Archivée: L'aspect scientifique de l'ouragan Juan - Pourquoi un ouragan de catégorie 2 a atteint la Nouvelle Écosse
Préparé par Chris Fogarty, 24 octobre 2003
Il n'est pas rare que des ouragans frappent la Nouvelle Écosse. Depuis quelque temps, cela se produit tous les trois ans environ. Ce qui est plus rare, c'est qu'ils aient toujours une force d'ouragan lorsqu'ils atteignent nos côtes. L'ouragan Juan est arrivé sur les côtes, le 29 septembre 2003, en tant qu'ouragan à la limite des catégories 1 et 2, avec des vents soutenus de 85 nœuds, soit 158 km/h. Il semblerait, selon les observations des 100 dernières années, que de tels ouragans n'atteignent les côtes de la Nouvelle Écosse qu'une fois tous les 50 ans.
Alors, pourquoi Juan avait-il toujours une telle force à son arrivée en Nouvelle Écosse? Cela s'explique, en grande partie, par la température exceptionnellement élevée des eaux de surface dans la dernière partie du mois de septembre 2003. Pour s'intensifier, un ouragan doit passer au dessus d'eaux dont la température atteint 26°C. Dès qu'il arrive au dessus d'eaux plus froides, il commence à perdre de sa force. Le rythme auquel il s'affaiblit dépend largement de la température de l'eau. Globalement, la température des eaux situées entre le Gulf Stream et la Nouvelle Écosse le 28 septembre était d'environ 18°C (voir la carte). La température normale pour cette date étant de 15°C, la grande étendue en jaune située au sud de la Nouvelle Écosse devrait normalement être en vert. En résumé, la réponse à la question réside dans le fait que l'ouragan s'est affaibli beaucoup moins vite qu'il ne l'aurait fait en temps normal en passant au dessus de cette région, en raison de la température exceptionnellement élevée des eaux.
Mais la température de l'eau n'est pas seule en cause. En fait, l'ouragan Juan s'est à peine affaibli en passant au dessus des eaux plus froides du plateau continental au sud de la Nouvelle Écosse. Son déplacement s'est accéléré, ce qui a fait augmenter la vitesse relative du vent au niveau du sol et à la surface de l'océan. Même si l'ouragan lui même perdait toujours en intensité, sa progression rapide annulait pratiquement les effets de cette perte d'intensité sur la vitesse du vent. Qui plus est, l'ouragan, en accélérant sa course au dessus des eaux froides, a passé moins de temps au dessus de cette zone et a donc eu moins de temps pour s'affaiblir.
La température anormalement élevée de l'océan a un double effet. D'abord, elle peut prolonger légèrement la durée de vie d'un ouragan. Ensuite, l'atmosphère est plus instable lorsque les eaux sont chaudes, ce qui cause des vents plus forts que d'habitude au niveau du sol et de la surface. Ces vents plus forts à la surface de l'océan peuvent accentuer les effets de la tempête en charriant plus d'air humide de l'océan. On peut penser que la vitesse des vents de l'ouragan Juan aurait été inférieure de 20 à 30 km/h si les conditions de l'océan avaient été normales au moment de son arrivée sur les côtes. On aurait alors observé des vents de 130 km/h. Le fait que l'atmosphère est plus stable au-dessus des eaux à 15°C qu'au-dessus des eaux à 18°C aurait pu se traduire par une réduction supplémentaire de 10 à 20 km/h de la vitesse des vents enregistrée en surface. Si telles avaient été les conditions, on aurait eu affaire à une tempête tout juste à la limite de l'ouragan, qui aurait fait moins de dégâts.
On continuera de faire des recherches afin d'évaluer l'influence de la température des eaux de surface sur l'intensité des ouragans au Canada atlantique. Si, comme nous le pensons, l'écart relativement faible entre 15°C et 18°C a des conséquences importantes sur l'intensité d'une tempête, nous devons nous préoccuper de l'évolution à long terme de la température de l'océan. On pourrait constater, par exemple, une hausse de la température inhérente à un réchauffement climatique ou à un changement de dynamique du Gulf Stream, courant chaud, qui permettrait à des eaux plus chaudes de s'approcher plus près des côtes de la Nouvelle Écosse.