5. Recommandations

5.1. Communications intergouvernementales

5.1.1. Mettre en place une nouvelle structure de collaboration entre ECCC et le MDDELCC pour faciliter les échanges dans le cas de projets d’envergure.

Le dossier du déversement de novembre 2015 a démontré que les gouvernements du Canada et du Québec auraient avantage à formaliser une structure claire dédiée au partage de l’information disponible à travers leurs organisations. Cette structure permettrait une collaboration efficace et la diffusion d’information en temps opportun à travers, notamment, des points de contact précis et jouissant d’une connaissance globalisée des dossiers au sein de leur organisation. Les représentants d’ECCC et du MDDELCC amorceront prochainement des discussions afin de formaliser une telle structure.

Cette structure formelle de partage d’information sur les grands projets ou les dossiers d’envergure permettra aux gouvernements d’échanger, dans des dossiers tels celui du déversement de novembre 2015, sur le partage d’expertise et de données scientifiques, les approches en matière d’application de la loi, la réglementation en vigueur, l’engagement des partenaires et la consultation des communautés autochtones.

Il se dégage des discussions conduites dans le cadre de l’examen approfondi que les dossiers environnementaux que traitent les gouvernements sont variés et complexes. Le partage des compétences en matière de protection de l’environnement fait en sorte que les gouvernements du Canada et du Québec travaillent en complémentarité dans une multitude de secteurs. Ce faisant, leurs représentants établissent des relations de travail à des niveaux opérationnels variés, généralement dans des domaines et des champs d’expertise précis. Le développement d’une vision d’ensemble dans le traitement des dossiers d’envergure, soutenue par une structure définie, favorisera la prise de décision.

Les structures ministérielles et l’organisation administrative d’ECCC et du MDDELCC, bien qu’apparentées, présentent des particularités qui peuvent limiter la circulation efficace du flot d’information produit ou géré par ces organisations et entraîner la multiplication des points de contact à différents niveaux d’opération. Une structure dédiée permettrait de renforcer l’ensemble de ces contacts en favorisant la circulation de l’information au-delà des unités administratives de première ligne.

5.1.2. Renforcer l’utilisation des mécanismes de communication déjà en place entre les différents ordres de gouvernement.

Des structures de gouvernance sont déjà en place afin de favoriser le partage d’information entre les parties concernées par les questions touchant l’écosystème du Saint-Laurent comme le dossier des eaux usées de la Ville de Montréal. Un comité permanent de suivi des eaux usées regroupant des représentants de la Ville, du MDDELCC et de certains comités de zones d’intervention prioritaire sert de tribune privilégiée pour discuter de dossier comme celui du déversement des eaux usées de novembre 2015. La participation de représentants de divers groupes pertinents à ce comité aurait probablement permis de clarifier la position de l’ensemble des intervenants bien avant l’automne 2015 et d’assurer une meilleure cohérence des informations disponibles à propos du projet de la Ville de Montréal.

Une majorité des ministères et agences du gouvernement du Canada et du gouvernement du Québec ayant des responsabilités ou un intérêt pour l’écosystème du Saint-Laurent sont réunis au sein de l’Entente Canada-Québec sur le Saint-Laurent. Cette structure permet aux ministères provinciaux et fédéraux de mettre en commun leur expertise, leurs compétences et leurs ressources en vue de collaborer à la conservation de l’écosystème du Saint-Laurent. Des démarches ont été entamées afin de faire du comité directeur de l’Entente Canada-Québec sur le Saint-Laurent un forum désigné pour l’échange d’information sur toute initiative ou préoccupation des gouvernements relativement à l’écosystème du Saint-Laurent et, le cas échéant, recommander aux coprésidents des suites à donner sur ces projets.

Le recours aux structures existantes permettrait aux gouvernements de bénéficier des relations déjà établies afin d’assurer le partage d’information et des connaissances à tous les niveaux des organisations impliquées.

Afin de maximiser la coopération et d’assurer une gestion efficace des enjeux régionaux, ECCC, le MDDELCC et la Ville de Montréal feront mieux connaître leurs structures respectives. Cela pourra permettre de mieux identifier les personnes-ressources désignées selon les dossiers dans chaque organisation.

5.1.3. Partager l’expertise scientifique et impliquer d’autres partenaires lorsqu’il y a lieu.

Les attentes du public et des partenaires des gouvernements en matière de communication de l’information sont aujourd’hui plus élevées que jamais. Le partage de l’expertise scientifique est crucial pour favoriser une compréhension juste des dossiers complexes comme ceux qu’on retrouve souvent dans le domaine de l’environnement.

Dans le respect de leurs compétences respectives et de manière complémentaire, ECCC et le MDDELCC devraient préconiser systématiquement le partage de l’expertise scientifique en amont de projets aux impacts environnementaux potentiellement importants. Cela leur permettrait de s’assurer du développement de plans de communication stratégiques appropriés, de programmes de suivi environnemental davantage coordonnés et favoriserait la prise de décision éclairée, basée sur la science.

Plusieurs intervenants et partenaires des organisations gouvernementales disposent de capacités scientifiques qui auraient pu être mises à profit dans le présent dossier, notamment lors du programme de suivi environnemental pendant et après le déversement. Le recours à l’expertise de ces groupes, notamment les groupes autochtones, pourrait améliorer de manière significative l’acceptabilité sociale de certains projets.

5.1.4. Clarifier la portée et le champ d’application du Règlement sur les effluents des systèmes d’assainissement d’eaux usées et de la Loi sur les pêches pour les cas de rejets planifiés d’eaux usées non traitées par les municipalités.

Le recours aux arrêtés ministériels pris en vertu de l’article 37 de la Loi sur les pêches afin d’empêcher temporairement le déversement et d’imposer des conditions à la Ville de Montréal, a créé beaucoup de confusion selon les représentants de la Ville et du gouvernement du Québec. ECCC juge qu’il est important que le régime réglementaire applicable soit bien compris, incluant les pouvoirs discrétionnaires et les recours ministériels, afin de permettre une planification adéquate des projets majeurs d’entretien de systèmes municipaux d’assainissement des eaux usées.

Pour ce faire, ECCC renforcera les canaux de communication existants entre  ECCC et le MDDELCC pour s’assurer de communiquer efficacement ces informations, incluant par le biais de la nouvelle structure de collaboration proposée (5.1.1). ECCC tiendra une rencontre annuelle récurrente afin d’obtenir de l’information du MDDELCC sur les travaux de mise à niveau et d’entretien prévus sur les systèmes d’assainissement des eaux usées municipaux de la province. Cette information sera ensuite partagée à l’interne à ECCC et coordonnée au sein du ministère afin qu’il soit organisé adéquatement pour gérer tout enjeu pouvant survenir. ECCC utilisera également l’information pour tenir des discussions annuelles et structurées avec les communautés autochtones susceptibles d’être touchées. Ce partage d’information n’aura pas l’effet de soustraire les municipalités à leurs obligations légales en vertu de la Loi sur les pêches notamment, celle de notifier avant un déversement [art. 38(5)] et de faire rapport suite à chaque événement [art 38(7)].

Le dossier du déversement d’eaux usées non traitées à Montréal de novembre 2015 a permis d’identifier certains éléments pour lesquels ECCC devrait procéder à des ajustements, notamment l’administration de la Loi sur les pêches. Un exercice interne à ce sujet a été initié et complété en 2016.

Afin de clarifier le régime réglementaire entourant les projets d’entretien des systèmes d’assainissement d’eaux usées, un point soulevé par les participants au cours de l’examen approfondi, les gouvernements du Canada et du Québec poursuivront leurs discussions pour finaliser une entente d’équivalence sous le RESAEU. En vertu d’un accord qu’équivalence, l’ensemble ou des parties de la réglementation fédérale ne s’applique pas lorsque le régime de réglementation provincial ou territorial équivaut à la réglementation fédérale. Les déversements comme celui de novembre 2015 à Montréal (un type de déversement non autorisé en vertu de la Loi sur les pêches ou du RESAEU) continueraient d’être assujettis à l’interdiction contenue dans la Loi sur les pêches. En d’autres termes, si une entente d’équivalence avait été en vigueur au moment du déversement de Montréal, les autorités et contraintes de la ministre auraient été les mêmes.

Le Conseil des Mohawks de Kahnawake a émis des réserves quant à la mise en place d’une entente d’équivalence sur la réglementation des effluents des systèmes d’assainissement d’eaux usées entre les gouvernements du Canada et du Québec. Il considère que le Canada se déchargerait ainsi de ses obligations de consultation  découlant de l’honneur de la Couronne. De plus, il juge qu’une telle entente irait à l’encontre des principes fondamentaux d’ouverture, de transparence et de respect énoncés dans l’arrêté ministériel du 9 novembre 2015.

ECCC engagera les communautés autochtones par le biais d’un plan d’engagement et de consultation avant de conclure une entente d’équivalence entre les gouvernements du Canada et du Québec concernant le Règlement sur les effluents des systèmes d’assainissement des eaux usées.

5.2. Engagement et consultation des communautés autochtones

5.2.1. Engager des discussions entre ECCC et le Secrétariat aux affaires autochtones du Québec (SAA) afin de mieux comprendre ce qui, en l’espèce, a mené à une interprétation différente de l’obligation de consulter et ce, dans le but de dégager des observations communes relatives à cette obligation.

Comme le souligne le document intitulé « Les lignes directrices actualisées à l’intention des fonctionnaires fédéraux pour respecter l’obligation de consulter »,  « [d]ans les arrêts Haïda et Taku River de 2004 et l’arrêt Première nation crie Mikisew de 2005, la Cour suprême du Canada a statué que la Couronne a une obligation de consultation et, le cas échéant, d’accommodement, lorsqu’elle envisage une conduite susceptible d’avoir des effets préjudiciables sur des droits ancestraux ou issus de traités, établis ou potentiels. La Cour a établi que cette obligation découle de l’honneur de la Couronne et de la relation spéciale qui existe entre la Couronne et les peuples autochtonesNote de bas de page 1. »

Afin de respecter cette obligation, les gouvernements du Canada et du Québec ont développé des lignes directrices guidant leurs fonctionnaires dans son interprétation. Malgré l’existence de ces cadres, certaines différences dans les approches peuvent être observées, comme dans le cas du déversement de novembre 2015.

Afin d’améliorer la collaboration dans ce domaine, les représentants d’ECCC et du SAA tiendront des discussions à ce sujet afin de partager les réflexions et les analyses ayant mené à leur décision respective concernant l’obligation de consulter dans le cas à l’origine du présent rapport. Ces discussions pourraient également permettre de dégager des observations communes afin d’améliorer la prévisibilité des analyses de chacune des organisations.

Bien que le cas du déversement de novembre 2015 implique plus précisément ECCC et le MDDELCC, il pourrait être souhaitable que de telles discussions sur l’obligation de consulter soient tenues à l’échelle des gouvernements du Canada et du Québec afin de favoriser l’échange d’information à ce sujet. Ces discussions pourront nécessiter l’implication du ministère des Affaires autochtones et du Nord Canada (AANC) à titre de coordonnateur fédéral et de ministère conseil dans ce domaine.

5.2.2. Imposer la production d’un plan de consultation des communautés autochtones lorsque l’article 37 de la Loi sur les Pêches est invoqué en marge des projets d’entretien des systèmes d’assainissement d’eaux usées.

Afin de favoriser une meilleure diffusion de l’information utile aux communautés autochtones dans des dossiers de déversement d’eaux usées non traitées, ECCC s’engage à mettre en place un plan de consultation destiné aux groupes autochtones, lorsqu’il aura recours aux dispositions de l’article 37 de la Loi sur les Pêches. Ce plan pourra inclure, sans s’y limiter, l’analyse du déclenchement de l’obligation de consulter.

L’examen approfondi des événements ayant mené au déversement de novembre 2015 a clairement démontré que la diffusion de l’information pertinente en temps opportun aux groupes autochtones aurait permis d’améliorer l’ensemble de la gestion du dossier et des relations entre les représentants de ces groupes et des gouvernements du Canada et du Québec en marge de celui-ci.

La mise en place de tels plans permettra à ECCC de transmettre aux groupes autochtones de l’information pertinente sur les projets visés afin qu’ils soient en mesure d’informer leurs membres et de faire les suivis requis au besoin.

5.2.3. S’engager à porter une attention particulière à la diffusion d’information aux communautés autochtones.

Bien que le certificat d’autorisation délivré par le MDDELCC dans le dossier du déversement des eaux usées nécessitait la mise en place d’un plan de communication et d’information de la part de la Ville de Montréal, des plans de communication destinés aux communautés autochtones et à un plus large public auraient été souhaitables.

Comme le souligne la Ville de Montréal dans son compte-rendu des travauxNote de bas de page 2, « Le plan de communication produit pour ce projet était à teneur informative à l’image de ceux qui accompagnent les travaux plus habituels; ce plan manquait d’actions de concertation ainsi que d’actions permettant de vulgariser les dimensions techniques de l’intervention afin d’augmenter l’acceptabilité sociale. »

Un plan de communication davantage concerté entre les ordres de gouvernement dans le présent dossier aurait permis de limiter la confusion sur les rôles et responsabilités de chacun. Au cours de l’élaboration d’un tel plan, ECCC aurait pu aider la Ville de Montréal à identifier les intervenants clés au sein des communautés autochtones et ainsi faciliter ses communications avec ceux-ci.

5.2.4. Partager entre les gouvernements, lorsque possible, les informations qu’ils possèdent relativement aux droits ancestraux issus de traités (établis ou potentiels) et les conclusions de leurs analyses sur le besoin de consulter les groupes autochtones en vertu de l’obligation juridique de la Couronne.

Que cet échange soit fait au sein d’une nouvelle structure (recommandation 5.1.1) ou grâce aux liens établis entre les représentants des gouvernements du Canada et du Québec, ECCC s’engage, pour les projets majeurs tel celui du déversement de novembre 2015, à contacter les représentants du gouvernement du Québec afin de partager les informations concernant les droits ancestraux issus de traités (établis ou potentiels) en temps opportun.

Ces droits et leur exercice sont des questions complexes. Les gouvernements du Canada et du Québec auraient avantage à partager les informations qu’ils détiennent relativement à ces droits et à leurs analyses portant sur le besoin de consulter les groupes autochtones en vertu de l’obligation juridique de la Couronne.

Une plus grande collaboration entre les différents spécialistes en affaires autochtones au sein des gouvernements du Canada et du Québec pourrait permettre de déterminer avec une plus grande exactitude la portée des droits autochtones en présence et les impacts anticipés de certains projets. À cet effet, AANC met déjà à la disposition de tous le Système d’information sur les droits ancestraux et issus de traités (SIDAIT) qui offre de l’information en temps réel sur les droits autochtones.

Dans des cas similaires, ECCC juge que l’expertise en affaires autochtones du gouvernement fédéral pourrait même être mise à la disposition de la Ville de Montréal pour faciliter le travail de communication et d’engagement des communautés autochtones.

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