personnel à temps plein de la classe d’emplois Facteur et factrice dans une unité postale ou une installation.
- Le personnel à temps partiel flexible aura un horaire hebdomadaire garanti de vingt heures par semaine (du lundi au vendredi), mais il doit être disponible pour travailler jusqu’à trente heures par semaine, au besoin, et peut accepter jusqu’à quarante heures par semaine sur une base volontaire.
- Il bénéficiera des mêmes avantages que le personnel régulier, sous réserve des exigences d’admissibilité, y compris la sécurité d’emploi, le régime de retraite, les dispositions généreuses en matière de congés, ce qui favorisera la rétention des talents et la stabilité.Note de bas de page 120
Selon Postes Canada, cette proposition permettra d’offrir des emplois à temps partiel intéressants et bien rémunérés. Il ne s’agit pas d’emplois à statut précaire; loin de là. Cet effectif permettra à Postes Canada d’optimiser ses opérations, de répondre aux demandes de livraison de colis 7 jours sur 7 et de réduire les heures non travaillées et les heures supplémentaires.
D.5.2 Unité des FFRS : Effectif permanent flexible
Postes Canada propose de remplacer le poste actuel d’employé de relève permanent par un nouveau poste d’employé permanent flexible. Des affectations d’effectif permanent flexible pourraient être créées pour effectuer la livraison de colis seulement ou tout autre travail, y compris les fins de semaine, et pour remplacer les absences pour congés annuels et autres absences. Ces postes auront un horaire minimum de 20 heures par semaine (jusqu’à 40 heures), sans que l’horaire journalier dépasse 9 heures. Encore une fois, selon Postes Canada, il ne s’agira pas d’emplois à statut précaire.
D.5.3 Livraison de colis la fin de semaine à prix abordable
D.5.3.1 Livraison urbaine la fin de semaine
Postes Canada propose que la livraison des colis la fin de semaine soit effectuée par des employés à temps partiel : la livraison de colis à temps partiel. Le travail ne serait pas basé sur les itinéraires, ce qui donnerait à Postes Canada la souplesse nécessaire pour organiser les horaires de fin de semaine en fonction du volume et de la destination (contrairement au processus sclérosé de la propriété des itinéraires et du SMIFF, tous deux totalement incompatibles avec la demande du marché et les changements de volume). Les employés à temps partiel affectés à la livraison de colis la fin de semaine se verraient attribuer un centre de distribution et aura un horaire d’au moins 15 heures (principalement la fin de semaine, avec droit à deux jours de repos consécutifs). Entre-temps, les facteurs à temps plein conserveraient leurs horaires du lundi au vendredi.
D.5.3.2 Livraison la fin de semaine effectuée par les FFRS
L’effectif permanent flexible assurerait la livraison de colis la fin de semaine (en travaillant selon un horaire de maximum cinq jours par semaine). Des modalités de rémunérations devront être convenues.
D.5.3.3 Avantages du modèle de livraison la fin de semaine de Postes Canada
Selon Postes Canada, le modèle proposé offrirait de bons emplois aux employés à temps partiel. Ce modèle offrirait une certaine stabilité aux facteurs à temps plein, qui continueraient de travailler du lundi au vendredi et ne seraient pas appelés à travailler la fin de semaine (ce qui favorisera l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée, comme le demande le STTP). La proposition de travail à temps plein la fin de semaine du STTP, en revanche, s’appuie sur des employés à temps plein dont les taux horaires productifs dépassent largement ceux des concurrents, ce qui rend cette proposition non rentable dès le départ (et se traduirait par une augmentation des heures non travaillées).
D.5.4 Répartition de la charge de travail
En vertu de la convention collective STTP-Urbain, comme indiqué ci-dessus (D.1.9.2), malgré la fluctuation du courrier, des colis et du matériel de marketing direct, Postes Canada ne peut, en fin de compte, assigner à un facteur du travail supplémentaire pour maximiser l’utilisation productive des heures payées. Cette limitation a abouti à un résultat brutal et, selon Postes Canada, inacceptable : « [C]ertaines personnes terminent le travail plus tôt que prévu et retournent à la maison avec une journée complète de rémunération, tandis que d’autres font des heures supplémentaires à des taux majorés. »Note de bas de page 121 Dans ces circonstances, Postes Canada a défini et proposé une solution pour éliminer les règles de prise en charge des itinéraires et les restrictions sur sa capacité à réaffecter le travail à l’intérieur des heures prévues et payées. Cette solution est la répartition de la charge de travail.
En bref, selon la proposition de Postes Canada, des modifications seraient apportées à la convention collective de l’unité urbaine pour lui permettre de réattribuer les activités de collecte et de livraison afin d’optimiser l’utilisation des heures prévues et d’attribuer des activités de collecte et de livraison aux employés dont les heures ne sont pas utilisées. Dans l’ensemble, la plupart des facteurs conserveraient des horaires de travail et des zones de livraison prévisibles, mais Postes Canada aurait la possibilité, dans les situations de faible ou de fort volume et dans les circonstances imprévues, de gérer les charges de travail de manière à maximiser l’utilisation des heures prévues (et payées) et à éviter les heures supplémentaires. Un autre élément salutaire de la proposition de Postes Canada est que la possibilité de répartir le travail permettrait de réduire les risques pour la santé et la sécurité liés à la surcharge de travail les jours de forte affluence. Postes Canada n’est pas d’accord avec le STTP sur le fait que, dans la pratique, elle ne peut pas assigner un travail productif, par exemple, à un facteur qui termine son itinéraire en moins de 8 heures.
D.5.5 Acheminement dynamique
L’acheminement dynamique fait référence à un processus d’ajustement des heures et du volume de travail. Postes Canada a déclaré qu’elle dispose de tous les renseignements nécessaires pour mettre en place l’acheminement dynamique : le volume quotidien de chaque poste de facteurs, les adresses de livraison discrètes, la charge de travail associée à la livraison à chaque adresse. Elle peut combiner ces renseignements pour déterminer la charge de travail quotidienne en temps réel, puis adapter adéquatement les itinéraires et les trajets de livraison. En 2017, les parties ont convenu d’un projet pilote dont l’objectif était de tester « des modèles d’acheminement des livraisons dynamiques et flexibles (itinéraires motorisés et à pied) qui maximisent une journée de travail prévisible, permettent à la clientèle de prévoir ses livraisons et améliorent l’ensemble de l’expérience du personnel et de la clientèle. »Note de bas de page 122
Selon Postes Canada, le projet pilote a échoué non pas parce qu’il s’agissait d’une mauvaise idée ni pour les raisons suggérées par le STTP, mais parce que les parties n’ont pas pu s’entendre sur bon nombre de ses éléments fondamentaux (comme l’a souligné Postes Canada dans ses observations écrites et lors des audiences).
La nécessité d’un acheminement dynamique existe encore dans la présentation de Postes Canada. Pour réussir, Postes Canada doit être en mesure d’harmoniser les charges de travail quotidiennes, d’éviter les surcharges de travail pour le personnel et de répondre aux besoins de la clientèle en temps réel. La mise en œuvre d’un modèle d’acheminement dynamique est un projet de longue haleine et il est peu probable qu’il soit entièrement réalisé pendant la durée de vie de la prochaine convention collective. Toutefois, Postes Canada ne pourrait pas et ne voudrait pas allouer les ressources essentielles pour lancer l’acheminement dynamique sans apporter les modifications accessoires nécessaires à la convention collective de l’unité urbaine. Dans l’intervalle, elle doit être en mesure de tester son modèle d’acheminement dynamique dans un maximum de dix endroits et elle a présenté sa proposition à cet effet dans son mémoire.
D.5.6 Taux horaire et système d’évaluation de la charge de travail
Un accord a déjà été conclu pour que le personnel membre des FFRS soit rémunéré à l’heure, sous réserve de l’élaboration d’un système actualisé d’évaluation de la charge de travail. Les itinéraires devaient être réorganisés avec des valeurs de temps appropriées qui reflètent avec exactitude le travail effectué. En d’autres termes, des itinéraires adaptés à la rémunération horaire (et non au modèle de rémunération actuel fondé sur les activités). De nombreux éléments clés de ce nouveau système d’évaluation ont fait l’objet d’un accord. Postes Canada a proposé que les points en suspens soient soumis à un processus de validation conjoint et, en l’absence d’accord, à une procédure d’arbitrage.
D.6 Pourquoi les propositions du STTP n’ont pas fonctionné
Les propositions du STTP n’étaient pas viables, a observé Postes Canada. Tout d’abord, il y avait les restrictions rigides des conventions collectives existantes (voir D.3 ci-dessus, Pourquoi la négociation collective a échoué). Postes Canada devait immédiatement offrir un service compétitif de livraison de colis 7 jours sur 7 et les conventions collectives ne lui fournissaient pas les mécanismes nécessaires pour le faire. Deuxièmement, les propositions générales non détaillées du STTP sur la manière de développer l’entreprise étaient ambitieuses et irréalistes. Les propositions du STTP, intentionnellement ou non, ne tenaient pas compte du défi immédiat : faire ce qu’il faut pour récupérer puis conserver une part significative du marché de la livraison de colis en apportant immédiatement les ajustements nécessaires et appropriés aux conventions collectives qui tiennent compte de la crise actuelle et y répondent en permettant à Postes Canada d’offrir une livraison concurrentielle de colis 7 jours sur 7 avec des employés à temps partiel dont l’horaire est établi en fonction du volume (et non d’embaucher des travailleurs à temps plein complètement inutiles les fins de semaine, comme le suggère le STTP).
D.6.1 Rejet par Postes Canada des propositions du STTP visant à restreindre la flexibilité
La situation exige une flexibilité supplémentaire pour relever les défis actuels et non l’introduction de nouvelles règles de convention collective qui, délibérément ou non, auraient l’effet inverse. Postes Canada rejette la proposition du STTP de restreindre la STL (ce qui a été confirmé lors de l’arbitrage) (voir D.1.6.4, ci-dessus). Elle rejette la proposition du STTP d’obtenir la sécurité de l’emploi pour les FFRS, qui prévoyait une parité équivalente à celle de la convention collective de l’unité urbaine. Elle rejette la demande du STTP d’obtenir une interdiction générale de la sous-traitance. La Société a rejeté l’élargissement proposé par le STTP de la disposition de la convention collective relative aux changements technologiques, car cette proposition exige que Postes Canada consulte le STTP avant de mettre en œuvre pratiquement n’importe quel changement (et laisse à un arbitre le soin de trancher si les consultations n’aboutissent pas à un accord). Elle rejette la demande du STTP voulant que Postes Canada fournisse aux membres des FFRS (qui fournissent en grande partie leurs propres véhicules et reçoivent un remboursement) des véhicules d’entreprise pour un coût d’environ 100 millions de dollars. Elle rejette plusieurs propositions de modification du ratio et d’autres dispositions de la convention collective de l’unité urbaine.
D.6.2 Économies de coûts
Outre la flexibilité de la convention collective pour introduire avec succès et de manière compétitive le travail de fin de semaine et la livraison de colis, Postes Canada a indiqué la nécessité de s’attaquer à ses coûts de main-d’œuvre élevés. Le taux horaire pour les heures productives est, comme indiqué ci-dessus (voir D.5.3.3), plus élevé que tous les coûts de main-d’œuvre des concurrents syndiqués et beaucoup plus élevé que ce que l’on trouve chez les concurrents non syndiqués (dont beaucoup sont employés par des entrepreneurs indépendants). De même, le versement d’une indemnité de vie chère (IVC) a transféré à Postes Canada les risques liés à une forte inflation.
Entre 2001 et 2020, la clause IVC n’a pas été activée. En 2021, 2022 et 2023, le coût est d’environ 78 millions de dollars (alors que Postes Canada affiche une perte de 748 millions de dollars). Les autres coûts encourus par Postes Canada - inconnus de ses concurrents syndiqués et non syndiqués - comprennent les congés de préretraite, les congés de mariage, les congés pour d’autres raisons (après épuisement des congés personnels), les congés d’examen, les congés de perfectionnement professionnel, les congés de sélection du personnel et les congés pour les employés travaillant de nuit. Les congés annuels à Postes Canada sont manifestement supérieurs à ceux de ses concurrents syndiqués. Aucun des concurrents ne bénéficie de cinq minutes de temps de toilette ni de repas rémunérés. Les prévisions indiquent une augmentation du coût des avantages postérieurs à la retraite. Tous les autres groupes de personnel de Postes Canada sont passés à un ratio de 50-50. Tandis que les membres de la haute direction et de la direction paient la totalité de leurs primes, les membres du STTP payent 35 %. Selon Postes Canada, cette situation n’est ni défendable ni viable sur le plan de la comparabilité. Le régime de retraite est actuellement stable, une suspension des cotisations de retraite est en vigueur, mais Postes Canada est responsable du financement de tout déficit dans ce régime et en est l’unique répondant. À l’exception des membres du STTP, Postes Canada a transféré tous ses employés, y compris ceux des autres syndicats, dans un régime à cotisations définies.
D.7 Propositions de Postes Canada pour le renouvellement des conventions collectives
D.7.1 Salaires
An 1 (2024) : 5 %
An 2 (2025) : 2,5 %
An 3 (2026) : 2,0 %
An 4 (2027) : 2,0 %
D.7.2 Admissibilité aux prestations de retraite et aux avantages sociaux
Actuellement, les employés peuvent recevoir des prestations et participer au régime de retraite à partir de la date à laquelle ils deviennent des employés réguliers. Sans tenir compte du fait que les régimes de retraite à prestations définies sont désormais des anomalies, en particulier pour les nouveaux employés, Postes Canada propose que les employés nouvellement embauchés deviennent admissibles au régime de retraite et aux autres avantages seulement après six mois de service consécutifs en tant qu’employé régulier.
D.7.3 Prestations post-retraite
Postes Canada propose de modifier la répartition à 60-40 pour les futurs retraités seulement, à compter du 1er janvier 2026.
D.7.4 Temps pour se laver
Postes Canada propose la suppression de la période payée pour se laver, ce qui n’aurait pas d’incidence sur le salaire net, mais réduirait le temps improductif.
D.8 Les propositions économiques du STTP sont insoutenables
De l’avis de Postes Canada, toutes les propositions économiques du STTP doivent être rejetées, y compris la réduction de la grille salariale de l’unité urbaine de sept à cinq échelons et l’ajout de dix jours de congé de maladie payés. Postes Canada offre déjà 13 jours de congé pour raison personnelle payés qui peuvent être utilisés pour n’importe quelle raison. Postes Canada rejette la demande d’augmentation des prestations versées au personnel en congé pour accident du travail, qui passeraient de 75 % à 86 % (ainsi que la possibilité d’obtenir jusqu’à 100 % de son salaire normal à l’aide de crédits et de congés reportés). Postes Canada rejette la demande du STTP de modifier les dispositions relatives aux congés compensatoires afin de permettre leur report illimité.
D.9 Modifications du cadre réglementaire
Le cadre réglementaire actuel créé des défis pour Postes Canada. L’examen du cadre réglementaire ainsi que la modernisation des conventions collectives exigent, selon Postes Canada, une attention immédiate.
D.9.1 Examen de fond du cadre réglementaire
Le Protocole du service postal canadien, décrit ci-dessus (voir 2.6), définit les attentes du gouvernement du Canada en matière de services pour Postes Canada. Il n’a pas été modifié depuis 2009 (date à laquelle les normes de service actuelles ont été mises en place). Le Protocole doit faire l’objet d’un examen tous les cinq ans, mais le dernier a eu lieu en 2018 (avant le déclin précipité de la poste-lettres et l’explosion de la livraison de colis postaux, ainsi que l’expansion des concurrents syndiqués et à bas prix). Il est donc temps de procéder à un nouvel examen et à une mise à jour pour répondre aux conditions actuelles, c’est-à-dire fournir des services de base tout en garantissant la rentabilité.
D.10 Les moratoires
D.10.1 Fermeture des bureaux de poste ruraux
L’annulation du moratoire sur la fermeture des bureaux de poste ruraux est également nécessaire. Un moratoire général qui ne tient pas compte des données démographiques et du recensement n’est pas approprié, selon Postes Canada. En outre, il existe des moyens plus efficaces que les bureaux de poste traditionnels pour servir les Canadiens avec plus de commodité (par exemple, en offrant un accès à leur lieu de travail, de résidence et d’achat). Postes Canada reconnaît l’importance de son réseau de bureaux de poste pour les Canadiens de tout le pays, en particulier ceux qui vivent dans les régions rurales et éloignées, mais le moratoire a contribué de manière significative à sa non-viabilité financière actuelle. Près de 30 % des bureaux de poste situés dans des secteurs jugés ruraux en 1994 se trouvent dorénavant dans des secteurs classés urbains, selon Statistique Canada. Le moratoire empêche la conversion des bureaux de poste en comptoirs franchisés (gérés par des partenaires de vente au détail, comme les pharmacies, qui offrent de meilleures heures d’ouverture et plus de commodité à la clientèle).
D.10.2 Moratoire sur la conversion aux boîtes postales communautaires
De même, et dans le cadre de toute révision du cadre réglementaire, Postes Canada demande la fin du moratoire sur la conversion aux boîtes postales communautaires. Comme indiqué, plus de 70 % des Canadiens font livrer leur courrier et leurs colis dans un lieu centralisé. La conversion aux boîtes postales communautaires a été désignée comme la plus grande occasion d’économie pour Postes Canada.Note de bas de page 123 Depuis 40 ans, les nouveaux quartiers résidentiels reçoivent leur courrier à une boîte postale communautaire ; aucune nouvelle adresse n’a été ajoutée à la livraison à la porte. Entre-temps, quelque 40 % des coûts de livraison ont servi à desservir 25 % des adresses canadiennes. La livraison à la porte coûte 75 % de plus que la livraison à une boîte postale communautaire (284 $ par adresse contre 162 $). Pour les collectivités desservies par des boîtes postales communautaires, Postes Canada a mis en place un programme d’adaptation personnalisé pour les personnes en situation de handicap et les personnes âgées. Les boîtes postales communautaires ont également amélioré la santé et la sécurité des facteurs ; il y a eu moins de foulures, d’entorses, de morsures d’animaux et de blessures causées par une chute ou une glissade.
D.11 Processus mis à jour pour calculer et déterminer régulièrement les majorations tarifaires du service de poste-lettres
Une procédure actualisée, rapide et efficace est nécessaire pour calculer et fixer la majoration tarifaire de la poste-lettres, tout en garantissant un contrôle réglementaire et la consultation des intervenants. Le maintien du système laborieux actuel n’est pas soutenable. Le prix des timbres n’a suivi ni la hausse des coûts de livraison et des opérations ni le rythme de la croissance des salaires canadiens. Il est inférieur à celui proposé par les autres administrations postales de l’Occident. Le délai d’approbation actuel n’est pas tenable : il est trop long. Un processus actualisé devrait être reflété dans les modifications apportées à la Loi et au Protocole du service postal canadien.
