Bulletin du CGFC - Septembre 2009

Message du Président

Je suis heureux de vous présenter le deuxième numéro du Bulletin du Comité des griefs des Forces canadiennes. En plus de vous fournir des informations sur le rôle du Comité dans le cadre du système des griefs des FC, le but de ce Bulletin est de mieux vous éclairer sur ce système et sur la façon dont les conclusions et recommandations du Comité contribuent à l'amélioration des conditions du service militaire.

Bruno Hamel, Président

Dans l'article qui suit, le Comité traite de deux sujets: les délais prescrits pour le dépôt d'un grief et comment déterminer si une question soulevée dans une plainte peut faire l'objet d'un grief. Il s'agit de deux points essentiels parce qu'ils pourraient entraîner le rejet d'un grief s'ils ne sont pas bien compris par les plaignants. Le Comité estime qu'il est important que les plaignants comprennent comment aborder ces deux questions si elles se posent dans leur cas.

Créé en vertu de la Loi sur la Défense nationale, le Comité est un organisme fédéral indépendant du MDN et des FC et doté de pouvoirs quasi-judiciaires. Le Comité examine les griefs militaires qui lui sont référés et rend des conclusions et recommandations impartiales au CEMD et aux plaignants. Depuis qu'il a entamé ses opérations, il y a bientôt dix ans, le Comité s'est imposé comme un véritable centre d'excellence en matière de résolution des griefs militaires et a développé, au fil des années, une vaste expertise sur une multitude de sujets reliés à l'administration des affaires des FC. Grâce à son rôle distinct, le Comité renforce la confiance des membres des FC dans le processus des griefs militaires et accroît son équité.

Le Comité espère que vous trouverez utiles les informations présentées dans ce Bulletin et appréciera grandement vos commentaires (www.cgfc.gc.ca; 613-996-8529; sans frais : 1-877-276-4193). Le Comité publie son Bulletin à intervalles réguliers.

Bruno Hamel
Président

Questions liées à la compétence

Dans le présent article, le Comité traite de deux questions cruciales qui se posent parfois dans les dossiers des griefs qu'il reçoit. Ces questions sont également appelées « questions préliminaires », parce que l'autorité décisionnelle doit y répondre afin de s'assurer qu'elle a compétence avant d'examiner le grief au fond. Ces questions risquent d'entraîner le rejet d'un grief par l'autorité initiale (AI), l'autorité de dernière instance (ADI) ou par les deux. C'est pourquoi il est important que les plaignants comprennent comment aborder ces questions.

Délais

La première question concerne le dépôt d'un grief après les délais prescrits. La disposition régissant le délai relatif au dépôt des griefs auprès de l'AI est l'article 7.02 des Ordonnances et règlements royaux (ORFC), dont voici le libellé :

  • (1) Tout grief doit être déposé dans les six mois qui suivent la date à laquelle le militaire a pris ou devrait avoir raisonnablement pris connaissance de la décision, de l'acte ou de l'omission qui fait l'objet du grief.

  • (2) Le militaire qui dépose son grief après l'expiration de ce délai doit soumettre par écrit les raisons du retard.

  • (3) L'autorité initiale peut connaître du grief déposé en retard si elle estime qu'il est dans l'intérêt de la justice de le faire. Elle doit toutefois motiver par écrit son refus au militaire.

D'autre part, l'article 7.10 des ORFC énonce que le plaignant dispose d'un délai de 90 jours suivant la réception de la décision de l'AI pour porter son grief devant l'ADI (extraits) :

  • (2) Le grief est ... déposé devant le chef d'état-major de la défense dans les 90 jours qui suivent la réception de la décision de l'autorité initiale.

  • (3) Le militaire qui dépose son grief après l'expiration de ce délai doit soumettre par écrit les raisons du retard.

  • (4) Le chef d'état-major de la Défense ou l'officier ayant le pouvoir de décision définitive peut connaître d'un grief déposé en retard s'il estime qu'il est dans l'intérêt de la justice de le faire. Il doit toutefois motiver par écrit son refus au militaire.

Dans le passé, les AI et les ADI ont interprété de façon libérale les mots « intérêt de la justice » lorsqu'elles ont été saisies de griefs déposés tardivement. Or, au cours des dernières années, le nombre de plaignants qui ont déposé leurs griefs après l'expiration du délai a augmenté. En fait, dans certains cas notables, les griefs ont été déposés plusieurs années après l'expiration du délai. Par conséquent, les AI et les ADI ont commencé à examiner de plus près les raisons invoquées pour justifier les retards afin de déterminer s'il est véritablement « dans l'intérêt de la justice » d'examiner les griefs soumis hors délai.

Supposons, à titre d'exemple, que l'AI a rejeté un grief déposé après l'expiration du délai au motif que les raisons invoquées par le plaignant n'étaient pas suffisamment convaincantes pour inciter l'autorité à conclure qu'il serait dans l'intérêt de la justice d'accepter le grief. En pareil cas, le plaignant aurait le droit de demander à l'ADI d'examiner le grief déposé en retard. Si le plaignant a présenté une demande de cette nature (dans le délai de 90 jours prévu à cette fin), l'ADI examinera les raisons pour lesquelles le plaignant a déposé son grief en retard auprès de l'AI. Si l'ADI en arrive à la conclusion qu'il était raisonnable pour l'AI de rejeter le grief en raison du retard, elle appuiera la décision de l'AI et rejettera à son tour le grief.

Bien entendu, la situation inverse peut également se produire. Par exemple, l'ADI pourrait rejeter un grief dont elle est saisie au motif qu'il a été déposé en dehors du délai prévu même si l'AI a accepté de l'examiner. L'ADI accordera sans doute une très grande considération à l'avis de l'AI, mais elle devra être convaincue que la décision de celle-ci était raisonnable.

Avant de recommander à l'ADI d'accepter ou de rejeter un grief déposé en retard (les cas qui doivent être renvoyés au Comité sont énoncés à l'article 7.12 des ORFC) et pour décider s'il est dans l'intérêt de la justice d'examiner le grief, le Comité examinera les raisons invoquées par le plaignant à la lumière des facteurs suivants:

  • Le plaignant a-t-il démontré qu'il avait l'intention d'exercer le recours à l'intérieur du délai;
  • Existe-t-il un argument défendable à présenter;
  • Quelles étaient la cause et la durée réelles du retard; et
  • Le retard a-t-il causé ou pourrait-il causer un préjudice

Dans le cas 2009-015, le plaignant a été avisé que l'AI avait rejeté son grief et qu'il pouvait demander l'examen de celui-ci par l'ADI. Or, le plaignant n'a déposé sa plainte auprès de l'ADI que quatre mois après l'expiration du délai de 90 jours prévu à cette fin. Pour justifier son retard, le plaignant a soutenu qu'il avait été incapable de déposer sa demande à l'intérieur du délai prescrit parce qu'il suivait un cours. Le Comité a conclu que le plaignant n'avait pas fourni d'explications valables au soutien du retard et qu'il ne s'était pas montré suffisamment intéressé à poursuivre l'examen de son grief à l'intérieur du délai. Le Comité a recommandé à l'ADI de rejeter le grief au motif que le plaignant n'avait pas respecté le délai prévu pour soumettre le grief. L'ADI a accepté cette recommandation.

Dans le cas 2008-047, le grief a été rejeté par l'AI et près de six mois se sont écoulés avant que le plaignant ne demande à l'ADI d'examiner sa plainte. Pour justifier son retard, le plaignant a expliqué qu'il a reçu la décision de l'AI un mois après la signature de celle-ci. De plus, il a acheminé sa plainte à l'ombudsman des FC alors que le délai de 90 jours n'avait pas encore expiré. Lorsqu'il a appris qu'il devait d'abord épuiser les recours prévus dans le cadre du processus de règlement des griefs, le plaignant a demandé rapidement que son grief soit soumis à l'ADI et son commandant a appuyé cette demande.

Le Comité a conclu que le retard réel était minime, compte tenu du délai lié à la réception de la décision de l'AI et du temps perdu en raison de l'acheminement erroné du grief à l'ombudsman. De l'avis du Comité, le plaignant a démontré qu'il avait continuellement eu l'intention de poursuivre l'examen de son grief et que le retard ne causerait aucun préjudice aux FC. Il a donc recommandé à l'ADI d'accepter d'examiner le grief au fond (en attente de la décision de l'ADI).

Dans le cas 2008-015, le plaignant, un réserviste, s'est plaint d'être lésé par la politique relative à l'indemnité différentielle de vie chère (IVC), adoptée plusieurs années avant le dépôt du grief. Afin de justifier le dépôt tardif de son grief, le plaignant a souligné que, même si l'élément de la politique auquel il s'opposait était en vigueur depuis plusieurs années, il n'avait jamais été personnellement lésé par la politique sur l'IVC avant que les FC ne désignent la ville où il habitait à titre d'endroit admissible à l'IVC. La politique en question devenait dès lors applicable au plaignant. N'étant pas admissible à la prestation, il s'est hâté de déposer son grief. Le Comité a accepté l'explication du plaignant, estimant que celui-ci avait déposé son grief dans les six mois suivant la date à laquelle il est devenu personnellement lésé par l'application de la politique sur l'IVC (en attente de la décision de l'ADI).

L'élément clé à retenir est que le plaignant qui dépose son grief après l'expiration des délais doit présenter une raison convaincante justifiant son retard, faute de quoi son grief pourrait être rejeté.

Déterminer si une plainte peut faire l'objet d'un grief

La deuxième question à laquelle nous nous attardons dans le présent article concerne la qualité pour agir du plaignant. En termes juridiques, le plaignant a-t-il été lésé au sens de la Loi sur la défense nationale (LDN). En termes plus simples, le plaignant soulève-t-il dans sa plainte une question pouvant faire l'objet d'un grief? La disposition applicable de la LDN est citée à l'article 7.01 des ORFC :

  • (1) Les paragraphes 29(1) et (2) de la Loi sur la défense nationale prescrivent :
    • 29. (1) Tout officier ou militaire du rang qui s'estime lésé par une décision, un acte ou une omission dans les affaires des Forces canadiennes a le droit de déposer un grief dans le cas où aucun autre recours de réparation ne lui est ouvert sous le régime de la présente loi. ...

La LDN énonce clairement que, pour avoir le droit de déposer un grief, le plaignant doit avoir été « lésé » par une décision, un acte ou une omission dans les affaires des Forces canadiennes et aucun autre recours de réparation n'est disponible sous la LDN. L'exigence selon laquelle le plaignant doit avoir été « lésé par une décision, un acte ou une omission dans les affaires des Forces canadiennes » est souvent problématique, en raison de l'absence de consensus quant au sens à donner à ces mots.

Dans le cas 2009-034, le plaignant a soutenu que le long délai dans le déménagement de ses articles de ménage et effets personnels était indépendant de sa volonté et qu'il ne devrait pas être tenu de payer les frais supplémentaires qu'il a encourus en raison de ce retard. Il a donc demandé le plein remboursement de ses frais. L'AI a estimé que la plainte n'était pas un grief légitime au sens de la Loi, parce que le plaignant avait été dédommagé de la même façon que l'aurait été toute autre personne se trouvant dans la même situation. L'AI laissait ainsi entendre que le plaignant ne pouvait être lésé par une politique ou un règlement, mais uniquement par l'application de ceux-ci.

En étudiant cette question, le Comité a jugé utile d'examiner la jurisprudence pertinente. Dans une décision rendue en 2001, [2001 CFPI 878], la Cour fédérale, division de première instance, a reconnu qu'il suffisait que la décision, l'acte ou l'omission sur lequel porte la plainte ait eu un impact personnel négatif sur le plaignant. Dans cette affaire, le juge a cité, tout en l'approuvant, la partie suivante des recommandations formulées par le Comité externe d'examen de la Gendarmerie Royale du Canada :

Ce n'est pas parce que la Gendarmerie affirme qu'elle applique une politique de la Gendarmerie qu'un membre ne peut subir un préjudice. L'obligation de subir un « préjudice » n'empêche pas le membre de contester la validité ou l'interprétation de la politique de la Gendarmerie; elle exige uniquement que le membre ait un intérêt personnel dans l'affaire. En outre, la question de savoir si le requérant peut avoir gain de cause en contestant une politique de la Gendarmerie afin de faire prévaloir les droits qu'il affirme avoir est une question concernant le fond du grief, et non la qualité pour agir

Le Comité était convaincu que les autorités des FC avaient effectivement pris une décision qui, de l'avis du plaignant, allait à l'encontre de ses intérêts, puisqu'elles avaient refusé sa demande visant à obtenir le remboursement intégral de ses frais. Le Comité a également conclu que l'interprétation de l'AI était erronée et que la plainte en question constituait un grief au sens de la LDN (en attente de la décision de l'ADI).

Dans le cas 2007-099, la plaignante a déposé un grief à l'égard de la décision des FC de mettre fin à ses prestations de maternité et de recouvrer des montants déjà versés. La plaignante s'est opposée à la décision et a également soutenu que la politique comportait une lacune, étant donné qu'elle ne traitait pas de sa situation, soit les conséquences découlant d'un transfert de catégorie de service pendant la grossesse. L'AI a rejeté le grief, concluant que, selon les dispositions de la politique applicable, la plaignante n'était pas admissible à la prestation.

En ce qui a trait à la « lacune » invoquée par la plaignante, l'AI a conclu que les préoccupations concernant une politique ne pouvaient être examinées dans le cadre du processus de règlement des griefs. Le Comité n'a pu trouver aucun fondement juridique à l'appui de cette position. De l'avis du Comité, les plaignants peuvent contester une politique, s'il leur semble que ses dispositions ou leur application sont inéquitables ou discriminatoires ou tout simplement si la politique en question est incomplète, comme l'a allégué la plaignante dans ce cas-ci. En conséquence, le Comité a conclu qu'il n'y a pas lieu de rejeter une plainte concernant une politique pour la simple raison qu'elle ne peut faire l'objet d'un grief; cette plainte doit plutôt être examinée au fond. Dans ce cas-ci, le Comité a souscrit à l'argument de la plaignante, qui affirmait que la politique avait une lacune, et a recommandé que la politique soit revisée afin de corriger des situations semblables. Tout en reconnaissant qu'il ne lui appartenait pas de déterminer la façon de réviser la politique en question, le Comité a souligné que les conséquences imprévues de l'application de celle-ci semblaient être inéquitables (en attente de la décision de l'ADI).

Enfin, dans le cas 2000-159, le plaignant a contesté le rejet par le directeur intérimaire, Réclamations et contentieux des affaires civiles (DIRCAC) de Justice Canada de sa demande d'indemnité, présentée comme une [TRADUCTION] « réclamation contre la Couronne pour dommages causés à un véhicule personnel ». Le DIRAC a conclu qu'aucune responsabilité légale ne pouvait être imputée à la Couronne et qu'un paiement à titre gracieux était impossible dans les circonstances. Le plaignant a déposé un grief au sujet de la question et ce grief a finalement été porté à l'attention du Comité.

Tout en reconnaissant que le plaignant avait été lésé par la décision du DIRAC, le Comité a jugé que la décision ne pouvait être considérée comme « une décision dans les affaires des FC », étant donné que le DIRAC n'est pas une autorité des FC. Par conséquent, le Comité a conclu que les décisions prises par le DIRAC ne pouvaient faire l'objet d'un grief et être révisées dans le cadre du processus de règlement des griefs des FC. L'ADI a souscrit à l'avis du Comité.

L'élément clé à retenir est que les plaignants doivent fournir des précisions claires au sujet de la décision, de l'acte ou de l'omission reproché aux autorités des FC et expliquer l'impact négatif du traitement en question pour eux. Le plaignant qui ne réussit pas à démontrer en quoi il a été lésé au sens de la LDN pourrait voir son grief rejeté.

Résumé

Même si le bien-fondé d'un grief repose sur de nombreux facteurs, il est primordial que le plaignant respecte les exigences préliminaires, soit déposer son grief dans les limites des délais prescrits et démontrer que sa plainte peut faire l'objet d'un grief. Si l'une ou l'autre de ces exigences n'est pas respectée, le grief pourrait être rejeté.

Le CEMD en visite au Comité

Le Général Walter Natynczyk, a visité le 3 septembre les locaux du Comité où il a discuté avec le personnel du règlement des griefs militaires et a remercié le Comité de servir les hommes et femmes qui servent le Canada, au pays et à l'étranger.

Le Général Natynczyk avec Bruno Hamel, président du Comité.

Gén Natynczyk a aussi remis au Comité la médaille du CEMD pour rendre hommage à son dévouement et à son professionnalisme.

Le Comité joue un rôle essentiel dans le système de règlement des griefs des FC, a-t-il dit, notant que, pour les militaires, savoir qu'ils peuvent compter sur un traitement équitable contribue au leur moral et à l'esprit de corps des troupes.

Nous avons besoin du Comité, a-t-il affirmé, non seulement parce qu'il fait l'examen externe des griefs, mais parce qu'en interprétant les politiques et les façons de les mettre en application, il permet aux FC de vérifier si ces règles sont équitables et bien fondées.

En tant qu'autorité de dernière instance dans le cadre du processus, le CEMD a déclaré : Mon objectif est de voir les griefs réglés aussi rapidement, efficacement et équitablement que possible.

Je fais partie de votre équipe et je vous suis reconnaissant pour les services que vous rendez, a-t-il conclu avant de partager café et rafraîchissements avec le personnel.

Mission

Assurer l'examen indépendant et externe des griefs militaires pour renforcer la confiance des membres dans le processus des griefs des Forces canadiennes et en accroître l'équité.

Mandate

Le Comité des griefs des Forces canadiennes est un tribunal administratif indépendant qui relève du Parlement par l'entremise du ministre de la Défense nationale.

Le Comité des griefs des Forces canadiennes examine les griefs militaires qui lui sont référés, conformément à l'article 29 de la Loi sur la défense nationale, et rend des conclusions et recommandations au chef d'état-major de la Défense et au militaire qui a soumis le grief.

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