Profil d’Evan Richardson
Des décennies de connaissances sur l’ours blanc

Le scientifique Evan Richardson joue plus d’un rôle, que ce soit à la baie d’Hudson, sur les côtes de l’océan Arctique ou à Winnipeg, son port d’attache à Environnement et Changement climatique Canada, il réalise des travaux sur le terrain, des analyses de données, rédige des articles scientifiques, encadre des étudiants et des stagiaires postdoctoraux, conseille et mobilise les collectivités nordiques. Dès son jeune âge, Evan a su qu’il ferait carrière dans les sciences naturelles. Il a suivi sa passion et nourri sa curiosité en lisant tous les livres et les magazines sur la nature qui lui tombaient sous la main, et il est aujourd’hui une autorité respectée dont le travail améliore notre compréhension de l’écologie de l’ours blanc.

Un coup de foudre à l’origine d’une carrière prolifique

Evan Richardson in a polar bear maternity den in Wapusk National Park, 2001

La curiosité scientifique du jeune Evan est éveillée par la diversité des créatures présentes dans les mares sur les berges de l’île de Vancouver. En 1998, cette passion s’étend aux caribous, renards, hiboux et ours blancs, alors qu’il est assistant de recherche dans l’Arctique. Le moment charnière pour lui se produit cependant en 2001, lorsqu’il rencontre Ian Stirling, le scientifique spécialiste de l’ours blanc le plus réputé du Canada, qui lui offre la chance de travailler sur cette espèce! Evan a pour mission d’évaluer les répercussions des feux de forêt causés par la foudre sur l’habitat de mise bas des ours blancs femelles dans l’ouest de la baie d’Hudson. À ce jour, il n’a jamais cessé d’étudier les menaces qui pèsent sur cette espèce en péril. Il ajoute en souriant : « On rigole dans le labo en disant que toute ma carrière est basée sur un coup de foudre! Comme quoi on ne sait jamais ce qui créera une formidable occasion dans la vie ».

Les données récoltées pendant ces quatre années ont permis d’établir, pour la première fois, un lien entre le déclin des populations et la réduction dans la disponibilité des glaces causée par le réchauffement climatique. Ce sont ces résultats qui ont mené le Fish and Wildlife Service (service de la faune et des ressources halieutiques) des États-Unis à inscrire cette espèce sur la liste des espèces en péril, en 2008.

Evan Richardson

En 2004, Evan obtient sa maîtrise et il est engagé à Environnement et Changement climatique Canada à titre de biologiste pour piloter un vaste programme de marquage et de capture portant sur deux sous-populations d’ours blancs, celles du nord et du sud de la mer de Beaufort. Pendant quatre printemps, Evan patrouille les glaces de l’Arctique et récolte des échantillons afin d’évaluer l’état de santé et la situation des ours blancs. Les résultats de ses travaux ont contribué à l’inscription, en 2008, de l’ours blanc sur la liste des espèces protégées par la Endangered Species Act (loi sur les espèces en péril) des États-Unis.

En 2009, Evan poursuit son travail de chercheur à Environnement et Changement climatique Canada, tout en amorçant des études doctorales. Le chercheur précise : « J’ai passé mes soirées et mes fins de semaine à recueillir et analyser des données génétiques, pour créer la première estimation du succès reproducteur des ours blancs mâles sur le globe. Toutefois, le travail à temps plein en plus du doctorat la fin de semaine, ce n’est pas quelque chose que je recommande! »

Depuis la fin de son doctorat en 2015, Evan Richardson a travaillé un peu partout dans l’Arctique canadien, où il collabore avec des spécialistes de divers domaines, comme la santé des ours blancs, l’utilisation de l’habitat, la survie et la productivité des sous-populations ainsi que l’évaluation de la ressemblance génétique entre les individus et les sous-populations. Il a également tissé des liens forts avec les gens des communautés autochtones du Nord, avec qui les échanges de connaissances sont essentiels à la conservation de l’ours blanc. Il se considère privilégié de pouvoir bénéficier de la collaboration d’autant de partenaires et reconnaît son rôle important de directeur des travaux scientifiques et de conseiller aux décideurs en ce qui concerne les meilleures façons de gérer et de conserver cette espèce emblématique.

La technologie ouvre de nouveaux horizons en conservation

Evan explique que l’un de ses défis est de garder le rythme sur le plan de la technologie, puisque les outils accessibles aux écologistes ont grandement évolué au cours des 20 dernières années. Il affirme d’un air songeur : « Si on m’avait dit au début de ma carrière que je travaillerais un jour sur des neurones d’ours blancs générés en laboratoire, je ne l’aurais pas cru! ». De nouveaux outils génétiques ont entre autres permis à Evan et à ses collègues de déterminer que ces ours ont un « âge génétique » plus élevé que leur âge réel, car quatre décennies de réchauffement climatique ont causé une prolongation des périodes sans glace, ce qui a augmenté le stress chez ces animaux. Le fruit de ces analyses est actuellement examiné par l’une des publications scientifiques les plus prestigieuses au monde.

Evan Richardson in the high Arctic conducting polar bear research in Viscount Melville Sound, 2011

Evan s’enthousiasme également des possibilités d’un autre nouvel outil, les cellules souches, utiles pour comprendre le stress vécu par les ours blancs. Avec fascination, il précise : « On sait depuis longtemps que les ours blancs sont exposés à des contaminants tels les polybromodiphényléthers (PBDE), une catégorie de substances servant de produits ignifuges que l’on retrouve dans notre mobilier de maison par exemple, et dans l’environnement arctique, mais on ignore encore leurs effets sur les ours. En collaboration avec des chercheurs de l’Université du Manitoba, on tente d’utiliser des cellules souches pour faire croître divers tissus - cerveau, foie, muscle, cœur -, pour les recréer en laboratoire. Avec cette technique, nous pouvons étudier comment ces contaminants influencent par exemple le développement neurologique des ours blancs et leur santé globale ».

Plus impressionnant encore, les cellules souches peuvent résister à la cryoconservation, une technique utilisée pour conserver les cellules viables à ultra-basse température. « Il y a beaucoup d’applications intéressantes avec ce procédé. Dans un contexte où les changements climatiques affectent la biodiversité, il serait possible de retourner au congélateur, sortir les échantillons préservés et par insémination artificielle, revitaliser la diversité génétique d’une population. C’est un autre outil dans notre coffre pour contribuer à la conservation de l’espèce », ajoute Evan.

Pouvons-nous être optimistes pour l’avenir des ours blancs?

Si nous arrivons à sauver l’ours blanc et à préserver son habitat, nous pourrons sauver beaucoup d’autres espèces. Et si nos projets de recherche peuvent jouer un rôle dans la mobilisation contre la crise climatique, je suis plus qu’heureux de pouvoir y contribuer et d’être un messager.

Evan Richardson

L’ours blanc est devenu une figure emblématique des changements climatiques. Il fascine le grand public, préoccupe les chercheurs et revêt une importance culturelle pour les communautés autochtones. Avons-nous raison de craindre pour son avenir? Evan répond : « Ce qui me motive, c’est de pouvoir apporter de l’attention sur la crise climatique mondiale avec notre projet. L’ours blanc est un emblème qui capte l’attention des gens, qui nous offre une opportunité d’accroître la sensibilisation aux effets des changements climatiques. On ne peut plus ignorer les changements climatiques : notre quotidien est de plus en plus affecté par les inondations, les ouragans, les sécheresses, les feux de forêt. Il est de plus en plus évident que cette crise n’affectera pas que la biodiversité, mais l’humanité également. De mon point de vue, cette réalité poussera les gens à agir. J’ignore quelle sera la solution, peut-être une réduction drastique de notre utilisation des énergies fossiles, ou le développement et l’application de technologies pour la séquestration du carbone, mais je crois que nous sommes à un point tournant où les gens aspirent à un changement, et c’est ce qui me rend optimiste pour l’avenir ».

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2024-11-15