Archivé : Les effets de l'ouragan Hazel - La rivière Don
Deux voitures se sont retrouvées dans la rivière Don après avoir été emportées par les eaux. Les trois occupants ont pu être sauvés. Alex Nicholson, un automobiliste résidant de Pottery Road, a pu être sauvé grâce à une échelle aérienne déployée au-dessus de la rivière. Du bout de l'échelle, le capitaine Perry Stewart lui a lancé une corde qu'il s'est attachée autour de la taille. C'est sous l'eau qu'il a parcouru une partie de la distance qui le séparait du rivage lorsqu'on a tiré pour le ramener. Quant à Edrich Moir, il s'était réfugié dans un orme où il a dû rester huit heures et demie avant que des sauveteurs puissent le rejoindre à bord d'une niveleuse de 20 tonnes que, malgré tout, la force de l'eau déplaçait latéralement. Jack Bates a été sauvé lorsqu'une embarcation a pu le ramener sur la terre ferme.
« J'habite tout près du pont qui enjambe la rivière Don, dans la rue Pottery. Quand le niveau d'eau a commencé à monter, je suis allé jusqu'au pont pour empêcher les voitures de traverser. À mon avis, il y avait bien quatre pieds d'eau sur la route d'un côté du pont.Trempé à force de patauger, je suis retourné chez moi pour me changer et rapporter une planche pour barrer la route. C'est alors que quelqu'un a dit qu'une voiture était partie. J'ai fait demi-tour et j'ai entendu un homme appeler à l'aide.Il se cramponnait à un petit bouquet d'arbres au milieu de la rivière. Quand j'ai essayé de l'aider, le courant m'a emporté. J'ai réussi à grimper sur sa voiture renversée. J'y suis resté pendant deux heures et demie, au milieu de la rivière. Puis, j'ai senti bouger sous mes pieds, comme si quelqu'un soulevait la voiture. J'ai alors décidé de partir de là immédiatement. Le courant m'emportait et, chaque fois que je voyais des arbres ou des buissons, je m'y accrochais, mais ils finissaient par céder au bout de quelques instants et les flots m'emportaient de nouveau. Puis, j'ai réussi à attraper une branche d'arbre et à m'y accrocher. Je suis resté là pendant trois heures. Pendant ce temps, le sauveteur a réussi à lancer une corde à l'autre homme qui se trouvait au beau milieu du courant et à le ramener sur la berge. Les sauveteurs ne pouvaient s'approcher de moi. À chaque fois qu'ils essayaient, leur embarcation était emportée par le courant.
J'ai donc attendu, en observant la rivière. Elle était en furie. À un moment donné, elle faisait bien 300 pieds de largeur.Puis, j'ai entendu le bruit d'une clôture qu'on défonce et j'ai aperçu l'arrière d'un camion qui reculait vers la rivière. C'était un camion de pompiers. Ensuite, j'ai vu la grande échelle se déployer et s'abaisser vers la rivière. Je me suis dit : “Enfin, de l'aide”. Ils ont déroulé une corde que j'ai attrapée et attachée autour de ma taille. J'avais essayé d'enlever mon imperméable mais il était trempé et collait à mes autres vêtements. Par deux fois, je me suis vu mourir alors que je coulais dans la rivière, mais à chaque fois, la corde m'a ramené à la surface. Puis, je me suis retrouvé hors de l'eau et, se servant de l'échelle comme d'une grue, mes sauveteurs m'ont ramené sur la berge. J'étais bleu. On m'a amené à l'hôpital où on m'a frictionné avec de l'alcool. J'ai grelotté pendant une heure », a déclaré M. Nicholson après son sauvetage.» (GM, 18 octobre 1954)
Jack Bates a raconté comment il s'est retrouvé prisonnier de la rivière Don en crue. C'est lui que Nicholson essayait de sauver avant de se trouver à son tour en difficulté.
« J'ai arrêté ma voiture au pont de la rue Pottery. Quand j'ai vu l'eau, j'ai hésité, mais j'ai décidé de tenter le coup. J'étais presque parvenu de l'autre côté du pont lorsque ma voiture a été soulevée par les eaux et emportée dans la rivière. Au bout de 20 minutes, j'ai senti que ma voiture allait se retourner. J'en suis sorti tout de suite pour ne pas me retrouver dessous. Je me suis agrippé à de petites branches d'arbres puis, une souche flottante est venue me frapper dans le dos.
Je peux vous dire que j'ai eu peur. Je n'ai pas cessé d'appeler à l'aide, car je craignais que les gens qui se trouvaient sur la berge ne me perdent de vue chaque fois que je me trouvais submergé. Je me suis cramponné pendant trois heures à la dernière branche qui s'était présentée à moi. J'ai bien essayé de nager, mais c'était impossible dans un tel courant. À plusieurs reprises, j'ai senti que j'avais de l'eau dans les poumons et que les arbres cédaient. J'ai pensé que ma dernière heure était arrivée. » (GM, 18 octobre 1954)
Jim McArthur a raconté à Betty Kennedy comment il a vécu l'inondation consécutive à l'ouragan Hazel sur la rivière Don.
« La famille McArthur habitait dans la vallée de la rivière Don, au nord du viaduc Prince Edward, depuis plus de cinquante ans. Mon père, succédant à mon grand-père, avait un rucher de plus de cent colonies à l'intersection de Park Drive Reservation et de la ligne principale de chemin de fer du CN. Notre propriété a fait place à l'échangeur routier de Castle Frank sur le prolongement de Bayview. Quand nous étions enfants, cette exploitation familiale était pour nous une oasis belle et sauvage au milieu de la grande ville. Nos maisons étaient construites sur un terrain élevé qui, chaque printemps, se transformait en île. Nous étions habitués aux crues printanières de la rivière Don et attendions tout simplement que ça passe. Mais ce vendredi d'octobre, il en fut tout autrement.
Les vents forts et les pluies torrentielles étaient vraiment exceptionnels, tout comme le calme qui suivit. L'inondation, phénomène auquel nous étions habitués, a commencé dans la soirée. L'eau ruisselait sur la route devant les maisons. Pas de quoi nous affoler. En parcourant l'île, vers 23 h ou 23 h 30, nous avons entendu le bruit d'un torrent, comme si un barrage venait de céder. Soudain, l'eau a commencé à monter dans les entrées entre les maisons. Peu après, elle pénétrait par les fenêtres de cave puis, elle a fini par passer sous les portes.
Nous étions quatre familles à vivre sur l'île. Mon voisin Jerry et moi avons rassemblé tout le monde et nous avons réussi à nous rendre sur les hauteurs, les collines de Rosedale, en passant par derrière chez moi, pataugeant dans l'eau jusqu'à la taille sur environ deux cents verges. Il faisait très froid et nous n'avions pas de lampe. Des amis que nous avions appelés sont venus à notre rencontre au sommet de la colline et nous ont hébergés pour la nuit. Mon oncle Bill, qui avait passé toute sa vie dans la vallée, avait refusé de venir avec nous. Assis dans l'escalier qui menait au premier étage de sa maison, il avait regardé l'eau gravir une à une les marches. Il a raconté avoir tout vu chavirer. Les ampoules électriques se sont mises à sauter puis, ce fut l'obscurité totale causée par un court-circuit au tableau de fusibles. Au plus fort de l'inondation, l'eau atteignait cinq pieds et demi au rez-de-chaussée. Tout était détruit.
Me demandant si j'allais retrouver les maisons, je suis retourné sur les lieux très tôt le lendemain matin. C'est alors que je découvris la catastrophe. Les ruches de mon père, emportées par les eaux, se retrouvaient pêle-mêle dans le bas du champ. Les abeilles, bien sûr, s'étaient noyées. Dans les arbres près des maisons, se trouvaient d'autres arbres, des morceaux de bois, des pneus, des barils. Nos voitures étaient bien à l'endroit où nous les avions laissées, mais pleines d'eau. Trop occupé à nettoyer pendant les deux semaines suivantes, je ne me suis pas vraiment rendu compte de l'ampleur des dégâts causés par l'ouragan Hazel dans l'agglomération. J'ai entendu dire qu'un homme qui habitait sur Pottery Road en amont de la rivière avait passé la nuit dans un arbre avant d'être sauvé.
« Des ponts, arrachés à leur base, avaient été emportés par la rivière jusqu'au viaduc Prince Edward où ils s'étaient arrêtés, faisant office de barrage. C'est là que se sont empilés morceaux de bois, arbres, déchets bref, tout ce que la rivière avait emporté, formant un amoncellement impressionnant. Plusieurs mois après, les équipes de nettoyage étaient encore sur les lieux. Elles brûlaient les débris et cherchaient les corps d'éventuelles victimes. À ma connaissance, aucun corps n'a été trouvé. Contrairement à celle de la rivière Humber, la crue de la rivière Don n'a fait aucune victime.
Mais l'épreuve ne s'arrêtait pas là. Après la tempête, de vils individus, prêts à exploiter le malheur d'autrui, sont venus sur la propriété familiale à la recherche du moindre objet qu'ils pouvaient emporter. J'en ai chassé quelques-uns en les menaçant avec mon fusil de chasse. Je crois bien que j'aurais pu tirer tellement j'étais déprimé. » (Kennedy, 1979; p. 53-55)
J.C. Fraser a décrit ce qu'il a vu le long de la rivière Don, après l'ouragan Hazel :
« Le vieux pont en fer de Hogg's Hollow, sur la rue Yonge, a été emporté par les eaux. Pendant des mois, nous avons dû traverser la rivière sur un pont Bailey. C'était à la fois triste et comique de voir les maisons qui avaient été construites au bord de la rivière Don, dans un méandre situé juste avant le pont, quasiment suspendues au-dessus du vide. La force de l'eau dans la courbe avait emporté les berges et les pelouses à l'avant de ces maisons. Elle avait également sapé la base sur laquelle elles étaient construites, si bien que ces dernières se trouvaient presque en équilibre au-dessus du vide, dépassant le bord de la berge de huit à dix pieds. Il n'y a plus de maisons à cet endroit aujourd'hui.
L'eau avait charrié toute la terre qu'elle avait emportée vers les maisons situées sur les basses terres à Hogg's Hollow, sur le côté est de la rue Yonge. Dans bon nombre de ces maisons, elle a pénétré par la porte arrière pour en ressortir par la porte avant, laissant derrière elle environ un pied de boue. Je me souviens avoir vu des gens pelleter la boue qui avait envahi leur rez-de-chaussée, déposée là par un véritable fleuve. » (Kennedy, 1979; p. 123-124)
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