Étude du bassin des lacs Turkey : document descriptif

Nota: D.S. Jeffries, I.K. Morrison et J.R.M. Kelso ont résumé les objectifs, le processus de sélection du site, l'établissement, l'exploitation et les réalisations scientifiques de l'Étude du bassin des lacs Turkey dans un document présenté au Colloque d'hydrologie du Canada, intitulé Canadian Research Basins: Successes, Failures and Future (voir Proc. Can. Hydrol. Symp., Banff, Alberta, May 9-11, 1988, CHS No. 17, 117-125). Depuis, le contenu du document a été révisé et mis à jour deux fois. La version la plus récente (1998) est reproduite ci-dessous. Les révisions au document original sont indiquées en italique.

I. Introduction

Au cours des années 1970, le milieu scientifique et le gouvernement ont pris conscience de l'impact potentiel du transport à distance des polluants atmosphériques (TADPA) sur l'environnement. Les inquiétudes portaient surtout sur les précurseurs acides, particulièrement le SO2, en raison de plusieurs cas documentés d'acidification des eaux de surface et de diminution de populations de poissons en Scandinavie, au Canada et aux États-Unis. Comme le dépôt acide atmosphérique et celui d'autres contaminants constituent une agression pansystémique, il est préférable d'effectuer des études à l'échelle des bassins pour évaluer les processus biogéochimiques qui régissent les interactions entre les polluants et les écosystèmes. Il est essentiel de comprendre ces processus pour évaluer efficacement les effets du TADPAet mettre au point des modèles permettant de prévoir avec confiance les impacts à plus long terme et dans un espace plus grand. Le présent document décrit l'élaboration de l'Étude du bassin des lacs Turkey(BLT), qui est situé dans le centre de l'Ontario (district d'Algoma), et met l'accent sur le processus de sélection du bassin, les difficultés rencontrées, les réalisations et l'impact global dans le contexte du vaste programme de recherche sur le TADPA.

I.1 Choix du bassin

Reconnaissant qu'il existe de grandes variations dans le climat, l'ampleur du dépôt acide et les caractéristiques topographiques dans l'ensemble de l'Est canadien (c.-à-d. la portion du pays touchée par les pluies acides), on a choisi une série de cinq bassins de recherche, où une surveillance intensive pan-écosystémique a été ou pourrait être entreprise. Les ressemblances et les différences entre les réactions au TADPAobservées dans les bassins permettent de comprendre les processus dominants à chaque endroit. Deux des bassins (région des lacs expérimentaux, au nord-ouest de l'Ontario, près de Kenora, et Muskoka-Haliburton, au centre-sud de l'Ontario, concentré autour de Dorset) servaient déjà à étudier l'eutrophisation des lacs et disposaient donc de bases de données substantielles permettant d'établir les bilans ioniques et d'évaluer les effets du TADPA. Les trois autres bassins ont été spécifiquement établis aux fins des études sur le TADPA. Il s'agit du BLT (dans le centre de l'Ontario, au nord de Sault Ste. Marie), du lac Laflamme (dans le sud du Québec, au nord de la ville de Québec) et de Kejimkujik (dans le sud de la Nouvelle-Écosse). Tous ces bassins étaient opérationnels au début des années 1980. Ils couvrent l'ensemble des observations du dépôt, c.-à-d. les concentrations du dépôt humide de SO4 inférieure à 10 kg.ha-1.an-1 jusqu'aux concentrations supérieures à 30 kg.ha-1.an-1. Les recherches menées dans les bassins reflètent surtout les propriétés physiques, chimiques et biologiques particulières de chacun d'entre eux. Bien sûr, aucun bassin ne peut à lui seul englober tous les aspects de la recherche sur le TADPApar voie atmosphérique, aquatique et terrestre; toutefois, le regroupement des données de tous les bassins permet de répondre à la plupart des questions soulevées dans le cadre de l'évaluation nationale actuelle des effets des pluies acides.

Au départ, la décision d'établir un bassin de recherche dans la région d'Algoma, dans le centre de l'Ontario, a été motivée par deux facteurs : le besoin d'englober des aspects non examinés dans les autres bassins (c.-à-d. l'étude des effets du TADPAdans un contexte de dépôt élevé, mais non maximal, sur un terrain dont la sensibilité est modérée) et l'intention de faire fond sur l'expertise déjà en place à Sault Ste. Marie, au Centre de foresterie des Grands Lacs (Service canadien des forêts, Ressources Naturelles Canada) et au Laboratoire des Grands Lacs pour les pêches et les sciences aquatiques (ministère des Pêches et des Océans) dans le cadre d'une étude de bassin intégrée. Il convient de noter que le dépôt global annuel de SO4 a varié de 21 (1987 et 1994) à 40 (1982) kg.ha-1 de 1982 à 1996 (R.G. Semkin, comm. pers.). Le dépôt annuel était incontestablement plus élevé avant le début de la surveillance dans le BLT (Kelso et Jeffries, 1988), et quatre des cinq valeurs annuelles les plus basses ont été enregistrées au cours des dernières années seulement (de 1993 à 1996). La concentration du dépôt annuel est par conséquent quelque peu élevée par rapport à ce qu'on avait prévu lors de la planification initiale de l'Étude; toutefois, cela n'a eu aucune incidence sur l'atteinte des objectifs ni sur la pertinence des résultats.

Un processus systématique a été mis sur pied afin de choisir un site. Le bassin devait répondre à certains critères essentiels, dont : (1) comporter une chaîne de lacs non perturbés, interreliés et en cascades, qui progressent vers l'aval à partir d'un lac d'amont; (2) renfermer des systèmes hydrologiques où l'on peut construire des barrages et bien mesurer le débit; (3) présenter des conditions géochimiques régionales représentatives; (4) être situé à une certaine distance de Sault Ste. Marie (de 50 à 70 km) et être raisonnablement accessible; (5) abriter une forêt intacte, mûre, homogène et typique qui est représentative des forêts des Grands Lacs et du Saint-Laurent; (6) présenter des populations diversifiées de poissons dans la chaîne de lacs; (7) renfermer des stocks de poissons autonomes; (8) avoir une population de salmonidés (omble de fontaine et/ou touladi) dans au moins un des lacs. On a présumé que, si le bassin présentait des propriétés acceptables pour les poissons, les caractéristiques des populations du biote aquatique de niveau inférieur seraient également « représentatives » des autres lacs de la région.

En tenant compte du critère logistique le plus simple (c.-à-d. la distance de Sault Ste. Marie), une centaine de bassins potentiels ont été identifiés sur les cartes topographiques. Après avoir étudier les renseignements disponibles (surtout sur les stocks de poisson, mais aussi des données géologiques et hydrologiques), on a éliminé 70 % des sites potentiels. Les bassins restants ont été examinés visuellement pour déterminer s'ils présentaient les conditions forestières appropriées et, à la fin, il restait huit bassins précis dans lesquels on a prélevé des échantillons chimiques et biologiques pour s'assurer qu'ils convenaient bien aux besoins de l'Étude. Il s'est révélé que le critère le plus restrictif était la combinaison de l'accessibilité et de l'existence d'une forêt intacte et mûre, la plupart des accès aux forêts du district d'Algoma étant des chemins d'exploitation. En outre, la présence de ces chemins a généralement entraîné un accroissement des activités récréatives dans les lacs et de la construction de résidences secondaires. Ces deux facteurs ont joué en défaveur de plusieurs sites. Des trois sites acceptables qui restaient à la fin du processus de sélection, on a finalement choisi le bassin des lacs Turkey (figure 1). Le bassin est situé à environ 50 km au nord de Sault Ste. Marie, et, bien que cela corresponde à la limite minimale imposée par le critère de la distance, il est réellement isolé et intact. De plus, on a pu y assurer un accès à un coût relativement bas en rétablissant une route auparavant utilisée pour joindre une tour de feu maintenant hors service. Comme la route n'avait été construite que pour donner accès à cette tour de feu (et non à des fins d'exploitation forestière), la nature de la forêt environnante est relativement intacte. Le processus de sélection a duré en tout de huit à neuf mois.

II. Description Du Bassin

Le BLT a une superficie de 10,5 km2 et englobe entièrement le bassin versant d'une chaîne supérieure de quatre lacs (cinq bassins distincts). Situé sur une terre domaniale provinciale, le bassin est réservé aux recherches menées en collaboration avec le district de Sault Ste. Marie et le ministère des Richesses naturelles de l'Ontario. Les ressources terrestres et aquatiques du bassin sont représentatives de la région environnante d'Algoma bien que, contrairement au reste de l'Ontario, cette dernière possède un haut relief (290 m) et reçoit des précipitations annuelles élevées (>1 200 mm). La roche-mère dans le BLT est principalement composée de basalte métamorphique précambrienne (roche verte) et d'un peu de granite; les terrains de couverture sont formés d'un till glacial à deux composantes qui varie en épaisseur de <1 m (à des hauteurs élevées) à 1-2 m (à des hauteurs peu élevées). On trouve aussi parfois du till extrêmement profond (jusqu'à 70 m) dans les vallées de roche-mère. La minéralogie du till est plus felsique que celle de la roche-mère sous-jacente, ce qui démontre que cette matière provient principalement de grosses intrusions de granite présentes juste au nord du bassin. De plus, le till contient 0-2 % de CaCO3, dont les concentrations les plus élevées se trouvent souvent plus profondément dans le profil et à des hauteurs moins élevées. Cette composante infime, mais facilement altérable des terrains de couverture joue un rôle déterminant dans la sensibilité « modérée » du terrain et est très commune à la plupart des régions du nord de l'Ontario (Jeffries et al., 1986a).

Carte de Figure 1: Lac dans BLT

Figure 1: Lac dans BLT

Le profil relativement angulaire du bassin (figure 1) s'explique par le contrôle structural exercé par l'intersection de deux systèmes de failles régionales. Il y a jusqu'à20 stations hydrométriques entièrement équipées, la plupart ayant des structures artificielles de régulation du débit. La plupart des stations hydrométriques sont situées dans les cours d'eau d'amont de premier ordre; les autres se trouvent aux émissaires des lacs ou plus loin en aval, dans le cours d'eau principal (ruisseau Norberg). La surveillance hydrologique (tout comme la surveillance chimique, la surveillance météorologique et la surveillance du dépôt) est menée à longueur d'année.

La superficie de la chaîne de lacs va de 5,8 ha (bassin du lac Batchawana au sud; voir la figure 1) à 52,0 ha (lac Turkey), et sa profondeur moyenne varie de 2,2 m (lac Wishart) à 12,2 m (lac Turkey). Les précipitations relativement fortes provoquent un écoulement assez rapide de l'eau des lacs; l'eau se renouvelle en un espace de temps variant de 0,15 (lac Wishart) à 1,3 an (lac Batchawana nord). Tous ces lacs sont dimictiques, à l'exception du lac Wishart qui subit un mélange récurrent induit par le vent en raison de sa faible profondeur. L'appauvrissement en oxygène dissous a cours dans les eaux de fond non perturbées de tous les lacs, sauf le lac Turkey; le bassin d'oxygène hypolimnique présent dans ce lac, le plus profond de la chaîne, semble assez large pour empêcher l'apparition de conditions anoxiques.

On observe un gradient dans la composition des ions majeurs des lacs du BLT, les eaux les plus diluées se trouvant dans les hauteurs. Les concentrations de calcium augmentent, passant de 55 à 138 mmol.L-1, en aval de la chaîne. Le sulfate est l'anion dominant dans le lac Batchawana, tandis que les lacs inférieurs sont surtout alcalins. Le phosphore est l'élément nutritif limitant dans ces lacs. Les concentrations moyennes des nitrates sont relativement élevées (7,9-16,4 mmol.L-1), et leurs cycles saisonniers sont très prononcés en raison de la faible utilisation des espèces d'azote par le bassin terrestre. Les variations saisonnières et épisodiques de plusieurs variables des eaux de surface peuvent être grandes.

Au début de l'Étude, le lac Batchawana ne contenait aucun poisson. Toutefois, on a par la suite introduit des truites dans le sud du bassin et surveillé l'état de la population. Les communautés de poissons dans les trois lacs inférieurs (composés de 3-11 espèces) sont typiques de la région d'Algoma. La répartition des organismes benthiques dépend principalement de la profondeur des lacs et de la présence ou de l'absence de poissons plutôt que des variations chimiques de l'eau. La composition des espèces zooplanctoniques est semblable dans l'ensemble des lacs, et les cyanophytes sont les algues dominantes partout.

La forêt est formée d'un ancien peuplement de feuillus tolérants inéquienne, mûr à surâgé et ancien. Les principales espèces d'arbres sont les érables (90 %). Les autres feuillus (9 %, habituellement des bouleaux jaunes) et les conifères (1 %) y sont présents en moins grand nombre. En 1997, on a utilisé diverses techniques d'exploitation forestière dans plusieurs sous-bassins terrestres dont les cours d'eau se jettent dans le ruisseau Norberg, juste en bas de l'émissaire du lac Turkey, afin d'en évaluer les différents impacts écologiques. Ce projet d'exploitation devrait se poursuivre jusqu'en 2010 au moins. La production forestière est typique de celle observée à cette latitude nordique (47EN). Les concentrations de bioéléments foliaires sont généralement semblables à celles observées à Hubbard Brook, au New Hampshire. De plus amples renseignements sur les propriétés physiques, chimiques et biologiques du BLT sont fournis dans Jeffries et al. (1988).

III. Discussion

III.1 Sujets de recherche

Au départ, l'Étude du BLT devait être multidisciplinaire; la portée de la recherche menée dans le bassin reflète d'ailleurs cette priorité. Les principales responsabilités relèvent de plusieurs organismes gouvernementaux, dont le Centre de foresterie des Grands Lacs (CFGL) de Ressources naturelles Canada, l'Institut national de recherche sur les eaux (INRE) d'Environnement Canada, le Laboratoire des Grands Lacs pour les pêches et les sciences aquatiques (LGLPSA) de Pêches et Océans Canada, le Service de l'environnement atmosphérique (SEA) d'Environnement Canada, le Service canadien de la faune (SCF) d'Environnement Canada et le ministère des Richesses naturelles de l'Ontario (MRNO). Des chercheurs de diverses universités participent aussi à l'Étude (Queen's, Guelph, McMaster, Laurentian, Waterloo, Laurier, New Brunswick, McGill, Toronto, Western). Un Comité directeur, formé de scientifiques principaux provenant des organismes participants, fournit l'orientation scientifique nécessaire à la coordination des activités de ce groupe très varié et au maintien de la gestion globale de l'Étude.

La station de mesure des dépôts atmosphériques du BLT, désignée site de surveillance officiel du Réseau canadien d'échantillonnage des précipitations et de l'air (du SEA), mesurent les dépôts humides et secs (Sirois et Vet, 1988). En outre, les conditions météorologiques et le dépôt global sont surveillés par l'INRE (Semkin et Jeffries, 1986a), tandis que le dépôt global, les pluviolessivats et l'écoulement supercortical ont déjà fait l'objet d'une surveillance par le CFGL (Foster et Nicolson, 1983). Des études approfondies ont été menées sur le stockage de la neige accumulée et les rejets de polluants ainsi que sur les effets connexes sur l'hydrochimie du bassin (Semkin et Jeffries, 1986b; English et al., 1986). Enfin, la mesure du dépôt atmosphérique des composés organiques synthétiques (toxiques) a aussi été entreprise(Johnson et al., 1988; Strachan et Huneault, 1984), et des plans sont en cours d'élaboration en vue d'évaluer la retenue terrestre de ces composés en tant que mécanisme qui régule leur apport aux écosystèmes aquatiques.

Des études approfondies sur la qualité de l'eau ont été effectuées dans le BLT, principalement par le CFGLet l'INRE. Elles présentent une description de la génération des débits et les facteurs influant sur la composition des cours d'eau (Semkin et al., 1984; Nicolson et al., 1987), l'hydrogéochimie de l'eau souterraine (Bottomley et al., 1986; Foster et al., 1986), et la chimie des lacs (Jeffries et al., 1986b). Jeffries et Semkin (1983) ont examiné les changements épisodiques dans la composition des eaux de surface. Des analyses paléolimnologiques de carottes de sédiments provenant de lacs ont été effectuées à partir de diatomées (Delorme et al., 1986), de profils des métaux (Johnson et al., 1986) et de restes d'invertébrés (Johnson et McNeil, 1988).

La recherche sur la biologie aquatique est principalement menée par le LGLPSA; elle englobe les relevés des communautés biologiques (Kelso et al., 1982), les évaluations de la production phytoplanctonique (Collins et al., 1983), la production benthique (Dermott, 1988), la production de populations de poissons (Kelso, 1985) et les facteurs influant sur la production de poissons (Kelso, 1988). Le LGLPSA a proposé des études sur la manipulation des habitats pour évaluer l'impact des habitats modifiés sur la biomasse, la production et la structure des communautés des poissons. Ces études impliqueraient la modification de certains secteurs littoraux du lac Wishart et/ou du lac Little Turkey (p. ex. l'élimination de débris ligneux). Le lac Batchawana serait utilisé comme zone où il n'y aurait aucune manipulation. Les modifications aux secteurs littoraux ne seront pas apportées avant 2000.

Les études terrestres comportent des évaluations approfondies des propriétés physiques et chimiques du sol (Cowell et Wickware, 1983), des analyses en laboratoire des réactions du sol aux dépôts acides (Hern et al., 1985; Hay et al., 1985), l'établissement du cycle des éléments de l'écosystème forestier (Foster et al., 1983; Foster et Nicolson, 1986), la quantification des concentrations des éléments de la phytomasse (Morrison, 1983; Morrison et Hogan, 1986) et l'estimation des stocks actuels et de la production de bois d'œuvre. En 1997, un projet forestier a été lancé et comprenait l'exploitation de quelques sous-bassins terrestres au sud du lac au moyen de trois techniques différentes (coupe à blanc, coupe sélective et coupe d'abri). Le projet a pour objectif l'évaluation de l'impact des différentes techniques sur les sols; la structure, le fonctionnement et la production nette des peuplements; l'apport et la qualité de l'eau dans les sous-bassins; la biodiversité globale de l'écosystème. La mise au point de modèles est également un élément important.

Enfin, des efforts énormes ont été déployés pour mettre au point et valider des modèles visant à prévoir l'hydrologie et la chimie des cours d'eau (Bobba et al., 1986; Lam et al., 1986). Ces modèles se sont révélés bien transportables puisqu'ils ont adéquatement simulé le débit et la chimie d'autres bassins hydrographiques. Les modèles ainsi que les études sur le bilan massique des bassins hydrographiques terrestres (Foster et al., 1986) et des lacs (Jeffries et al., 1986b) ont également servi à intégrer nombre des résultats individuels dans un contexte plus vaste. Toutefois, l'intégration globale des composantes nécessite encore d'autres efforts. Il convient de noter que, pour des raisons d'espace, la liste des sujets étudiés dans le cadre de l'Étude du BLT est incomplète. D'autres documents examinent des sujets tels que les isotopes stables, la microbiologie, les sédiments lacustres, la géologie/géochimie, les tendances chimiques et biologiques, l'acidification par l'azote, la faune, la classification des forêts, etc.

III.2 Difficultés

Les plus grandes difficultés rencontrées au cours de l'Étude du BLT sont de nature logistique et découlent de l'emplacement éloigné du bassin. La plupart des problèmes ont été résolus, mais à des coûts élevés et permanents. Les principaux problèmes touchent le ravitaillement en carburant, le maintien de génératrices diesel pour assurer les besoins en électricité de la station de surveillance atmosphérique et du petit laboratoire de terrain ainsi que l'entretien de la route (surtout l'enlèvement de la neige) pour permettre un accès quotidien à longueur d'année. L'accessibilité pendant le pic de la fonte de la neige au printemps peut être très difficile, mais elle est essentielle puisqu'on cherche à tout prix à définir les effets des rejets de polluants dans la neige accumulée; par conséquent, un petit campement de pavillons-dortoirs a été installé pour loger de six à douze techniciens de terrain pendant cette court période de temps. Par ailleurs, la distance relativement grande entre le bassin et Sault Ste. Marie représente des coûts significatifs en termes de temps (non-productivité du personnel de terrain pendant le déplacement). Toutefois, nous croyons que la qualité de l'écosystème visé par l'Étude du BLT compense largement tous ces problèmes.

Une autre difficulté potentielle est la structure multiorganismes de l'ensemble de l'Étude. D'abord, le partage des principaux coûts de logistique entre les trois principaux organismes participants (INRE, CFGLet LGLPSA) rend l'Étude vulnérable à toute réduction des coûts assumés par l'un des partenaires. Bien que le partage des coûts n'ait pas encore posé de problème majeur, cela soulève toujours des inquiétudes, car les organismes remplissent leurs obligations en utilisant des ressources « souples ». Ensuite, le transfert des priorités de recherche par les différents organismes peut menacer la cohésion de l'Étude. Le Comité directeur joue un rôle important en encourageant la communication interorganismes et en assurant la nature harmonieuse des études indépendantes, quoique interdépendantes, menées dans le bassin. Depuis 1998, l'approche de collaboration de partage des coûts a permis le maintien d'activités de surveillance continues, mais les transferts de priorités des principaux partenaires pourraient nécessiter, dans un proche avenir, une réévaluation des relations opérationnelles existantes.

III.3 Réalisations, impact et disponibilité des résultats

Les pluies acides ont constitué une grande priorité de recherche pour tous les organismes participant à l'Étude. Ainsi, depuis le début, on a insisté pour que l'Étude du BLT produise de l'information ayant une valeur immédiate pour l'évaluation des effets de l'acidification à l'échelle locale et nationale. À cet égard, l'Étude a très bien réussi, comme le reflète la publication de plus de 250 rapports et/ou documents examinant toutes les composantes de la recherche : dépôt atmosphérique, qualité de l'eau, définition du processus géochimique, biologie aquatique et terrestre, acidification épisodique, modélisation de simulations, etc. (voir la liste des publications concernant le BLT ). On a maintes fois cité les résultats de l'Étude dans le cadre de la plus récente évaluation nationale des effets des pluies acides sur l'environnement canadien (RMCC, 1986; veuillez noter que cette dernière a été remplacée par RMCC, 1990, puis par Environnement Canada, 1997; Jeffries, 1997, et Hall et al., 1997 énumèrent tous de nombreuses études menées dans le BLT ).

Trois résultats spécifiques témoignent de l'impact scientifique de l'Étude du BLT. Premièrement, au moment où l'Étude n'en était qu'à sa cinquième année, les scientifiques participants ont publié et présenté 10 documents lors du dernier Symposium international sur les précipitations acides (Conférence de Muskoka), en 1985 (Muskoka Conf. Proc. apparaît dans les volumes 30 et 31 de Wat. Air Soil Pollut.). Deuxièmement, un exposé plus important et plus rigoureux sur la recherche élargie menée dans le bassin faisait partie d'un volume spécial de Can. J. Fish. Aquat. Sci. (21 documents dans Vol. 45, Suppl. 1). Un deuxième volume spécial est en cours de préparation. Troisièmement, le Comité directeur a décidé dès le début qu'une liste détaillée de références devait être maintenue pour toutes les publications liées à l'Étude. La liste de références contient un court résumé de toutes les entrées annuelles et est accessible à tous (voir la page « Publications » du présent site web). La liste a servi à disséminer les constats des études au sein de la grande communauté scientifique. Depuis octobre 1998, la liste de références contient 251 entrées.

En conclusion, nous sommes certains que l'approche du bassin de recherche serait adoptée de nouveau si nous faisons face aux mêmes besoins de recherche à l'avenir. Il suffit de constater le maintien continu de l'Étude, l'évolution actuelle des activités de recherche pour lutter contre les problèmes posés par le NOx, les métaux, les contaminants toxiques, les rayons UV-B et le changement climatique, et la nouvelle initiative visant à désigner le site comme membre d'un réseau international de surveillance intégrée à long terme (le BLT est actuellement le seul site canadien faisant partie du programme de « surveillance intégrée » de la CEE-NU).

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