Archivé : Les effets de l'ouragan Hazel - La rivière Humber
La vallée de la rivière Humber a été décrite comme étant une fosse large et profonde d'origine glaciaire. En plusieurs endroits sa largeur est limitée à la largeur de la rivière dont les berges très pentues atteignent une hauteur de 25 à 50 pieds (7,6 à 15,2 m). Ailleurs, en revanche, la rivière est bordée de vastes plaines inondables qui la longent sur plusieurs milles et qui atteignent jusqu'à 300 ou 400 pieds (91 à 122 m) de largeur. Bien qu'on avait envisagé de construire des barrages et des réservoirs sur le cours de la rivière, aucun ouvrage de lutte contre les inondations n'existait avant l'arrivée de l'ouragan Hazel. Une partie du bassin versant avait été déboisée, l'autre partie se trouvant dans une zone largement urbanisée, ce qui a accéléré le ruissellement des eaux vers le cours de la rivière. Le lit de la rivière ne peut pas absorber une augmentation rapide du volume d'eau. Qui plus est, il est en pente, ce qui a aggravé le phénomène d'inondation.
C'est la rivière Humber qui a causé le plus de dégâts et de destruction dans la région de Toronto. Le niveau a augmenté rapidement et les eaux ont envahi avec une force considérable les localités situées dans les plaines inondables de la rivière. Des maisons ont été délogées de leurs fondations et de nombreuses personnes ont péri. De nombreuses opérations de sauvetage spectaculaires ont été menées, malgré la force du courant qui aurait pu mettre en difficulté la plupart des embarcations qui ont été mises à l'eau. Plusieurs sauveteurs improvisés, qui ont tenté de sauver des gens coincés par la montée des eaux, ont dû à leur tour être sauvés. En dépit des conditions difficiles, de nombreuses vies ont pu être sauvées grâce à l'intervention rapide des services de police, des pompiers et des citoyens eux-mêmes.
La police a diffusé le message suivant à la radio pour faire savoir qu'il était inutile de mettre des embarcations à l'eau : « Ici la voiture de patrouille n o 23 près de la rivière Humber. Les équipes de sauveteurs professionnels demandent à la population de ne mettre aucune embarcation à l'eau dans la rivière, quelle qu'en soit la taille, je répète, quelle qu'en soit la taille. Rien ne peut résister à la force des eaux. C'est la mort assurée pour quiconque se risque dans une embarcation actuellement. ». (TS, 15 octobre 1964)
L'impossibilité de mettre des embarcations à l'eau a frustré bien des gens qui se trouvaient sur les lieux et tentaient de sauver des victimes de l'inondation. Voici un extrait de la description de la situation des policiers par le sergent de détachement de police Jack Gillespie : « nous pouvions entendre les cris horribles des femmes et des enfants qui se tenaient aux fenêtres ou sur les toits des maisons, mais il nous était impossible de nous approcher d'eux sans embarcations. Lorsque ces dernières sont arrivées, certaines se sont avérées trop petites. Sans un moteur de 15 chevaux, rien n'était possible. »
« Nous étions impuissants tant que nous n'avions pas d'embarcations. Impossible de circuler en voiture sans risquer de se faire emporter par le torrent. Il fallait faire attention aux lignes à haute tension qui tombaient. Tout ce que nous pouvions faire, c'était attendre que des embarcations arrivent. » (TS, 16 octobre 1954)
Après la tempête, 17 personnes étaient portées disparues dans la vallée de la rivière Humber. Les recherches ont commencé avec 800 membres de la milice. Ces derniers étaient équipés d'embarcations, de gaffes, de lance-flammes, de bulldozers, de bêches et de barres à mine. L'opération a été appelée « Exercice Search ». 15 groupes de la milice et 8 unités de la réserve y ont participé.
Woodbridge
Woodbridge fut la première localité située sur la rivière Humber à être touchée par les inondations dues à Hazel. La rivière, dont la largeur normale est de 65 pieds à cet endroit, avait une largeur de 350 pieds (107 m) dans sa partie la plus étroite pendant l'inondation. Des trottoirs ont été soulevés et des conduites d'eau et des égouts ont été rompus. Neuf personnes ont péri et des centaines se sont retrouvées sans foyer. Vingt maisons et toutes les maisons mobiles du parc Glendale ont été détruites, tandis que 50 maisons ont été endommagées à Pine Grove et à Woodbridge. Parmi les victimes se trouvaient M. et Mme Donald Reid et leur fille Dallas dont la voiture a été emportée de la route 7 après être passée sur un petit pont. Dianna Radley et son frère Robert se sont noyés alors que leur mère tentait de les sauver. John T. Clarke est mort lorsque la voie ouest de la route s'est écroulée et est tombée dans la rivière.

Dianna Radley et son frère Bobby ont été arrachés à leur mère lorsque l'embarcation dans laquelle ils avaient pris place a chaviré. Voici le récit de M. Myers, le conducteur de l'embarcation :
« Il était à peu près minuit quand j'ai reçu l'appel pour venir en aide aux victimes de l'inondation. Partout, on préparait des embarcations pour évacuer les gens de huit rues du nord de la ville.
« Il y avait un peu de vent et il faisait très sombre lorsque je suis arrivé au centre d'évacuation. Mon moteur hors-bord de 7 chevaux et demi a été installé sur une embarcation et je suis parti pour participer aux opérations de sauvetage.
« Nous avions récupéré à peu près six familles lorsqu'un pompier de la région et moi avons reçu instruction de nous rendre chez les Radley et d'évacuer M me Radley, qui était enceinte, et ses enfants.
« Là se trouvaient Terry, 14 ans, Sharon, 12 ans, Dianna, 8 ans, John, 7 ans et Bobby, 4 ans.
« J'ai accosté l'embarcation à la véranda des Radley. Le niveau d'eau dépassait les fenêtres et les occupants étaient assis sur des meubles qui flottaient dans le salon.
« M. Radley et le pompier ont installé les enfants et M me Radley dans l'embarcation. Ils sont restés dans la maison, car il n'y avait plus de place pour eux dans l'embarcation.
« J'ai pointé ma lampe électrique vers l'obscurité et j'ai dirigé l'embarcation vers le courant.
« À peine avions-nous franchi une quarantaine de pieds que l'embarcation a heurté un objet qui se trouvait sous l'eau, peut-être un poteau de clôture.
« L'objet a arraché l'hélice et le moteur s'est arrêté. Soudain, une vague est arrivée et a soulevé le bateau, qui s'est mis à tourner sur lui-même avant de s'écraser contre un gros arbre.
« L'embarcation a chaviré et nous nous sommes retrouvés dans l'eau jusqu'à la taille. Le courant était très fort. J'ai réussi à faire remonter tous les enfants et M me Radley sur la coque retournée de l'embarcation.
« J'ai appelé au secours et plusieurs pompiers m'ont lancé une ligne. Mais, trop courte, elle est repartie vers l'aval. Les pompiers se sont ensuite retenus les uns aux autres et ont commencé à se diriger vers nous.
« L'embarcation a basculé et Dianna et Bobby sont tombés à l'eau en hurlant. Je n'ai pas pu les trouver à cause de l'obscurité. » (GM, 18 octobre 1954)
« J'étais trop loin pour pouvoir l'aider. Un homme qui se trouvait sur la rive a pu l'attraper par l'épaule et, juste au moment où il s'apprêtait à la hisser hors de l'eau, le courant a emporté les deux enfants qu'elle tenait dans ses bras. » (TS, 16 octobre 1954)
« Nous avons réussi à faire passer M me Radley et les autres enfants dans une autre embarcation de sauvetage et à les amener sur la terre ferme. On n'a retrouvé que Dianna. » (GM, 18 octobre 1954)
Les Reid avaient quitté leur maison de Woodbridge, car ils craignaient d'être inondés. Alors qu'ils étaient en route vers Toronto, un éboulement de la route a emporté leur voiture dans la rivière environ 400 mètres plus bas. Ironie du sort, le sous-sol et la véranda de leur maison de Woodbridge ont été inondés, mais pas la première étage.
Della Perry et Walter Gamble étaient en route vers Shelburne lorsque leur voiture a été emportée dans la rivière. John T. Clarke rentrait chez lui après avoir reconduit une amie. Sa voiture a été emportée par les eaux.
Carl Dyer, 49 ans, de Fergus, à Woodbridge, est resté trois heures dans la rivière Humber, accroché à un arbre, après que sa voiture fut emportée alors qu'il passait sur un pont de la route 7, à l'ouest de Woodbridge. C'est Melville Robinson, d'Ebenezer, qui l'a sauvé. Voici son récit :
« Je me dirigeais vers l'ouest et j'essayais de passer le pont alors que l'eau avait commencé à ruisseler sur les fondations. Soudain, une grosse vague est arrivée et je me suis senti quitter le pont. Je me souviens à peine d'être sorti de la voiture. Lorsque je suis arrivé à la surface de l'eau, j'ai été emporté jusqu'à ce qu'un arbre arrête ma course. Je m'y suis accroché de toutes mes forces. »
« J'ai appelé mais personne n'est venu. Tout semblait flou. Je me souviens vaguement d'avoir vu M. Robinson arriver et me tirer hors de l'eau. » (TS, 16 octobre 1954)
M. Robinson s'était arrêté pour vérifier la stabilité du pont : « Lorsque j'ai entendu appeler, je me suis précipité vers la rive. J'ai dû entrer dans l'eau jusqu'à la taille pour atteindre l'arbre. Le niveau de l'eau avait déjà baissé à ce moment-là et j'ai pu aider M. Dyer à s'en sortir. » (TS, 16 octobre 1954)
Le lieutenant John P. Connor, commandant d'un corps de cadets de la Marine royale canadienne, raconte en ces termes comment il a vécu l'ouragan à Woodbridge :
« Une fois arrivés à Woodbridge, nous avons été placés sous le commandement de la brigade de pompiers qui a réparti les tâches rue par rue. Notre mission consistait à marcher le long des baleinières et à vérifier que des résidants n'étaient pas prisonniers de leurs maisons. L'eau coulait rapidement et nous arrivait à la poitrine. Il fallait une bonne dizaine de personnes pour guider l'embarcation dans le courant. Nous avons tous compris très vite que nous devions nous tenir solidement accrochés à l'embarcation, car des membres de l'équipe ont disparu momentanément à plusieurs reprises dans les fossés que nous ne pouvions pas deviner sous l'eau.
« Le moment le plus mémorable fut le sauvetage d'une grand-mère grabataire de 82 ans, que nous avons sortie sur son matelas, et de son fils, qui était sorti deux jours auparavant de l'hôpital où il avait été admis pour soigner une pneumonie. L'action de ce dernier fut remarquable également. Il est resté toute la nuit sur le porche et, à l'aide d'un manche à balai, a sauvé à lui seul vingt-sept chats et quatorze chiens. Tous ont été recueillis à bord de la baleinière, où ils se sont serrés les uns aux autres pour se tenir chaud. Le tout s'est passé sans un seul sifflement, sans coup de griffe, sans grognement ni aboiement. Lorsque nous avons atteint les hauteurs près de la caserne des pompiers, nous avons vu la ménagerie se diriger, telle un troupeau, vers des terrains encore plus hauts. » (Kennedy, 1979; p. 79-80)
M me May Lovett a raconté ce qu'a vécu sa soeur durant l'inondation à Woodbridge :
« Elle était assise dans le salon. Son mari était de service de nuit à Malton. Elle a levé les yeux et a vu de l'eau sur le plancher; elle a réveillé les enfants, les a habillés et tout le monde est sorti sur la véranda à l'avant de la maison. La rue était déjà inondée. Ils ont donc grimpé sur la balustrade.
« Peu après, des hommes qui passaient par là sont allés chercher leur embarcation qui était dans leur cour. Elle était grande, mais lorsqu'elle est arrivée à hauteur de la rue, elle était déjà remplie. Ils ont invité ma soeur à s'y installer mais elle a refusé, voyant que l'embarcation était déjà surchargée. C'est à ce moment que l'embarcation a chaviré. Tous ses occupants ont péri noyés.
« Ma soeur et ses enfants sont restés sur la balustrade de la véranda toute la nuit. Des pompiers sont venus les récupérer le matin. Elle a raconté qu'il avait été difficile de tenir les enfants éveillés car ils étaient très jeunes, mais qu'elle y était parvenue en leur parlant et en leur racontant des histoires toute la nuit. » (Kennedy, 1979; p. 81-82)
Thistletown
Dans cette localité, deux hommes, Murray et Clyde Deadder, ont trouvé la mort lorsque leur voiture a été emportée par les eaux, et douze familles se sont retrouvées sans foyer. Deux ponts ont été sapés lorsque leurs approches ont été emportées par les eaux et le village de 600 âmes s'est retrouvé isolé par l'inondation. À l'hôpital pour enfants, la station de pompage ne fonctionnait plus, mais il était impossible de le signaler à l'hôpital principal de Toronto en raison de l'isolement causé par l'inondation.
Weston
La localité de Weston, pelotonnée aujourd'hui sur la rive est de la rivière Humber, se trouvait autrefois sur les plaines de la rive ouest. À la suite d'inondations désastreuses qui s'étaient produites au dix-neuvième siècle, les autorités municipales avaient décidé de déplacer la localité pour éviter de nouvelles pertes de vies et d'autres dégâts matériels. Cette décision a, sans aucun doute, limité le nombre de victimes lors du passage de l'ouragan Hazel. L'ancien site de la localité de Weston est aujourd'hui occupé par le Weston Golf and Country Club.
Jim Crawford, alors âgé de 23 ans, était agent de police lorsque l'ouragan Hazel a frappé Toronto. Il allait devenir plus tard inspecteur d'état-major au quartier général du 3e district de la police métropolitaine de Toronto. Ce soir-là, il n'était pas de service et circulait en voiture sous la pluie lorsqu'il a vu l'eau ruisseler dans l'avenue Wilson. Il est allé chercher son frère Pat avant d'aller porter secours aux victimes.

« Allez, monte, on y va. On peut devenir des héros ce soir. Je sens que la rivière Humber peut devenir un piège meurtrier », a-t-il dit en plaisantant à son frère.
« Tout est encore très présent dans ma mémoire. Pendant des semaines, voire des mois ou des années après l'ouragan Hazel, il m'est arrivé de me réveiller avec des sueurs froides en pensant à ce qui aurait pu arriver. Encore aujourd'hui, lorsque je me trouve près d'un cours d'eau rapide ou d'un lac dont les eaux commencent à clapoter, je repense à cette nuit d'octobre 1954. »
Crawford a tourné sur Fairglen Crescent, qui donnait sur Weston Road, près de la rivière Humber, au sud de l'avenue Wilson. Là, il a rencontré Herb Jones, un entrepreneur, qui lui a dit qu'il avait une embarcation mais pas de carburant. Crawford a trouvé du carburant et l'a apporté à Jones, puis tous deux sont partis sur la rivière dans l'embarcation équipée d'un moteur de 25 chevaux.
« Nous sommes partis sur la rivière et là, ce que nous avons vu est indescriptible. L'eau atteignait alors les lignes de téléphone, des gens se trouvaient sur les toits des maisons, des cris et des hurlements fusaient de toutes parts. »
Tandis que Jones dirigeait l'embarcation, Crawford embarquait les gens qui se trouvaient sur les vérandas et aux fenêtres des étages pour les ramener sur la berge. Un couple a refusé d'embarquer sans son chien.
« C'est difficile de décrire les vagues qui nous trimballaient, tel un bouchon... Nous avons dû éviter des débris, des maisons, des poteaux de téléphone - la chance était avec nous! »
Jones et Crawford ont sauvé la vie de 50 personnes. Ils ont poursuivi leur action jusqu'à l'aube.
« Quand nous nous sommes arrêtés, j'étais trempé jusqu'aux os et j'avais des frissons. Je tremblais comme une feuille, mais je crois que ce n'était pas uniquement parce que j'avais froid et que j'étais mouillé. Je tremblais aussi de peur. » (TS, 27 mai 1984)
M. et M me Joseph Ward de Weston ont été emmenés par hélicoptère du toit de leur maison où ils s'étaient réfugiés. Il a fallu plusieurs tentatives pour mener à bien cette opération. Les Ward s'étaient réfugiés sur le toit de leur maison lorsque cette dernière a été heurtée par une autre maison qui avait été emportée par les eaux.
Donald Curtis avait réussi à se hisser sur le toit d'une maison voisine, mais sa mère n'y était pas parvenue. Donald s'était réveillé quand une commode était tombée. Sentant les vibrations causées par les eaux qui frappaient le côté de sa maison, il avait réveillé sa mère et tous deux s'étaient réfugiés sur la véranda, mais la maison était déjà entourée d'eau. Donald a essayé de hisser sa mère sur le toit après y être grimpé lui-même, mais en vain. La maison s'est effondrée, le forçant à sauter sur le toit de la maison voisine où il a dû rester jusqu'à l'arrivée des secours.
Scarlett Road
Sur Scarlett Road, un chien qui aboyait dans la cour a réveillé ses propriétaires. Ces derniers ont alors constaté la montée des eaux. Le chien qui a donné l'alerte était enfermé dans sa cage dans la cour et l'eau lui arrivait jusqu'au dos.
« Lorsque j'ai regardé dehors et que j'ai mesuré la gravité de la situation, je me suis précipitée sur le téléphone pour appeler mes voisins », a raconté M me Daisy Sparrow.
« Je l'ai trouvé presque noyé car l'eau, en quelques minutes, lui arrivait au niveau du dos. J'ai détaché sa chaîne et suis retourné péniblement vers la maison. Puis, j'ai réveillé les autres membres de ma famille et mes voisins. Mais les autres chiens de notre chenil ont péri, à quelques exceptions près », a déclaré Herbert Sparrow. (TS, 25 octobre 1954)
L'alerte a permis de sauver la vie de 17 personnes, toutefois, 24 chiens ont péri.
Raymore Drive
Raymore Drive était une rue tranquille d'un quartier résidentiel, parallèle à la rivière Humber, située juste en face de la localité de Weston. Lorsque la rivière Humber a débordé, elle a inondé la partie inférieure de la rue, balayant au passage un tronçon de 1 200 pieds (366 m) de la rue et 14 maisons, et tuant 35 personnes. Raymore Drive décrivait dans sa partie sud un arc de cercle dont l'avenue Gilhaven constituait un rayon. La partie inférieure a été littéralement dévastée et des maisons ont été emportées des deux côtés de la rue. Sur la partie est, quelques arbres avaient résisté mais, dans sa partie ouest, la rue était jonchée de pierres, de rochers et de débris transportés par les eaux.
Les eaux de la rivière en crue ont continué de monter pendant toute la nuit du vendredi et une partie de la matinée du samedi. Elles ont détruit un pont Bailey qui avait été installé sur la rivière au sud du terrain d'exposition de Weston. Le pont est ensuite allé, tel un bélier, heurter des maisons de Raymore Drive, les arrachant à leurs fondations.
À son retour d'une soirée entre célibataires au Army/Navy Club, John Neil a vu que la rue était inondée. Pensant que sa famille et ses voisins avaient été évacués, il a aidé à évacuer des résidants de l'avenue Gilhaven. Ce n'est que le lendemain matin qu'il a appris que les membres de sa famille étaient au nombre des victimes.
Le lourd bilan humain a été attribué à un manque de vigilance. Les résidants ne pensaient pas que la rivière Humber était une menace pour eux. Certaines personnes âgées auraient déclaré que le niveau de la rivière n'était jamais monté aussi haut. Les occupants d'une maison qui était inondée jusqu'au rez-de-chaussée ont même pris le temps de transporter leurs meubles chez leurs voisins, ce qui a causé la perte des deux familles qui n'ont plus eu le temps de s'échapper.
Les gens avaient été avertis et invités à quitter le secteur. George Brider, alors âgé de 17 ans, se souvient d'avoir pataugé dans l'eau qui lui arrivait parfois jusqu'au nez, pour aller dire aux gens de fuir. « S'il ne m'avait pas réveillée, je ne m'en serais pas sortie. » a déclaré M me Thomas Waheling.
Herb Andeus, de l'avenue Gilhaven, a déclaré avoir vu l'eau atteindre sa clôture arrière lorsqu'il s'est réveillé. « Quand j e suis parti chercher mon chien dans le garage, j'avais de l'eau jusqu'aux chevilles. Quand je suis revenu, l'eau m'arrivait aux genoux. J'ai immédiatement envoyé mon épouse Lucy et mon fils Tommy au Army and Navy Club. » Selon lui, si tout le monde avait pris les avertissements au sérieux, le bilan n'aurait pas été aussi lourd.
Thomas Gould et son épouse ont été réveillés par un cri d'alarme. À ce moment, l'eau leur arrivait aux chevilles, puis elle a rapidement atteint leurs genoux. Lorsqu'ils ont quitté leur maison, ils avaient de l'eau jusqu'à la taille. Voici le témoignage de M me Thomas Gould, tel que l'a rapporté un journaliste du Globe and Mail : « Notre petite maison était à 30 pieds de la rivière. Vers minuit, nous avons remarqué que l'eau avait monté dans la cour arrière, mais cela ne nous a pas inquiétés outre mesure. Toutefois, nous avons décidé - Dieu seul sait pourquoi - de ne pas aller nous coucher.
« Deux heures plus tard, j'étais allongée. Nous avons pris conscience du danger lorsque nous avons entendu une voix crier de loin : « Est-ce que votre maison flotte? J'ai regardé par la fenêtre de devant. Je ne voyais que de l'eau. Mon mari était dehors et essayait de boucher les ouvertures des fondations. Il m'a dit que je ferais bien de sortir de là en vitesse.
« J'ai appelé deux fois mes voisins pour les réveiller. J'ai attrapé mon chat Smoky, mon chien Prince - il a 16 ans - ma bible et une vieille photo de famille. Je suis sortie par la porte de derrière. J'avais de l'eau jusqu'aux genoux. Le courant était terrible. Le temps que je me rende péniblement jusqu'à l'avant en longeant le côté de la maison, j'avais de l'eau jusqu'à la taille. » (GM, 18 octobre 1954)
Lorsque M. et M me Sidney Jamieson se sont réveillés, l'eau n'était encore que sur leur pelouse. Le temps qu'ils s'habillent et se préparent à partir, elle avait atteint la quatrième marche de leur escalier.
Bryan Mitchell, un pompier volontaire, se souvient des événements qui se sont déroulés sur Raymore Drive la nuit de l'ouragan Hazel : « Je me sentais tellement impuissant! Je n'y pouvais rien. Personne ne pouvait faire quoi que ce soit. Le niveau de l'eau était si haut que nous en avions jusqu'au menton et tous les pompiers étaient alourdis par leurs vêtements mouillés et par les embarcations et l'équipement qu'ils transportaient.

« On se serait cru dans un film de Cecil B. DeMille. Le grondement effrayant de l'eau, semblable à celui des chutes du Niagara. L'immense inondation, les maisons écrasées et les arbres déracinés qui flottaient, tels des bouchons, le tout emporté par la rivière en furie. Des maisons qui venaient heurter d'autres maisons, des gens qui hurlaient partout. Puis, soudain, on n'entendait plus de cris. » (TS, 14 octobre 1984)
Mitchell a décrit en ces termes les efforts des sauveteurs à Betty Kennedy, qui a rapporté ses commentaires dans son livre sur l'ouragan Hazel :
« Je crois que certains ont senti que leur maison bougeait alors que la maison voisine était toujours sur ses fondations; ils ont alors décidé de se rendre à la nage jusqu'à cette dernière pour se mettre en sécurité. Comme de fait, on les a retrouvés, alors que l'eau continuait de monter, sur les toits de leurs voisins, accrochés aux antennes de télévision. D'autres étaient restés chez eux et nous pouvions entendre des cris lorsque des maisons étaient emportées par la rivière, leurs occupants toujours à l'intérieur.
« Le ciel nous tombait sur la tête. Les gens criaient au secours. Nous pouvions les éclairer et les voir, mais ils étaient trop loin. Impossible de leur lancer des cordes. Nous avons essayé de leur envoyer des cordes attachées à des branches, à tout ce qui pouvait flotter. Nous attrapions un morceau de bois, y attachions une corde et le lancions en amont, espérant que le courant l'entraînerait vers eux et qu'ils pourraient attacher la corde à leur maison. Nous aurions retenu la corde à partir du rivage. Dans certains cas, nous ne pouvions aller vers les sinistrés qu'à la nage en emportant une corde. Nous avons assisté à de véritables exploits que nous avons essayé de reproduire depuis, en vain.
« Norm Eldwin, l'un de nos chefs de district, a saisi d'une seule main une échelle de 35 pieds et l'a couchée pour en faire un pont vers une maison. Nous avons essayé de refaire cela dans des conditions idéales à l'arrière de la caserne. Tout ce que nous avons pu faire, c'est la soulever du sol. C'est une échelle qui peut supporter de quatre à six hommes. Ce genre d'exploit peut se produire dans des conditions désespérées. Tout le monde travaillait si fort. Et nous entendions les gens crier... crier.
« Les pompiers ont fait un excellent travail. Toutefois, chaque fois que nous sauvions une personne, il y en avait une autre pour laquelle nous ne pouvions rien faire. » (Kennedy, 1979; p. 109-110)
Voici comment David Philips, un résidant de Raymore Drive, a décrit les efforts déployés pour sauver les gens cernés par les eaux : « J'étais là et j'entendais les cris des gens, je voyais les maisons dévaler le cours de la rivière. J'ai couru au bord de la rivière pour donner un coup de main, mais nous ne pouvions rien faire. Nous avons essayé de mettre une embarcation à l'eau, mais les eaux étaient déchaînées. Les pompiers ont essayé d'atteindre les victimes avec des cordes en faisant la chaîne mais c'était trop risqué : la crue était trop importante. Et l'eau ne cessait d'arriver. Nous voyions les gens mourir, sans pouvoir les aider. » (TS, 14 octobre 1984)
« Les maisons étaient littéralement arrachées à leurs fondations et emportées par les eaux. On entendait crier les gens. Bon nombre d'entre eux étaient sur les toits. Dans bien des cas, les cris cessaient soudain; les maisons se disloquaient et tout était fini », a déclaré Philips. (Kennedy, 1979; p. 108-109)

Diane Lockhart, qui habitait au coin de l'avenue Gilhaven et de Raymore Drive, a quitté les lieux avec sa famille pour se mettre en sécurité. « On avait l'impression qu'il pleuvait depuis une semaine et que cela ne cesserait jamais. Ce soir-là, j'étais dans la cuisine avec une amie et ma mère qui était en train de coudre. Quelqu'un a frappé à la porte. C'était une voisin qui venait dire à mon père que la rivière était en crue et menaçait de déborder. Ma mère nous a dit de nous habiller avec des vêtements chauds et nous sommes partis chez ma tante qui habitait plus haut sur la colline. »
Lockhart a tenté d'expliquer pourquoi les gens refusaient de quitter leur maison : « Je suppose que leurs maisons étaient un symbole de sécurité pour eux. C'est comme un cheval qui retourne dans une écurie en flammes. » (TS, 14 octobre 1984)
Quand les eaux se sont retirées et que les dégâts ont été évalués, on a décidé que le secteur de Raymore Drive avait été si dévasté par l'inondation qu'il ne serait plus permis d'y construire des résidences. Puis, le dédommagement des survivants et des gens déplacés est arrivé au premier rang des préoccupations. Voici ce qu'a déclaré à ce sujet Jim Patterson : « Je crois qu'il est temps que quelqu'un parle au nom des voisins qui ne pourront jamais se défendre, ceux qui ont péri dans la catastrophe et dont les propriétés ont été détruites par l'inondation de Raymore Drive. Je crois qu'il est temps de faire savoir au gouvernement de l'Ontario que ces gens ne vivaient pas dans des taudis. Pourtant, c'est ce qu'on pourrait croire, à en juger par le plafonnement à 5 000 $ imposé dans le plan d'indemnisation. Je peux vous dire que 5 000 $ suffiraient à peine à payer la maçonnerie pour certaines de ces maisons. »
La propriété de M. Patterson, sur Raymore Drive, n'avait pas subi de dégâts. « Toutefois, j'ai une idée de ce qui attend certains de mes voisins. Je tiens à dire que le plafond imposé de 5 000 $ est tout simplement dérisoire. Certaines de ces maisons étaient hypothéquées pour 9 000 $ ou 10 000 $ et la valeur des biens de leurs propriétaires était considérable. » (TS, 1 er novembre 1954)
Mount Dennis
Le niveau d'eau a atteint une hauteur considérable dans la localité de Mount Dennis, près de la rivière Humber. On a même vu, dans un secteur de la localité, l'éclairage public emporté par la rivière en crue. Dans l'avenue Cynthia, les maisons se sont retrouvées au beau milieu d'un lac de 3 mètres (10 pieds) de profondeur. Des pelouses ont été emportées par la rivière sur une largeur de 6 mètres (20 pieds), créant de véritables falaises devant les maisons. Sur Scarlett Road, une maison dans laquelle se trouvaient une femme et sa famille était entourée de 3 mètres (10 pieds) d'eau; les pompiers, qui se trouvaient à 30 mètres (100 pieds) de là, ne pouvaient pas leur porter secours. Dans le secteur sud de Mount Dennis, le ruisseau Black, dont la profondeur n'excède pas normalement 30 cm (1 pied) et qui est si étroit qu'on peut tout simplement sauter par-dessus, a débordé au point d'envahir le boulevard Humber, l'avenue Porter et l'avenue Cordella.
Old Mill
George Eliot, un poseur de lignes téléphoniques de 33 ans, père de trois enfants, qui habitait sur Queensway, a passé quatre heures accroché à un arbre, dans la rivière Humber en crue près de Old Mill, avant d'être recueilli par Max Hurley. Les services de police de Toronto, York et Etobicoke avaient tenté en vain de le secourir. Hurley a pu naviguer sur la rivière jusqu'à un endroit d'où il a pu atteindre l'homme qui a ensuite été transporté à l'hôpital St. Joseph's.

Eliot était prisonnier dans une voiture sur un pont lorsque les pompiers lui ont jeté un tuyau flexible pour qu'il se l'attache autour de la taille et tente de sortir par la fenêtre de sa voiture. Mais cette dernière a été emportée par la rivière et la ligne a lâché avant qu'on puisse hisser Eliot sur la berge. Avec leurs lampes, des spectateurs ont continué d'éclairer son visage qu'on pouvait apercevoir entre les branches d'un arbre. Lorsqu'il s'est agrippé à cet arbre, les pompiers ont tenté de créer un pont entre lui et la rive à l'aide d'une échelle. On lui a envoyé des cordes, certaines à l'aide de projectiles. On a mis des embarcations à l'eau pour tenter de le rejoindre, mais le courant était trop fort. On a appelé un hélicoptère et la Marine a mis une embarcation à l'eau, mais on a interrompu les opérations lorsque Hurley a réussi à rejoindre Eliot avec son propre bateau. Voici le récit d'Eliot :
« Je ne sais pas comment j'aurais pu tenir plus longtemps. J'étais certain que j'allais me noyer.
« Les prières, la volonté de survivre, le saule et l'homme qui est venu à mon secours m'ont permis de tenir le coup. Croyez-moi, je suis reconnaissant d'être en vie aujourd'hui.
« J'ai lancé les bras en avant pour saisir une branche d'arbre. J'étais submergé; la pression de l'eau était très forte. À peine avais-je pu me hisser dans l'arbre que ma voiture, emportée du pont, est venue buter contre l'arbre. Je suis donc monté sur le toit et suis resté là un moment, toujours agrippé à la branche. J'avais l'impression de n'être là que depuis une minute lorsque l'arbre auquel je me cramponnais est tombé et je me suis trouvé, encore une fois, dans les eaux tourbillonnantes. J'étais en train de me noyer, j'en étais sûr. Je me dis que, dans une minute, je serais mort. Puis, comme par miracle, j'ai senti sous ma main une autre branche d'arbre dans l'eau. Je l'ai attrapée et j'ai lutté de toutes mes forces jusqu'à ce que je puisse me hisser, encore une fois, dans l'arbre. J'ai regardé autour de moi et j'ai vu ma voiture partir, emportée par le courant. » (TS, 16 octobre 1954)
Les pompiers
Cinq pompiers de la caserne de Kingsway-Lambton ont péri en allant porter secours à des gens prisonniers d'une voiture cernée par les eaux de la rivière Humber. Le camion dans lequel ils étaient s'est retrouvé coincé dans une rue inondée et s'est renversé, jetant ses occupants à l'eau. Cinq des neuf hommes ont péri. Il s'agit de Angus Small, Dave Palmateer, Frank Mercer, Tiny Clarence Collins et Roy Oliver. Marsh Palmateer, Jack Philips, Jim Britton et Bill Bell ont survécu et ont raconté les circonstances qui ont mené à la perte de leurs camarades.

Répondant au troisième appel de la soirée, ils se dirigeaient vers le boulevard Humber, qui longeait la rivière entre les rues Dundas et Bloor. Lorsqu'ils ont quitté la caserne, la rue était encore à découvert mais, peu de temps après, l'eau atteignait déjà le haut des roues. Frank Mercer avait manqué le départ du camion et suivait dans sa voiture. Lorsque les hommes qui se trouvaient dans le camion ont décidé de faire demi-tour, le moteur de la voiture avait calé et le camion n'a pas pu la pousser.
Voici le récit de Philips : « Nous ne pensions pas que nous étions en danger dans cette rue. Il y avait bien un peu d'eau qui s'y déversait mais sans plus. Par contre, il y avait beaucoup plus d'eau sur la rue un mille au sud de la rue Dundas. Ne sachant pas si nous pourrions atteindre la rue Bloor, nous avons décidé de faire demi-tour. « Frank Mercer nous suivait dans sa voiture. Lorsque nous avons décidé de reculer, nous n'avons pas pu la contourner. Puis, l'eau a commencé à monter très rapidement. Le courant est devenu si fort qu'il était impossible de tourner les roues du camion. Nous avons donc décidé à ce moment-là d'attendre que ça passe. Nous n'étions pas inquiets - la rivière avait atteint son niveau maximum. Mais ce n'était que le début, seulement le début. » (TS, samedi 16 octobre 1954)
Le camion paraissait plus stable que la voiture dans laquelle se trouvait Mercer. Les autres hommes ont donc décidé d'aider ce dernier à se jeter à l'eau pour rejoindre le camion. Voici le témoignage de Palmateer : « Je lui ai lancé la corde et il l'a saisie. Puis, je lui ai dit de sauter et que nous allions le hisser mais il semblait avoir peur. L'eau atteignait presque le toit de la voiture, je devais donc tirer. Mercer est sorti de la voiture sans problème, mais il a dû lâcher la corde. Il a été emporté. Nous n'avons pas pu le rattraper. » (TS, samedi 16 octobre 1954)
« Nous avons laissé le moteur tourner tant que nous pouvions appeler à l'aide à la radio. Dans l'obscurité, nous pouvions voir et entendre le chef et les autres qui étaient sur la berge et tentaient de nous porter secours.
« Puis, le camion s'est renversé; la route a dû s'effondrer sous le camion, car celui-ci était parallèle au courant. Pendant le court laps de temps où nous étions là, le niveau de la rivière s'est élevé de cinq pieds. Je suis né ici, mais je n'avais jamais rien vu de tel. »
« À un moment donné, nous aurions pu sortir à pied sec du camion, mais nous ne pensions pas alors que nous étions en danger », a déclaré Philips. (TS, samedi 16 octobre 1954)
« Lorsque la route s'est effondrée, trois d'entre nous étaient accrochés au côté du camion quand il s'est renversé », a déclaré Palmateer. (TS, samedi 16 octobre 1954)
Des années après, Jim Britton a raconté son histoire à des journalistes :
« Deux personnes étaient apparemment prisonnières sur le toit d'une voiture dans la rue Humber. Nous sommes partis à huit en camion pour nous rendre sur les lieux.
« N'ayant trouvé ni voiture, ni personnes en difficulté, nous avons commencé à faire demi-tour.
« Un des pompiers avait manqué le départ du camion et nous suivait dans sa voiture. Il en est sorti pour grimper sur le camion.
« C'est alors qu'un véritable mur d'eau est arrivé de nulle part. Nous n'avons rien vu ni entendu arriver. Il a emporté la voiture du pompier qui a heurté le camion puis l'a entraînée vers un arbre.
« L'eau montait le long du camion. Nous avons lancé un appel au secours par radio.
« La police et les pompiers sont arrivés sur la berge mais ne pouvaient pas nous atteindre avec des cordes.
« Nous avons passé tout ce qui pouvait flotter à ceux qui ne savaient pas nager, puis nous sommes tous serré la main. Tous ont fait preuve d'un grand courage. Pas de panique, pas d'hystérie, rien.
« Quand l'eau a atteint le tuyau à incendie, ce dernier s'est déroulé comme un serpent. Sans le tuyau, le camion, devenu plus léger, a commencé à flotter. Puis, il s'est renversé.
« J'ai continué d'avancer aussi loin que je pouvais. Ma veste coupe-vent, serrée aux poignets, s'était gonflée d'air et faisait office de bouée de sauvetage. Je ne sais comment ni pourquoi, les phares étaient restés allumés. Je voyais le camion basculer dans la rivière alors que les eaux l'emportaient.
« Impossible de nager, de bouger les jambes ou de faire quoi que ce soit dans ce courant. » (TS, 15 octobre 1964)
« J'étais sur le dos, emporté par le courant, la tête la première. Tout à coup, un objet a heurté mon visage. Je m'y suis accroché et j'ai fait un tour complet. Je me suis retrouvé enroulé autour d'un gros arbre. Je ne savais pas quelle distance me séparait de la berge, mais entre la terre et moi c'était comme...je me répète, mais c'était comme les chutes du Niagara. Pas question de lâcher prise... j'étais sur ce gros arbre magnifique. J'étais là et je me cramponnais. J'étais hors de l'eau. Tout à coup, j'ai entendu des gémissements. J'ai vu un homme qui s'accrochait à un petit arbre. Sa tête émergeait. (C'était Frank Mercer, le pompier volontaire.)
« Frank, pour l'amour de Dieu, donne-moi ton pied. Lève ton pied que je l'attrape.
« Puis j'ai vu une expression étrange sur son visage et il a glissé de l'arbre, et puis... Il était parti.
« Un policier m'a lancé une corde. Ensuite, je ne me souviens pas d'avoir atteint la berge car, ils ont tiré d'un coup sec sur la corde et je n'ai même pas touché l'eau... J'ai carrément volé dans les airs et puis, Vlan! » (TS, 20 mars 1983)
Lors des opérations de nettoyage qui ont suivi l'inondation, on a retrouvé le camion loin de l'endroit d'où il avait été emporté, sérieusement endommagé.
Bryan Mitchell était pompier volontaire au moment de l'ouragan Hazel. Il est devenu par la suite chef du service d'incendie d'Etobicoke. Il a accroché la hache de secours du camion perdu au mur de son bureau. Voici ce qu'il a dit à propos des pompiers qui ont péri : « Nous avions tous grandi par ici et nous connaissions la rivière. Les gars sont sortis et se sont réfugiés sur le toit du camion pour attendre que ça passe. »
« J'avais du mal à croire qu'ils étaient partis. J'étais avec eux quelques heures auparavant. À l'époque, ici, c'était comme une petite ville. Nous avions grandi ensemble et éteint des incendies ensemble. » (TS, 14 octobre 1984)
Un fonds d'aide a été mis sur pied pour aider les familles des pompiers qui ont péri. Voici ce qu'a déclaré à ce sujet le conseiller Jerry Daub : « Ces hommes étaient de simples salariés. La veuve de l'un d'eux et ses trois enfants se retrouvent sans rien. Tous ont risqué leur vie pendant des années. Nous savons qu'un fonds d'aide général a été mis sur pied, mais nous pensons que les membres des autres brigades de pompiers volontaires de la province seront particulièrement enclins à aider ces familles. » (TS, mardi 19 octobre 1954)
Grâce au fonds mis sur pied pour venir en aide aux familles des pompiers, ces dernières ont reçu 75 $ par mois plus 25 $ par mois pour chaque enfant. M me Roy Oliver a raconté à un journaliste du Toronto Star comment ses enfants ont vécu la perte de leur père : « Les deux plus jeunes ne savent pas ce qui s'est passé. Robert, par contre, sait que quelque chose est arrivé, car il a vu tant de gens venir rendre visite à sa maman; sa maman qui n'est plus comme avant. Il réclame son père. Il dit à tout le monde que son père est retourné au camion d'incendie parce qu'il a oublié ses bottes. » (TS, 20 octobre 1954)
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