Des jardins de palourdes qui unissent
Profil de Gavin Woodburn
Des jardins de palourdes qui unissent
Lorsqu’on a demandé à l’un de nos étudiants, Gavin Woodburn, ce qu’il souhaite transmettre aux générations à venir, il a répondu : « Apprenez de vos aînés et de vos mentors ». Cette affirmation résume notre entretien avec cet étudiant de la Division des sciences autochtones, lui-même issu des Premières Nations, soit la Nation Kwiakah.
Cet amateur de sports, qu’il pratique surtout pour passer du bon temps entre amis, est aussi un passionné de culture et disc-jockey à ses heures. D’aussi loin qu’il se souvienne, il voyage d’Ottawa à Campbell River, en Colombie-Britannique. « J'adore ces voyages, même si cela peut me prendre de 5 à 6 jours, à l’aller et au retour, j'aime voir des paysages différents. Je prends toujours le temps de m'ancrer dans chaque région. Cela peut sembler bizarre, mais j'adore boire des gorgées d'eau dans les ruisseaux des Rocheuses. »
Gavin termine sa dernière année universitaire de baccalauréat spécialisé en sciences de la terre, avec une concentration en géophysique et une mineure en études autochtones, à l’Université Carleton. Il a commencé sa carrière professionnelle au gouvernement du Canada il y a un peu plus de 2 ans comme étudiant au ministère des Pêches et des Océans dans un programme pour l'environnement côtier. Son rôle : analyser les données et les effets de la contamination par le méthylmercure sur l’environnement en partenariat avec les Premières Nations de Prince Rupert. Il s’est officiellement joint à l’équipe de la Division des sciences autochtones à ECCC en mai 2022.
Un partenariat qui donne des ailes
Gavin Woodburn et Nanuk à Lac Louise
Son projet de recherche naît d’un appel du centre pour le transport maritime responsable, Clear Seas, qui lui propose de participer à un programme de stages pour les Autochtones. On lui donne carte blanche. Gavin choisit comme sujet les jardins de palourdes, et plus précisément, la technologie autochtone à l’origine de ceux-ci. Il tente de répondre aux questions telles que « Comment les jardins de palourdes contribuent-ils à la souveraineté autochtone et à la sécurité alimentaire des communautés autochtones côtières?» et « Comment les jardins de palourdes peuvent-ils nous renseigner sur les changements climatiques?».
Son idée est reçue positivement par les membres de son équipe et par sa directrice, madame Myrle Ballard (Ph. D.), directrice de la Division des sciences autochtones, qui a justement comme mandat de tisser des liens entre la science autochtone et la science occidentale.
L’Université Carleton se joint également au projet, qui devient pour Gavin un projet professionnel et, parallèlement, universitaire. Puis, s’ajoute un quatrième partenaire : la Société du traité de Wei Wai Kum Kwiakah qui regroupe les membres de la Première Nation Kwiakah, la communauté de Gavin, dans les régions de Phillips Arm et de Frederick Arm, en Colombie-Britannique.
« C’est très motivant d’avoir gagné la confiance des membres de mon équipe à ECCC, des autres organisations, mais aussi des communautés autochtones pour réaliser mon projet de recherche qui a pris de l’ampleur grâce à leur implication », a-t-il rajouté.
Les jardins de palourdes
Gavin tenant une coque sur un jardin de palourdes
Sur la côte Ouest, l’eau de mer qui se retire à chaque cycle de marée dévoile d’importantes structures rocheuses auxquelles des espèces marines sont accrochées. Un vrai garde-manger que l’on peut cueillir seulement en hiver, puisque durant l’été, elles sont toxiques. Plus de 300 jardins de palourdes ont été découverts jusqu’à maintenant. C’est grâce à ces structures rocheuses que les palourdes, les crabes, les calmars, des pieuvres, des algues, des coraux et plusieurs autres mollusques peuvent aisément se développer. Avec les marées d’eau salée, ces jardins se construisent et sont alimentés par les coquilles brisées et le sable qui s’y accumulent.
Les jardins de palourdes sont des sites anciens pouvant s’étendre sur des kilomètres. Pour conserver cet habitat naturel, il faut savoir bien l’entretenir. Les communautés autochtones des côtes du Pacifique possèdent cette science depuis plus de 4 000 ans.
Des sciences holistiques
La recherche scientifique sur les jardins de palourdes et les initiatives de restauration ont permis aux chercheurs de bénéficier des connaissances des communautés autochtones, deux mondes de savoirs qui se tissent et se complètent. Les communautés autochtones savent que pour améliorer le développement des palourdes dans les jardins de palourdes, il faut retirer les palourdes mortes et les algues du sable pour permettre à l’oxygène d’y pénétrer. Les communautés autochtones qui entretiennent ces murs savent aussi qu’il ne faut pas seulement se concentrer sur ceux-ci, mais également sur l’environnement qui les entoure.
Gavin utilise une métaphore d’aîné autochtone pour décrire la complémentarité entre les deux types de sciences : « La science autochtone est la musique de l’environnement et la science occidentale, les chiffres qui dansent sur celle-ci. » Ainsi, reconnaitre qu’il y a une importance à créer des ponts sur les savoirs entre les deux types de sciences apporte des avantages considérables tant culturels, écologiques, sociologiques, qu’économiques. Il est donc essentiel de renforcer les relations avec les peuples autochtones et d’échanger nos connaissances.
Approcher les communautés avec respect
Il a été assez facile pour Gavin d’établir des relations avec les communautés où se déroule son projet, puisque sa famille est originaire de cette région. Il insiste toutefois sur l’importance de maintenir la communication avec les communautés hôtes en faisant preuve de transparence et de respect, sans outrepasser leurs droits. « Il est très important de nous assurer que nous avons l’entière confiance de la Nation pour demander la permission avant d’entreprendre quoi que ce soit. On doit construire une relation de réciprocité », explique-t-il. Il est également important de faire les choses selon les critères établis par les communautés concernées. Par exemple, dans le cadre du projet de Gavin, les lieux exacts des jardins de palourdes ne peuvent être révélés, pour éviter que ces secteurs soient affectés par une récolte intensive de la biodiversité.
Une science ancestrale à partager
Gavin et son arrière-grand-mère (aînée Kwiakah) à Thunderbird Hall
Gavin compte réaliser une vidéo sur son projet, en anglais, en français, mais aussi en kwak'wala, langue autochtone de la Nation Kwiakah, une sorte de lègue pour les prochaines générations, mais aussi, une façon de redonner aux communautés. Son arrière-grand-mère a gentiment accepté de prêter sa voix pour la version en kwak'wala. « Le projet ne peut être mieux expliqué qu’en langue autochtone, puisqu’il parle de la terre et pour la Terre. Entendre cette vidéo en kwak'wala aura une grande importance pour les gens de ma communauté. Je souhaite leur montrer que cette langue est encore vivante. Puis, il ne s’agit pas seulement de ma culture, de mes connaissances, ce sont la science et les technologies de mes ancêtres que je souhaite partager. »
L’entretien des jardins de palourdes va bien au-delà d’avoir une alimentation de proximité, c'est aussi l'occasion pour des jeunes Autochtones de ces territoires de s'initier à cette culture ancestrale. « Savoir que mes ancêtres ont entretenu les jardins de palourdes et les murs de roches que je touche aujourd’hui, c’est très émouvant pour moi. » Perpétuer ces connaissances de génération en génération au profit de la biodiversité de la côte Ouest demeure un élément clé dans le projet de Gavin. Il souhaite partager un message aux gens de sa génération : « Il est de notre responsabilité de créer l'avenir que nous voulons léguer aux générations futures. Il est de notre devoir de leur fournir les outils nécessaires pour que chaque génération puisse bien vivre. »
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