Combustion résidentielle du bois, projet d'échantillonnage des matières particulaires (MP2,5), Whitehorse : chapitre 1


1. Introduction

1.1 Contexte

La combustion résidentielle du bois dans les poêles à bois, foyers et poêles encastrables constitue une méthode couramment utilisée pour chauffer les maisons au Canada et représente une source importante d'émissions atmosphériques de matières particulaires fines (MP2,5). La combustion résidentielle du bois représente 8 % de toutes les émissions de MP2,5 au Canada, ou 36 % lorsque les sources ouvertes sont exclues (Environnement Canada, 2009). Dans les communautés où la combustion résidentielle du bois est utilisée comme principale source de chauffage, cette fraction peut être bien plus élevée. Les MP2,5 sont des polluants atmosphériques préoccupants pour la santé humaine en raison de sa capacité à pénétrer profondément dans les poumons. L'exposition à ces polluants a été liée à une baisse des fonctions cardio-vasculaires et pulmonaires, et à une hausse de l'hospitalisation et de la mortalité. De nombreuses études ont consisté à enquêter sur les possibles effets sur la santé associés aux particules de fumée de bois en particulier, et un certain nombre de rapports d'examen exhaustifs à ce sujet ont été bien résumés récemment (E Risk Sciences, 2009).

La ville de Whitehorse est la plus grande ville du territoire du Yukon avec une population de 22 898 dans la région métropolitaine de recensement (Statistique Canada, 2006). À l'instar de nombreuses communautés au Canada, en raison de l'abondance de bois en tant que source de combustion peu chère pour le chauffage, la combustion résidentielle du bois est courante à Whitehorse. Un inventaire des émissions en 2006 pour Whitehorse (Senes, 2008) a estimé que, chaque année, le chauffage contribue à 84 % aux émissions de MP2,5, suivi par les poussières fugitives (environ 9 %), la pollution ponctuelle mobile (sources routières et non routières) (environ 4 %) et industrielle (environ 3 %). Les bâtiments commerciaux dépendent principalement du mazout ou du propane pour le chauffage, tandis que les résidences utilisent une combinaison de combustibles. Aucune donnée sur la décomposition des émissions issues du chauffage résidentiel n'est actuellement disponible; toutefois, l'Inventaire national des rejets de polluants de 2007 attribue 97 % des émissions de MP2,5 issues du brûlage des combustibles résidentiels ou commerciaux dans le Yukon à la combustion de bois de chauffage domestique (Environnement Canada, 2009). De la même manière, l'inventaire des émissions de Whitehorse de 2006 attribue plus de 98 % des émissions de MP2,5 issues du chauffage à la combustion du bois, même si cette estimation est basée sur une étude de communautés dans le nord de la Colombie-Britannique. (Senes, 2008).

En plus de l'abondance de combustion résidentielle du bois à Whitehorse, la météorologie et la topographie ont également une incidence sur les concentrations ambiantes de matières particulaires en hiver. Les concentrations ambiantes de MP2,5 en un jour donné dépendent des niveaux d'émissions et du degré de dispersion atmosphérique présent. La dispersion atmosphérique dépend de la vitesse du vent et de la hauteur de mélange. Lorsque celles-ci sont plus élevées, la dispersion et la dilution des polluants est plus efficace. Dans le cas de la combustion résidentielle du bois, les niveaux d'émission devraient être inversement corrélés à la température ambiante au-delà d'une certaine gamme de températures, étant donné que plus de combustibles de bois sont brûlés lorsque les températures baissent. Whitehorse, qui est située dans la vallée du fleuve Yukon, a un climat continental arctique qui se caractérise par des périodes de basses températures et d'inversion de températures au niveau de la surface qui inhibent la dispersion des polluants. Le lotissement de Riverdale est particulièrement sensible à la stagnation, car il est situé dans une cuvette, partiellement entourée d'un escarpement. Cependant, comme Whitehorse est à proximité du golfe d'Alaska, les épisodes de stagnation froide peuvent être limités par le captage de masses d'air marin plus chaud.

Les répercussions des émissions provenant de la combustion résidentielle du bois à Whitehorse sont depuis plusieurs décennies une source d'inquiétude. En raison de la faible qualité de l'air à Whitehorse au début des années 1980, en particulier dans le lotissement de Riverdale, le Service de la protection de l'environnement d'Environnement Canada a dû mandater plusieurs études. Ces études comprenaient une enquête sur la combustion du bois (Orecklin et McCandless, 1983), des études de suivi environnemental et une analyse statistique associée durant quatre saisons de chauffage de 1981 à 1984 à plusieurs sites de Riverdale (Senes, 1983; McCandeless, 1984), un examen législatif ainsi qu'un document de recommandations (Hatfield, 1984). Les études de suivi environnemental comprenaient la mesure du total des particules en suspension, du monoxyde de carbone, des oxydes d'azote, des hydrocarbures aromatiques polycycliques et de la météorologie. De fortes concentrations du total des particules en suspension (max. = 553 µg/m3) ont été observées durant l'étude avec des concentrations moyennes supérieures à l'objectif canadien moyen sur 24 heures de 120 µg/m3à un site de Riverdale pour deux des saisons de chauffage. On en a déduit qu'il existait une corrélation inverse entre les concentrations du total des particules en suspension et la vitesse du vent à l'aéroport. L'analyse d'un sous-ensemble d'échantillons a démontré que 95 % du total des particules en suspension étaient constitués de MP2,5et que la combustion résidentielle du bois constituait la base de la masse particulaire (McCandeless, 1984).

Des données récentes de la station nationale de surveillance de la pollution atmosphérique à Whitehorse sont présentées dans la figure 1. Des données horaires sur les MP2,5 de 2001 à 2008 mesurées à l'aide d'appareils de surveillance continue par balance microélectronique (TEOM), dont la moyenne a été établie sur 24 heures et qui ont été séparées par mois, indiquent que les valeurs médianes sont inférieures à 3 µg/m3 tout au long de l'année, et que les grands pics des mois d'été sont attribuables aux incendies de forêt en 2003 et 2004. Malgré les valeurs relativement faibles mesurées durant les mois d'hiver au cours des dernières années, les organismes gouvernementaux locaux reçoivent souvent des plaintes des résidents en ce qui concerne la fumée de bois et il existe des témoignages anecdotiques indiquant que les niveaux peuvent être plus élevés dans certaines parties de la ville, comme Riverdale, en particulier durant les épisodes de stagnation.

Figure 1 : Données nationales moyennes quotidiennes de surveillance de la pollution atmosphérique pour les MP2,5 par mois (de 2001 à 2008)

Figure 1 (See long description below)

Description de la figure

La figure 1 présente les concentrations moyennes quotidiennes de MP2,5 mesurées par le site du Réseau national de surveillance de la pollution atmosphérique (RNSPA) à Whitehorse dans un tracé en rectangle et moustaches; les données représentent la moyenne pour une période de huit ans (2001-2008), séparées par mois le long de l’axe des x. Les données inscrites sur l’axe des y du graphique sont exprimées en µg/m3 et couvrent une plage allant de 0 à 50. Les rectangles représentent les données du 25e au 75e centile, les moustaches représentent les données du 2e et du 98e centile, et le carré représente la médiane. Pour tous les mois, les médianes et les valeurs au 75e centile sont inférieures à 5 µg/m3. Pour tous les mois, sauf les mois de juin, juillet et août, les valeurs au 98e centile sont inférieures à 10 µg/m3. Les valeurs au 98ecentile pour juin, juillet et août sont d’environ 45, 31 et 41 µg/m3, respectivement. Ces résultats sont attribuables à des incendies de forêt survenus durant cette période en 2003 et en 2004.

1.2 Études en cours

Un groupe de travail du projet sur la qualité de l'air, composé de représentants de la région du Pacifique et du Yukon d'Environnement Canada, de la Ville de Whitehorse, du ministère de l'Environnement du Yukon et du ministère de la Santé et des Services sociaux du Yukon, s'est réuni en 2008 pour discuter des possibilités relatives à la détermination des répercussions actuelles des émissions issues de la combustion résidentielle du bois à Whitehorse, y compris dans le lotissement de Riverdale. L'objectif consistait à établir une référence pour mieux comprendre la contribution de la fumée de bois aux niveaux de MP2,5 dans la ville. Une telle référence aiderait également à évaluer l'efficacité de toute intervention future pouvant être envisagée pour cette communauté, telle qu'un programme de remplacement d'appareils. Cette étude vise à évaluer les niveaux de MP2,5 à Whitehorse pendant les mois d'hiver et à quantifier la contribution de la fumée de bois à ces émissions. Afin d'évaluer la contribution de la fumée de bois aux MP2,5 en utilisant un nombre limité d'échantillons obtenus durant cette étude à court terme, trois marqueurs pour la fumée de bois ont été employés : le lévoglucosane, l'isotope 14C (carbone 14) et un aethalomètre qui mesure le carbone noir.

Le lévoglucosane est un composé émis en de grandes concentrations durant la combustion de la cellulose. Il ne provient d'aucune autre source importante et est relativement stable dans l'atmosphère après avoir été émis, ce qui en fait un marqueur utile pour la contribution d'une combustion de biomasse en matière particulaire (Simoneit et al., 1999). Plusieurs études ont utilisé les rapports de concentration du lévoglucosane atmosphérique avec des matières particulaires ou du carbone organique afin de déterminer les panaches de combustion de biomasse (p. ex. Leithead et al., 2006; Jordan et al., 2006a; Puxbaum et al., 2007); toutefois, les profils d'émissions peuvent varier en raison des différentes conditions de combustion et des différents types de combustibles. Par conséquent, la fiabilité des rapports de concentration du lévoglucosane atmosphérique seul pour estimer la contribution de la combustion de biomasse aux matières particulaires peut faire l'objet d'incertitudes (Hedberg et al., 2006). Cependant, lorsque les données sur le lévoglucosane sont utilisées en combinaison avec d'autres méthodes de répartition par source, elles peuvent fournir une estimation des niveaux relatifs de contribution de la fumée de bois.

La mesure de l'isotope radioactif 14C est une technique de plus en plus utilisée pour définir la répartition des matières particulaires dans la combustion de biomasse (p. ex. Lewis et al., 2004; Jordan et al., 2006b; Szidat et al., 2006; Ward et al., 2006). Le 14C se dégrade au fil du temps (demie-vie = 5 730 ans); par conséquent, la détermination de sa concentration dans les matières particulaires ambiantes peut servir à calculer la contribution du carbone « contemporain » ou « moderne » par rapport au « carbone fossile ». Les combustibles fossiles ne contiennent pas de 14C et ne sont donc pas définis comme des sources de « carbone fossile », tandis que la biomasse en contient bien plus en raison de la récente intégration du 14C de l'atmosphère, et est donc définie comme une source « moderne ». Le contenu en 14C des matières particulaires, qui peut être exprimé en fraction de carbone moderne (fm), peut donc servir à déterminer la mesure dans laquelle le carbone des matières particulaires est issu de la combustion de combustibles fossiles par rapport à la combustion de biomasse.

La troisième méthode utilisée pour distinguer les particules émises par la combustion résidentielle du bois était l'aethalomètre à longueur d'onde double. L'aethalomètre mesure l'atténuation de lumière à deux longueurs d'onde différentes par des particules recueillies sur une bande filtrante. L'absorption à 880 nm est étalonnée afin de donner une concentration de carbone noir, tandis que l'absorption accrue à la longueur d'onde de 370 nm (rayons ultraviolets) par rapport à celle de 800 nm, en raison de certains composants aérosol de la fumée de bois, est un indicateur qualitatif de la présence de fumée de bois (Allen, 2004; Jeong et al., 2004; Park et al., 2006).

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