Archivée: Que faire à l'approche d'un ouragan? - PARTIE 2

Préparé par Peter Bowyer, 21 novembre 2003

Alderney Marina Ltd.

Lorsqu'on regarde par les fenêtres du Centre canadien de prévision des ouragans qui donnent sur le port, on voit un petit port de plaisance où sont amarrées environ cinquante d'embarcations : c'est la Alderney Marina Ltd. Environ une fois par an, à l'approche d'un ouragan ou d'une tempête tropicale, le directeur John Owen et les utilisateurs " ancrent " les pontons du port de plaisance en prévision du mauvais temps. Ce n'est généralement qu'une mesure de précaution car il est rare qu'un ouragan en pleine force frappe la région.

Le dimanche 28 septembre toutefois, M. Owen et une vingtaine de plaisanciers ont pris les prévisions très au sérieux. Ils avaient entendu les bulletins annonçant que Juan toucherait certainement les côtes près d'Halifax et amènerait des vents d'ouragan, de hautes vagues et une onde de tempête record. Forts de leur expérience en matière de tempêtes et riches d'ingéniosité et d'esprit d'équipe, M. Owen et les plaisanciers ont accompli un travail remarquable pour protéger leurs bateaux et les pontons.

En jetant de temps à autre un oeil à la fenêtre pour voir comment les gens se préparaient pour la tempête, on voyait des plaisanciers sortir leurs bateaux de l'eau et les emmener sur des remorques. Une scène avait de quoi laisser perplexe, toutefois : près d'une quinzaine de personnes s'activaient, telles des abeilles, à poser des cordes partout. Voici l'explication de John Owen : " Nous avons tissé une véritable toile d'araignée de corde... pour attacher les bateaux aux pontons et les pontons au rivage ". Mais ce qu'ils avaient fait de plus intéressant et de plus brillant ne se voyait pas : ils avaient prolongé les piliers des pontons par des colonnes flottantes. Pour comprendre, regardez la première photo :

Cordages en toile d’araignée attachant les bateaux aux quais et les quais au rivage à la marina Alderney, à Dartmouth (Nouvelle-Écosse)

De longs tubes métalliques servant de piliers sont enfoncés dans le sol, au fond de l'eau. Les pontons y sont attachés par des chaînes et des anneaux métalliques. Les pontons montent et descendent avec le niveau de la mer au rythme des marées, retenus par leurs attaches qui glissent le long des piliers. Pensant que le niveau de la mer dans le port allait dépasser le niveau enregistré en 1996 lors du passage de l'ouragan Hortense et atteindre des records, M. Owen s'est dit que les piliers n'étaient sans doute pas assez hauts. Pour lui, les pontons s'élèveraient tellement que les chaînes et les anneaux glisseraient jusqu'au haut des piliers. Les pontons flotteraient donc librement, livrés en pâture à la tempête. Le petit port de plaisance risquait de devenir un amas de bateaux écrasés ou coulés, malgré la toile d'araignée de corde qu'ils avaient installée.

M. Owen et Bernie Dockrill, un plaisancier entrepreneur, ont alors gambergé un moment pour trouver une solution. M. Dockrill est ensuite parti en toute hâte chez lui où il avait - heureux hasard - plusieurs poutres de 6 pouces sur 6 de 14 pieds de longueur et des chevrons de deux sur quatre de 8 pieds de longueur. Il a coupé chaque poutre en deux et les chevrons en petits morceaux, puis a cloué un morceau de chevron en travers à une extrémité de chacune des poutres de 7 pieds de long. Les deux hommes ont ensuite, avec l'aide d'autres plaisanciers, inséré les poutres dans les tubes métalliques jusqu'aux pièces de bois transversales qui servaient de butoirs. Ils étaient prêts pour la tempête.

Leur plan était simple : si le niveau de l'eau venait à dépasser le haut des piliers (ce qui ne faisait aucun doute vu l'onde de tempête et les vagues annoncées), les chaînes et les anneaux buteraient sur les pièces de bois transversales. Ces dernières, soulevées par les vagues entraîneraient avec elles les poutres de bois qui prolongeraient alors de quelques pieds les piliers métalliques. Ainsi, pontons et bateaux resteraient en place. Pour avoir une idée de la hauteur qu'a atteinte le niveau de la mer lors du passage de Juan, regardez la deuxième photo, prise après le passage de Juan, à marée basse.

Préparatifs en vue d’une élévation possible des niveaux d’eau à la marina Alderney, à Dartmouth (Nouvelle-Écosse)

Avant de regarder la troisième photo, regardez à nouveau les deux premières. On peut y voir, à l'arrière plan, un train qui longe le littoral de Dartmouth. Voyez maintenant ce qui s'est produit le long de ce littoral lors du passage de Juan. (Remarque : le Centre canadien de prévision des ouragans est situé au dernier étage du grand immeuble à l'arrière plan).


Trains le long du littoral de Dartmouth, après l’ouragan Juan

Si M. Owen et les plaisanciers n'avaient rien fait, les pontons et les bateaux qui y étaient amarrés auraient probablement subi le même sort que ceux d'autres ports de plaisance de la Nouvelle Écosse et de l'Île du Prince Édouard. D'après M. Owen, au plus fort de la tempête, le niveau d'eau atteignait le haut des piliers qui, à chaque vague, était largement submergé. Grâce aux précautions qui ont été prises, seuls les pontons extérieurs se sont détachés, aucun bateau n'a coulé et les trois quarts des bateaux n'ont subi absolument aucun dégât.

Alderney Marina Ltd. est un port de plaisance privé et non un club nautique. Malgré tout, les plaisanciers qui l'utilisent réagissent en copropriétaires et sont toujours prêts à mettre la main à la pâte quand il y a du travail à faire. Et le travail ne manquait pas avant le passage de Juan. Nombreux sont ceux qui sont restés sur place cette nuit là.

C'est tout de même impressionnant de voir comment, avec quelques morceaux de bois, des gens ingénieux ont permis d'économiser des centaines de milliers, sinon des millions de dollars!

Bravo à M. Owen, à M. Dockrill et aux autres plaisanciers de la Alderney Marina Ltd.

Remerciements

Merci à George Parkes du le Centre de prévision des intempéries de la Région de l'Atlantique pour avoir attiré mon attention sur les mesures préventives efficaces mises en place par les gens de la Alderney Marina Ltd.

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